L’inspection des foyers de soins de longue durée à revoir, selon l’Ombudsman (Radio-Canada)

septembre 7, 2023

7 septembre 2023

L’ombudsman de l’Ontario, Paul Dubé, a présenté jeudi son dernier rapport d’enquête qui porte sur la surveillance des foyers de soins de longue durée pendant la pandémie de COVID-19 par le ministère des Soins de longue durée.

Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletRadio-Canada
le 7 septembre

L’ombudsman de l’Ontario, Paul Dubé, a présenté jeudi son dernier rapport d’enquête qui porte sur la surveillance des foyers de soins de longue durée pendant la pandémie de COVID-19 par le ministère des Soins de longue durée. Il réclame une refonte du système d’inspection des foyers de soins de longue durée.

Le rapport constate que le système d’inspection était « complètement surchargé » et s’est « effondré » pendant les premières semaines de la pandémie. Il n’y a eu aucune inspection dans les foyers de soins de longue durée pendant sept semaines au printemps 2020 et aucun rapport d’enquête pendant deux mois, indique-t-il.

« Pour superviser efficacement un système, il faut procéder à des inspections », a affirmé Paul Dubé lors d'une conférence de presse jeudi.
 

« Le système n'était pas en place pour permettre aux inspections de se dérouler de manière sûre et efficace. »
Paul Dubé, Ombudsman de l’Ontario


Le ministère n’avait pas de plan sur les inspections en temps de pandémie et les inspecteurs n’avaient pas la formation et l’équipement nécessaire, selon le rapport d’enquête. Le manque de planification et de préparation du ministère à la crise, en lien avec les activités d’inspection, était « déraisonnable, injuste et erroné », affirme l’ombudsman.

Le rapport révèle qu'à maintes reprises les inspecteurs du ministère n’ont pas considéré les plaintes liées à la COVID-19 avec sérieux, ont assoupli des mécanismes d’exécution sans raison valable, ont formulé des rapports « confus et mal rédigés » et n’étaient pas toujours sur place pour inspecter et exerçait surtout un rôle de « soutien » plutôt que de faire appliquer les lois.

M. Dubé ajoute que l'unité des inspections prenait souvent peu de mesures – parfois même aucune – envers les foyers problématiques et ceux où des éclosions survenaient. Elle n’imposait que des pénalités réduites aux foyers dont les pratiques n’étaient pas conformes tout en leur laissant des mois pour corriger les problèmes au détriment de la sécurité des résidents et du personnel.

Dans ses recommandations, l’ombudsman recommande d’ailleurs d'examiner toute plainte alléguant qu’un résident est à risque grave de préjudice.

Le rapport relève également des lacunes en ce qui a trait à la prévention, au contrôle des infections et au port d’équipement de protection individuel, qui parfois ne faisait même pas l’objet d’inspection.

 

76 recommandations

L’ombudsman a formulé 76 recommandations au ministère et au gouvernement qui ont toutes été acceptées et dont plusieurs ont déjà été appliquées « en partie ou en totalité ». Selon l'ombudsman, il faut mettre en place des règles claires pour les inspections afin de se préparer aux éventuelles pandémies.

Il recommande notamment des formations régulières des inspecteurs, le maintien d’une réserve adéquate d’équipement de protection individuelle et l’établissement de règles claires pour les inspections sur place.

Paul Dubé suggère aussi au ministère d’adopter une approche générale pour son mandat, soit inspecter tout ce qui met en danger les résidents des foyers de longue durée.

L’ombudsman de l’Ontario demande également au gouvernement de réviser la législature pour mieux protéger les personnes qui dénoncent, d’élargir les situations où les foyers doivent signaler les incidents graves ainsi que de collaborer avec le ministère pour qu’il y ait suffisamment de personnel à la Direction de l’inspection.

Dans une déclaration par courriel, le ministre des Soins de longue durée Stan Cho rappelle que le gouvernement a notamment investi 72,3 millions de dollars pour doubler le nombre de nouveaux employés chargés de l'inspection des établissements de soins de longue durée, pour améliorer les mesures de conformité et d'application de la loi et pour le lancement d'un nouveau régime d'enquêtes pour traiter les plaintes et les incidents critiques.

Le ministère a également créé une nouvelle unité d'enquête qui peut porter des accusations et ajouté de nouvelles sanctions financières, peut-on lire.

Les partis d’opposition tiennent le gouvernement de Doug Ford responsable de l’« effondrement » du système d’inspections.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) de l’Ontario reproche notamment au gouvernement d’avoir « réduit de manière draconienne » l'inspection des centres de soins longue durée lorsqu’il est arrivé au pouvoir.

« Le système du gouvernement en place ne fonctionne pas. Ça n’a jamais bien fonctionné », lance France Gélinas, députée de Nickel Belt et porte-parole du NPD en matière de santé.

« Dans les gens qui font l’inspection, il y a des gens qui sont très très compétents en prévention des infections et qui savent ce qui aurait dû être fait, mais le gouvernement n’était pas prêt à les écouter », déplore-t-elle.

 

« Pas beaucoup » d’espoir

France Gélinas a « beaucoup de difficulté » à être optimiste. Selon elle, de la même façon que les choses n’ont pas vraiment changé entre la crise du SRAS et la pandémie de COVID-19 malgré les recommandations et la volonté, la situation ne s’améliorera pas vraiment lors de la prochaine pandémie. « J’ai de l’espoir qu’ils vont apprendre de leurs erreurs, mais je n’en ai pas beaucoup », lance-t-elle.

Manon Lemonde, professeure agrégée à la faculté des sciences de la santé à l’Université Ontario Tech, croit que les recommandations auront un impact positif « tant que ce sera reconnu par tout le monde », notamment les ministères, le bureau de santé publique, les inspecteurs et le personnel.

« Vont-ils trouver moyen de coordonner leurs efforts? » questionne-t-elle. Selon elle, il faut s’assurer que tout le monde travaille ensemble et a la même compréhension des recommandations.

L’ombudsman a noté, lors de sa conférence de presse, que les problèmes liés au système d’inspection étaient les mêmes dans les établissements privés et publics.

France Gélinas déplore toutefois que l’Ontario ait privatisé ses soins de longue durée. « Plus de la moitié des lits de soins de longue durée appartiennent à des compagnies privées dont le but premier est de faire de l’argent et non d’offrir des soins de qualité », dit-elle.

Le chef du Parti vert de l'Ontario, Mike Schreiner, demande au gouvernement d’éliminer les foyers de soins de longue durée à but lucratif et d’augmenter le financement des foyers publics.

Dans un communiqué, la présidente du SEIU Healthcare, Sharleen Stewart, ajoute que le syndicat continuera à réclamer des mesures punitives comme la révocation de permis pour les centres de soins à but lucratif qui ne respectent pas les règles.

L’enquête a été lancée par l'ombudsman en juin 2020, peu après que le personnel des Forces armées canadiennes eut signalé des conditions troublantes dans plusieurs foyers où il avait été déployé au début de la pandémie.

Plus de 4000 résidents des centres de soins de longue durée sont morts pendant la pandémie, soit le tiers des décès liés à la COVID-19 en Ontario.

Pour cette enquête, plus de 90 entrevues ont été menées et des milliers de courriels et de documents ont été examinés.