TORONTO (30 septembre 2008) – Le système de surveillance policière en Ontario n’a pas été à la hauteur de ses promesses en raison d’une culture de la « complaisance » et d’un manque de rigueur à veiller au respect des règles par la police. C’est ce qu’a déclaré l’Ombudsman de l’Ontario, André Marin, dans son tout dernier rapport spécial qui est paru aujourd’hui.
Dans Une surveillance imperceptible, M. Marin préconise l’adoption de nouvelles mesures de loi pour renforcer les pouvoirs de l’Unité des enquêtes spéciales (UES) et recommande des changements internes radicaux pour mettre fin aux « théories de conspiration » ainsi qu’aux perceptions de favoritisme pro-police qu’a le public.
« À de nombreuses reprises, nous avons entendu les membres de l’UES, comme les membres du public, nous dire que fondamentalement l’UES n’a ‘pas de mordant’ », a déclaré M. Marin dans son rapport. « De toute évidence, il faut agir pour détruire l’image de tigre édenté et de chien muselé qui est actuellement celle de l’UES, si l’on veut que l’UES gagne le respect de la police et du public. »
Parmi les graves problèmes que l’Ombudsman a constatés à l’UES, citons les retards « endémiques » et le manque de rigueur dans les enquêtes, la réticence à exiger la coopération de la police, et une culture interne excessivement influencée par la prépondérance d’anciens policiers au sein de son personnel.
En dépit de règlements de loi stipulant que tous les corps de police doivent immédiatement informer l’UES quand l’un de leurs membres est impliqué dans un incident causant une blessure grave ou un décès, l’enquête de l’Ombudsman a découvert que les notifications d’incidents sont régulièrement faites avec retard, parfois de plusieurs jours ou même de plusieurs semaines. Les entrevues avec les « policiers-témoins » sont elles aussi souvent retardées, bien que les règlements de l’UES exigent qu’elles s’effectuent dans les 24 heures suivant la requête de l’UES.
L’Ombudsman a non seulement constaté que l’UES tolère ces retards et omet d’en demander la justification, mais aussi qu’elle n’en tient aucun relevé. Ces pratiques vont complètement à l’encontre de la devise de l’UES « Une seule loi » – stipulant que les policiers et les civils devraient être traités de la même manière durant les enquêtes – et ce problème est aggravé du fait que l’UES garde un profil public bas, a ajouté M. Marin. « L’UES a une crainte presque pathologique de la controverse publique et opte systématiquement pour la voie de la moindre résistance. »
Le rapport fait 45 recommandations, préconisant entre autres que l’UES cherche fermement à découvrir les raisons de la non-collaboration de la police et qu’elle ait recours « à tous les moyens possibles » pour diversifier ses effectifs. L’Ombudsman a également recommandé que les rapports du directeur de l’UES soient rendus publics et il a demandé à la province d’apporter des amendements de loi, notamment pour que l’absence de coopération des corps de police aux enquêtes de l’UES soit considérée comme une infraction.
Cette enquête, qui est la plus vaste jamais entreprise par l’EISO, a été ouverte en juin 2007. L’équipe d’enquête a fait plus de 100 entrevues et a étudié des milliers de pages de documentation. L’UES et le ministère du Procureur général ont coopéré pleinement à l’enquête et ont bien accueilli les recommandations de l’Ombudsman, acceptant de l’informer des progrès qu’ils allaient réaliser dans leur mise en oeuvre. Toutefois, M. Marin a noté qu’il « surveillerait de près » la situation car les engagements de l’UES prenaient « la forme de généralités vagues et mièvres », tandis que la promesse faite par le Ministère de consulter les Ontariens sur les nouvelles mesures de loi était « plutôt amorphe ».
En tant qu’organisme civil qui enquête chaque fois que des policiers sont impliqués dans un incident causant de graves blessures ou un décès – et qui est en droit de porter des accusations – l’UES est tout à fait unique au Canada. Elle a été fondée en 1990, pour dissiper les inquiétudes qui entouraient le concept de « police des polices ». Avec l’enquête de M. Marin, c’est la septième fois que l’UES fait l’objet d’un examen depuis sa création.
« L’historique de la surveillance exercée sur la police en Ontario est marqué par une succession de gouvernements qui ont réagi de manière réflexive chaque fois qu’une controverse éclatait », a déclaré M. Marin dans son rapport. « L’intérêt du gouvernement à réformer l’UES a donc été le plus souvent incomplet et de courte durée. »
Depuis que l’EISO a été créée par M. Marin au printemps 2005, ses enquêtes systémiques ont déclenché des réformes dans de très nombreux programmes gouvernementaux, allant du dépistage des maladies chez les nouveau-nés au soutien des enfants ayant des besoins particuliers et des personnes handicapées, en passant par l’indemnisation des victimes d’actes criminels, ou encore le régime d’aide juridique et le système de loteries.
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