L’Ombudsman dénonce des ratés dans la fermeture des centres de détention pour jeunes (Radio-Canada)

avril 26, 2022

26 avril 2022

L’Ombudsman de l’Ontario conclut qu’il y a eu des lacunes importantes dans la planification de la fermeture des centres de détention pour jeunes en mars 2021.

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le 26 avril 2022

L’Ombudsman de l’Ontario conclut qu’il y a eu des lacunes importantes dans la planification de la fermeture des centres de détention pour jeunes en mars 2021.

En tentant de garder le processus confidentiel, le ministère des Services à l’enfance et Services sociaux et communautaires de la province a commis plusieurs ratés, peut-on lire dans un rapport publié mardi par l'équipe de Paul Dubé, ombudsman de la province.

L’Ombudsman a lancé une enquête après avoir reçu une plainte concernant les fermetures du Creighton Youth Centre à Kenora et du J. J. Kelso Youth Centre à Thunder Bay.

Le centre de détention William H. Roy House est l'un des 10 centres du Nord de l'Ontario qui a fermé ses portes en mars 2021. (Archives)

"Même s’il y avait seulement une plainte, je considérais que l’enjeu était assez sérieux", se souvient M. Dubé. "Au cours de l’enquête, nous avons reçu quatre plaintes additionnelles."

L’Ombudsman s’est donc penché sur les démarches du ministère et sur l’impact de la politique sur les jeunes détenus.

 

Des problèmes important dans la planification des transferts

Les jeunes détenus dans les centres de Kenora et Thunder Bay étaient tous Autochtones.

Le gouvernement avait prévu d’avertir les jeunes et leurs communautés quelques heures avant que ceux-ci soient transférés vers d’autres centres de détention, mais des malentendus ont fait en sorte que l’information a été partagée à la dernière minute, selon le rapport.
 
Puisque le ministère craignait des répercussions des syndicats, il n’a pas consulté la communauté au préalable au sujet des fermetures, ratant ainsi des opportunités de consultation auprès des Premières Nations concernées, peut-on y lire.

De plus, les conseils de bande, qui devaient avertir les communautés le jour même du transfert, étaient fermés en raison de la COVID-19.

Dans un des cas, la mère d’un des détenus a cherché pendant trois jours avant d’apprendre où son enfant avait été transféré, selon le rapport.

Dans un autre cas, un des détenus, une personne transgenre, n’a pas eu d'accommodations lors de son transfert, laissant plusieurs questions importantes sans réponse, notamment sur les préférences de transfert vers un centre de détention pour homme ou pour femme, peut- on y lire.

 

"De mauvais souvenirs"

L’utilisation sans préavis de menottes et de chaînes lors du transport des détenus a suscité la controverse dans la communauté, traumatisée par les enlèvements forcés d’enfants lors des pensionnats pour Autochtones, la rafle des années soixante, et le système de protection de l’enfance, explique M. Dubé.

« Si on pense à l’image de jeunes menottés, transportés par les forces de l’ordre… ça soulève de mauvais souvenirs pour les communautés autochtones. »
Paul Dubé, ombudsman de l'Ontario


De plus, les jeunes ont été transférés dans des centres de détention à des centaines de kilomètres de leur ville d’origine.

Cette distance a de graves répercussions pour les jeunes et leurs communautés, rappelle la grande cheffe adjointe de la Nation Nishnawbe Aski, Anna Betty Achneepineskum.

"Ça rend la peine encore plus douloureuse pour ces jeunes", explique-t-elle. "En plus d’être détenus, ils perdent leur lien avec leurs familles et leurs communautés."
 
Cette distance nuit également au processus de réintégration dans la communauté, selon la directrice du Creighton Youth Centre à Kenora, Sheri Norlen. "La planification initiale ne tenait pas compte des spécificités régionales et culturelles."

Cette dernière estime qu’il reste encore beaucoup à faire pour éviter de tels scénarios dans le futur, mais que le rapport de l'Ombudsman est un bon début.

"L’intention est là, on sent que le gouvernement veut apprendre de ses erreurs", ajoute Mme Norlen. "Ce rapport répond à nos préoccupations."

 

16 recommandations

En mars 2021, le gouvernement a fermé 26 de ses 53 centres de détention pour jeunes, dont 10 dans le Nord de l’Ontario.

L’Ontario avait alors calculé que la capacité d’accueil des centres restants suffirait à répondre à la demande pour ce genre de services.

Le ministère des Services à l'enfance et des Services sociaux et communautaires espérait ainsi réaliser des économies de plus de 40 M$.

Dans la conclusion de son rapport, l’Ombudsman formule 16 recommandations pour améliorer le processus de fermeture de ces centres à l’avenir.

Dans un courriel envoyé à Radio-Canada, un porte-parole de la ministre des Services à l’enfance et Services sociaux et communautaires, Merrilee Fullerton, affirme que la décision de fermer ces centres était la bonne.

"Nous continuons de financer 27 établissements de justice pour les jeunes dans la province, dont huit dans le Nord de l'Ontario. La décision de fermer une installation est difficile, mais ces changements sont conformes aux recommandations faites par le vérificateur général."