Discours de l’Ombudsman de l’Ontario, Paul Dubé, aux délégués à la 63e conférence annuelle des Ontario Small Urban Municipalities, à Goderich.
« La surveillance de l’Ombudsman : Êtes-vous prêts? »
Paul Dubé
Ombudsman de l'Ontario
Ontario Small Urban Municipalities
63e conférence annuelle
Goderich, 6 mai 2016
1Bonjour, et merci d’être ici de si bon matin. C’est un honneur d’amorcer la dernière journée de votre soixante-troisième conférence annuelle.
2En fait, j’ai été vraiment honoré quand j’ai entendu dire pour la première fois que le thème de cette conférence serait « Êtes-vous prêts? ». Je me suis dit que ce groupe était vraiment bien déterminé à se préparer au nouveau mandat de l’Ombudsman!
3Bien sûr, je sais maintenant que vous faisiez référence à la tornade qui a balayé Goderich en 2011, et que le but de la conférence est de veiller à ce que les communautés soient préparées à faire face aux imprévus. Ceci dit, j’aimerais profiter de l'occasion pour clarifier une ou deux choses.
4Tout d’abord, quand des membres de votre communauté se plaignent à mon Bureau, ne craignez aucun imprévu. (Je vous le promets, nous ne vous frapperons pas avec la force d’une tornade, malgré tout ce que vous avez pu entendre dire.) Il n’y aura pas de surprises et nous travaillerons de concert avec vous pour vous aider à servir vos citoyens.
5Ceci dit, le mieux pour vous est d’être prêts. Et je suis ici pour faire de mon mieux afin de vous expliquer nos processus, pour que vous sachiez exactement à quoi vous attendre quand le Bureau de l’Ombudsman vous appelle.
6Je vous parlerai donc des processus, mais j’aimerais souligner que je suis parmi vous aujourd’hui avec un message de bonne volonté. Les municipalités sont un groupe d’intervenants clés pour mon Bureau. Mon objectif est d’établir des relations de travail productives et positives avec toutes les parties prenantes. C’est en travaillant en collaboration que nous pouvons le mieux être au service du public de l’Ontario.
7Bien que notre droit de surveillance sur les municipalités n’ait pleinement pris effet que le 1er janvier, en vertu du Projet de loi 8, je sais que beaucoup d’entre vous connaissent notre Bureau, en raison de notre rôle d’enquêteur chargé des réunions à huis clos.
8Depuis 2008, notre Bureau a la responsabilité d’enquêter dans environ la moitié de toutes les municipalités de l’Ontario. Notre personnel a donc acquis une expérience de travail précieuse avec les municipalités et nous a aidés à comprendre que chacune d'elle est différente, à sa manière. Ceci nous a permis de venir en aide à des citoyens pour des centaines de plaintes et d’aider les conseils à garantir que leurs pratiques de réunion sont ouvertes, transparentes et conformes à la loi.
9Malheureusement, je sais aussi que tout ceci a créé beaucoup de confusion et de préoccupations, car l'impression a été que le Bureau de l’Ombudsman devait faire appliquer la loi. Beaucoup de gens croient, à tort, que notre rôle est de faire régner l’ordre parmi les conseils locaux, or ce n’est pas du tout ce que nous faisons. Un rôle d’application de la loi ne permettrait tout simplement pas à un bureau d’ombudsman de faire valoir ses principaux atouts.
10Le rôle d’un bureau d'ombudsman est généralement de régler la plupart des plaintes de manière informelle – et c'est un rôle dans lequel notre Bureau excelle. Nous faisons beaucoup de travail en coulisses afin d'humaniser le gouvernement et d'éliminer les sources de friction pour les citoyens. Nous cherchons des solutions simples et sensées aux problèmes, généralement sans devoir recourir à des enquêtes officielles.
11Nous avons beaucoup d’exemples d'histoires de réussites individuelles, dont nous parlons dans notre rapport annuel, sur notre site Web et dans les médias sociaux, ainsi que dans nos bulletins mensuels. Nous avons déjà partagé plusieurs bonnes nouvelles au sujet des municipalités, et beaucoup d’autres sont à venir.
12Notre Bureau suit cette approche de travail depuis plus de 40 ans au palier provincial. À mon avis, cette perspective historique est utile. Je comprends bien que, du point de vue des municipalités, le Projet de loi 8 et l’élargissement de notre mandat semblent être survenus rapidement. Mais en fait, la question a été discutée dès la création de notre Bureau.
13Le tout premier Ombudsman de l’Ontario, Arthur Maloney, a ouvert ce Bureau en 1975. Tout de suite, il a constaté qu’il recevait des centaines de plaintes qui ne concernaient pas le gouvernement de l’Ontario – mais les municipalités, soit le palier de gouvernement qui est le plus proche de la population. Malheureusement, la Loi sur l’ombudsman ne lui permettait pas de venir en aide à ces gens. Face à l'augmentation du nombre de plaintes, il a appelé à une modification de la Loi. Et finalement, la Loi a été modifiée – en 2014.
14La bonne nouvelle à propos de cette longue période d’incubation, c’est que le Bureau de l’Ombudsman a eu 40 ans pour démontrer sa valeur aux citoyens en améliorant les services du gouvernement provincial. Quarante ans passés à ce que M. Maloney appelait « humaniser le gouvernement ». Quarante ans passés à tisser des relations avec les hauts fonctionnaires dans toute l’administration provinciale, jusqu’aux sous-ministres et aux ministres.
15Ce legs constitue un puissant fondement pour notre nouveau mandat. Mon but est d’établir des relations de travail aussi fortes avec vous (ainsi qu’avec nos autres nouvelles parties prenantes, dans les universités et les conseils scolaires).
16J’aimerais donc vous donner un aperçu rapide de notre façon de travailler. Notre Bureau traite plus de 20 000 plaintes chaque année. Vous n’entendez jamais parler de la plupart d’entre elles, car elles sont réglées rapidement et discrètement – généralement grâce à quelques coups de fil passés par notre personnel. Mais c'est la plus grande partie de notre travail : nous réglons les dossiers au plus vite, au palier le plus bas possible.
17Mon équipe de haute direction et moi-même rencontrons de façon régulière les responsables des organismes du gouvernement provincial, pour les alerter des problèmes et leur donner la possibilité de les régler avant que ces problèmes n’empirent. Ce faisant, nous évitons souvent d’avoir à ouvrir une vaste enquête, en veillant à ce que les plaintes soient réglées par ceux qui sont directement responsables de le faire.
18À l’occasion, nous découvrons des problèmes qui n’ont pas été réglés et qui justifient une enquête officielle. Mais je rappelle que nous sommes impartiaux. Nous ne prenons pas les plaintes au pied de la lettre et nous ne nous faisons pas l’avocat des plaignants. Nous examinons les faits; nous enquêtons. Et comme j’aime le dire, moi qui viens d’une petite ville, aussi mince que soit la crêpe, elle garde deux côtés, et nous ne l’oublions pas.
19Plus rarement encore, nous nous attaquons à de vastes problèmes systémiques qui touchent des centaines, ou même des millions de personnes. Ce sont les cas dont vous avez probablement entendu parler – par exemple notre enquête de l’an dernier sur les graves problèmes de facturation à Hydro One.
20Dans ces cas, nous publions un rapport avec des recommandations – et ces recommandations sont presque toujours acceptées, car nous présentons des solutions faisables pour améliorer les services publics. Notre but n’est pas simplement de régler les plaintes individuelles, mais de veiller à ce que les problèmes sous-jacents soient rectifiés pour éviter les plaintes futures.
21C’est ce que j’appelle une solution gagnant-gagnant-gagnant : nous y gagnons, car nos recommandations sont acceptées, la personne qui a porté plainte y gagne, et les fonctionnaires concernés y gagnent aussi car ils avaient souvent conscience du problème, mais ne disposaient pas des ressources pour y remédier.
22Je suis certain que vous vous demandez comment tout ceci s’applique aux municipalités, alors laissez-moi vous expliquer comment les choses se passent depuis le 1er janvier. Jusqu’à présent, nous avons reçu plus de 1 200 plaintes, à propos de 250 municipalités environ.
23Et combien d’enquêtes officielles avons-nous ouvertes? Jusqu'à présent, aucune.
24Il ne faut pas s’en étonner. En effet, la vaste majorité des plaintes ont été réglées rapidement, de manière informelle, en aiguillant la plupart des plaignants vers les mécanismes locaux pertinents. Dans certains cas, notre personnel fait des demandes officieuses de renseignements auprès des responsables municipaux concernés. La plupart du temps, ils peuvent rectifier les problèmes à la satisfaction de tout le monde, sans recourir à une enquête officielle.
25De quoi les gens se plaignent-ils surtout? La plupart d’entre vous peuvent probablement le deviner. En hiver, c’est à propos du déneigement, maintenant ce sont les problèmes d’eau et d’égouts, ou d’enlèvement des ordures. Ontario au travail, les programmes de logement, et bien sûr l’application des règlements municipaux suscitent beaucoup de plaintes - tout comme le service à la clientèle en général.
26Nous avons déjà beaucoup de bons exemples de règlements informels. Il y a quelques semaines, un membre de notre personnel a aidé un jeune homme de 16 ans, qui était sans-abri, à obtenir des fonds d’Ontario au travail, alors que sa demande avait été rejetée au palier municipal. En février, nous sommes venus au secours d’un homme qui avait de longue date un problème de déneigement du trottoir, devant chez lui. Il a suffi de quelques appels téléphoniques passés par notre personnel pour déterminer que sa propriété avait été éliminée de l’itinéraire de déneigement, par inadvertance.
27Toutefois, le sujet le plus courant des plaintes jusqu’à présent, ce sont les conseils municipaux. Cette catégorie comprend les plaintes à propos des membres des conseils et de leur conduite, des politiques et des décisions des conseils (en général, nous ne nous mêlons pas de ces questions), ainsi que des communications et des conflits d’intérêts.
28Comme pour toutes les plaintes que nous recevons, la première chose que nous faisons dès la réception d’une telle plainte est de déterminer si elle peut être réglée localement.
29Et c’est là que vous pouvez vous demander « Sommes-nous prêts? ». Avez-vous un processus de traitement local des plaintes? Avez-vous un code de conduite? Mieux encore, avez-vous un agent de responsabilisation local, comme un commissaire à l’intégrité, un ombudsman, ou les deux?
30Depuis le début de l’élargissement de notre mandat, notre Bureau souligne clairement que nous encourageons les municipalités à mettre en place leurs propres agents de responsabilisation et des processus clairs de traitement des plaintes. Notre rôle est d’intervenir pour les citoyens en tout dernier recours, de veiller à ce que les mécanismes locaux fonctionnent bien et de recommander des moyens de les améliorer.
31C’est exactement ce que nous faisons au niveau provincial depuis plus de 40 ans. Nous ne nous substituons ni aux organismes provinciaux d’enquête, ni aux tribunaux administratifs. Nous ne recommençons pas leurs enquêtes, nous ne rouvrons pas leurs dossiers. En revanche, nous examinons les mesures qu’ils ont prises et nous recommandons des réformes le cas échéant.
32Nous procédons de même pour les plaintes municipales. Si la municipalité, son commissaire à l’intégrité ou son ombudsman local s’occupe de la question, nous n’intervenons pas. Mais si ces voies de recours sont épuisées, ou si le problème n’est plus de leur ressort, alors nous l’examinons.
33Nous étudions les circonstances et les raisons d’une décision. Vos responsables ont-ils agi conformément aux textes de loi pertinents? Ont-ils examiné les problèmes? Ont-ils donné suffisamment de raisons pour leurs mesures d’action? Voilà les questions que nous posons.
34Nous avons déjà traité quelques-unes de ces plaintes à propos de commissaires à l’intégrité locaux, par exemple. Nous avons été en mesure de déterminer assez rapidement que leurs mesures d’action étaient raisonnables.
35Mais nous avons aussi contribué à améliorer le processus pour tous les intéressés. En voici un exemple : une personne qui était membre d'un conseil a porté plainte car elle n’avait pas été informée que le rapport du commissaire à l’intégrité sur sa conduite serait discuté en réunion publique. Notre personnel a fait des demandes informelles auprès de la municipalité, et celle-ci a apporté des changements pour que toutes les parties prenantes obtiennent des renseignements clairs sur le traitement des problèmes de code de conduite.
36Bien sûr, toutes les plaintes ne peuvent pas être réglées aisément et officieusement. Parfois, le chien de garde doit montrer les dents, et parfois aussi une enquête officielle s’impose. Je peux vous promettre que si et quand nous ouvrons une enquête officielle au sujet de votre municipalité, vous en serez informés. Vous recevrez un avis officiel et, conformément au processus standard que nous suivons depuis plus de 40 années, vous aurez la possibilité de répondre à nos conclusions avant la parution de tout rapport.
37En tant qu’ombudsman chargé de promouvoir l’équité procédurale, j’ai toujours eu le souci d’agir équitablement. Les parties en cause sont en droit de savoir ce que nous examinons et d’avoir amplement l’occasion d'exprimer leurs commentaires, ainsi que d'obtenir une explication sur les raisons de toute décision.
38De nouveau, vous pouvez vous y préparer tout simplement grâce à des processus locaux de responsabilisation. Jusqu’à présent, nous avons constaté qu’il y avait beaucoup de variations entre les municipalités – certaines ont un code de conduite, mais pas de commissaire à l’intégrité; d’autres n’ont ni l’un ni l’autre. Dans les cas où nous devrons mener une enquête officielle sur ce type de question, je peux vous garantir que je n’hésiterai pas à recommander que les municipalités prennent de telles mesures pour améliorer la responsabilisation locale.
39Actuellement, on me demande régulièrement ce que notre Bureau fait pour encourager et promouvoir la mise en place d’agents locaux de responsabilisation. Quelle réponse donnons-nous aux conseils locaux qui disent ne pas avoir besoin d’ouvrir ce genre de bureau, car l’Ombudsman fera ce travail gratuitement?
40Alors j’ai vérifié. Nous avons dit systématiquement que notre rôle n’est pas de remplacer les agents locaux de responsabilisation. Ce ne serait ni faisable, ni recommandable. Le mieux est de régler localement les problèmes locaux. Le meilleur rôle de l’Ombudsman est d’être un bureau de dernier recours.
41Notre Bureau l’a dit dans ses deux derniers rapports annuels, dans son dernier rapport sur les réunions municipales à huis clos à l’échelle provinciale, et dans des communiqués de presse avant et après l’entrée en vigueur du Projet de loi 8. Nous l’avons dit dans des articles, des entrevues, des webinaires et au moins dans 30 présentations de diapositives. Nous l’avons aussi souligné lors de consultations avec le ministère des Affaires municipales et du Logement.
42Mais au cas où il resterait quand même certains doutes, je me ferai un plaisir de le redire ici aujourd’hui et aussi souvent qu’il le faudra à l’avenir : j’encourage les municipalités à avoir des codes de conduite et des agents locaux de responsabilisation. Il y va tout simplement des intérêts de la démocratie locale et des citoyens que nous servons tous.
43Le rôle de mon Bureau est de veiller à ce que ces mécanismes fonctionnent comme voulu, et d'aider dans toute la mesure du possible en recommandant des solutions et des pratiques exemplaires pour appuyer de tels efforts.
44Nous nous prévaudrons aussi de notre position et de nos pouvoirs uniques pour surveiller et régler les problèmes qui ne relèvent pas des responsables locaux, qui échappent à leur mandat. Nous faisons un suivi constant des problèmes que nous décelons dans la province, en observant les tendances – surtout pour des problèmes qui pourraient se reproduire, ou s’étendre parmi les municipalités. Nos pouvoirs d’enquête nous permettent d’aller là où les agents locaux de responsabilisation ne le peuvent pas. Et n’oubliez pas : si nous découvrons qu’un problème concerne des organismes relevant de notre mandat provincial, nous avons aussi la possibilité de nous en charger.
45Enfin, j’aimerais vous assurer que la préparation à la surveillance de l’Ombudsman est une démarche qui va dans les deux sens. Mon Bureau se prépare à exercer sa surveillance sur les municipalités depuis plus de deux ans, avant même que le Projet de loi 8 ne porte ce nom.
46À l’automne dernier, beaucoup d’entre vous ont participé à nos tables rondes de consultations, en partenariat avec le Forum des politiques publiques du Canada. Les commentaires que vous nous avez communiqués nous ont été très utiles et je vous remercie de nous avoir fait partager vos connaissances et vos opinions avec franchise.
47L’une de mes priorités est de rencontrer le plus d’intervenants possible dans notre nouveau secteur de surveillance et de dialoguer avec eux. Vous nous verrez donc, moi et mon équipe, un peu partout dans la province, lors de conférences municipales, de salons professionnels et d'ateliers dans chaque région.
48J’espère que tout ceci montre à quel point nous sommes bien préparés pour cette nouvelle responsabilité, ainsi que notre engagement à travailler avec vous. Nous partageons tous le but commun de garantir la transparence et la responsabilisation au gouvernement local.
49Encore une fois, merci de cette occasion qui m'a été donnée. Je sais que, dans certains contextes, les gens évitent de dire « Au plaisir de vous revoir ». Mais si nous nous revoyons, je suis convaincu que l’expérience pourra s'avérer positive pour vous – ou bien vos pratiques seront corroborées par un ombudsman crédible et indépendant, ou bien vous obtiendrez des commentaires constructifs qui vous aideront à mieux répondre aux besoins de vos intéressés.
50En attendant, je serais ravi de répondre à vos questions aujourd’hui, s’il y a suffisamment de temps, et je vous invite à communiquer avec mon Bureau si vous avez toute autre question à discuter. Je serais aussi heureux de vous rencontrer personnellement. Merci beaucoup, thank you.