Enquête de l’ombudsman sur une plainte concernant l’exécution inefficace par le Bureau des obligations familiales d’un bref de saisie-exécution
« Tout est question de nom »
André Marin
Ombudsman de l'Ontario
août 2006
Contributrices
Enquêteuses
- Elizabeth Weston
- Sue Haslam, Chef, services des enquêtes
SAvocate principale
Table des matières
1 Le Bureau des obligations familiales a « échappé la balle ». Ses pratiques ont coûté au moins 2 422 $ au plaignant. Celui-ci devrait être dédommagé pour ce qu’il a perdu, et des systèmes devraient être mis en place pour empêcher que pareille situation ne se reproduise. En effet, le gouvernement et les administrateurs actuels du Bureau des obligations familiales doivent prendre le temps de reconsidérer le type d’obligations qu’impose la Loi de 1996 sur les obligations familiales et l’exécution des arriérés d’aliments. C’est un régime destiné à servir un public en état de dépendance et le gouvernement doit donc l’administrer avec toute la bonne foi possible, en défendant au mieux l’intérêt de ceux qui en dépendent pour leurs pensions alimentaires. Dans le cas présent au moins, ce précepte n’a pas été suivi dans les actions menées.
2 Le Bureau des obligations familiales jouit d’un pouvoir immense. Toutes les ordonnances alimentaires rendues par un tribunal doivent être déposées auprès de ce Bureau. Une fois que cela est fait, leur exécution relève de la compétence exclusive de ce dernier. En d’autres termes, le « bénéficiaire de pension alimentaire », soit la personne qui a droit à un soutien, perd tout contrôle sur le paiement et dépend du Bureau des obligations familiales pour la protection de ses intérêts. La loi crée une relation classique de pouvoir et de dépendance. Des droits sont retirés au citoyen, afin de pouvoir être administrés plus efficacement par un organisme gouvernemental dans le meilleur intérêt dudit citoyen. Du coup, ledit citoyen dépend complètement d’une aide qui devrait être apportée de manière sage et en toute bonne foi. Ce n’est pas ce que le plaignant (nous l’appellerons M. F par souci de protéger sa vie privée) a vécu dans le cas présent. À moins d’un changement de perspective, ce n’est pas non plus ce qu’obtiendront les autres personnes dans la même situation.
3 À l’automne 2003, l’ancienne conjointe de M. F lui devait plus de 5 000 $, ayant manqué de se conformer aux modalités d’une ordonnance alimentaire rendue par un tribunal pour son enfant. Comme la loi le supposait, M. F s’est adressé au Bureau des obligations familiales pour obtenir de l’aide quand il a appris que son ancienne conjointe allait vendre sa maison et allait vraisemblablement empocher le produit de la vente. Il a averti le Bureau des obligations familiales de l’imminence de cette vente, exactement comme celui-ci lui avait conseillé de le faire. En réponse, le Bureau l’a assuré qu’il avait usé de son pouvoir pour obtenir un bref de saisie-exécution garantissant que tout avoir résultant de la vente servirait à couvrir les paiements de pension dus. Mais les efforts du Bureau ont été vains car le bref de saisie-exécution a été déposé à l’ancien nom marital de la payeuse, alors qu’elle avait enregistré sa maison sous son nouveau nom marital.
4 Au moment où M. F a communiqué avec le Bureau des obligations familiales pour l’avertir de l’imminence de la vente de la propriété de la payeuse, le Bureau était au courant de trois éléments pertinents. Premièrement, il savait parfaitement qu’un bref de saisie-exécution serait sans effet à moins qu’il ne corresponde au nom utilisé par la payeuse de la pension alimentaire dans le titre de propriété. Deuxièmement, il savait que l’ancienne conjointe de M. F avait l’habitude d’utiliser différents noms. Troisièmement, il « savait » qu’il ne pouvait pas déposer le bref de saisie-exécution avec un autre nom que celui figurant sur l’ordonnance alimentaire, sauf si M. F obtenait une modification de cette ordonnance indiquant le nom déclaré par son ancienne conjointe. Pourtant, le Bureau des obligations familiales n’a jamais dit à M. F qu’il aurait peut-être besoin d’une telle modification. Le Bureau a simplement déposé un bref qui avait de fortes chances de rester sans effet – ce que le Bureau aurait dû savoir, en fonction des renseignements en sa possession. Et il a ensuite dit à M. F qu’il s’était occupé du bref de saisie-exécution.
5 Le fait que le Bureau des obligations familiales n’ait pas averti M. F a coûté de l’argent à celui-ci. Le Bureau des obligations familiales devrait réparer ses torts. Mais lorsque nous avons communiqué avec la directrice générale intérimaire et le sous-ministre des Services sociaux et communautaires pour remédier à la situation, ils ont essayé de manière peu flatteuse et peu convaincante de nier leur responsabilité. Nous n’avons entendu que des excuses.
6 Premièrement, on nous a dit que les procédures et politiques avaient été suivies. À mon avis, un organisme légalement tenu de faire bien appliquer les ordonnances alimentaires ne devrait pas chercher à justifier son manquement à cette obligation en répondant qu’il a suivi ses procédures et politiques inefficaces.
7 Deuxièmement, la directrice générale intérimaire a justifié le fait de ne pas avoir dit à M. F qu’il aurait besoin d’une modification de l’ordonnance alimentaire en expliquant que M. F aurait probablement eu des difficultés à l’obtenir. Sans vouloir offenser personne, cette façon de penser est aussi étrange que peu convaincante. Donnez à la personne les renseignements dont elle a besoin pour essayer d’agir – ne renoncez pas à sa place, sans rien lui dire.
8 Troisièmement, la directrice générale intérimaire nous a dit que le Bureau des obligations familiales ne pouvait pas informer M. F de la nécessité d’obtenir une modification de l’ordonnance alimentaire si la propriété était enregistrée sous le nouveau nom de son ancienne conjointe, car le Bureau ne peut pas donner de conseils juridiques. Respectueusement parlant, c’est soit une erreur de perspective peu convaincante, soit une simple excuse, comme je le crois. Il est évident que nous ne parlons pas là de conseils juridiques, mais plutôt de renseignements juridiques du type fournis habituellement par le Bureau des obligations familiales.
9 Quatrièmement, on m’a dit aussi que la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée empêchait le Bureau des obligations familiales d’avertir un bénéficiaire de pension alimentaire que le payeur a changé de nom. En fait, je ne crois pas que la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée s’applique à la divulgation de renseignements personnels qui permettent l’exécution efficace d’ordonnances alimentaires. Il peut y avoir matière à controverse sur ce point. Toujours est-il que, même si cette loi s’applique, elle ne peut excuser le fait que M. F n’ait pas été prévenu, étant donné que c’est lui qui avait parlé au Bureau des nouveaux noms utilisés par son ancienne conjointe.
10 Enfin, on m’a dit que le Bureau des obligations familiales n’est pas tenu d’expliquer aux bénéficiaires de pensions alimentaires que le nom figurant sur le bref de saisie-exécution doit être le même que le nom inscrit sur le titre de propriété, et que les bénéficiaires devraient effectivement se débrouiller eux- mêmes. C’est ce qui me dérange le plus, car cette réponse montre que le Bureau des obligations familiales ne comprend pas la responsabilité qui lui est confiée. En termes simples, un organisme gouvernemental qui retire des droits d’exécution à un citoyen en disant qu’il va les prendre en charge, mais qui nie ensuite sa responsabilité quand il peut protéger intégralement ces droits, manque aux principes de l’éthique. À mon avis, le Bureau des obligations familiales a le devoir d’agir de bonne foi et de bien représenter ceux dont il contrôle les droits aux pensions alimentaires. Pas responsable de dire au bénéficiaire de pension alimentaire ce qu’il faut faire pour que l’exécution se fasse? Il me semble évident qu’un changement de culture s’impose dans la façon dont l’administration actuelle voit son rôle. L’injustice est palpable.
11 Malheureusement, ce cas reflète bien le malaise auquel je m’attaque depuis des mois. Les administrateurs ont une vision figée de leurs règles et obligations, oubliant qu’ils ont affaire à des personnes bien réelles. M. F est une personne, pas un cas, et c’est avec raison qu’il est frustré. J’espère que la manière dont le Bureau des obligations familiales et le ministère des Services sociaux et communautaires réagiront à ce rapport lui redonnera quelque confiance dans les institutions et rétablira une bonne dose de justice.
12 M. F est un père divorcé ayant la garde de son fils. Sa situation financière personnelle est telle que son ancienne conjointe doit lui verser une pension alimentaire pour l’enfant. Il a déposé une plainte auprès de mon bureau, affirmant que son ancienne conjointe avait réussi à vendre sa maison et à en garder le produit, alors que cet argent aurait dû servir à couvrir les paiements de pension alimentaire en souffrance. Cela est arrivé car le bref de saisie-exécution déposé par le Bureau des obligations familiales n’était pas au même nom que celui utilisé par l’ancienne conjointe pour enregistrer sa propriété. La réponse que M. F a reçue de la part du Bureau des obligations familiales a été la suivante : « Nous ne pouvons rien y faire maintenant. »
13 M. F a dit que le Bureau des obligations familiales savait depuis toujours que son ancienne conjointe utilisait des noms différents de celui apparaissant sur l’ordonnance alimentaire rendue par le tribunal. Il a expliqué que, bien qu’il ait averti le Bureau des obligations familiales de la vente de la propriété, il avait reçu l’assurance que le bref avait été déposé et que tout avait été réglé. Le Bureau des obligations familiales ne l’avait pas informé que, si le nom de la payeuse figurant sur le bref de saisie-exécution n’était pas le même que celui donné sur le titre de propriété, le bref ne pourrait pas être exécuté. En fin de compte, M. F s’est retrouvé frustré, et sans recours.
14 Les affirmations de M. F se sont avérées vraies. Au cours de l’enquête, nous avons examiné la documentation écrite du Bureau des obligations familiales concernant le cas de M. F, ainsi que les relevés de compte et les dossiers informatisés pertinents. Ces derniers comprennent un relevé de cas, dans lequel le personnel du Bureau des obligations familiales consigne les appels téléphoniques et la correspondance échangés dans chaque cas. Nous avons également passé en revue les politiques et procédures du Bureau des obligations familiales, les renseignements figurant sur son site Web et les lois habilitantes. Nous avons aussi discuté du cas du plaignant avec le personnel du Bureau.
15 Pour bien comprendre les répercussions de ce que nous avons découvert lors de l’enquête, il est important de s’arrêter quelques instants sur la nature et le rôle du Bureau des obligations familiales.
16 La création du Bureau des obligations familiales découle de la Loi de 1996 sur les obligations familiales et l’exécution des arriérés d’aliments. L’objet de cette loi, de ses modifications et de la création du Bureau des obligations familiales est évident : depuis longtemps, l’exécution efficace des ordonnances alimentaires pose problème en Ontario. Le problème est grave car les « bénéficiaires de pensions alimentaires », soit les personnes qui ont droit à un soutien financier en vertu d’ordonnances des tribunaux, dépendent souvent de ces ordonnances pour arriver à vivre et à subvenir aux besoins de leurs enfants. La province de l’Ontario s’est attaquée de manière louable au problème des « payeurs » manquant à leurs obligations. Elle a élaboré des outils efficaces pour faire appliquer les ordonnances alimentaires et elle est même allée plus loin. Elle a assumé la responsabilité de veiller à cette application, en confiant ce rôle au directeur du Bureau des obligations familiales. Le paragraphe 5 (1) de la Loi de 1996 sur les obligations familiales et l’exécution des arriérés d’aliments indique qu’il « incombe » au directeur d’exécuter les ordonnances des tribunaux relatives aux pensions alimentaires ou à l’entretien, ainsi que les contrats familiaux ou les accords de paternité déposés auprès d’un tribunal et du bureau du directeur. Comme le reconnaît le site Web du Bureau des obligations familiales du gouvernement de l’Ontario : « Le Bureau des obligations familiales (le BOF) est [à présent] chargé d’exécuter les ordonnances de pension alimentaire pour les enfants et les conjointes ou conjoints rendues par les tribunaux [et] les accords de séparation et les contrats familiaux déposés auprès des tribunaux de l’Ontario. » Cela s’applique à de nombreux accords concernant les pensions alimentaires dans cette province. Selon les paragraphes 9 (1) et 12 (1) de la Loi de 1996 sur les obligations familiales et l’exécution des arriérés d’aliments, toute ordonnance alimentaire rendue en Ontario doit prévoir son exécution par le directeur, et le greffier ou le registraire du tribunal doit déposer l’ordonnance. Un programme d’exécution très complet est ainsi établi.
17 Une fois qu’une ordonnance alimentaire est déposée, deux événements importants se produisent. Premièrement, la Loi donne au directeur les outils nécessaires pour obtenir l’argent quand le recouvrement est possible. La Loi comporte une myriade de dispositions assurant que le directeur possède les renseignements requis pour son application. En vertu de l’article 19, la Loi oblige les parties désignées dans l’ordonnance, à savoir le « payeur » et le « bénéficiaire de pension alimentaire », à informer le Bureau des obligations familiales de tout changement d’adresse ou de coordonnées. L’article 54 comporte également une disposition permettant au directeur d’exiger que d’autres personnes lui communiquent divers « renseignements liés à l’exécution » ou « renseignements sur le bénéficiaire », entre autres sur son emploi, ses revenus, ses avoirs et ses coordonnées. Le paragraphe 61 (1) oblige le directeur à « collecter, divulguer et utiliser les renseignements personnels ayant trait à un particulier identifiable en vue de l’exécution d’une ordonnance alimentaire ». De plus, la Loi prévoit de très nombreux mécanismes d’exécution, dont la signification d’un avis de saisie des revenus, la suspension de permis de conduire, les droits de rétention et les brefs de saisie-exécution afin que la propriété du payeur soit utilisée pour couvrir les paiements de pension alimentaire dus. Des infractions sont aussi prévues afin d’aider à forcer le paiement – notamment la possibilité d’incarcérer les payeurs manquant à leurs obligations.
18 En plus de conférer de tels pouvoirs au Bureau des obligations familiales, la Loi intervient sur un autre point très important pour le cas présent. Elle retire au bénéficiaire de pension alimentaire le droit qu’il aurait de faire exécuter l’ordonnance pour obtenir le paiement qui lui est dû. Le paragraphe 6 (7) prévoit que « seul le directeur peut exécuter l’ordonnance alimentaire qui est déposée à son bureau ».
19 Il est évident que, dans ce contexte, les relations entre les parties désignées dans les ordonnances alimentaires et le Bureau des obligations familiales sont généralement parlant des relations de pouvoir et de dépendance. Le Bureau des obligations familiales a légalement le devoir de faire appliquer les accords de pensions alimentaires, peut utiliser à sa discrétion tout un éventail d’outils pour y parvenir et peut imposer son pouvoir. Ce faisant, les « bénéficiaires de pensions alimentaires », qui comptent bien souvent sur ces pensions pour arriver à vivre et ou pour assurer le bien-être de leurs enfants, voient leurs droits et intérêts entièrement placés entre les mains de ce Bureau. Il s’agit d’un rapport d’obligation fiduciaire classique dans lequel le gouvernement, assumant son rôle par le biais du Bureau des obligations familiales, est obligé de par la loi ou par simple souci de justice d’utiliser ses pouvoirs en toute bonne foi, avec un soin approprié et dans le meilleur intérêt de ceux qui ont légitimement droit aux pensions alimentaires.
20 La première ordonnance du tribunal intimant à l’ancienne conjointe de M. F de lui verser une pension alimentaire a été rendue le 3 septembre 2002. Cette ordonnance a ensuite été modifiée le 15 avril 2004. Les deux ordonnances ont été rendues au nom que portait l’ancienne conjointe de M. F quand ils étaient mariés. Conformément à la loi en vigueur en Ontario, ces ordonnances ont été déposées auprès du Bureau des obligations familiales, qui avait la compétence exclusive de les faire exécuter. À partir de la date de la première ordonnance, M. F a dû complètement s’en remettre au Bureau pour veiller à ce que son ancienne conjointe respecte ses obligations de pension alimentaire.
21 L’ancienne conjointe de M. F a immédiatement manqué à ses obligations imposées par l’ordonnance initiale, le mettant à la merci du Bureau des obligations familiales. En fait, à l’automne 2003, plus de 5 000 $ étaient dus à M. F. Le Bureau des obligations familiales a décidé alors d’obtenir un bref de saisie-exécution sur la propriété de l’ancienne conjointe de M. F. La fonction d’un bref de saisie-exécution est de grever les biens et terrains du payeur dans la région où ce bref est déposé. Ce bref de saisie-exécution avait donc pour rôle de grever la propriété de l’ancienne conjointe de M. F de sorte que, si cette propriété était vendue, les fonds puissent être saisis pour rembourser les arriérés de pension alimentaire.
22 Le Bureau des obligations familiales sait que les brefs de saisie-exécution sont en fait inutilisables pour l’exécution d’un paiement à partir d’une propriété si le nom donné sur le bref n’est pas le même que celui sous lequel la propriété est enregistrée. Quand le Bureau des obligations familiales a obtenu un bref de saisie- exécution en novembre 2003 en se servant du nom qui apparaissait sur les ordonnances alimentaires du tribunal, il savait que l’ancienne conjointe de M. F utilisait plusieurs noms. Il savait qu’elle avait employé son nouveau nom marital ainsi que d’autres noms. Ainsi, les dossiers du Bureau renferment un formulaire de pension alimentaire non daté et reçu par ce Bureau le 17 février 2003, qui donne le nouveau nom marital de l’ancienne conjointe de M. F – et non pas son ancien nom marital. Le 19 février 2003, le Bureau prenait soin de ne pas utiliser exclusivement le nom apparaissant sur l’ordonnance alimentaire du tribunal, puisqu’il faisait référence à « Mme F, alias Mme C » dans une demande de renseignements envoyée à une entreprise. Et effectivement, dans une lettre du 21 octobre 2003 au Bureau des obligations familiales, l’ancienne conjointe de M. F se présentait elle-même comme Mme F-C. Mais pour le bref de saisie-exécution, le Bureau des obligations familiales a simplement utilisé le nom se trouvant sur l’ordonnance du tribunal.
23 C’était la solution de facilité. Le Bureau des obligations familiales a fait savoir à mon bureau qu’un tribunal ne délivre pas de bref de saisie-exécution si le nom qui y figure n’est pas identique à celui indiqué sur l’ordonnance alimentaire du tribunal. En dépit des grands pouvoirs qu’il a de par la Loi pour obtenir tout renseignement pertinent concernant l’exécution, le Bureau n’a jamais entrepris la moindre démarche pour déterminer si un bref de saisie-exécution à ce nom serait de quelque utilité – et il n’a rien fait pour savoir si la propriété appartenant à l’ancienne conjointe de M. F était enregistrée sous ce même nom. De plus, il n’a pas averti M. F que le bref ne serait pas exécutoire si les noms étaient différents, ce qui était le cas. L’ancienne conjointe de M. F avait enregistré sa propriété sous son nouveau nom marital.
24 Le fait qu’un nom donné sur un titre de propriété ne corresponde pas au nom figurant sur une ordonnance alimentaire rend l’utilisation d’un bref de saisie- exécution difficile, mais pas impossible. Un bénéficiaire de pension alimentaire peut obtenir une modification de l’ordonnance alimentaire, pour y faire inscrire le nom enregistré du payeur, puis obtenir un bref réellement exécutoire. Mais le Bureau des obligations familiales n’a pas pris la peine d’en parler à M. F. Il a simplement obtenu un bref qui s’est avéré sans effet.
25 Le 11 avril 2005, M. F, à qui des arriérés de pension alimentaire très importants étaient toujours dus, a communiqué avec le Bureau des obligations familiales pour l’avertir qu’il avait appris que son ancienne conjointe vendait sa maison. Il voulait s’assurer qu’elle ne pourrait pas en garder le produit sans payer ses arriérés. Il était si résolu à l’en empêcher qu’il a demandé le soutien de sa députée provinciale pour qu’elle fasse un suivi de cet avis au Bureau. Le 6 juin 2005, sa députée s’est renseignée en son nom pour s’assurer qu’un bref de saisie-exécution était bien en place. Le registre de cas du Bureau des obligations familiales indique : « confirmé, il y en a un en place ». Mais aucune discussion n’a eu lieu sur les mesures à prendre pour le bref ait effet.
26 Une semaine plus tard, le bureau de la députée a de nouveau communiqué avec le Bureau des obligations familiales pour l’avertir que M. F avait entendu dire que la propriété avait été vendue. De nouveau, le Bureau des obligations familiales a assuré qu’un bref de saisie-exécution était en place. Le 22 juin 2005, le Bureau d’enregistrement immobilier a informé le bureau de la députée qu’il n’avait en fait dans ses dossiers aucun bref de saisie-exécution provenant du Bureau des obligations familiales et enregistré au nom figurant sur le titre de propriété de la payeuse. Une note inscrite par un membre du personnel du Bureau des obligations familiales en date du 4 juillet 2005 indique que le bureau de la députée avait demandé spécifiquement que le bref soit déposé « au nom de jeune fille [de la payeuse] », croyant apparemment qu’il s’agissait du nom donné sur le titre de propriété. Le 6 juillet 2005, un autre membre du personnel du Bureau des obligations familiales a inscrit une remarque, intitulée « examen des notes », indiquant qu’un bref ne pouvait pas être délivré au nom de jeune fille de la payeuse.
27 En fait, cet ultime sursaut d’activité est arrivé trop tard et s’est révélé insuffisant. Notre enquête a confirmé que la maison avait été vendue le 11 juin 2005. Il y avait alors environ 20 000 $ d’avoirs qui auraient pu être saisis. Selon la directrice générale intérimaire du Bureau des obligations familiales, le montant des arriérés de pension alimentaire qui aurait pu être récupéré si le bref avait eu effet aurait été de 2 422 $. L’ancienne conjointe de M. F a empoché cet argent et les arriérés n’ont toujours pas été payés.
28 Je suis d’avis que le Bureau des obligations familiales a agi de façon déraisonnable dans ce cas. En particulier, il est injustifié qu’il n’ait pas tenu compte du fait que l’ancienne épouse de M. F avait utilisé des noms différents de celui figurant sur l’ordonnance alimentaire initiale (chose qu’il savait) quand il s’est procuré un bref de saisie-exécution à son ancien nom marital. Le Bureau des obligations familiales aurait dû essayer de déterminer si un tel bref aurait effet, au lieu de simplement procéder sans s’informer ou sans faire enquête sur la question. Il est également déraisonnable de la part du Bureau de ne pas avoir averti M. F que, si son ancienne conjointe avait enregistré sa propriété sous un autre nom que celui apparaissant sur l’ordonnance alimentaire, il faudrait qu’il obtienne une modification de cette ordonnance pour qu’un bref de saisie-exécution ayant plein effet puisse être produit. Le Bureau, qui était censé protéger les droits de M. F, ne l’a pas informé de certains renseignements que lui-même avait, et que M. F. ignorait alors qu’il en avait besoin. Le Bureau a aussi manqué de diligence quand il a tout simplement rassuré M. F et sa députée qu’un bref de saisie-exécution était en place, alors que le Bureau avait des raisons de croire que ce bref pourrait être sans effet, quand M. F. et sa députée ont tenté de s’assurer que l’argent de la propriété servirait à payer les arriérés de pension alimentaire. Cela a donné de faux espoirs à M. F et l’a conduit à rester passif, au lieu d’essayer d’obtenir la modification requise. Enfin, les réponses que mon bureau a reçues quand nous avons communiqué avec la directrice générale intérimaire, puis quand nous avons rencontré le sous-ministre des Services sociaux et communautaires, ont été décevantes. En particulier, les cinq explications suivantes nous ont été données :
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le Bureau des obligations familiales a agi conformément à ses politiques et procédures;
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il est inutile d’informer les bénéficiaires de pensions alimentaires des modifications à obtenir concernant les ordonnances des tribunaux pour faciliter l’exécution des brefs de saisie-exécution, car le processus est coûteux et long;
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indiquer aux bénéficiaires de pensions alimentaires comment réagir quand une propriété est enregistrée sous un nom différent de celui figurant sur une ordonnance alimentaire reviendrait à fournir indûment des conseils juridiques à ces bénéficiaires;
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la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée empêche le Bureau des obligations familiales de divulguer des renseignements concernant les noms utilisés par le payeur; et
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le Bureau des obligations familiales n’est nullement tenu d’aider les bénéficiaires de pensions alimentaires de cette façon.
29 À mon avis, il ne s’agit pas là d’explications. Il s’agit d’excuses déraisonnables qui montrent la nécessité de faire des rectifications et des changements.
30 En réponse à l’avis d’enquête de mon bureau, la directrice générale du Bureau des obligations familiales a déclaré que le bref du cas de M. F avait été déposé conformément aux politiques et aux procédures du Bureau, et que l’information fournie à M. F était en accord avec les pratiques professionnelles dudit Bureau. Lorsque j’ai publié mon rapport préliminaire initial et mes recommandations le 20 janvier 2006, une réponse semblable m’a été donnée. On m’a dit alors que le Bureau des obligations familiales s’était acquitté de ses obligations en s’assurant que le bref portait le nom de la payeuse tel qu’il apparaissait sur les ordonnances alimentaires, y compris la modification d’avril 2004. La directrice générale intérimaire a fait observer que le bref avait été déposé en temps opportun, dans le secteur approprié et qu’il concernait la bonne propriété.
31 Bien entendu, il est important que les organismes gouvernementaux suivent leurs politiques et procédures. Le manquement à cette règle pourrait être en soi un motif de plainte. En revanche, lorsque les politiques et procédures sont inefficaces ou mal conçues, le mantra « nous avons suivi les politiques et procédures » ne constitue pas une explication, mais une dérobade. Il est évident que la loi donnait au Bureau des obligations familiales le pouvoir d’utiliser les brefs de saisie- exécution comme recours efficace pour recouvrer des arriérés. S’appuyer sur des politiques et procédures déficientes n’est tout simplement pas en accord avec cet objectif, ni avec la responsabilité globale qu’a le directeur de faire exécuter les ordonnances alimentaires. Et qu’importe si un bref a été déposé en temps opportun dans le secteur approprié pour la bonne propriété, s’il reste sans effet? Ce bref s’est avéré un gaspillage de papier. Les politiques et procédures ne permettaient pas de tenter d’obtenir des brefs de saisie-exécution ayant plein effet dans les cas où les payeurs enregistreraient leur propriété sous des noms différents de ceux donnés sur les ordonnances alimentaires. Le fait d’avoir suivi des politiques et procédures inefficaces ne constitue pas une réponse à la plainte déposée par M. F.
32 En réponse à mon avis d’enquête, la directrice générale a dit que le Bureau des obligations familiales n’informait pas les bénéficiaires de pensions alimentaires de la possibilité de faire modifier les ordonnances alimentaires pour refléter le nom utilisé par le payeur dans son titre de propriété, car il était peu probable qu’un bénéficiaire obtienne la modification requise. Elle a fait ce commentaire :
Mon bureau n’a pas l’habitude de parler aux clients de cette possibilité, car l’obtention d’une ordonnance du tribunal est un processus à la fois coûteux et long pour le client, avec des chances de succès très limitées. Quand un bénéficiaire se rend compte que le payeur essaie de vendre une propriété, cette vente a généralement lieu dans un laps de temps beaucoup plus court que celui requis pour obtenir une nouvelle ordonnance. De plus, si le bénéficiaire obtient une nouvelle ordonnance comportant les divers noms du payeur, le bénéficiaire pourrait découvrir après coup que le titre de propriété est en fait au nom d’une tierce partie… Dans ce cas, les efforts et les coûts qu’il a engagés pour obtenir cette nouvelle ordonnance l’auraient été en vain.
33 Le même commentaire fondamental avait déjà été fait quand mon personnel avait rencontré la directrice générale intérimaire et le sous-ministre des Services sociaux et communautaires le 7 avril 2006.
34 Sans vouloir offenser personne, je trouve que cette façon de penser « ça ne sert à rien » est non seulement peu convaincante, mais généralement erronée. Dans certains cas, voire dans la plupart des cas, il se peut que l’obtention de modifications des ordonnances soit un processus trop coûteux et trop long pour être une solution réaliste. Mais il ne faut pas oublier que la Loi de 1996 sur les obligations familiales et l’exécution des arriérés d’aliments retire aux bénéficiaires de pensions alimentaires le droit de prendre des mesures d’exécution. Les bénéficiaires dépendent entièrement du Bureau des obligations familiales, qui est censé agir dans leur meilleur intérêt – et non pas adopter une attitude défaitiste dans tous les cas. Les bénéficiaires de pensions alimentaires ont le droit de choisir en connaissance de cause s’ils veulent ou non rectifier la situation et accroître leurs chances de recouvrer les arriérés qui leur sont dus. Après tout, le Bureau des obligations familiales ne prend pas en charge le coût des demandes de modifications des ordonnances; il ne paie pas non plus le prix de l’inaction. Les faits devraient être présentés aux bénéficiaires de pensions alimentaires, qui devraient pouvoir décider eux-mêmes s’ils veulent prendre les mesures qui pourraient favoriser l’application du bref de saisie-exécution. Le Bureau des obligations familiales ne devrait pas simplement présumer que le processus est tout simplement inutile, et agir comme si ça ne valait même pas la peine de mentionner le problème et sa solution potentielle.
35 À mon avis, il y a un paradoxe : d’un côté, on nous a dit que le Bureau des obligations familiales estime qu’il est le mieux capable d’agir sur la question et qu’il peut décider au nom des bénéficiaires de pensions alimentaires que cela ne vaut pas la peine pour eux de chercher une solution, mais d’un autre côté le sous- ministre nous a dit qu’il incombe à chacun des bénéficiaires de s’informer et de se tenir au courant des faits. Il y a contradiction. Le Bureau des obligations familiales ne peut pas à la fois traiter les bénéficiaires de pensions alimentaires avec un tel sentiment de supériorité qu’il les prive de solutions potentielles, sans même les consulter, et s’attendre en même temps à ce qu’ils se débrouillent par eux-mêmes.
36 En fait, le Bureau des obligations familiales entretient vis-à-vis des bénéficiaires de pensions alimentaires une relation de pouvoir et dépendance. Vu son monopole en matière d’exécution, il devrait reconnaître qu’il doit communiquer aux bénéficiaires les renseignements qu’il a sur ce qu’ils peuvent faire pour essayer de maximiser leurs chances de réussite. Il ne devrait pas préjuger de la question avec condescendance et fatalisme.
37 À mon avis, le caractère erroné de cette façon de penser « ça ne sert à rien » est très nettement mis en lumière dans ce cas particulier. Premièrement, depuis plus d’un an avant la vente, le Bureau des obligations familiales savait que l’ancienne conjointe de M. F utilisait des noms différents de celui figurant sur les ordonnances alimentaires. S’il avait informé M. F des restrictions quant à l’emploi d’un bref de saisie-exécution pour obtenir le paiement d’arriérés, celui-ci aurait eu plus d’un an pour agir. L’objection « temps » sonne creux.
38 Deuxièmement, M. F ne semble pas avoir l’attitude de résignation qui règne au Bureau des obligations familiales; tout semble indiquer qu’il aurait entrepris les démarches nécessaires pour assurer le recouvrement des sommes dues, car il avait fait tous les efforts raisonnables possibles pour inciter le Bureau à agir de manière efficace. Il avait même sollicité l’aide de sa députée pour s’assurer que le Bureau des obligations familiales sache que son ancienne conjointe utilisait différents noms et qu’elle avait mis sa propriété en vente. Il avait cherché à maintes reprises à obtenir l’assurance qu’un bref était en place, de sorte à pouvoir récupérer au moins en partie les arriérés importants de pension alimentaire pour son enfant. Mais à aucun moment, on ne lui a donné les renseignements nécessaires pour qu’il puisse essayer de faire sa part en vue d’atteindre cet objectif.
39 Enfin, rappelons que le Bureau des obligations familiales a non seulement omis de l’avertir du problème et de lui donner la solution, mais qu’il l’a assuré qu’un bref de saisie-exécution était en place, laissant ainsi sous-entendre que de toute évidence « la question était réglée ». M. F s’est fié à cette affirmation et a attendu que la vente se fasse pour percevoir les arriérés. Malheureusement pour lui, il a cru ce qu’on lui avait dit. Le Bureau des obligations familiales n’a maintenant pas le droit de dire : « Bon, il n’aurait probablement pas pu obtenir une modification de l’ordonnance de toute façon. » Si M. F avait été informé, avait essayé et avait échoué, ce type de réponse aurait pu passer dans son cas particulier. Dans ces circonstances, c’est impossible.
40 Lorsque j’ai avisé la directrice générale intérimaire, dans mon rapport préliminaire initial, que je pensais recommander que le Bureau des obligations familiales fasse tous les efforts raisonnables pour donner aux bénéficiaires de pensions alimentaires les renseignements nécessaires afin de faire face aux situations où un payeur utilise différents noms, elle m’a dit que cela obligerait le Bureau à fournir indûment des conseils juridiques. Elle m’a répondu comme suit :
Le BOF, en tant que programme neutre d’exécution des ordonnances alimentaires en Ontario, ne peut fournir de conseils juridiques ni à un payeur, ni à un bénéficiaire de pension alimentaire… Le bureau du directeur n’est pas engagé dans une relation avocat-client avec le bénéficiaire et ne peut pas lui donner de conseils sur les arguments juridiques à employer, ni sur l’entité en vertu de laquelle un changement ou une modification d’ordonnance alimentaire pourrait être obtenue.
41 Je sais d’expérience que les administrateurs des programmes gouvernementaux utilisent trop facilement ce genre d’excuse relatif aux « conseils juridiques » pour justifier la rétention d’information sur leurs propres pouvoirs, politiques et limites. Il est particulièrement irritant de voir cela se produire au Bureau des obligations familiales. Après tout, le droit d’exécution des ordonnances alimentaires a été retiré au bénéficiaire et octroyé au Bureau, qui a le monopole de l’utilisation de l’outil qu’est le bref de saisie-exécution. Même s’il était légitime de parler de « conseils juridiques », le Bureau des obligations familiales devrait donner aux bénéficiaires de pensions alimentaires les renseignements dont ils ont besoin pour faire des brefs de saisie-exécution des outils efficaces, étant donné que les bénéficiaires dépendent du Bureau pour la bonne exécution des ordonnances. Ceci cadre de toute évidence avec la Loi de 1996 sur les obligations familiales et l’exécution des arriérés d’aliments. Rappelons que le Bureau des obligations familiales est de par la loi « chargé de faire exécuter les ordonnances alimentaires ». Le Bureau ne peut pas s’acquitter de ce devoir sans communiquer aux bénéficiaires les renseignements sur ce qu’ils doivent faire pour l’aider à parvenir à ce que l’exécution ait plein effet.
42 Quoi qu’il en soit, il est erroné d’appeler « conseils juridiques » le type de renseignements dont nous parlons. Le fait d’informer les bénéficiaires de pensions alimentaires des circonstances requises pour l’utilisation efficace d’un outil prévu par la loi, et détenu en leur nom par un organisme gouvernemental chargé de protéger leurs intérêts, n’a rien à voir avec des conseils juridiques. Plus précisément, indiquer aux bénéficiaires de pensions alimentaires qu’un bref de saisie-exécution peut être délivré uniquement avec le même nom que celui donné sur l’ordonnance alimentaire et que, si la propriété d’un payeur est enregistrée sous un nom différent, une modification de l’ordonnance peut être obtenue, ne revient pas à donner des « conseils juridiques ». Ce ne sont rien de plus que des renseignements génériques. Le fait qu’ils puissent inciter les bénéficiaires de pensions alimentaires à consulter un avocat pour savoir s’ils devraient entreprendre cette démarche n’en fait pas pour autant des conseils juridiques. Personne ne demande au Bureau des obligations familiales de recommander l’obtention de modifications, ou de rédiger des ébauches de demandes de modifications. Il s’agit tout simplement de communiquer des renseignements.
43 Je suis frappé par deux incohérences qui concourent à remettre en cause la solidité de l’explication relative aux « conseils juridiques », émise pour justifier le fait d’avoir laissé M. F et d’autres bénéficiaires comme lui dans l’ignorance. Premièrement, parler aux bénéficiaires de la nécessité d’obtenir une modification avant qu’un bref de saisie-exécution ayant plein effet puisse être délivré s’apparente aux renseignements donnés par le Bureau des obligations familiales sur son propre site Web. Par exemple :
« Si vous n’êtes pas d’accord avec le montant prévu dans l’ordonnance du tribunal, vous devrez peut-être retourner devant le tribunal. Pour modifier un contrat familial déposé auprès d’un tribunal, il faut que les payeurs et les bénéficiaires soient tous deux d’accord avec la modification. » Site Web du ministère des Services sociaux et communautaires de l’Ontario, « Points importants à noter », (dernier accès le 10-07-2006 à 12 h 42)
« Les payeurs et les bénéficiaires qui ne s’entendent pas sur la date à laquelle prend fin l’obligation alimentaire pourraient devoir porter l’affaire devant un tribunal. » Site Web du ministère des Services sociaux et communautaires de l’Ontario, « Points importants à noter », (dernier accès le 10-07-2006 à 12 h 42)
44 Quelle est la différence entre cela et ce qui suit :
« Si le payeur détient un titre de propriété sous un nom différent de celui utilisé sur l’ordonnance alimentaire, une modification de cette ordonnance pour y intégrer le nom du payeur qui figure sur le titre peut être requise avant de pouvoir obtenir un bref de saisie-exécution ayant plein effet. Pour modifier une ordonnance alimentaire, les bénéficiaires devront se présenter de nouveau devant un tribunal. »?
45 Si dire aux payeurs et aux bénéficiaires ce qu’il faut faire pour réussir à modifier un contrat familial ou pour arrêter le versement d’une pension alimentaire ne constitue pas un conseil juridique, alors dire aux bénéficiaires qu’ils pourraient devoir se présenter de nouveau devant un tribunal pour obtenir des brefs de saisie- exécution ayant plein effet n’en est pas un non plus.
46 La deuxième incohérence qui fait chanceler l’excuse des « conseils juridiques » est l’offre de résolution faite par la directrice générale intérimaire en réponse à mon rapport préliminaire initial. Elle a dit être disposée à modifier les politiques et procédures existantes du Bureau des obligations familiales pour faciliter la fourniture de conseils quand les bénéficiaires s’informent spécifiquement de l’efficacité des brefs de saisie-exécution si le payeur utilise un nom autre que celui donné sur l’ordonnance alimentaire et le bref. Si informer les bénéficiaires de pensions alimentaires faisant des demandes de renseignements particulières ne constitue pas des conseils juridiques inadmissibles, alors en quoi renseigner les bénéficiaires en général serait-il différent?
47 Comme je le dis, le Bureau des obligations familiales possède un outil législatif d’exécution dont il a le monopole d’utilisation et, dans certains cas, l’efficacité de cette utilisation dépend des mesures prises par les bénéficiaires de pensions alimentaires. Le Bureau des obligations familiales devrait donc indiquer aux personnes qui dépendent de cet outil quand il a de bonnes chances d’être efficace et quand il n’en a pas, pour qu’elles puissent se faire conseiller et décider si elles doivent réagir ou non. L’explication des « conseils juridiques » est soit basée sur une perception erronée de la différence entre renseignements administratifs et conseils juridiques, soit une excuse vide de sens. Dans les deux cas, elle n’apporte pas réponse à la plainte de M. F, ni à la faisabilité des modifications de politiques que je vais recommander.
48 Dans une lettre datée du 6 février 2006, en réponse à mon rapport préliminaire initial, la directrice générale intérimaire faisait référence au fait que la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée interdirait au Bureau des obligations familiales de divulguer à un bénéficiaire de pension alimentaire qu’un payeur a changé de nom, ce qui empêcherait le Bureau d’avertir les bénéficiaires de la nécessité d’obtenir des modifications des ordonnances des tribunaux.
49 À mon avis, si elle est correctement interprétée, la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée n’empêche pas de divulguer à un bénéficiaire de pension alimentaire un changement de nom ou l’utilisation d’un nom différent par un payeur, lorsque cette information est nécessaire à l’application d’une ordonnance alimentaire à l’aide d’un bref de saisie-exécution.
50 Premièrement, l’article 54 de la Loi de 1996 sur les obligations familiales et l’exécution des arriérés d’aliments donne le pouvoir au directeur d’exiger de quiconque des renseignements liés à l’exécution et de les divulguer « dans la mesure nécessaire à l’exécution de l’ordonnance alimentaire ». Cet article « l’emporte sur toute autre loi ou tout règlement et sur toute règle de common law en matière de confidentialité », en d’autres termes, sur la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée. Même si les « renseignements liés à l’exécution » ne comprennent pas expressément les changements de nom ou l’utilisation de noms différents par un payeur, ces noms doivent implicitement y être inclus. Si la Loi de 1996 sur les obligations familiales et l’exécution des arriérés d’aliments n’est pas lue de cette façon, le directeur n’aurait alors aucun droit de demander si le payeur a changé de nom ou utilise un autre nom. Si l’article 54 est lu de cette façon, il permet au directeur de communiquer au bénéficiaire de pension alimentaire l’information sur les noms utilisés par un payeur lorsque cela s’avère nécessaire pour qu’un bref de saisie-exécution ait plein effet.
51 Deuxièmement, l’article 55 autorise le directeur à obtenir des renseignements auprès du gouvernement du Canada et à les divulguer « dans la mesure nécessaire à l’exécution de l’ordonnance [alimentaire] » ou si la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée le permet. En d’autres termes, si le directeur découvre auprès d’une source du gouvernement fédéral que le payeur utilise un nom différent, la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée n’empêche pas la divulgation de ce nom quand elle s’avère nécessaire pour faire exécuter une ordonnance alimentaire.
52 Troisièmement, l’article 61 oblige le directeur à collecter, divulguer et utiliser des renseignements personnels ayant trait à un particulier identifiable aux fins de l’exécution d’une ordonnance alimentaire. Le paragraphe 61(3) exclut expressément la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée de la « collecte de renseignements personnels ». On peut arguer que cette locution doit être lue de manière générale pour englober non seulement « la collecte » per se mais aussi « la divulgation et l’utilisation » car, sinon, l’article 61 permettrait au directeur de collecter des renseignements personnels mais non de les utiliser.
53 Même si la formulation n’est pas optimale et laisse matière à débat, il apparaît clairement que les rédacteurs de la Loi de 1996 sur les obligations familiales et l’exécution des arriérés d’aliments ont fait des efforts considérables pour s’assurer que la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée ne nuisse pas à la bonne exécution des ordonnances alimentaires. Soit la Loi devrait être interprétée dans ce sens et autoriser le directeur à divulguer à un bénéficiaire de pension alimentaire le changement de nom d’un payeur quand cette divulgation est nécessaire pour permettre le recouvrement d’arriérés [comme dans le cas de M. F], soit elle devrait être modifiée en ce sens.
54 Quoi qu’il en soit, même si dans sa formulation actuelle la Loi de 1996 sur les obligations familiales et l’exécution des arriérés d’aliments ne permet pas, pour des raisons de protection de la vie privée, de divulguer à un bénéficiaire de pension alimentaire le nom utilisé par un payeur aux fins d’exécution, ceci ne saurait raisonnablement influer sur la mise en place d’une règle générale. En particulier, ceci ne saurait influer sur la recommandation que je vais faire ci-après, disant que les bénéficiaires de pensions alimentaires devraient généralement être avisés que les brefs de saisie-exécution n’auront plein effet pour grever une propriété que s’ils portent le nom utilisé par le payeur sur le titre de cette propriété, et que des modifications des ordonnances alimentaires sont possibles pour éviter tout problème. Donner aux bénéficiaires de pensions alimentaires cette information générale ne sous-entend pas forcément communiquer les noms spécifiques connus du Bureau des obligations familiales.
55 La Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée, même si elle s’appliquait, n’aurait pas non plus d’effet dans un cas comme celui de M. F, qui a lui-même fait part au Bureau des obligations familiales des noms utilisés par son ancienne conjointe.
56 En résumé, même si la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée impose au Bureau des obligations familiales des limites en matière de communication, ces limites ne justifient pas que M. F n’ait pas été avisé que le bref de saisie-exécution serait sans effet, ou qu’il aurait besoin d’une modification de l’ordonnance alimentaire, et ces limites ne peuvent empêcher l’adoption de la politique générale de communication que je vais recommander.
57 Ce qui est le plus troublant dans la façon dont les personnes responsables de l’application de la Loi de 1996 sur les obligations familiales et l’exécution des arriérés d’aliments se comportent envers M. F et réagissent dans le cadre de mon enquête est leur façon générale de voir leur rôle en vertu de cette loi. Elles ont résisté à la suggestion de toute obligation de leur part d’informer M. F ou d’autres personnes comme lui quant à la façon d’agir pour que les brefs de saisie- exécution aient plein effet. En fait, comme je l’ai dit, le sous-ministre a laissé entendre qu’il incombait aux personnes comme M. F de s’informer et de se tenir au courant des démarches à faire, et que le Bureau des obligations familiales ne peut pas être tenu de tout dire aux bénéficiaires. Quand j’ai dit qu’à mon avis, M. F devrait être dédommagé pour les arriérés qu’il a perdus, on m’a répondu que cela ne serait pas approprié car, quand l’ordonnance alimentaire initiale a été modifiée en 2004, M. F. n’y a pas fait mettre les noms utilisés par son ancienne conjointe. Cela laisse entendre que, d’une façon ou d’une autre, M. F aurait dû savoir que ce type de modification était requis pour que les brefs de saisie- exécution aient plein effet et que, s’il n’avait pas réussi à résoudre le problème, c’était de sa faute. En fait, alors qu’il n’était pas au courant des mesures à prendre, les personnes du Bureau des obligations familiales l’étaient pleinement. Elles auraient facilement pu le guider, mais elles revendiquent le droit de rester sans rien dire, en s’appuyant sur la théorie que chaque citoyen doit se prendre en charge. Pour moi, c’est penser en dépit du bon sens. C’est faire une conception réductrice et inexacte, de manière chronique, de la relation éthique et juridique établie par la loi et par ce qui en découle nécessairement.
58 Comme je l’ai expliqué, pour s’efforcer d’améliorer l’efficacité du recouvrement des pensions alimentaires, le gouvernement de l’Ontario a créé le Bureau des obligations familiales et lui a donné la responsabilité légale de faire exécuter les ordonnances alimentaires. Pour faciliter cela, il a retiré les droits d’exécution aux bénéficiaires de pensions alimentaires. Ces derniers doivent donc compter entièrement sur le Bureau des obligations familiales pour bénéficier de leurs droits prévus par la loi en matière de soutien alimentaire. Il me semble évident que ce rapport de pouvoir et de dépendance crée forcément le type de relation basée sur la bonne foi et sur la confiance qui oblige le Bureau à faire tous les efforts possibles pour protéger au mieux les intérêts des bénéficiaires. Cette obligation suppose nécessairement d’échanger avec eux l’information requise pour que l’exécution ait plein effet. Si les bénéficiaires, privés du pouvoir de faire respecter leurs droits, doivent produire des demandes de modifications afin d’obtenir des brefs de saisie-exécution ayant plein effet, il faut que l’organisme chargé de protéger leurs intérêts le leur dise. Essayer de faire retomber sur les bénéficiaires la responsabilité de se prendre en charge et de s’informer de choses déjà connues du Bureau des obligations familiales, qui pourrait facilement les communiquer afin que son directeur puisse s’acquitter de son devoir de « faire exécuter les ordonnances alimentaires », n’est tout simplement pas en accord avec l’éthique de bonne foi et de confiance, ni avec les obligations découlant de la Loi.
59 Je ne veux ni compliquer les choses, ni détourner l’attention du problème principal, mais j’ai été frappé par le fait que, lorsqu’il a parlé à mon personnel, le Bureau des obligations familiales a prétendu à plusieurs reprises être « un programme neutre d’exécution des ordonnances alimentaires ». Il n’en est rien. Par essence, un programme d’exécution n’est pas neutre. Sa raison d’être est d’obtenir l’argent dû aux bénéficiaires de pensions alimentaires. Il n’est pas surprenant que la Loi de 1996 sur les obligations familiales et l’exécution des arriérés d’aliments ne fasse pas la moindre allusion à la neutralité. Affirmer que la Loi exige la neutralité est une erreur. En effet, le seul devoir pertinent qu’elle impose est l’obligation juridique du directeur de faire exécuter les ordonnances alimentaires. Certes, l’exécution doit se faire de manière équitable, conformément à la loi, mais il est clair qu’elle doit se faire en faveur des bénéficiaires et non au profit des payeurs. Croire que le Bureau des obligations familiales a les mêmes obligations envers deux types de clients (les bénéficiaires et les payeurs) risque d’amener le Bureau à perdre de vue la lourde responsabilité particulière qu’il a vis-à-vis des bénéficiaires, du fait de la relation de pouvoir et de dépendance – comme il l’a fait dans ce cas.
60 En fin de compte, il n’est pas nécessaire de recourir aux subtilités de l’interprétation des lois pour arriver à une conclusion. Le simple bon sens devrait suffire. Le Bureau des obligations familiales devait savoir que le bref de saisie- exécution qu’il avait obtenu pour M. F serait sans effet, puisqu’il savait que l’ancienne conjointe de celui-ci utilisait plusieurs noms. Pourtant, il s’est servi de ce bref comme si de rien n’était, sans dire à M. F qu’il pourrait y avoir un problème et sans lui indiquer les moyens d’y remédier. Et quand M. F, qui était gardé dans l’ignorance, s’est adressé au Bureau après avoir appris l’imminence d’une vente pour s’assurer que le bref était bien en place, le Bureau lui a dit à tort que tout allait bien. Lorsqu’il a découvert que ce n’était pas le cas, on lui a dit qu’il était trop tard. Maintenant que le Bureau des obligations familiales est appelé à rendre des comptes sur ce point, il a pour réplique : « Nous n’avions aucune obligation de le lui dire, c’était à lui de s’informer. » Inutile d’être expert en loi sur les obligations fiduciaires du gouvernement pour savoir que ce genre d’attitude et de comportement est pernicieux. Les personnes responsables d’appliquer cette loi peuvent le faire de manière responsable, juste et raisonnable uniquement si elles sentent toute la portée de l’obligation conférée au Bureau des obligations familiales. Elles doivent agir dans le meilleur intérêt des bénéficiaires de pensions alimentaires. Le cas présent laisse entendre que cette attitude n’est pas encore enracinée dans les mentalités.
61 En vertu de l’alinéa 21 (1) b) de la Loi sur l’ombudsman, je trouve déraisonnable que le Bureau des obligations familiales n’ait pas informé le plaignant des risques que le bref obtenu puisse ne pas être exécutoire, ni des possibilités à sa disposition pour rectifier la situation, et qu’il ait commis l’erreur de se contenter de l’aviser directement et indirectement qu’un bref de saisie-exécution était en place.
62 Le plaignant n’avait d’autre choix que de compter sur le Bureau des obligations familiales pour prendre des mesures efficaces en vue d’obtenir les arriérés de pension alimentaire qui lui étaient dus pour son enfant. Le Bureau n’y est pas parvenu et, maintenant qu’il est trop tard, il ne peut prétendre en toute honnêteté qu’aviser M. F de la nécessité d’une modification des ordonnances aurait été inutile ou sans effet. Comme le bref de saisie-exécution obtenu par le Bureau des obligations familiales a été sans effet, 2 422 $ n’ont pas été recouvrés alors qu’ils auraient pu l’être. En vertu de l’alinéa 21 (3) g) de la Loi sur l’ombudsman, je recommande donc que :
Recommandation 1
Le Bureau des obligations familiales dédommage le plaignant pour un montant correspondant aux arriérés recouvrables par le Bureau au moment de la vente de la propriété de la payeuse.
63 En vertu de l’alinéa 21 (1) b) de la Loi sur l’ombudsman, je trouve également déraisonnables la politique et les pratiques du Bureau des obligations familiales en ce qui concerne l’obtention des brefs de saisie-exécution. La position du Bureau, qui consiste à ne pas aviser les bénéficiaires de pensions alimentaires qu’un bref pourrait ne pas être exécutoire si le payeur change de nom ou enregistre une propriété sous un autre nom, fait entrave à l’obligation légale du directeur de faire exécuter les ordonnances alimentaires. La possibilité d’un changement de nom n’est ni faible, ni imprévisible, étant donné les chances de remariage. Elle n’est pas rare non plus dans le cas des payeuses de pensions alimentaires, qui peuvent reprendre leur nom de jeune fille. De plus, les payeurs peuvent utiliser des variantes de leur nom. En fait, mon bureau est tombé sur un autre cas en 2006 où un bref a été délivré avec un nom différent de celui employé par le payeur pour enregistrer sa propriété – même si, comme dans le cas présent, le Bureau des obligations familiales savait que le payeur utilisait différents noms.
64 À mon avis, deux mesures devraient être prises. La première est générale. Le Bureau des obligations familiales n’a aucune raison valable de ne pas faire tous les efforts raisonnables nécessaires pour aviser tous les bénéficiaires de pensions alimentaires que les brefs de saisie-exécution obtenus pourraient être sans effet si le payeur détient un titre de propriété sous un nom différent de celui utilisé sur l’ordonnance alimentaire, et que, si tel est le cas, le bénéficiaire devrait obtenir une modification de cette ordonnance pour y faire inscrire le nom apparaissant sur le titre de propriété. Je n’oublie pas qu’en réponse à notre rapport préliminaire initial, le Bureau des obligations familiales s’est mis à communiquer ce type de renseignements quand il reçoit des demandes spécifiques mais, à mon avis, cela ne suffit pas. Donner cette information de manière systématique même en l’absence de demandes évitera aux bénéficiaires de pensions alimentaires d’avoir à faire des demandes spécifiques et augmentera les chances de succès de ceux qui sont prêts et aptes à se lancer dans une démarche d’obtention de brefs de saisie- exécution ayant plein effet. Il s’agit d’une exigence tout à fait applicable, même si le Bureau des obligations familiales et le ministère des Services sociaux et communautaires protestent en prétendant le contraire. Elle ne requiert pas du Bureau qu’il fournisse aux bénéficiaires de pensions alimentaires des renseignements sur toutes les éventualités imaginables pouvant avoir des répercussions sur l’exécution d’un bref. Elle exige simplement que le Bureau fasse part de renseignements généraux relatifs à l’effet des changements de nom sur l’applicabilité des brefs et aux efforts à entreprendre pour améliorer la situation. Je recommande donc que :
Recommandation 2
Le Bureau des obligations familiales fasse tous les efforts raisonnables nécessaires pour s’assurer que les bénéficiaires soient avisés qu’un bref de saisie-exécution pourrait ne pas être exécutoire si le payeur change de nom ou utilise différents noms, et qu’une modification de l’ordonnance du tribunal reflétant le changement de nom ou les différents noms et un nouveau bref pourraient être requis.
65 Je voudrais faire aussi une recommandation connexe plus spécifique. Quand, comme dans le cas de M. F et de son ancienne conjointe, le Bureau des obligations familiales apprend qu’un payeur utilise peut-être un nom différent de celui figurant sur l’ordonnance alimentaire, et qu’un bref de saisie-exécution est une méthode viable d’application, le bénéficiaire de pension alimentaire devrait être informé du nom employé par le payeur. Cette recommandation est en accord avec l’obligation de bonne foi du Bureau des obligations familiales envers le bénéficiaire et avec le devoir du directeur de faire exécuter les ordonnances alimentaires afin qu’elles aient plein effet. Je recommande donc que :
Recommandation 3
Quand le Bureau des obligations familiales apprend qu’un payeur utilise peut-être un nom différent de celui figurant sur l’ordonnance alimentaire, et qu’un bref de saisie-exécution pourrait être une méthode appropriée d’application, le Bureau des obligations familiales en avise le bénéficiaire de pension alimentaire en lui disant que cela pourrait compromettre l’obtention d’un bref ayant plein effet, et qu’une modification de l’ordonnance du tribunal reflétant le nom employé par le payeur et un nouveau bref pourraient être requis.
66 À mon avis, les recommandations 2 et 3 offrent une solution nécessaire mais non suffisante. Des modifications apportées à la Loi de 1996 sur les obligations familiales et l’exécution des arriérés d’aliments pourraient améliorer considérablement les choses.
67 Premièrement, même si je pense qu’elle le fait de manière implicite, la Loi de 1996 sur les obligations familiales et l’exécution des arriérés d’aliments n’aborde pas directement la question des changements de nom ou de l’utilisation de différents noms par les payeurs. L’article 19 de la Loi, par exemple, exige qu’un payeur ou un bénéficiaire avise le directeur dans les 10 jours de tout changement d’adresse domiciliaire, d’adresse postale, de numéro de téléphone ou « d’autres coordonnées, telles que son adresse professionnelle, son numéro de télécopieur ou son adresse électronique… » En revanche, il n’indique pas ouvertement si les payeurs ou les bénéficiaires ont l’obligation d’avertir le directeur d’un changement de nom ou de l’utilisation de différents noms, alors que connaître le nom d’une personne est le critère le plus important pour l’identifier et la localiser. Comme indiqué, l’article 54 donne le pouvoir au directeur d’exiger de tierces parties des « renseignements liés à l’exécution », mais la liste de ces renseignements comprend « l’employeur, le lieu de travail, le salaire, la rémunération ou les autres revenus, les éléments d’actif ou de passif, l’adresse domiciliaire, professionnelle ou postale, ou l’endroit où se trouve le payeur, le numéro de téléphone ou de télécopieur ou l’adresse électronique ». Nulle part « le nom » n’est mentionné.
68 Comme je le dis, je pense que l’accès aux noms utilisés par un payeur est nécessairement sous-entendu dans chacune de ces dispositions même s’il n’y est pas ouvertement fait référence; à quoi sert, par exemple, d’appeler à un numéro de téléphone si vous ne savez pas qui demander? Il est évident que le nom d’usage et les pseudonymes sont une forme essentielle de « renseignements liés à l’exécution ». L’accès à l’information concernant les noms utilisés par un payeur est donc implicite dans ces dispositions, étant donné leur raison d’être. Apparemment, le Bureau des obligations familiales n’a pas le même point de vue. Nous avons été informés que, selon lui, la Loi de 1996 sur les obligations familiales et l’exécution des arriérés d’aliments exige que les payeurs et les bénéficiaires l’informent des changements d’adresse ou de numéro de téléphone, mais pas des changements de nom. Malgré ce qu’il considère comme un vide juridique, le Bureau des obligations familiales n’en demande pas moins aux bénéficiaires, lorsqu’ils viennent s’inscrire, si le payeur de pension alimentaire utilise d’autres noms. Mais cela est considéré comme une pratique sage, et non comme un renseignement à obtenir obligatoirement en vertu de la loi. Il est évident que, dans l’intérêt d’une exécution ayant plein effet, la Loi de 1996 sur les obligations familiales et l’exécution des arriérés d’aliments devrait donc aborder ouvertement la question des changements de nom et des pseudonymes. Apporter cette modification aurait deux effets salutaires. Premièrement, tout doute qui subsiste encore sur l’existence de cette obligation serait levé. Deuxièmement, si la modification était faite dans toutes les dispositions de la Loi relatives à la collecte de renseignements, elle autoriserait le directeur à divulguer aux bénéficiaires de pensions alimentaires et à d’autres tout changement de nom ou emploi de pseudonyme par le payeur, quand cette divulgation est nécessaire à l’exécution de l’ordonnance alimentaire - et ceci sans contrevenir aucunement à la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée.
69 En vertu de l’alinéa 21 (1) b), je pense donc que le Bureau des obligations familiales agit de manière « conforme à une règle de droit ou à une disposition d’une loi qui est ou peut être déraisonnable ». Je recommande par conséquent, en vertu de l’alinéa 21 (3) e), que :
Recommandation 4
La Loi de 1996 sur les obligations familiales et l’exécution des arriérés d’aliments soit reconsidérée afin d’imposer l’obligation juridique explicite aux payeurs et aux bénéficiaires de pensions alimentaires de signaler tout changement de leur nom ou toute utilisation d’un nom différent de celui apparaissant sur l’ordonnance alimentaire déposée, et le droit explicite du directeur à obtenir de tierces parties ces renseignements liés à l’exécution.
70 Une modification supplémentaire de la loi, qui améliorerait le régime d’exécution, est possible. Il faut se souvenir que le Bureau des obligations familiales a justifié le fait ne pas avoir pris la peine d’évoquer la possibilité des demandes de modifications en vue de produire des brefs de saisie-exécution ayant plein effet en disant que l’obtention de modifications des ordonnances est un processus trop coûteux et trop long pour constituer une solution réaliste pour la plupart des bénéficiaires de pensions alimentaires. Il n’y a aucune raison que le processus d’obtention de brefs de saisie-exécution ayant plein effet soit aussi lourd et dispendieux lorsque les payeurs enregistrent un titre de propriété sous un nom différent de celui figurant sur les documents relatifs aux pensions alimentaires. Alors qu’il faut sans aucun doute assurer qu’un avis public en bonne et due forme est fait des grèvements dans les régimes d’enregistrement immobilier, il n’est pas nécessaire d’exiger que l’obtention de modifications officielles soit le seul moyen d’y parvenir. Des déclarations faites sous serment par le bénéficiaire de pension alimentaire ou par le personnel du Bureau des obligations familiales, identifiant le détenteur d’un titre de propriété enregistrée comme étant le payeur d’une ordonnance alimentaire, par exemple, pourraient servir d’avis public concernant les demandes de pensions alimentaires – tout en fournissant un moyen efficace d’empêcher les payeurs qui manquent à leurs obligations d’échapper aux régimes d’application prévus par la loi. Étant donné la complexité des régimes d’enregistrement immobilier, je ne ferai pas de recommandation spécifique sur la façon dont un système simplifié de notification pourrait fonctionner tout en protégeant les bénéficiaires de pensions alimentaires. Je recommanderai par conséquent, en vertu de l’alinéa 21 (3) e), que :
Recommandation 5
La Loi de 1996 sur les obligations familiales et l’exécution des arriérés d’aliments et/ou les régimes d’enregistrement immobilier pertinents soient modifiés afin de permettre l’enregistrement public efficace de mécanismes d’exécution des obligations de versement de pensions alimentaires, dans les cas où le titre de propriété du payeur est enregistré sous un nom différent de celui apparaissant sur l’ordonnance alimentaire.
71 En fin de compte, cette enquête s’est avérée une fois de plus comme un cas d’obéissance aveugle aux règlements et de manque d’ouverture en matière d’interprétation. C’est à la fois décourageant et ironique, car la vertu de reconnaître que la plus grande bonne foi est requise, je le crois, par cette loi est de mettre avant tout l’accent sur le côté humain. C’est ce que le Bureau des obligations familiales devrait faire – mettre l’accent sur le côté humain, au lieu de refuser de donner de l’information protégeant les intérêts des personnes qui comptent sur lui. Le programme extrêmement important administré par le Bureau a été établi pour assurer l’exécution des ordonnances alimentaires de sorte qu’elles aient plein effet, et cette initiative a été entreprise car l’aide financière adjugée par les tribunaux est considérée essentielle au bien-être des bénéficiaires. Le Bureau des obligations familiales devrait s’efforcer de trouver des moyens d’en accroître l’efficacité, et non pas adopter des politiques qui mettent en échec son objectif principal.
72 J’espère que le Bureau des obligations familiales et le ministère des Services sociaux et communautaires reconsidéreront les objections initiales qu’ils ont opposées à mes recommandations et agiront comme il se doit. « Tout est question de nom », et la question qui se pose maintenant est de savoir s’ils agiront au nom de la « justice » ou pas.
73 J’ai envoyé un rapport préliminaire révisé au Bureau des obligations familiales, au ministère et au ministre des Services sociaux et communautaires le 21 juillet 2006, avec mes conclusions et mes recommandations. Dans une brève réponse, le ministre m’a fait savoir que son Ministère prenait très au sérieux les problèmes identifiés par moi et m’a assuré qu’une réponse plus détaillée me parviendrait du Bureau des obligations familiales. Le 28 juillet 2006, le Bureau des obligations familiales a répondu au nom de toutes les parties. Bien que faisant référence à divers projets entrepris récemment par lui pour remédier en règle générale aux problèmes de service, le Bureau des obligations familiales a reconnu qu’il restait beaucoup à faire pour que la Loi soit appliquée de manière juste et uniforme. Le Bureau des obligations familiales a aussi généralement reconnu qu’il avait pour responsabilité de mieux informer ses clients, et il s’est engagé à prendre des mesures en réponse à mes recommandations.
74 Le Bureau des obligations familiales a noté qu’il saisit cette occasion pour passer en revue toutes ses politiques et ses pratiques actuelles dans le cadre de sa « transformation d’entreprise ». Dans ce contexte, il a accepté de dédommager M.F et de lui verser le montant des arriérés que le Bureau des obligations familiales aurait pu récupérer lors de la vente de la propriété par la payeuse (recommandation 1).
75 Le Bureau des obligations familiales s’est aussi engagé à utiliser divers moyens de communication pour fournir à ses clients des renseignements sur ce qu’il peut accomplir à l’aide des brefs de saisie-exécution (recommandation 2).
76 Le Bureau des obligations familiales a accepté en principe d’aviser les bénéficiaires de pensions alimentaires qu’un payeur peut utiliser un nom différent de celui donné sur l’ordonnance alimentaire, que ceci peut nuire à l’obtention d’un bref de saisie-exécution ayant plein effet, et qu’une modification de l’ordonnance du tribunal reflétant le nom utilisé par le payeur et un nouveau bref pourraient être requis. Mais le Bureau a indiqué qu’il devrait étudier plus à fond cette recommandation en examinant les dispositions de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée, ainsi que les décisions pertinentes du Commissaire à l’information et la protection de la vie privée (recommandation 3).
77 Mes quatrième et cinquième recommandations concernaient des modifications de loi que je considère nécessaires pour que le Bureau des obligations familiales ait accès aux renseignements sur les noms utilisés par les payeurs (recommandation 4), et pour que le Bureau puisse exécuter un bref de saisie-exécution aux noms utilisés par le payeur, en plus du nom donné dans l’ordonnance alimentaire (recommandation 5). Ces outils législatifs sont nécessaires pour compléter et renforcer les pouvoirs actuels du Bureau des obligations familiales en matière d’exécution. Le Bureau des obligations familiales m’a avisé qu’il considérerait ces modifications et analyserait les changements proposés. Il présentera ensuite ces suggestions au gouvernement quand viendra le temps de considérer les prochaines modifications de loi.
78 Enfin, le Bureau des obligations familiales s’est engagé à informer mon bureau dans six mois des mesures prises par lui en réponse à mes recommandations.
79 J’espère que la réponse positive du Bureau des obligations familiales à mes recommandations témoigne de sa volonté de se montrer plus engagé et plus actif pour s’acquitter de ses obligations de faire exécuter les ordonnances alimentaires. Dans les mois à venir, je surveillerai les progrès du Bureau pour voir comment il tient sa promesse de procéder à un changement de culture qui, espérons-le, permettra de faire exécuter plus efficacement les ordonnances alimentaires au nom des Ontariens et Ontariennes.
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André Marin
Ombudsman