Déclaration de l’Ombudsman de l’Ontario, André Marin, à propos du financement de l’Avastin
octobre 1, 2009
1 octobre 2009
Hier, j’ai rendu public mon rapport d’enquête, Une vaste injustice, sur le processus décisionnel du ministère de la Santé et des Soins de longue durée quant au financement de l’Avastin pour les patients atteints de cancer colorectal. La prémisse fondamentale de mon rapport est la suivante : bien que le Ministère ait le droit de considérer le facteur-coût quand il décide de financer ou non un médicament anticancéreux comme l’Avastin, toute limite de durée de financement devrait s’appuyer sur de solides preuves médicales.
TORONTO (October 1, 2009) – Hier, j’ai rendu public mon rapport d’enquête, Une vaste injustice, sur le processus décisionnel du ministère de la Santé et des Soins de longue durée quant au financement de l’Avastin pour les patients atteints de cancer colorectal. La prémisse fondamentale de mon rapport est la suivante : bien que le Ministère ait le droit de considérer le facteur-coût quand il décide de financer ou non un médicament anticancéreux comme l’Avastin, toute limite de durée de financement devrait s’appuyer sur de solides preuves médicales.
Mon enquête a déterminé que la décision ministérielle de limiter le financement de l’Avastin à 16 cycles de traitement – peu importe si le médicament continue d’avoir un effet positif sur les patients – résultait d’une préoccupation de coût et était en fait contraire à la norme acceptée de soins médicaux dans cette province. Par conséquent, j’ai fait plusieurs recommandations, préconisant entre autres que le financement de l’Avastin soit prolongé au-delà des 16 cycles quand il était médicalement pertinent de le faire.
Récemment, plusieurs commentaires faits par le Ministère sur mon rapport ont été cités dans les médias et à l’Assemblée législative, commentaires qui pourraient causer une certaine confusion à propos de mes recommandations.
C’est pourquoi je fais cette déclaration, en réponse à certaines informations données publiquement, pour rétablir les faits.
1. On a rapporté que la décision prise par le Ministère d’imposer un plafond strict au financement de l’Avastin reposait sur la recommandation du Comité d’évaluation des médicaments, notamment composé d’experts médicaux et d’autres professionnels, ainsi que de deux patients.
Le rôle joué par le Comité d’évaluation des médicaments dans la prise de décision à propos du financement de l’Avastin est détaillé aux paragraphes 41 à 45 de mon rapport.
Le 12 décembre 2005, le Groupe d’étude des maladies gastro-intestinales à Action Cancer Ontario, qui est composé d’environ 30 oncologues spécialisés dans le traitement clinique du cancer colorectal, a élaboré des directives fondées sur des preuves cliniques, recommandant entre autres que l’Avastin soit utilisé avec une autre chimiothérapie pour le traitement de première ligne des patients atteints d’un cancer colorectal avancé, et ceci jusqu’à la progression de la maladie. Les directives ne suggèrent pas qu’un plafond soit imposé au nombre de traitements pris en charge.
Le 14 décembre 2005, un sous-comité composé de dirigeants d’Action Cancer Ontario et de membres du Comité d’appréciation des médicaments et des thérapeutiques (maintenant appelé Comité d’évaluation des médicaments) a recommandé que le Ministère finance l’Avastin pour le traitement de première ligne des patients atteints de cancer colorectal métastatique, et ceci jusqu’à la progression de la maladie.
Le 11 janvier 2006, le Comité d’appréciation des médicaments et des thérapeutiques a considéré s’il devait recommander ou non le financement de l’Avastin par l’Ontario. Le comité a conclu que l’Avastin n’était pas rentable, comparé à d’autres médicaments, et a voté de ne pas recommander sa prise en charge par le Ministère. Le comité n’a pas considéré la possibilité d’imposer un plafond au financement. Le Ministère a accepté la recommandation du comité.
Rien n’indique que le Ministère ait consulté le comité à nouveau, par la suite, sur le financement de l’Avastin pour les patients atteints de cancer colorectal.
Le paragraphe 53 de mon rapport indique que les dirigeants d’Action Cancer Ontario ont fait une présentation au Ministère, en avril 2008, durant laquelle il a été question du financement de l’Avastin. L’une des recommandations faites alors préconisait que le Ministère prenne en charge ce médicament. Mais là encore, aucune suggestion n’a été faite quant à un plafond de 16 cycles de traitement que devrait imposer le Ministère.
Les paragraphes 56 à 61 de mon rapport montrent que c’est le Ministère qui a recueilli sciemment des renseignements sur le coût du financement de l’Avastin, pour diverses durées, et qui a déterminé que 16 cycles de traitement suffiraient à répondre aux besoins de la majorité des patients.
2. On a aussi rapporté que la décision prise par le Ministère de limiter le financement de l’Avastin à 16 cycles reposait sur les résultats d’études cliniques.
Le paragraphe 81 de mon rapport montre que tous les essais cliniques concernant l’Avastin portaient sur le traitement de patients jusqu’à la progression de la maladie (c’est-à-dire jusqu’au point où ce médicament cesse d’inhiber la croissance des tumeurs). La réponse des patients à ce médicament varie. Ainsi, la durée médiane du traitement pour l’une des études cliniques était de 17 cycles, ce qui signifie que la moitié des patients participant à l’essai avaient besoin de moins de 17 cycles, tandis que l’autre moitié des patients avaient besoin de plus. Rien dans les études ne suggérait que le traitement à l’Avastin devrait cesser avant 17 cycles; les études concluaient simplement que le traitement devrait cesser quand la maladie commençait à progresser chez un patient.
Les paragraphes 67 à 78 de mon rapport présentent en détail les renseignements que nous avons reçus à propos de la justification du plafond à 16 cycles de traitement. Les oncologues que nous avons interviewés nous ont déclaré qu’ils ne comprenaient pas la raison d’être de cette limite. Même certains dirigeants ministériels ont reconnu qu’il n’existait pas de raison clinique pour justifier ce plafond et ont confirmé que la décision de limiter le financement était d’ordre purement financier. Les directives du Groupe d’étude des maladies gastro-intestinales de Cancer Ontario, ainsi que d’autres directives provinciales et internationales, continuent de recommander l’Avastin jusqu’à la progression de la maladie. C’est également ce que recommande le fabricant de ce médicament.
Le Ministère a reçu un exemplaire de mon rapport préliminaire et a eu la possibilité d’y répondre. Sa réponse officielle est incluse en annexe à mon rapport final. Le Ministère n’a pas contesté les faits présentés aux paragraphes auxquels j’ai fait référence dans cette déclaration.
3. On a rapporté que les patients pouvaient faire une demande dans le cadre de la politique d’accès au financement des médicaments pour raisons humanitaires, afin de demander le prolongement de la prise en charge de l’Avastin.
Le Ministère a tout d’abord suggéré que les patients pourraient faire une demande dans le cadre de la politique de financement pour raisons humanitaires, pendant qu’il élaborerait une nouvelle politique spécifique pour les produits oncologiques, en réponse à mon rapport préliminaire. La réponse du Ministère est donnée en annexe à ce rapport et elle est examinée aux paragraphes 123 à 137.
Mais d’après les renseignements fournis par le Ministère sur la manière dont sa politique actuelle s’appliquerait aux patients faisant une demande de financement de l’Avastin – y compris l’avis d’un oncologue émérite que nous avons consulté – j’ai conclu que la politique de financement des médicaments pour raisons humanitaires n’apporterait aucune aide réaliste à ces patients. En effet, pour être admissibles à une prolongation de financement, les patients devraient avoir essayé d’autres traitements, qui auraient échoué, ou devraient avoir donné la preuve qu’aucun autre schéma posologique pris en charge ne pouvait être envisagé pour eux, par exemple pour des raisons de contre-indication ou d’intolérance. Ceci n’est pas vraiment faisable pour les patients traités à l’Avastin, étant donné qu’il s’agit d’un traitement de première ligne utilisé avant toute autre option.
4. On a rapporté que mon rapport et mes recommandations en faveur de l’élimination du plafond strict à 16 cycles de traitement reposaient sur des faits empiriques et des facteurs émotionnels, plutôt que sur des preuves cliniques et médicales.
Mon rapport relate l’expérience personnelle vécue par des patients souffrant de cancer et la lutte menée par eux pour continuer d’obtenir le financement de l’Avastin, sur les conseils de leurs oncologues. Mais mon rapport indique clairement, documentation à l’appui, que mes constats, mes conclusions et mes recommandations reposent sur des renseignements obtenus auprès de diverses sources, dont des études cliniques, des preuves de spécialistes médicaux en Ontario et dans d’autres instances, ainsi que des preuves documentaires et orales de dirigeants ministériels.
– André Marin, Ombudsman de l’Ontario
1er octobre 2009
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