« Équilibre des contrôles de routine »
Présentation en réponse à la consultation du ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels sur la réglementation des contrôles de routine proposée par l’Ontario
André Marin
Ombudsman de l'Ontario
31 août 2015
Table des matières
1Quel que soit le nom que vous utilisiez – contrôles de routine, contacts communautaires, ou fichage[1] – l’interpellation arbitraire de quelqu'un par la police dans la rue, l'obtention de données d'identification et de renseignements personnels, et la consignation des interactions à des fins d’une possible utilisation future, sont de plus en plus remises en question. Certains responsables de la police affirment que les contrôles de routine peuvent contribuer à élucider et à prévenir les crimes, ainsi qu'à assurer la sécurité des communautés. En revanche, les critiques condamnent cette pratique qu’ils jugent anticonstitutionnelle, discriminatoire (elle vise de manière disproportionnée les personnes racialisées et marginalisées), destructive des relations et de la confiance entre les communautés et les services de police.
2Je crois depuis toujours que les contrôles de routine sont répréhensibles et illégaux et je l’ai dit lorsqu’on m’a interrogé à ce sujet le 28 juillet 2015 durant ma conférence de presse lors de la parution de mon tout dernier Rapport annuel. À mon avis, les contrôles de routine s’apparentent aux expériences que des citoyens ont vécues durant le sommet du G20 à Toronto en juin 2010. Après avoir enquêté sur les circonstances de cet événement, j’ai conclu que la détention de milliers de citoyens par des policiers dans les rues de la ville, en vertu d’une loi douteuse sur le plan constitutionnel, représentait une atteinte massive aux droits civils[2].
3Les pressions croissantes en vue de réformer les méthodes de contrôles de routine cet été ont mené le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels à annoncer, le 30 juillet 2015, l’ouverture d’une consultation publique visant à garantir que les interactions entre les policiers et les citoyens sont impartiales, uniformes et propices à promouvoir la confiance du public. Selon le Ministère, une ébauche de réglementation sur les contrôles de routine, accompagnée de directives, sera affichée après le processus de consultation.
4J’ai rencontré le sous-ministre et des cadres supérieurs du Ministère le 12 août 2015 pour leur faire part de mon opinion dans le cadre de cette consultation. À mon avis, voici les points essentiels à retenir :
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Interpeller des citoyens sans motif objectif et raisonnable de croire qu’ils peuvent être impliqués dans une infraction criminelle récente ou en cours, ou qu'il existe des motifs raisonnables et probables de les arrêter, est inconstitutionnel – c’est une forme de détention arbitraire qui transgresse l’article 9 de la Charte canadienne des droits et libertés.
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Le prétendu avantage des contrôles de routine – soit leur efficacité en tant qu’outil qui permet à la police de renforcer la sécurité publique – n'est pas conforme à la clause des limites raisonnables, énoncée à l’article 1 de la Charte.
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Les effets néfastes des contrôles de routine sur les citoyens et sur la communauté sont tout simplement trop importants pour justifier de telles pratiques.
5Si le gouvernement persiste à vouloir autoriser et réglementer les contrôles de routine, il devra mettre en place d’importantes mesures de protection pour minimiser la transgression des droits civils personnels et sauver la confiance de la communauté envers la police dans la province.
6Dans cette présentation, j’examine la loi sur la détention arbitraire, observe la manière dont elle s’applique aux contrôles de routine, et réponds au processus de consultation du Ministère, en proposant notamment plusieurs recommandations.
7Précisons dès le départ qu’une critique des contrôles de routine ne constitue aucunement une tentative de porter atteinte aux pratiques policières exemplaires. En règle générale, les policiers sont en droit d’obtenir des renseignements de diverses sources. Ils ont toute liberté de recueillir de l’information et de l’analyser pour déceler des schémas et des liens essentiels, afin de mieux prévenir et élucider les crimes. En revanche, dans des sociétés démocratiques comme la nôtre, des limites sont imposées aux moyens utilisés par les policiers pour obtenir des renseignements. Même si un accès illimité au domicile et aux renseignements personnels de chacun pouvait probablement contribuer à résoudre les problèmes de criminalité et à renforcer la sécurité publique, les Canadiens estiment que des limites raisonnables devraient s'imposer aux pouvoirs policiers. D'ailleurs, c’est pourquoi nous avons la Charte des droits et libertés.
8Conformément à l’article 9 de la Charte, chacun a droit à la protection contre la détention arbitraire et les policiers doivent respecter ce droit quand ils tentent de recueillir des renseignements.
9Au Canada, les gens ont le droit de circuler librement dans les rues publiques[3]. Les policiers n'ont pas légalement le droit d'interpeller des citoyens. Chaque fois qu’un policier demande à une personne de s’arrêter, celle-ci est libre de continuer son chemin. Par contre, les circonstances changent quand il y a détention, c'est-à-dire quand la liberté de quelqu’un se trouve restreinte, par contrainte ou coercition[4]. Les policiers peuvent légalement détenir une personne s’ils croient, partant de soupçons raisonnables, qu'elle est peut être impliquée dans une infraction criminelle récente ou en cours, ou qu'il existe des motifs raisonnables et probables de l'arrêter[5]. Lefat que des policiers aient l'impression que quelqu’un se conduit de manière suspecte ne constitue pas une raison objective de détention[6]. Quand des personnes sont détenues, elles sont en droit d’être informées des raisons et de consulter un avocat[7].
10Si quelqu’un coopère volontairement avec les policiers, il n’y a pas détention[8]. Toutefois, les cours ont reconnu qu’il existait des dynamismes sociaux et des déséquilibres de pouvoir, et qu’un individu pouvait parfois se sentir en détention psychologique quand il était arrêté et questionné par la police[9]. Les cours tiennent compte de plusieurs facteurs pour déterminer s’il y a eu détention psychologique, notamment des éléments suivants : la personne a-t-elle raisonnablement perçu qu’elle était retenue pour une enquête ciblée? quelle était la nature de la conduite des policiers (dont les mots employés, le lieu de l’interaction et sa durée), l’âge, la stature physique, l’appartenance à une minorité et le degré de discernement de la personne interrogée[10]?
11Sauf en cas de consentement explicite et éclairé à participer à un contrôle de routine, on peut raisonnablement présumer que bon nombre des personnes arrêtées et questionnées par des policiers vivent une détention psychologique. Une enquête récente auprès des résidents d’un quartier de Toronto, financée par le Toronto Police Services Board, a conclu que 69,5 % des participants soumis à un contrôle de routine ne s’étaient pas sentis libres de quitter les lieux[11].
12Une détention, physique ou psychologique, est arbitraire si aucun critère explicite ou implicite ne régit son exercice[12]. Actuellement, les contrôles de routine ne font l’objet d’aucun critère uniforme à l’échelle de la province, et les méthodes employées par les différents services de police s’avèrent souvent officieuses, peu claires, incohérentes. La plus récente politique du Toronto Police Services Board sur les contacts communautaires vise à imposer plus de contrôles à cette pratique, mais elle reste à mettre en œuvre.
13Fondamentalement, un contrôle de routine – sauf s’il constitue une détention autorisée en vertu de la loi actuelle – est une forme de détention arbitraire et illégale.
14À Toronto, où les contrôles de routine, connus localement sous le nom de « fichage », sont utilisés régulièrement depuis des années, les policiers demandent généralement à une personne interpellée qu’elle montre une pièce d’identité, et les renseignements qu’ils consignent incluent son nom, son âge, son sexe, sa race, la couleur de sa peau, son adresse, ses caractères physiques et le nom de ses associés[13]. Bien que le Toronto Police Services Board affirme que cette méthode lui ait permis de conclure avec succès au moins 110 enquêtes importantes[14], aucune preuve tangible ni détails concrets n’ont été communiqués pour étayer cette affirmation. Il ne faut donc pas s’étonner que les contrôles de routine effectués à Toronto aient mené récemment à une contestation constitutionnelle[15].
15La politique de contacts communautaires du Toronto Police Services Board a été modifiée en raison des vives critiques sur les contrôles de routine par les policiers. La nouvelle politique stipule que les individus peuvent uniquement être interpellés et questionnés dans un « objectif valide de sécurité publique », qui comprend le processus d’enquête sur une infraction précise ou une série d’infractions, la prévention d’une infraction précise, ou la nécessité de s’assurer que le sujet du contact communautaire n’est pas en danger[16]. La pleine mise en œuvre de cette politique est dans l’attente de procédures pertinentes, qui relèvent du chef du Service de police de Toronto. Toutefois, cette politique fournit une certaine orientation, indiquant par exemple que la procédure employée doit garantir que les membres de la communauté connaissent dans toute la mesure du possible, en fonction des circonstances, leur droit de quitter les lieux et la raison du contact avec les policiers[17].
16À Ottawa, la procédure officieuse est de faire uniquement des contrôles de routine quand les policiers soupçonnent qu’il y a une activité criminelle. Contrairement au Service de police de Toronto, le Service de police d’Ottawa ne voit pas l’intérêt des contrôles de routine aléatoires. Lors d’un examen récent, ce service a précisé ce qui suit :
Les contrôles de routine aléatoires ne sont pas acceptables et le SPO croit qu’ils mènent à recueillir des renseignements inutiles pour élucider ou prévenir les crimes[18].
17Le Regional Municipality of Peel Police Services Board procède actuellement à un examen public complet des méthodes de contrôles de routine. Les médias ont fait savoir que le Service de police de Peel applique une directive en vertu de laquelle ces contrôles sont permis pour les raisons suivantes:
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Fouiller un suspect ou des suspects, à la suite d’une infraction dans le cadre de laquelle une entrevue de rue pourrait contribuer à identifier les coupables.
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Un secteur identifié d’activités contraires à une loi pénale, provinciale ou municipale.
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La vérification d’individus dans de strictes conditions, relativement à toute ordonnance juridique.
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Des renseignements fournis à des policiers au début de leur quart de travail, au sujet de personnes recherchées, d’incidents et d'enquêtes majeurs, et de données d'alerte issues de l’analyse des tendances d'activités criminelles.
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La détention temporaire d’un conducteur de véhicule pour enquêter sur un crime éventuel ou une infraction à une loi provinciale ou fédérale.
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Un comportement suspect qui peut être considéré comme inhabituel ou sortant de l'ordinaire[19].
18La chef de la Police régionale de Peel a déclaré publiquement que les contrôles de routine effectués par son service n’étaient pas aléatoires, ne ciblaient pas des groupes d’individus particuliers, et que tous les policiers doivent suivre la politique du service[20]. Elle a aussi souligné que l’objectif de ces contrôles est de « consigner les interactions des policiers avec des individus vus dans des circonstances suspectes »[21].
19Fait intéressant à souligner, chacune de ces trois politiques considère que les contrôles de routine surviennent d’une manière qui viole les obligations légales relatives à l'autorisation de la détention. Toutes trois autorisent les policiers à effectuer des contrôles de routine sans avoir un soupçon raisonnable que les personnes interpellées puissent être impliquées dans une activité criminelle récente ou en cours.
20En vertu de l’article 1 de la Charte, le droit à la protection contre une détention arbitraire ne peut être restreint que « par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique »[22]. Actuellement, les contrôles de routine ne sont pas une restriction de droit à la Charte, mais ils le seront si la province édicte une réglementation prescrivant les circonstances dans lesquelles ils peuvent être autorisés. Même alors, la réglementation devra survivre à une contestation constitutionnelle. Vu les preuves actuelles, on peut se demander si la justification de cette restriction des libertés civiles pourra se démontrer.
21Pour déterminer la constitutionnalité d’une transgression des droits en vertu de la Charte, les cours tiennent compte des éléments suivants :
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Importance de l’objectif.
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Lien rationnel entre la restriction proposée et l’objectif.
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Le moyen le moins radical a-t-il été utilisé pour parvenir à l’objectif?
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Proportionnalité : Les effets de la restriction doivent être proportionnels à l’objectif de la restriction des droits[23].
22À la lumière de ces considérations, les contrôles de routine ne sont pas conformes aux normes constitutionnelles.
23Bien que les contrôles de routine puissent répondre à un objectif social important – soit garantir la sécurité du public – il est difficile de voir comment la détention arbitraire de citoyens est liée rationnellement à cet objectif. En règle générale, les cours exigent des analyses statistiques et des études indépendantes pour établir un lien rationnel entre un objectif de la loi et la transgression d’un droit en vertu de la Charte[24]. Jusqu’à présent, les renseignements existants sur le potentiel des contrôles de routine pour la sécurité du public restent purement subjectifs et empiriques. Il n’existe pas d’études indépendantes ou d’analyses statistiques pour confirmer que cet outil de police a présenté des avantages notables en vue d'élucider ou de prévenir les crimes. En outre, comme précisé précédemment, deux grands services de police – soit ceux d’Ottawa et de Toronto – ont des avis contradictoires sur l’efficacité des contrôles de routine aléatoires pour l’amélioration de la sécurité du public.
24Un contrôle de routine n’est pas qu’un désagrément mineur. À Toronto par exemple, il peut falloir 10 minutes ou plus aux policiers pour poser leurs questions et prendre note des renseignements personnels recueillis. Les policiers disposent de diverses méthodes moins répressives pour recueillir de l’information, dont des interactions pleinement consensuelles et volontaires.
25Les effets néfastes des contrôles de routine sont en outre disproportionnés par rapport à tous leurs prétendus avantages. Ils peuvent avoir des répercussions négatives réelles et durables sur la vie des personnes dont les renseignements sont recueillis. Des personnes qui ont dû subir de tels contrôles ont décrit de manière convaincante la perte de dignité et la peur liées à ces interactions avec des policiers[25]. L’enquête menée à Toronto et mentionnée ci-dessus a aussi conclu que 48,2 % des gens soumis à un fichage avaient déclaré que le policier leur avait parlé de manière irrespectueuse[26], tandis que 38,7 % de ce même groupe ont dit avoir été « encerclés et intimidés par la police »[27]. Beaucoup ont aussi ressenti d’autres émotions négatives, comme l’anxiété et la dépression, après un fichage[28].
26À Toronto, les vérifications d’antécédents habituelles peuvent révéler qu’une personne a fait l’objet d’un contrôle de routine, même si les circonstances de l’interaction avec la police étaient complètement anodines[29]. Apparemment, un parent pourrait se voir interdire de faire du bénévolat dans une école, ou ne pas obtenir un emploi, si une vérification de ses antécédents révèle qu'il existe une fiche de sécurité communautaire à son nom[30]. De plus, le Service de police de Toronto admet avoir utilisé les renseignements recueillis lors des contrôles de routine pour « exclure » certains candidats à ses emplois[31]. Certes, s’il est adopté, le Projet de loi 113 proposé par le gouvernement, Loi de 2015 sur la réforme des vérifications de dossiers de police, imposera certaines limites à la divulgation de renseignements obtenus lors des contrôles de routine, mais les avantages de recueillir et de conserver cette information restent fort discutables.
27Malheureusement, la valeur des contrôles de routine en tant qu’outil de police est négligeable comparativement aux torts inévitables qu'ils causent à la réputation. Récemment, le Service de police de Toronto a reconnu qu'il risque de voir s'éroder la confiance du public quand ses méthodes opérationnelles entraînent, intentionnellement ou non, l’aliénation d’individus ou de groupes au sein de la société[32]. Des groupes d’intervenants, des médias et des particuliers directement touchés ont argumenté avec passion et persuasion que ces méthodes créent plus de problèmes qu’elles n'en règlent, et qu'elles présentent un obstacle majeur au renforcement de la confiance du public envers la police et à sa coopération aux enquêtes criminelles[33]. L’enquête effectuée à Toronto montre aussi que les personnes qui ont fait l’objet de contrôles de routine ont moins tendance à appeler les services de police en cas de problèmes, et sont davantage portées à s’en méfier[34].
28En cernant les paramètres de discussion au sujet des contrôles de routine, le Ministère a adopté pour hypothèse que « les contrôles de routine par la police, s'ils sont exécutés dans les règles, constituent un outil nécessaire et important dont la police a besoin pour assurer la sécurité communautaire »[35]. Le but de son exercice de consultation est de parvenir à une norme unique et claire de réglementation qui autorisera cette pratique, tout en respectant les droits et libertés fondamentaux. Le Ministère a l’intention de maintenir les contrôles de routine, mais il espère éviter les critiques liées au caractère aléatoire, à la discrimination et à la victimisation qu'ils suscitent actuellement.
29Je considère que ce postulat est erroné. Avant de rédiger un document de réglementation, le Ministère devrait s’assurer qu’il existe des données objectives, probantes et indépendantes pour montrer que les contrôles de routine donnent des résultats concrets et notables en vue d’élucider et de prévenir les crimes. Il ne devrait pas simplement accepter les protestations subjectives et empiriques de ses partenaires du secteur policier. Toute future réglementation ne survivra à un examen constitutionnel que si le gouvernement peut clairement prouver qu’il existe suffisamment de preuves que l’utilisation de cet outil de police constitue une importante mesure de sécurité pour le public. Actuellement, les preuves en ce sens font défaut, tout simplement.
30Si le Ministère découvre qu’il existe des preuves indépendantes et objectives de justifier l’utilisation des contrôles de routine, il devrait communiquer publiquement les résultats de ses recherches et expliquer pourquoi il est si essentiel de continuer d'appuyer ces méthodes. Justifier cette pratique dans l’ouverture et la transparence devrait lui permettre de renforcer la confiance du public. En revanche, s'il ne définit pas clairement et objectivement les raisons probantes de promouvoir les contrôles de routine, la confiance du public envers cette pratique continuera de s'effriter.
31Le Ministère devrait aussi consulter des experts indépendants en matière de confidentialité, droits de la personne et droit constitutionnel pour garantir que toute réglementation sur les contrôles de routine soit rédigée conformément à la loi, dans un juste équilibre entre l’efficacité du maintien de l’ordre et le respect des droits civils.
32Le Ministère devrait aussi veiller à ce que les contrôles de routine ne soient pas autorisés à titre spéculatif, c'est-à-dire uniquement pour recueillir des données susceptibles d’être utiles à l’avenir. En règle générale, les contrôles de routine devraient être restreints aux situations où ils sont liés à un objectif d’enquête clair et précis.
33En outre, au lieu que chaque policier entre directement les renseignements recueillis lors d’un contrôle de routine dans les bases de données du service de police, un superviseur devrait avoir la responsabilité de les vérifier pour confirmer qu’il y avait une raison d'effectuer ce contrôle de routine et qu’elle était conforme aux exigences de la réglementation.
34J’ai plusieurs recommandations à faire en réponse aux questions du Ministère, en commençant par son approche générale concernant toute réglementation proposée :
Recommandation 1
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait effectuer des recherches approfondies pour confirmer que les contrôles de routine constituent un outil efficace de police, en s’appuyant sur des analyses statistiques indépendantes et objectives et des études probantes avant d’ébaucher une réglementation au sujet de cette pratique.
Recommandation 2
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait faire rapport publiquement de toute recherche et étude indépendante confirmant que les contrôles de routine constituent un outil efficace de police pour élucider et prévenir les crimes.
Recommandation 3
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait consulter des experts indépendants en matière de confidentialité, de droits de la personne et de droit constitutionnel pour garantir que toute réglementation des contrôles de routine est justifiée en droit et présente un équilibre approprié entre les intérêts de maintien de l’ordre et les droits civils.
Recommandation 4
Toute réglementation des contrôles de routine devrait restreindre leur utilisation aux situations où des renseignements sont recueillis dans un objectif d’enquête identifiable et précis.
Recommandation 5
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait stipuler que chaque service de police devrait désigner un superviseur chargé d'examiner les renseignements recueillis lors des contrôles de routine et de confirmer que ces contrôles étaient conformes aux exigences de réglementation, avant de saisir l’information dans la base de données du service de police concerné.
35Quand les gens parlent des contrôles de routine, c’est généralement pour évoquer des situations où des policiers ont interpellé et questionné des jeunes et des adultes racialisés (souvent des hommes), qui se trouvaient dans des quartiers de forte criminalité, ou dont la présence paraissait suspecte dans d’autres quartiers. En règle générale, un contrôle de routine ne semble aucunement lié à une enquête criminelle précise, ni même à un objectif valide d’enquête.
36Dans ce contexte, j’ai été surpris de voir l’exemple choisi par le Ministère pour illustrer dans quelles circonstances un contrôle de routine peut se produire :
Des contrôles de routine sont menés par la police afin d’interagir avec des particuliers, dont les activités et la présence dans leurs circonstances générales (p. ex., lieu, heure, comportement, etc.) semblent sortir de l’ordinaire, et de consigner ces interactions. Par exemple, si un agent de police voit une personne apparemment en train de traîner, tard dans la nuit, dans une zone connue pour son nombre fréquent d’introductions par effraction, il doit pouvoir demander à cette personne ce qu'elle fait là et exiger qu’elle lui décline son nom et d’autres renseignements personnels permettant de l’identifier. Ces renseignements pourraient ensuite être saisis dans une base de données policière afin que d’autres policiers soient informés de l’activité suspecte de cette personne et qu’ils puissent la surveiller[36].
37Je trouve ce scénario quelque peu trompeur. Hormis le fait que le vagabondage est en soi une infraction criminelle, on peut imaginer que cette situation factuelle, dans certaines circonstances, puisse mener à un soupçon raisonnable et objectif que l’individu est impliqué dans une infraction criminelle récente ou en cours, justifiant la détention. De toute évidence, l’exemple cité par le Ministère ne reflète pas l’expérience racontée par de nombreuses personnes interpellées par la police et soumises à un contrôle de routine.
38De même, la Police Association of Ontario a récemment rendu publics les résultats d’un sondage en ligne mené auprès de 1 350 personnes sur les contrôles de routine[37]. Ce sondage a conclu que le pourcentage des participants qui appuyaient les contrôles de routine passait de 24 à 40 % quand on leur avait donné des exemples précis. Cependant, les exemples sensationnalistes fournis ne reflétaient guère la réalité des pratiques sujettes aux critiques. Ainsi, l’examen des pneus de la voiture de Russell Williams, condamné pour meurtre, est caractérisé comme un contrôle de routine. Le sondage laisse aussi entendre que les renseignements recueillis lors d’un contrôle de routine ont mené à l’arrestation du tueur en série et délinquant sexuel Paul Bernardo en 1993. L’argument voulant que les criminels notoires échappent à toute attention sans des contrôles de routine est malhonnête et alarmiste. Le fait que, même avec ces exemples exagérés, la majorité des participants au sondage n’ont pas appuyé les contrôles de routine, ou n’avaient pas d’avis à leur sujet, est révélateur.
39Ces exemples, s’ils sont exacts, présentent bien peu de ressemblance avec les expériences réelles partagées publiquement par les victimes de contrôles de routine, durant lesquels celles-ci disent avoir été intimidées et contraintes, souvent dans leur quartier de résidence, sans aucune raison apparente.
40CEn examinant les préoccupations exprimées par les intervenants au sujet des contrôles de routine, j’espère que le Ministère gardera à l’esprit les preuves données par des individus qui ont récemment vécu de tels contrôles personnellement.
Recommandation 6
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait examiner attentivement les preuves présentées par les victimes de contrôles de routine inappropriés, pour s’assurer qu’il comprend la portée réelle des méthodes actuelles de ces contrôles en Ontario.
41Dans son document de consultation, le Ministère a laissé entendre que les contrôles de routine pourraient être ainsi définis :
Un contrôle de routine pourrait être défini comme une interaction volontaire entre un agent de police et un membre du public au cours de laquelle l'agent de police demande à la personne de lui fournir des renseignements, qui sont ensuite enregistrés dans une base de données policière.
42Si une interaction avec un policier est complètement volontaire, elle ne constitue pas une détention arbitraire. Cependant, étant donné le droit d’être protégé d’une détention arbitraire et vu la possibilité que les individus se croient en détention psychologique lors d’une interaction avec la police, le recours aux contrôles de routine devrait être clairement circonscrit si cette pratique est autorisée. Toute réglementation devrait uniquement autoriser les contrôles de routine dans des circonstances limitées et précisément définies, conformément à un objectif clair, constitutionnellement justifiable et distinctement exprimé de sécurité publique.
43Les contrôles de routine volontaires sont volontaires uniquement dans la mesure où les personnes qui en font l’objet comprennent pleinement leurs droits, ainsi que les répercussions de leur collaboration avec les requêtes des policiers. Le Ministère devrait s’assurer qu’en vertu de toute réglementation, les policiers aient pour obligation d’obtenir et de consigner le consentement éclairé à un contrôle de routine. En d’autres termes, avant de poser des questions, les policiers devraient être tenus d’aviser les personnes, en langage clair, qu'elles ne sont pas obligées de s’arrêter et de répondre, qu'elles sont en droit de quitter les lieux en tout temps et de refuser de répondre à certaines questions, ou à toutes. Les policiers devraient aussi expliquer quels renseignements seront conservés et quelle utilisation pourrait en être faite. Ces interactions devraient être enregistrées, de préférence en temps réel, grâce à des caméras corporelles.
44Pour minimiser leurs répercussions potentiellement négatives, les contrôles de routine devraient être brefs, objectifs, exempts de confrontation, et s'articuler sur des questions ouvertes et exploratoires posées par les policiers.
45Des directives claires de réglementation devraient aussi être données quant aux renseignements que les policiers peuvent demander durant un contrôle de routine. L'information recueillie devrait être liée à un objectif d’enquête identifiable. Dans les circonstances appropriées, ceci pourrait inclure la collecte de renseignements personnels (nom, date de naissance, adresse). La collecte de renseignements à caractère racial et démographique pourrait aussi contribuer à l’intégrité des contrôles de routine, car ces renseignements pourraient faire l’objet d’une surveillance permettant d’éviter une utilisation inappropriée, faite pour cibler des groupes raciaux ou d'autres groupes identifiables.
46Afin de contrecarrer l’incohérence actuelle des pratiques en vigueur dans la province ainsi que les critiques sur l’étendue des renseignements recueillis lors des contrôles de routine, le Ministère devrait également concevoir un formulaire obligatoire pour ces contrôles, indiquant à quels sujets les policiers sont autorisés à poser des questions. De plus, les policiers devraient être tenus de consigner les raisons de leur contrôle de routine.
47Je recommande donc ce qui suit, quant à la manière dont toute réglementation des contrôles de routine devrait encadrer cette pratique :
Recommandation 7
La réglementation sur les contrôles de routine devrait définir le pouvoir légal et l’objectif de sécurité publique des contrôles de routine, ainsi que les normes qui s’appliquent à eux, et donner des descriptions détaillées des circonstances limitées dans lesquelles ils peuvent s'effectuer.
Recommandation 8
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait stipuler que les policiers sont tenus d’informer les personnes interpellées, en langage clair, qu’elles ne sont pas obligées de s’arrêter ou de répondre à leurs questions, et de leur dire quels renseignements seront notés, et à quelles fins, si elles acceptent de coopérer.
Recommandation 9
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait couvrir le sujet des communications avec les personnes soumises à ces contrôles, en indiquant notamment que les contrôles de routine devraient être brefs, exempts de confrontation, articulés sur des questions ouvertes et exploratoires.
Recommandation 10
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait indiquer précisément quels renseignements peuvent être recueillis lors d'un tel contrôle et exiger des policiers qu’ils documentent la raison de la collecte d’information recueillie auprès des personnes qui y sont soumises.
Recommandation 11
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait concevoir un formulaire obligatoire à utiliser durant les contrôles de routine, qui indique les sujets sur lesquels il est permis de poser des questions.
48Les mineurs sont tout particulièrement vulnérables durant les interactions avec des policiers et ils ont droit à des protections supplémentaires. La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents stipule que ce système met l’accent sur « la prise de mesures procédurales supplémentaires pour leur assurer un traitement équitable et la protection de leurs droits, notamment en ce qui touche leur vie privée »[38]. Un adolescent détenu par la police a le droit de consulter ses parents, un adulte en qui il a confiance et/ou un avocat[39]. Les policiers peuvent certainement détenir et arrêter des adolescents en vertu de la loi actuelle. En revanche, toute réglementation sur les contrôles de routine devrait exempter expressément les personnes de moins de 18 ans de ce processus supplémentaire de collecte des renseignements.
Recommandation 12
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait interdire ces contrôles pour les individus de moins de 18 ans.
51Quiconque a fait l’objet d’un contrôle de routine devrait obtenir un compte rendu de l’interaction, incluant la date, l’heure et les noms des personnes présentes (avec les numéros d’insigne des policiers impliqués), les renseignements recueillis, une explication de la manière dont ils pourraient être utilisés et les conditions de leur conservation. Idéalement, ces renseignements devraient être communiqués sur-le-champ, grâce à une technologie similaire à celle utilisée pour donner des contraventions dans certaines municipalités.
52Les personnes soumises à des contrôles de routine devraient aussi avoir la possibilité de rectifier rapidement toute erreur quant aux renseignements recueillis à leur sujet.
Recommandation 15
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait exiger des policiers qu’ils fournissent aux personnes contrôlées un compte rendu de l’interaction, incluant la date, l’heure, les noms des personnes présentes, les numéros d’insigne des policiers impliqués, les renseignements recueillis, une explication de la manière dont ces renseignements pourraient être utilisés, ainsi que les conditions de leur conservation.
Recommandation 16
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait stipuler que les personnes contrôlées sont en droit de demander à un service de police de rectifier les erreurs et exiger que les services de police créent et divulguent un processus rapide de rectification des erreurs dans les dossiers de contrôles de routine.
53Actuellement, les services de police conservent les renseignements recueillis lors des contrôles de routine durant des périodes indéterminées, en prévoyant que ces renseignements puissent devenir utiles par la suite – et ceci selon diverses méthodes locales de gestion des dossiers. Pour garantir le respect de la vie privée et l’intégrité du processus de collecte des renseignements, ainsi que l'uniformité de la conservation des renseignements personnels obtenus lors de tels contrôles, les dossiers devraient être détruits dans un délai court – soit environ sept jours. Les seules exceptions devraient être les situations dans lesquelles il existe une raison continue, précise et valide d’enquête pour justifier la conservation de ces renseignements – et dans de telles circonstances, les raisons devraient être officiellement documentées.
54Quand les renseignements sont conservés pour une raison d’enquête valide, ils devraient aussi faire l’objet d’évaluations régulières afin de garantir que la conservation des données reste justifiée – sinon ils devraient être détruits. Ces dispositions sur la conservation des dossiers devraient supplanter toute réglementation, procédure ou pratique locale de gestion des dossiers.
55Les services de police devraient aussi être tenus de détruire, dans des délais limités, les données obtenues lors de contrôles de routine non conformes aux normes de réglementation.
Recommandation 17
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait aborder la question de la conservation des renseignements et stipuler que les dossiers des contrôles de routine devraient être détruits dans des délais donnés, quelles que soient les exigences locales de conservation, à moins qu’il n’existe une raison documentée, continue et précise d’enquête pour justifier leur conservation.
Recommandation 18
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait stipuler que si les renseignements sont conservés pour une raison valide d’enquête, ils devraient faire l’objet d’évaluations régulières afin de garantir que leur conservation reste justifiée, sinon ils devraient être détruits.
Recommandation 19
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait exiger que les données obtenues avant la mise en œuvre de la réglementation, et qui ne sont pas légalement conformes aux exigences de conservation, soient détruites dans des délais donnés.
56Les contrôles de routine soulèvent des préoccupations quant aux aspects juridiques, aux droits de la personne et à la protection de la vie privée, et ils devraient être surveillés de près pour éviter les abus. Les services de police devraient être contraints de conserver des statistiques sur le nombre de contrôles de routine, les circonstances qui les ont motivés, et identifier les caractéristiques personnelles des personnes contrôlées, en particulier les éléments qui pourraient donner des raisons de s’inquiéter quant à un ciblage inapproprié de groupes protégés en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario.
57Des statistiques devraient aussi être gardées sur la conservation de l’information recueillie lors des contrôles de routine et sur les accusations qui en ont résulté, pour pouvoir évaluer par la suite l’efficacité de cet outil de police en matière d'enquêtes. Chaque année, les statistiques devraient être communiquées au Ministère et analysées en vue de discerner des tendances, et l’information devrait être communiquée publiquement.
58Un organisme de surveillance externe et indépendant devrait aussi être créé, distinct du Bureau du directeur indépendant de l’examen de la police, et spécialisé dans les divers intérêts liés aux contrôles de routine en matière de constitution, de droits de la personne, de maintien de l’ordre et de respect de la vie privée. Cet organisme devrait se voir confier la responsabilité et le pouvoir de procéder à des vérifications et à des examens officiels des services de police, pour garantir le respect des normes, de la formation et de la gestion des dossiers de contrôles de routine. Cet organisme devrait aussi pouvoir répondre aux plaintes individuelles et systémiques sur les contrôles de routine et faire paraître des rapports publics de ses conclusions.
59Les infractions aux exigences de la réglementation sur les contrôles de routine devraient faire l’objet de mesures disciplinaires. L’organisme de surveillance devrait pouvoir conclure à une mauvaise conduite et recommander des mesures disciplinaires à l’encontre des policiers reconnus coupables d’avoir enfreint les règles des contrôles de routine.
60La création d’un organisme de surveillance indépendant et distinct du Ministère et des systèmes existants de plaintes au sujet de la police contribuera à garder la confiance du public envers la crédibilité du processus de surveillance et les services de police en général. À des fins de vérification supplémentaire, ce nouvel organisme devrait relever du mandat du Bureau de l’Ombudsman – tout comme l’Unité des enquêtes spéciales, actuellement.
61Plusieurs dispositifs législatifs prévoient un examen quinquennal, dont la proposition de Loi de 2015 sur la réforme des vérifications de dossiers de police, pour garantir que la loi parvient effectivement à ses objectifs. Il serait utile que la réglementation sur les contrôles de routine fasse l’objet d’une évaluation et d’un examen visant à déterminer si des modifications s’imposent en résultat de son application.
62ar conséquent, mes recommandations à l’égard de la surveillance dans ce secteur sont les suivantes :
Recommandation 20
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait stipuler que les services de police doivent conserver des statistiques sur :
- le nombre de contrôles de routine;
- les circonstances qui les ont motivés;
- l’identification de caractéristiques personnelles, surtout dans les cas où elles pourraient soulever des préoccupations quant à un ciblage inapproprié de groupes protégés en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario;
- la conservation des renseignements provenant de contrôles de routine;
- les accusations découlant des renseignements recueillis lors des contrôles de routine, pour évaluer leur efficacité sur le plan des enquêtes.
Recommandation 21
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait exiger que les services de police soumettent les renseignements statistiques prescrits au ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels chaque année, pour être analysés en vue de discerner des tendances et faire l’objet de rapports publics.
Recommandation 22
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait créer un organisme de surveillance indépendant chargé de :
- surveiller et vérifier les méthodes et les dossiers des services de police pour en garantir la conformité;
- enquêter sur les plaintes individuelles et systémiques liées aux contrôles de routine;
- conclure à des actes de mauvaise conduite pour ceux qui enfreignent les règles prescrites et recommander des mesures disciplinaires;
- faire paraître des rapports publics.
Recommandation 23
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait créer un organisme indépendant chargé de surveiller les contrôles de routine effectués par la police, similaire à l’Unité des enquêtes spéciales, qui devrait relever lui aussi du mandat du Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario.
Recommandation 24
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait exiger que cette réglementation soit réexaminée dans un délai donné.
63En raison des graves répercussions que présentent les contrôles de routine pour les droits civils en Ontario, et du manque de données empiriques pour justifier leur utilisation, le Ministère devrait exercer la plus grande prudence lors de l’ébauche de toute réglementation concernant cette pratique. D’après les renseignements actuels, je ne crois pas qu’il existe un objectif d’intérêt public suffisant pour évincer la violation du droit d’être protégé d’une détention arbitraire qui découle de ces contrôles.
Recommandation 1
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait effectuer des recherches approfondies pour confirmer que les contrôles de routine constituent un outil efficace de police, en s’appuyant sur des analyses statistiques indépendantes et objectives et des études probantes avant d’ébaucher une réglementation au sujet de cette pratique.
Recommandation 2
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait faire rapport publiquement de toute recherche et étude indépendante confirmant que les contrôles de routine constituent un outil efficace de police pour élucider et prévenir les crimes.
Recommandation 3
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait consulter des experts indépendants en matière de confidentialité, de droits de la personne et de droit constitutionnel pour garantir que toute réglementation des contrôles de routine est justifiée en droit et présente un équilibre approprié entre les intérêts de maintien de l’ordre et les droits civils.
Recommandation 4
Toute réglementation des contrôles de routine devrait restreindre leur utilisation aux situations où des renseignements sont recueillis dans un objectif d’enquête identifiable et précis.
Recommandation 5
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait stipuler que chaque service de police devrait désigner un superviseur chargé d'examiner les renseignements recueillis lors des contrôles de routine et de confirmer que ces contrôles étaient conformes aux exigences de réglementation, avant de saisir l’information dans la base de données du service de police concerné.
Recommandation 6
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait examiner attentivement les preuves présentées par les victimes de contrôles de routine inappropriés, pour s’assurer qu’il comprend la portée réelle des méthodes actuelles de ces contrôles en Ontario.
Recommandation 7
La réglementation sur les contrôles de routine devrait définir le pouvoir légal et l’objectif de sécurité publique des contrôles de routine, ainsi que les normes qui s’appliquent à eux, et donner des descriptions détaillées des circonstances limitées dans lesquelles ils peuvent s'effectuer.
Recommandation 8
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait stipuler que les policiers sont tenus d’informer les personnes interpellées, en langage clair, qu’elles ne sont pas obligées de s’arrêter ou de répondre à leurs questions, et de leur dire quels renseignements seront notés, et à quelles fins, si elles acceptent de coopérer.
Recommandation 9
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait couvrir le sujet des communications avec les personnes soumises à ces contrôles, en indiquant notamment que les contrôles de routine devraient être brefs, exempts de confrontation, articulés sur des questions ouvertes et exploratoires.
Recommandation 10
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait indiquer précisément quels renseignements peuvent être recueillis lors d'un tel contrôle et exiger des policiers qu’ils documentent la raison de la collecte d’information recueillie auprès des personnes qui y sont soumises.
Recommandation 11
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait concevoir un formulaire obligatoire à utiliser durant les contrôles de routine, qui indique les sujets sur lesquels il est permis de poser des questions.
Recommandation 12
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait interdire ces contrôles pour les individus de moins de 18 ans.
Recommandation 13
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait exiger du ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels qu’il prépare un programme complet de formation aux contrôles de routine, au Collège de police de l’Ontario, et qu’il révise ce programme comme il se doit conformément aux pratiques exemplaires et à l’évolution de la loi.
Recommandation 14
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait exiger des responsables des services de police, à tous les niveaux organisationnels, qu’ils suivent régulièrement une formation aux contrôles de routine, et aucun policier ne devrait être autorisé à effectuer un contrôle de routine sans avoir reçu une formation adéquate.
Recommandation 15
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait exiger des policiers qu’ils fournissent aux personnes contrôlées un compte rendu de l’interaction, incluant la date, l’heure, les noms des personnes présentes, les numéros d’insigne des policiers impliqués, les renseignements recueillis, une explication de la manière dont ces renseignements pourraient être utilisés, ainsi que les conditions de leur conservation.
Recommandation 16
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait stipuler que les personnes contrôlées sont en droit de demander à un service de police de rectifier les erreurs et exiger que les services de police créent et divulguent un processus rapide de rectification des erreurs dans les dossiers de contrôles de routine.
Recommandation 17
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait aborder la question de la conservation des renseignements et stipuler que les dossiers des contrôles de routine devraient être détruits dans des délais donnés, quelles que soient les exigences locales de conservation, à moins qu’il n’existe une raison documentée, continue et précise d’enquête pour justifier leur conservation.
Recommandation 18
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait stipuler que si les renseignements sont conservés pour une raison valide d’enquête, ils devraient faire l’objet d’évaluations régulières afin de garantir que leur conservation reste justifiée, sinon ils devraient être détruits.
Recommandation 19
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait exiger que les données obtenues avant la mise en œuvre de la réglementation, et qui ne sont pas légalement conformes aux exigences de conservation, soient détruites dans des délais donnés.
Recommandation 20
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait stipuler que les services de police doivent conserver des statistiques sur:
- le nombre de contrôles de routine;
- les circonstances qui les ont motivés;
- l’identification de caractéristiques personnelles, surtout dans les cas où elles pourraient soulever des préoccupations quant à un ciblage inapproprié de groupes protégés en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario;
- la conservation des renseignements provenant de contrôles de routine;
- les accusations découlant des renseignements recueillis lors des contrôles de routine, pour évaluer leur efficacité sur le plan des enquêtes.
Recommandation 21
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait exiger que les services de police soumettent les renseignements statistiques prescrits au ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels chaque année, pour être analysés en vue de discerner des tendances et faire l’objet de rapports publics.
Recommandation 22
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait créer un organisme de surveillance indépendant chargé de:
- surveiller et vérifier les méthodes et les dossiers des services de police pour en garantir la conformité;
- enquêter sur les plaintes individuelles et systémiques liées aux contrôles de routine;
- conclure à des actes de mauvaise conduite pour ceux qui enfreignent les règles prescrites et recommander des mesures disciplinaires;
- faire paraître des rapports publics.
Recommandation 23
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait créer un organisme indépendant chargé de surveiller les contrôles de routine effectués par la police, similaire à l’Unité des enquêtes spéciales, qui devrait relever lui aussi du mandat du Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario.
Recommandation 24
Toute réglementation sur les contrôles de routine devrait exiger que cette réglementation soit réexaminée dans un délai donné.
[1] Dans le cadre de cette présentation, j’utiliserai l’expression « contrôles de routine », que le Ministère semble privilégier.
[2] André Marin, Ombudsman, décembre 2010, Pris au piège de la Loi, Enquête sur la conduite du ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels relativement au Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletRèglement de l’Ontario 233/10 adopté en vertu de la Loi sur la protection des ouvrages publics, en ligne.
[3] Dedman c. La Reine,1985 CanLII 41 (CSC) [1985] 2 R.C.S. 2, page 35; Figueiras c. Toronto (Police Services Board), 2015 ONCA 208 (CanLII), pages 9 et 17.
[4] R. c. Therens, [1985] 1 R.C.S. 613, page 642.
[5] R. c. Mann, 2004 CSC 52, par. 34.
[6] R. c. Grant, 2009 CSC 32, par. 50.
[7] Article 10, Charte.
[8] R. v. Exposito (1985), 53 O.R. (2d) 356 (CA).
[9] Supra note 6, par. 44.
[10] Ibid.
[11] Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletLogical Outcomes, « This Issue Has Been With Us for Ages »: A Community-based Assessment of Police Contact Carding in 31 Divisions, (nov. 2014), en ligne: [Community-based Assessment of Police Contact Carding]. Community-based Assessment of Police Contact Carding, page 42.
[12] R. c. Hufsky, [1988] 1 R.C.S. 621, page 632
[13] Jim Rankin, Ce lien s'ouvre dans un nouvel onglet« Police Stop Blacks More Often Than Whites, Data Shows », The Star (5 févr. 2010), en ligne.
[14] Rapport PACER, page 7.
[15] Sean Fine, Ce lien s'ouvre dans un nouvel onglet« Law Student Challenges the Constitutionality of ‘Carding’ by Police », The Globe and Mail (10 juin 2015), en ligne.
[16] Toronto Police Services Board, Community Contacts, modifié le 18 juin 2015, article 4, page 3.
[17] Ibid, article 5, page 4.
[18] Mark Patterson, Ottawa Police Service Plan for Participation in Provincial Street Check Review, Service de police d’Ottawa, (27 juillet 2015), page 3.
[19] Pam Douglas, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletPeel Police Chief Welcomes Standardized Rules for ‘Street Checks’, Brampton Guardian, (16 juin 2015), en ligne.
[20] Ibid.
[21] Kristy Hoffman et coll., Ce lien s'ouvre dans un nouvel onglet« Carding Across Canada: Data Show Practice of ‘Street Checks’ Lacks Mandated Set of Procedures », The Globe and Mail, (17 août 2015), en ligne.
[22] Article 1, Charte.
[23] R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, pages 138-139.
[24] R. c. Thomsen, [1988] 1 R.C.S. 640, par. 21.
[25] Desmond Cole, Ce lien s'ouvre dans un nouvel onglet« The Skin I’m In: I’ve Been Interrogated by Police More Than 50 Times – All Because I’m Black », Toronto Life, (mai 2015), en ligne.
[26] Community-based Assessment of Police Contact Carding, supra note 7, page 35.
[27] Ibid.
[28] Ibid.
[29] Community-based Assessment of Police Contact Carding, supra note 7, page 19.
[30] Ibid.
[31] Service de police de Toronto, The Police and Community Engagement Review: Phase II – Internal Report and Recommendations, Toronto, 2013, [« Rapport PACER »], page 14.
[32] Service de police de Toronto, The Police and Community Engagement Review: Phase II – Internal Report and Recommendations, Toronto, 2013, [« Rapport PACER »], page 14.
[33] Voir par exemple: Howard Morton, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletThe Law Union of Ontario, Lettre au Toronto Police Services Board datée du 20 juin 2013, en ligne, page 2; Leo Russomanno, Ce lien s'ouvre dans un nouvel onglet« Carding, Not Just a Toronto Problem » (8 juin 2015), en ligne et Ce lien s'ouvre dans un nouvel onglet« City Councillor Calls on London Police to Suspend Carding Program », AM980, (18 juin 2015), en ligne.
[34] Community-based Assessment of Police Contact Carding, supra note 7, page 44.
[35] Ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels: Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletProjet de règlement de l’Ontario pour les contrôles de routine, Document de consultation, en ligne.
[36] Supra 33, page 2.
[37] Police Association of Ontario, Ce lien s'ouvre dans un nouvel onglet« Support For Street Checks/Carding Jumps 39% When Defined: Survey », en ligne
[38] Alinéa 3 b) (iii).
[39] Les déclarations faites par un adolescent pourraient ne pas être autrement admissibles, voir l’article 146.