Mémoire sur le projet de loi 188, Loi de 2024 visant à soutenir l’avenir des enfants

Mémoire sur le projet de loi 188, Loi de 2024 visant à soutenir l’avenir des enfants

mai 24, 2024

24 mai 2024

Le Comité permanent de la politique sociale examine actuellement le projet de loi 188, Loi modifiant la Loi de 2017 sur les services à l’enfance, à la jeunesse et à la famille et diverses autres lois, aussi appelée Loi de 2024 visant à soutenir l’avenir des enfants.

Mémoire au Comité permanent de la politique sociale sur le projet de loi 188, Loi de 2024 visant à soutenir l’avenir des enfants

Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario

Mai 2024

 

Aperçu

Le Comité permanent de la politique sociale examine actuellement le projet de loi 188, Loi modifiant la Loi de 2017 sur les services à l’enfance, à la jeunesse et à la famille et diverses autres lois, aussi appelée Loi de 2024 visant à soutenir l’avenir des enfants. Si ce projet de loi est adopté, la Loi de 2017 sur les services à l’enfance, à la jeunesse et à la famille (LSEJF) sera modifiée par l’adjonction d’exigences en matière de délivrance de permis et de responsabilisation ainsi que de nouvelles infractions à la Loi, et par le renforcement des mesures de protection de la vie privée des personnes ayant bénéficié de services de protection de l’enfance.

Je salue les efforts que le gouvernement déploie pour mieux protéger les enfants et les jeunes recevant des services de protection de l’enfance. Tout particulièrement, je me réjouis qu’il prévoie indiquer dans la LSEJF qu’un(e) enfant qui reçoit des soins a le droit d’être informé(e), dans un langage adapté à son niveau de compréhension, des renseignements sur mon Bureau. Ce changement contribuera à faire connaître aux enfants et aux jeunes pris(es) en charge leur droit de porter plainte auprès de mon Bureau.

En revanche, les modifications de la LSEJF projetées ne tiennent pas compte de plusieurs problèmes que j’ai portés à l’attention du ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires (le Ministère). J’ai préparé le présent mémoire pour exposer de nouveau ces propositions cruciales, et faire part des observations et de l’expertise de mon Bureau quant à la prestation de services de protection de l’enfance. J’ai bon espoir que ces propositions aideront le Ministère à renforcer la surveillance et la responsabilisation concernant les enfants et les jeunes vulnérables.

 

Compétence et rôle de l’Ombudsman dans l’amélioration des services aux enfants et aux jeunes

L’Ombudsman de l’Ontario, nommé en application de la Loi sur l’ombudsman, est un haut fonctionnaire indépendant et impartial de l’Assemblée législative de l’Ontario. À ce titre, il a le pouvoir d’effectuer des examens et des enquêtes officielles à l’égard de la conduite administrative de plus de 1 000 organismes publics, dont les organisations du gouvernement provincial, les entités du secteur municipal, les conseils scolaires ainsi que les universités financées par les fonds publics. Depuis 2019, l’Ombudsman a aussi comme mandat d’examiner les plaintes concernant les sociétés d’aide à l’enfance, les titulaires de permis d’établissement, et les centres de traitement en milieu fermé qui fournissent aux enfants et aux jeunes des services prescrits par la LSEJF, ainsi que les plaintes au sujet de la prestation des services en français en vertu de la Loi sur les services en français. Lorsqu’un problème est signalé, l’Ombudsman peut formuler des recommandations afin de le régler, d’améliorer les processus et de renforcer la gouvernance et la responsabilisation.

L’Ombudsman a repris certaines des fonctions de l’ancien Bureau de l’intervenant provincial en faveur des enfants et des jeunes. Plus précisément, le Bureau de l’Ombudsman a été investi du pouvoir d’enquêter sur « toute affaire » concernant les services fournis à un(e) enfant par une société d’aide à l’enfance ou par un fournisseur de services détenant un permis d’établissement. De plus, en application du Règlement de l’Ontario 80/19, mon Bureau est chargé de recevoir et d’examiner les rapports au sujet des circonstances entourant le décès ou les lésions corporelles graves d’un(e) enfant ayant reçu des services relevant de la LSEJF. Il s’agit là d’une fonction auparavant remplie par le Bureau de l’intervenant.

Depuis, le Bureau de l’Ombudsman a prêté assistance à des enfants, jeunes et familles dans plus de 7 700 dossiers touchant de jeunes personnes prises en charge ou recevant des services de sociétés d’aide à l’enfance, et près de 1 000 dossiers en lien avec des centres de justice pour la jeunesse. Mon Bureau non seulement aide des milliers d’enfants concernant des problèmes liés à la protection de l’enfance, mais fait aussi de la sensibilisation auprès des enfants fréquentant des écoles provinciales et d’application et leur fournit des services. Il supervise un vaste éventail de services pour enfants dans les secteurs des services sociaux, de la santé et de l’éducation.

Une bonne partie de ces dossiers sont traités à mon Bureau par une unité spécialisée dans les cas touchant les enfants et les jeunes, l’Unité des enfants et des jeunes. Cette unité a pour fonction de promouvoir et de protéger les droits des enfants et des jeunes pris(es) en charge, par les actions suivantes :

  • Traiter les plaintes des jeunes personnes, de leurs familles et du public;

  • Mener des enquêtes s’il y a lieu;

  • Surveiller et administrer le système de rapports de décès et de lésions corporelles graves;

  • Rencontrer les jeunes personnes prises en charge pour les informer de leurs droits;

  • Donner des présentations aux fournisseurs de services ayant des obligations envers les enfants et leurs familles aux termes de la LSEJF;

  • Produire des documents de communication et donner des présentations aux groupes communautaires et aux professionnel(le)s qui viennent en aide aux jeunes personnes;

  • Donner des conseils et adresser des recommandations au gouvernement.


Nous avons également créé quatre équipes spécialisées – Cercle autochtone; Table des enfants, des jeunes et des familles noir(e)s; équipe de sensibilisation 2SLGBTQIA+; et groupe de liaison avec les écoles provinciales et d’application – pour mener des activités de présentation et de sensibilisation auprès des enfants, des jeunes et des familles qui font partie de ces groupes.
 
Notre but est d’améliorer l’expérience des jeunes personnes et des familles qui reçoivent des services de protection de l’enfance en Ontario en nous assurant qu’elles sont traitées équitablement.

 

Informer les enfants et les jeunes au sujet de l’Ombudsman

En août 2023, mon Bureau a soumis un mémoire au ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires concernant son examen quinquennal de la LSEJF[1]. J’y ai proposé neuf changements législatifs et réglementaires, dont deux sont incorporés au projet de loi 188. Dans le présent mémoire destiné au Comité permanent, je présenterai six propositions qui, à mon avis, justifient la modification du projet de loi 188.

À l’heure actuelle, la Loi sur l’ombudsman oblige les fournisseurs de services à informer les enfants au sujet de notre Bureau, mais la LSEJF ne garantit aucun droit équivalent. Or, la plupart des fournisseurs de services et des jeunes s’en remettent à la LSEJF comme source d’autorité garantissant les droits des jeunes personnes prises en charge, et non à la Loi sur l’ombudsman.

Je me réjouis que le gouvernement modifie la LSEJF pour y indiquer qu’un(e) enfant qui reçoit des soins a le droit d’être informé(e), dans un langage adapté à son niveau de compréhension, de l’existence de mon Bureau, des fonctions de l’Ombudsman et des moyens de prendre contact avec lui. Dorénavant, les sociétés d’aide à l’enfance et les titulaires d’un permis d’établissement devront aussi fournir aux enfants et aux jeunes de l’information sur mon Bureau dans les cas suivants :

  1. Quand une société d’aide à l’enfance ou un(e) titulaire d’un permis d’établissement commence à fournir un service à un(e) enfant ou un(e) jeune;

  2. Lorsqu’un(e) enfant ou un(e) jeune porte plainte en vertu de la LSEJF ou demande un examen plus poussé de la plainte après l’examen de la société d’aide à l’enfance ou du(de la) titulaire d’un permis d’établissement;

  3. Lorsque jugé nécessaire par la société d’aide à l’enfance ou le(la) titulaire d’un permis d’établissement pour que l’enfant ou le(la) jeune comprenne les renseignements;

  4. Dans les autres cas prescrits.


Tout comme le Ministère, je suis d’avis que ces changements aideront les enfants et jeunes pris(es) en charge à faire valoir leurs droits, et contribueront à améliorer la qualité des services et à mieux faire connaître leurs obligations aux sociétés d’aide à l’enfance et aux titulaires de permis pour des services hors domicile[2]. Je le félicite d’avoir travaillé à appliquer mes précédentes propositions, ce qui contribuera à faire connaître aux enfants et aux jeunes leur droit de porter plainte auprès de mon Bureau.

 

Mieux protéger les enfants et les jeunes

Je me réjouis également du fait que le projet de loi 188 apportera plusieurs autres changements positifs à la LSEJF qui viendront renforcer la protection des enfants et des jeunes pris(es) en charge, notamment en établissant de nouvelles exigences en matière de reddition de comptes et de délivrance de permis, et de nouvelles infractions à la Loi. Ces changements amélioreront la surveillance du Ministère concernant les enfants et jeunes pris(es) en charge et favoriseront la conformité à la LSEJF.

Par exemple, le nouveau libellé de la LSEJF exigera que le(la) titulaire de permis, une personne qu’il(elle) emploie ou une personne dont il(elle) retient les services (y compris un(e) parent de famille d’accueil), une société d’aide à l’enfance (y compris un(e) préposé(e) à la protection de l’enfance), un(e) agent(e) de probation de l’enfant et toute personne prescrite fassent un signalement au Ministère lorsqu’ils(elles) suspectent un danger immédiat pour la santé, la sécurité ou le bien-être d’un(e) enfant recevant des soins en établissement. Ce changement reflète des recommandations présentées précédemment par l’intervenant(e) provincial(e) en faveur des enfants et des jeunes. Comme je l’ai mentionné dans mon précédent mémoire adressé au Ministère, on estime que l’absence de supervision externe indépendante des activités quotidiennes, le manque de discipline et la qualité des soins reçus par les enfants pris(es) en charge augmentent la probabilité qu’ils(elles) subissent de mauvais traitements[3].

 

Mieux protéger la vie privée des enfants et des jeunes

À l’heure actuelle, la Loi ne restreint pas explicitement la consultation ou la divulgation des renseignements personnels que détiennent les sociétés d’aide à l’enfance ou les fournisseurs de services une fois qu’un(e) enfant ou un(e) jeune n’est plus admissible aux services de protection de l’enfance. Si le projet de loi 188 entre en vigueur, la partie X de la Loi, « Renseignements personnels », sera modifiée pour empêcher les sociétés d’aide à l’enfance et les personnes et entités prescrites d’utiliser et de divulguer certains renseignements personnels recueillis quand une personne n’est plus admissible aux services prescrits ou à des soins et à un soutien prolongés prévus dans une entente conclue en vertu de la LSEJF. La Loi prévoira des exceptions à ces restrictions.

Selon la Loi sur l’ombudsman, aucune disposition de la partie X de la LSEJF n’a pour effet d’empêcher quiconque est assujetti à cette partie de fournir des renseignements personnels à l’Ombudsman lorsque ce(tte) dernier(ière) exige des preuves ou un interrogatoire sous serment[4]. Par conséquent, les changements projetés n’empêcheraient pas mon Bureau d’exiger la divulgation de renseignements personnels pertinents dans une enquête menée en vertu de la Loi sur l’ombudsman. Je salue l’objectif que s’est donné le Ministère de mieux protéger la vie privée des enfants et jeunes ayant eu affaire avec le système de protection de l’enfance, tout en continuant de permettre à mon Bureau d’obtenir des preuves pertinentes et d’interroger les témoins durant une enquête.

 

Renforcer les droits des jeunes voulant conclure une entente sur les services volontaires pour les jeunes

Même si le projet de loi 188 introduit des changements importants dans la LSEJF, il ne règle pas des problèmes majeurs que j’ai relevés quant aux moyens par lesquels les jeunes peuvent obtenir des services volontaires auprès des sociétés d’aide à l’enfance.

Le 1er janvier 2018, le gouvernement de l’Ontario a relevé l’âge de protection de 16 à 18 ans. Depuis, les jeunes de ce groupe d’âge peuvent conclure des ententes sur les services volontaires pour les jeunes (ESVJ) avec des sociétés d’aide à l’enfance s’ils(elles) souhaitent accepter des services de protection dont ils(elles) ont besoin. Au moment de ce changement, la ministre alors en poste avait remarqué qu’auparavant, les jeunes dans cette tranche d’âge étaient aiguillé(e)s vers des services communautaires, comme des refuges. Le passage de l’âge de protection à 18 ans visait à faire en sorte que ces enfants soient en mesure d’obtenir les services qui les protègent et leur permettent de réaliser leur plein potentiel.

Or, mon Bureau continue d’entendre dire que beaucoup de jeunes demandant l’assistance de sociétés d’aide à l’enfance se font refuser ces services. Depuis 2019, il a reçu 90 plaintes visant 30 sociétés d’aide à l’enfance en lien avec divers problèmes associés aux ESVJ. Dans le rapport que j’ai publié récemment, intitulé Des droits non reconnus : l’histoire de Mia, j’ai exposé en détail les difficultés que « Mia », une jeune femme de 16 ans, a rencontrées quand elle a tenté d’obtenir des services de protection de l’enfance volontaires[5]. Même si elle avait expressément demandé à la société d’aide à l’enfance de l’aider à obtenir un placement et à se réinscrire à l’école, Mia n’a jamais reçu le soutien qu’elle demandait. Elle n’a pas été placée en foyer d’accueil, et à un certain moment, on a suggéré qu’elle « rest[e] dans un refuge ». J’ai conclu dans mon rapport que la société avait agi de manière « déraisonnable et erronée » au sens de la Loi sur l’ombudsman, et recommandé 20 améliorations, que la société a toutes acceptées.

Comme je l’ai souligné dans mon précédent mémoire adressé au Ministère, il y a lieu d’améliorer l’accessibilité aux mécanismes de traitement des plaintes et de surveillance pour les jeunes vulnérables à qui les sociétés d’aide à l’enfance n’offrent pas de services. Pour mieux défendre les intérêts de ces jeunes, il faudrait obliger les sociétés d’aide à l’enfance à les informer de leur droit de porter plainte auprès de mon Bureau si elles ne leur offrent pas de services de protection. Les jeunes dont la demande est rejetée se trouvent souvent dans une situation familiale précaire, et beaucoup méconnaissent leurs droits et leurs recours. Une telle obligation renforcerait les droits des enfants et des jeunes et améliorerait la responsabilisation.

 

Proposition 1

L’article 77 de la LSEJF devrait être modifié de manière à obliger toutes les sociétés d’aide à l’enfance à informer les jeunes dont la demande d’ESVJ a été refusée de l’existence et du rôle du Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario, et de la façon de prendre contact avec lui.




Libellé de la modification du projet de loi 188 proposée :

 

Le paragraphe suivant est ajouté dans la LSEJF : [Traduction] 77 (8) Si un enfant souhaite conclure une entente aux termes du présent article et que la société décide de ne pas conclure d’entente, l’enfant doit alors être informé, dans un langage qui lui est compréhensible, de l’existence et du rôle de l’Ombudsman de l’Ontario et de la façon de prendre contact avec lui.


 

Programme À vos marques, prêts, partez

À l’heure actuelle, les jeunes de 18 à 23 ans peuvent recevoir des soins et un soutien prolongés d’une société d’aide à l’enfance dans le cadre du nouveau programme À vos marques, prêts, partez. Ce programme est là pour soutenir les jeunes qui quittent l’encadrement d’une société d’aide à l’enfance pour démarrer leur vie adulte.

Comme pour les ESVJ, l’expérience de mon Bureau tend à indiquer que lorsque les sociétés d’aide à l’enfance cessent d’offrir ce type de soutien à un(e) jeune, ce(tte) dernier(ière) a l’impression qu’il(elle) n’a personne vers qui se tourner. Dans un dossier, une jeune personne a exprimé le souhait que le Bureau de l’avocat des enfants soit avisé quand une société d’aide à l’enfance cherche à mettre un terme à ce type de soutien, car elle avait l’impression que son avocat(e) aurait agi s’il(elle) avait été au courant de la situation. Or, le Bureau de l’avocat des enfants ne peut fournir aucune aide juridique aux personnes de 18 ans et plus.

Ici encore, il faut faciliter l’accès aux mécanismes de plainte et de surveillance pour les jeunes vulnérables qui se voient refuser les services d’une société d’aide à l’enfance. Lorsqu’un(e) jeune demande ou se fait offrir une entente dans le cadre du programme À vos marques, prêts, partez, ou quand des sociétés d’aide à l’enfance concluent ou souhaitent résilier une telle entente, ces sociétés devraient être tenues d’informer le(la) jeune au sujet de l’Ombudsman de l’Ontario et de la façon de prendre contact avec lui(elle) pour signaler un problème ou porter plainte.

 

Proposition 2

Il y aurait lieu de modifier l’article 124 de la LSEJF de façon à obliger les sociétés d’aide à l’enfance, lorsqu’une entente avec un(e) jeune aux termes de cet article est demandée, offerte, conclue ou résiliée, à informer ce(tte) jeune de l’existence et du rôle du Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario et de la façon de prendre contact avec lui.




Libellé de la modification du projet de loi 188 proposée :

 

Le paragraphe suivant est ajouté dans la LSEJF : [Traduction] 124 (2) Si une personne demande, se fait offrir ou conclut une entente aux termes du paragraphe (1) ou si la société résilie l’entente, la société informe cette personne de l’existence et du rôle de l’Ombudsman de l’Ontario et de la façon de prendre contact avec lui.


 

Étendre l’accès à l’Ombudsman

J’invite en outre le Comité permanent à éliminer une faille dans la Loi sur l’ombudsman qui empêche mon Bureau de s’occuper de problèmes de certain(e)s enfants et jeunes recevant des services en vertu de la LSEJF.

La Loi de 2007 sur l’intervenant provincial en faveur des enfants et des jeunes, aujourd’hui abrogée, autorisait l’intervenant(e) provincial(e) à recevoir et à traiter les plaintes d’enfants et de jeunes demandant ou recevant des services fournis ou financés aux termes de la LSEJF. Ce droit d’enquêter était plus restreint et ne concernait que les enfants recevant les services de sociétés d’aide à l’enfance, et de titulaires d’un permis d’établissement où une société d’aide à l’enfance les avait placé(e)s. Selon la Loi sur l’ombudsman, le mandat d’enquête de l’Ombudsman touche les services fournis par les sociétés d’aide à l’enfance et les titulaires d’un permis d’établissement, mais pas les plaintes qui concernent des enfants et jeunes demandant ou recevant des services fournis ou financés aux termes de la LSEJF.

Dans sa version actuelle, la Loi sur l’ombudsman n’autorise pas mon Bureau à enquêter et à formuler des recommandations en lien avec des enfants signalant un problème concernant un établissement ou organisme sans permis ou un organisme fournissant des services de santé mentale ou développementale hors établissement. Ces enfants et jeunes ne peuvent habituellement pas s’adresser à mon Bureau, et n’ont malheureusement pas accès aux mécanismes de surveillance que nous pourrions mettre en place pour bien résoudre la situation. La Loi sur l’ombudsman prévoit qu’il est possible de prescrire, par voie de règlement, les services relevant de l’Ombudsman[6], mais cela ne s’est jamais fait. Il serait possible de clarifier la situation, d’assurer l’uniformité et de mieux servir les droits des enfants et des jeunes simplement en élargissant le mandat de l’Ombudsman à cet égard.
 
C’est là une lacune à combler. Tou(te)s les enfants et les jeunes recevant des services en vertu de la LSEJF devraient avoir le droit de s’adresser à mon Bureau.
 

Pour leur accorder ce droit, il serait possible d’incorporer au projet de loi 188 une modification corrélative à la Loi sur l’ombudsman renforçant les pouvoirs de l’Ombudsman relatifs à la protection des droits des enfants et des jeunes.

 

Proposition 3

Il faudrait intégrer au projet de loi 188 une modification corrélative à la Loi sur l’ombudsman visant à élargir le mandat de l’Ombudsman relatif aux enfants et aux jeunes pour qu’il englobe tous les services fournis ou financés aux termes de la LSEJF, y compris les services offerts par des établissements ou organisations sans permis et des organisations offrant des services de santé mentale ou développementale pour les enfants hors établissement.




Libellé de la modification de la Loi sur l’ombudsman proposée :

 

Dans l’alinéa 14 (1.1) c), le texte suivant est supprimé : « prescrit par les règlements pris en vertu de l’alinéa (1.4) a) ».

Dans les paragraphes 14 (1.3) et (1.4), les mentions de l’alinéa a) sont supprimées.


 

Services en français

Mon Bureau a également relevé par le passé des problèmes relatifs au mode de prestation des services de protection de l’enfance aux enfants et jeunes francophones. Mon Bureau a constaté que les services qui leur sont fournis en vertu de la LSEJF ne sont pas toujours respectueux des droits et intérêts linguistiques de la population francophone de l’Ontario. Par exemple, mon Bureau a reçu la plainte d’un jeune francophone qui s’est vu refuser un placement dans l’aile francophone d’un établissement de détention pour jeunes et s’est retrouvé dans la section anglophone. De plus, on l’a inscrit dans une classe où l’on ne parlait qu’anglais, langue que ce jeune ne maîtrisait pas avec confiance.
 
Lorsque c’est possible, les services prescrits par la LSEJF qui sont fournis aux enfants francophones devraient être respectueux de leur héritage linguistique et culturel. La LSEJF devrait reconnaître expressément qu’en application de la Loi sur les services en français, la langue française jouit d’un statut particulier en Ontario, ce dont il devrait être tenu compte dans tous les aspects des services. En outre, l’importance de préserver l’identité linguistique des enfants et jeunes bénéficiaires de services prescrits par la LSEJF devrait être reconnue dans le préambule de la Loi.

 

Proposition 4

Il y aurait lieu de modifier le préambule de la LSEJF en y énonçant que l’Assemblée législative reconnaît la contribution de l’héritage culturel de la population francophone et souhaite préserver cet héritage pour les prochaines générations.




Libellé de la modification du projet de loi 188 proposée :

 

L’article suivant est ajouté au préambule de la LSEJF : [Traduction] En ce qui a trait aux enfants francophones, le gouvernement de l’Ontario reconnaît ce qui suit :

  • L’Assemblée législative reconnaît la contribution de l’héritage culturel de la population francophone et souhaite préserver cet héritage pour les prochaines générations.


À l’heure actuelle, l’article 16 de la LSEJF exige que lorsque cela est approprié, les fournisseurs de services offrent leurs services aux enfants et aux adolescent(e)s, ainsi qu’à leur famille, en français. Néanmoins, la Loi n’établit pas expressément d’obligation pour les fournisseurs de services de vérifier et de consigner l’identité linguistique des enfants. La LSEJF devrait définir explicitement une telle obligation.

 

Proposition 5

Il faudrait modifier l’article 15 de la LSEJF de manière à exiger que les fournisseurs de services se renseignent pour savoir si l’enfant préfère recevoir les services en français ou en anglais et consignent cette préférence.




Libellé de la modification du projet de loi 188 proposée :

 

Le paragraphe suivant est ajouté dans la LSEJF : [Traduction] 15 (5) Les fournisseurs de services demandent aux enfants et aux jeunes s’ils souhaitent recevoir les services en anglais ou en français, et consignent leur réponse.


 

Enquêtes de protection dans les centres de justice pour la jeunesse

Par ailleurs, les changements envisagés dans le projet de loi 188 ne règlent pas des problèmes que j’ai soulevés concernant les enquêtes de protection de l’enfance menées dans des centres de justice pour la jeunesse.

Les sociétés d’aide à l’enfance devraient pouvoir enquêter sur tout cas où un(e) enfant relevant de leur compétence pourrait avoir besoin de protection. Elles doivent habituellement s’en remettre à la coopération pour obtenir des renseignements exacts et adéquats lors de l’enquête de protection. Or, mon Bureau a dernièrement reçu une plainte au sujet du personnel d’un centre de justice pour la jeunesse qui refusait de coopérer avec une société qui faisait une enquête. Lorsque le problème a été signalé à la haute direction du ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires, mon Bureau a été informé que la LSEJF ne donnait pas aux sociétés le pouvoir d’obliger le personnel d’un centre de justice pour la jeunesse à coopérer dans le cadre de leurs enquêtes. Le Ministère a convenu que cela posait problème et a dit que l’examen législatif de la LSEJF pourrait être l’occasion de combler cette lacune.

Les sociétés d’aide à l’enfance devraient pouvoir enquêter sur les cas où un besoin de protection est signalé relativement à des jeunes vivant dans un centre de justice pour la jeunesse. Il y aurait matière à modifier la LSEJF de façon à obliger le personnel de ces établissements à coopérer lorsqu’une société d’aide à l’enfance mène une enquête. La partie de la LSEJF portant sur la justice pour les adolescent(e)s (partie VI) comporte déjà des dispositions obligeant le personnel à coopérer dans le cadre de certains types d’enquêtes. Des dispositions similaires devraient être ajoutées au sujet des enquêtes des sociétés d’aide à l’enfance[7].

 

Proposition 6

Il y aurait lieu de modifier la LSEJF de façon à obliger l’ensemble du personnel des centres de justice pour la jeunesse à coopérer avec les sociétés d’aide à l’enfance lorsque celles-ci mènent une enquête.




Libellé de la modification du projet de loi 188 proposée :

 

L’article suivant est ajouté dans la LSEJF : [Traduction] 154.1 Le personnel des centres de garde pour jeunes en milieu ouvert ou fermé et des centres de détention provisoire coopère pleinement aux enquêtes des sociétés d’aide à l’enfance, notamment en ce qui concerne les demandes de renseignements ou la production de documents ou d’autres objets en sa possession.


 

Conclusion

Je salue la volonté actuelle du gouvernement d’améliorer la sécurité, le bien-être et la protection de la vie privée des enfants et des jeunes pris(es) en charge et servi(e)s hors domicile par des titulaires de permis grâce aux modifications proposées dans le projet de loi 188. J’invite le Comité permanent à continuer de se soucier avant tout des enfants et des jeunes dans son examen des modifications législatives envisagées, et à agir concrètement en lien avec les propositions supplémentaires que j’ai présentées. Je suis convaincu, d’après la vaste expérience de mon Bureau, que les changements envisagés vont renforcer et protéger les droits des enfants et des jeunes d’une façon qui privilégie et reflète leurs besoins, leurs désirs et leur niveau de développement.

Je remercie le Comité de l’attention portée à mes commentaires. Mon personnel se fera un plaisir de communiquer plus d’information et de répondre aux questions sur ces propositions.


Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario



[1] Ombudsman de l’Ontario. Mémoire au ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires faisant suite à l’examen quinquennal de la Loi de 2017 sur les services à l’enfance, à la jeunesse et à la famille (juillet 2023) [Mémoire de l’Ombudsman de l’Ontario concernant la LSEJF], en ligne.
[2] Ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires. Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletModifications proposées à la Loi de 2017 sur les services à l’enfance, à la jeunesse et à la famille afin d’améliorer l’accès des enfants et des jeunes pris en charge aux renseignements sur le Bureau de l’Ombudsman, Registre de la réglementation de l’Ontario (17 avril 2024), en ligne.
[3] Mémoire de l’Ombudsman de l’Ontario concernant la LSEJF, supra note 1, qui cite : Commission du droit du Canada. La dignité retrouvée : la réparation des sévices infligés aux enfants dans des établissements canadiens (Ottawa : Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, 2000), p. 5-6.
[4] Paragraphes 14 (1.2) et 19 (3.1). D’après le paragraphe 19 (1) de la Loi sur l’ombudsman, l’Ombudsman peut exiger d’un(e) agent(e), d’un(e) employé(e) ou d’un(e) membre de tout organisme du secteur public qu’il(elle) produise les preuves qui ont trait à l’objet de l’enquête qu’il(elle) peut avoir en sa possession ou sous son contrôle. Selon le paragraphe 19 (2), l’Ombudsman peut convoquer : le(la) plaignant(e); un(e) agent(e), un(e) employé(e) ou un(e) membre de tout organisme du secteur public; et quiconque il(elle) juge en mesure de fournir des renseignements en lien avec une affaire faisant l’objet d’une enquête. Le paragraphe 14 (1.2) précise que ces dispositions s’appliquent aux enquêtes de l’Ombudsman sur des sociétés d’aide à l’enfance et des titulaires de permis d’établissement, comme s’il s’agissait d’organismes du secteur public.
[5] Ombudsman de l’Ontario. Des droits non reconnus : l’histoire de Mia (avril 2024), en ligne.
[6] Loi sur l’ombudsman, L.R.O. 1990, chap. O.6, aliéna 14(1.1)c).
[7] Libellé actuel du paragraphe 154 (2) de la LSEJF :

  • La personne employée au ministère qui entrave une inspection ou une enquête ou qui soustrait, détruit ou dissimule des renseignements ou des choses exigés pour les fins d’une inspection ou d’une enquête, ou qui refuse de fournir ces renseignements ou choses, peut faire l’objet d’un congédiement justifié.