Le commissaire Bouchard publie son premier rapport annuel (EAP)
décembre 13, 2023
13 décembre 2023
Le nouveau Commissaire aux services en français Carl Bouchard a publié son premier rapport, faisant quatre recommandations à la suite des 386 plaintes reçues entre le 1er octobre 2022 et le 30 septembre 2023.
Antoine Messier
le 13 décembre 2023
Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletÉdition André Paquette Inc.
Dans le rapport de 2022, le Commissariat au service en français avait reçu un total de 277 plaintes. Après la campagne de sensibilisation, le commissariat a reçu 109 plaintes de plus que l’année précédente.
« C’est une augmentation de 40% des plaintes comparativement à l’année dernière et j’en suis très fier. J’espère que la promotion qu’on a fait a à voir avec la recrudescence, a affirmé M Bouchard lors d’une entrevue avec les Éditions André Paquette. Certainement qu’il y a un travail de sensibilisation et de conscientisation à faire auprès des francophones, d’abord pour exercer leurs droits, et s’ils ne sont pas en mesure d’obtenir les services en français, de nous appeler. »
Recommandations
Après l’entrée en vigueur du règlement 544/22, qui prescrit des mesures sur l’offre active, soit l’invitation au public par les services gouvernementaux d’utiliser l’une des deux langues officielles du Canada, l’Unité des services en français a remarqué que plusieurs comptes de médias sociaux des organismes gouvernementaux publiaient du contenu unilingue anglophone. Le commissaire a donc recommandé au ministère des Affaires francophones d’élaborer des lignes directrices à l’intention de tous les organismes gouvernementaux pour que leurs publications soient conformes au règlement.
Le commissaire recommande aussi d’améliorer la formation du personnel de première ligne, afin qu’ils sachent comment traiter les demandes de services en français. Dans beaucoup de cas résolus par l’Unité des services en français, des francophones n’ont pas reçu de services en français là où ils en avaient droit, parce que le personnel de première ligne n’était pas proprement informé du droit des francophones, même si les organisations avaient le personnel nécessaire pour offrir les services en français, d’après le rapport du commissaire. « Évidemment, c’est correct qu’il y ait des gens qui ne parlent qu’une seule langue, a-t-il dit. Ceci étant dit, ils ont quand même la responsabilité de s’assurer que les droits linguistiques soient respectés. »
Le commissaire Bouchard demande au Conseil du Trésor non seulement d’ordonner aux ministères et aux organismes gouvernementaux d’informer le personnel de première ligne de ses obligations en matière de services en français, mais de lui en faire des rappels réguliers. Il demande d’ailleurs que dans les 12 prochains mois, le Conseil du Trésor fournisse au commissaire une copie de ces exigences et une confirmation de leur mise en œuvre, et que les ministères et organismes gouvernementaux attestent de leur conformité au Conseil du Trésor annuellement.
M. Bouchard explique qu’il a fait ces recommandations parce qu’il a remarqué un manque de planification visant la prestation de services en français au sein des ministères et des organismes gouvernementaux, puis a recommandé des mesures de performance pour s’assurer que les ministères et organismes continuent de rencontrer les besoins des Franco-Ontariens à l’avenir.
L’Assemblée de la Francophonie de l’Ontario (AFO) s’est d’ailleurs dit heureuse des recommandations présentées dans le rapport du commissaire. « Les recommandations qu’on y retrouve feront une différence pour l’accès à des services en français si elles sont implémentées. Deux ans après l’adoption de la nouvelle Loi sur les services en français, il est important que les ministères communiquent dans les deux langues officielles par tous les moyens, y compris via les médias sociaux », a dit le président de l’AFO, Fabien Hébert.
Université de Sudbury
Cent-quinze des plaintes rapportées en 2023 portaient sur l’université de Sudbury, à la suite de l’annonce du ministère du 30 juin selon laquelle il ne financerait pas le projet de l’université visant à créer une université autonome de langue française. Bien que la décision de financement soit une décision politique qui incombe à la législature et que le bureau de l’Ombudsman n’intervient habituellement pas dans ces décisions, le Commissaire aux services en français suit de près le dossier. « Ce débat-là doit avoir lieu dans l’arène politique, a affirmé le commissaire. C’est une organisation qui est désignée en vertu de la loi sur les services en français, et qui a donc l’obligation d’offrir des services en français. »
Depuis Juillet, le commissaire discute avec l’université, le ministère des Collèges et Universités ainsi que le ministère des Affaires francophones, pour comprendre comment ils planifient rencontrer leur obligation en vertu de la loi sur les services en français.
Le commissaire ne compte pas présentement appliquer de mesures positives et préfère plutôt travailler en collaboration avec les organisations gouvernementales, tant et aussi longtemps que les réponses à ses questions lui sont fournies. « Pour l’instant, je trouve réponse à mes questions pour me donner une perspective sur ce qu’on est en train d’établir, a-t-il expliqué. Je n’écarte aucune possibilité en ce qu’y a trait à l’avenir. Si éventuellement, je ne trouve pas réponse à mes questions, je trouverai d’autres moyens. Je n’écarte pas la possibilité d’une enquête non plus. »
Pour M. Bouchard, l’éducation post-secondaire est un enjeu crucial pour la francophonie ontarienne. D’après lui, la province doit se munir d’un programme d’éducation post-secondaire fiable en français, dans lequel les jeunes peuvent se reconnaitre et qui peut mener à des opportunités d’emplois, ce qui bénéficie non-seulement aux Franco-Ontariens mais aussi à la province. « Ce que l’on veut, c’est s’assurer que l’éducation post secondaire soit bien planifiée et bien organisée et qu’elle s’appuie sur des organisations qui ont la capacité d’offrir ces services-là », a-t-il dit.
Même avec un si grand nombre de plaintes sur un seul même sujet, M. Bouchard veut continuer d’accorder de l’importance aux plaintes uniques. « Des fois, une seule plainte va mettre au grand jour des enjeux qui vont aider tout le monde et force une revue en profondeur de la façon dont les services sont offerts », a-t-il indiqué.
Baisse du poids démographique
Depuis 1991, le poids démographique des francophones en Ontario est à la baisse, de 4,8% à 3,4%. Même entre 2016 et 2021, la population qui parle français comme première langue a diminué considérablement, de 504 000 personnes à 484 000 personnes. M. Bouchard se dit inquiet de la baisse du poids démographique des Franco-Ontariens.
D’après lui, la prestation de services en français est très importante pour l’avenir du français dans la province.
« Les services en français sont essentiels à la capacité des francophones de reconnaître la valeur de leur francophonie, a-t-il affirmé. Si l’on n’est pas en mesure de mener sa vie avec des services en français, quel est l’intérêt de revendiquer son identité francophone en Ontario ? »
Il espère d’ailleurs que l’offre active fera une différence dans le quotidien des francophones, leur permettant de vivre dans la langue de leur choix.
Néanmoins, M. Bouchard est optimiste face au poids démographique des francophones, expliquant qu’il y a 30 000 nouveaux arrivants qui parlent le français, en majorité comme seconde langue, qui se sont joint à la diaspora franco-ontarienne depuis 2016. « Il faut quand même reconnaitre que ces gens-là ont fait le choix de venir nous rejoindre. La francophonie de l’Ontario est vibrante, elle est dynamique », a-t-il affirmé.