Ombudsman : l’Université Laurentienne a enfreint la Loi sur les services en français (Radio-Canada)

mars 31, 2022

31 mars 2022

L'Université Laurentienne a enfreint la Loi sur les services en français (LSF) durant son processus de restructuration financière, conclut l'ombudsman de l'Ontario. Deux ministères, dont celui de Caroline Mulroney, ont aussi fait preuve de laxisme dans les mois précédant la controverse.

Natasha MacDonald-Dupuis
Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletRadio-Canada
le 31 mars 2022

L'Université Laurentienne a enfreint la Loi sur les services en français (LSF) durant son processus de restructuration financière, conclut l'ombudsman de l'Ontario. Deux ministères, dont celui de Caroline Mulroney, ont aussi fait preuve de laxisme dans les mois précédant la controverse.

Dans un rapport d'enquête attendu par la communauté franco-ontarienne, l'ombudsman adjointe aux services en français blâme sévèrement l'établissement postsecondaire, qui a supprimé près de la moitié de ses programmes en français et licencié une centaine de professeurs en avril 2021.

L’Université Laurentienne, qui est en processus de restructuration depuis près d’un an et jusqu’au 31 mai prochain, était au courant de ses problèmes financiers dès mars 2020, écrit Kelly Burke. Les ministères des Affaires francophones et des Collèges et Universités étaient aussi bien au fait de la situation, et ce, bien avant que l'Université ne se place à l'abri de ses créanciers.

Le ministère de Caroline Mulroney en particulier, dit Mme Burke, aurait donc dû intervenir proactivement auprès de la Laurentienne pour lui communiquer ses obligations linguistiques avant que des changements préjudiciables soient faits aux programmes.

L'Université et le ministère des Collèges et Universités, de leur côté, se sont occupés en priorité des difficultés financières de l'Université et ont relégué les services en français au second plan.

L'ombudsman a aussi établi que l'Université a supprimé 72 programmes, et non 69, comme annoncé. Selon notre analyse des documents pertinents, le nombre d'inscriptions semble avoir été le critère clé retenu par l'Université Laurentienne pour identifier les programmes à supprimer.

 

Problème d'interprétation

L'Université Laurentienne est partiellement désignée en vertu de la LSF. L'établissement estime que seuls ses diplômes sont désignés en vertu de la LSF, et non ses programmes en français. Une interprétation appuyée par les deux ministères, mais critiquée par Mme Burke.

C’est une interprétation étroite à mon avis, qui permet de dire, et c’est ce que nous avons entendu pendant notre enquête, qu’on pourrait garder un seul programme sous chaque [diplôme] et demeurer en conformité avec nos obligations. Selon moi, c’est une interprétation qui va à l’encontre de l’esprit de la Loi sur les services en français, écrit Mme Burke.

De toute manière, poursuit-elle, même selon cette interprétation étroite, l'établissement a enfreint la Loi en supprimant tous les programmes menant à deux [diplômes] désignés – maîtrise ès arts et maîtrise en activité physique, sans en informer le gouvernement et sans consultations publiques.

Elle déplore l'attitude d'un des administrateurs de l'Université, qui aurait exprimé à Mme Burke que la qualité d'un [diplôme] désigné n'est pas affectée par le nombre de programmes menant à ce [diplôme].

« Peu importe si c'est un programme ou plus, on est régi par les mêmes conditions. »
Administrateur de l'Université Laurentienne


Cette interprétation a un effet dévastateur sur l'esprit d'une désignation qui vise à préserver les services en français, réagit Mme Burke. Elle donne l'exemple du programme de sages-femmes, seul programme francophone de sages-femmes hors Québec, et l'un de deux programmes qui mènent au baccalauréat en sciences de la santé. Les étudiantes ont été forcées de poursuivre leurs études en anglais.

Pourtant, la suppression du programme n'enfreint techniquement pas la LSF en vertu de l'interprétation de l'Université et du gouvernement, dit-elle, puisque l'autre programme menant au baccalauréat en sciences de la santé, le programme d'orthophonie en français, est toujours offert.

 

Pas de mécanisme d'évaluation

Kelly Burke déplore aussi qu'il n'existe aucun mécanisme en place pour évaluer l'impact de l'abolition des programmes en français sur l'obtention des diplômes. Elle pointe du doigt les deux ministères responsables. Le ministère des Affaires francophones de l'Ontario (MAFO) n'est intervenu qu'une semaine après l'annonce, après que Mme Burke eut soulevé ses préoccupations.

« J'encourage le ministère des Affaires francophones à exercer du leadership pour s'assurer que les droits linguistiques des francophones soient respectés et protégés en Ontario. »
Kelly Burke, ombudsman adjointe aux services en français de l'Ontario


Dès 2013, l'Université Laurentienne (UL) a fait des démarches pour s'assurer que ses diplômes et non ses programmes soient assujettis à la LSF, avec le consentement du gouvernement provincial.

Mais même en vertu de ces obligations restreintes, l'établissement n'a jamais fourni de rapport de conformité tous les trois ans, tel que requis par la Loi. Questionné à ce sujet par le Bureau de l'ombusdman, un fonctionnaire du ministère des Collèges et Université aurait répondu qu'il s'agissait d'un fardeau administratif. Un exemple du manque systémique de planification des services en français dans les ministères, écrit Mme Burke.

L'établissement aurait d'ailleurs failli à ses obligations linguistiques dès le mois d'août 2020, lorsqu'elle a supprimé 9 programmes en français. Le MAFO aurait dû intervenir, selon Mme Burke, mais fait preuve d'une compréhension erronée de ses responsabilités. Il s'agit d'une occasion manquée de s'assurer que les droits linguistiques des francophones soient pris en compte.

L'Assemblée pour la francophonie de l'Ontario et des professeurs licenciés de l'UL jugent nécessaire le transfert des programmes de langue française de l'Université Laurentienne vers l'Université de Sudbury pour assurer la pérennité de l’éducation postsecondaire en français dans la région.