Ville de Carleton Place

Ville de Carleton Place

octobre 23, 2017

23 octobre 2017

Le 14 mars 2017, le Comité d’examen des politiques de la Ville de Carleton Place s’est réuni à huis clos pour discuter d’une déclaration publique faite par le maire, citant l’exception des « litiges actuels ou éventuels ». L’Ombudsman a reçu une plainte alléguant que cette discussion ne relevait pas de l’exception citée. Il a conclu qu’il n’y avait pas de probabilité raisonnable de litige à l’époque de la réunion à huis clos et que la discussion ne relevait donc pas de l’exception des « litiges actuels ou éventuels ».

Enquête sur une réunion à huis clos tenue par le Comité d’examen des politiques de la Ville de Carleton Place le 14 mars 2017

Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario

Octobre 2017

Plainte

En avril 2017, mon Bureau a reçu une plainte sur une réunion à huis clos tenue par le Comité d’examen des politiques (le « Comité ») de la Ville de Carleton Place le 14 mars 2017. Ce Comité est composé de tous les membres du Conseil de la Ville de Carleton Place.

2 La plainte alléguait que le Comité avait tenu une réunion à huis clos illégale le 14 mars pour discuter d’une déclaration publique faite par le maire Louis Antonakos le 7 mars, durant une réunion d’un autre comité, le Comité de planification et de protection.

 

Compétence de l’Ombudsman

3 En vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités, toutes les réunions d’un conseil municipal, d’un conseil local et des comités de l'un ou de l'autre doivent se tenir en public, sous réserve des exceptions prescrites.

4 À compter du 1er janvier 2008, la Loi accorde aux citoyens le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité s’est conformée à la Loi en tenant une réunion à huis clos. Les municipalités peuvent nommer leur propre enquêteur. La Loi fait de l’Ombudsman l’enquêteur par défaut pour les municipalités qui n’ont pas désigné le leur.

5 L’Ombudsman est chargé d’enquêter sur les réunions à huis clos pour la Ville de Carleton Place.

6 Quand nous examinons les plaintes sur les réunions à huis clos, nous cherchons à déterminer si les exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi et dans le Règlement de procédure de la Ville ont été observées.
 

Procédures du Comité

7 Le Règlement de procédure de la Ville (Règlement no 09-2015) stipule que toutes les réunions doivent se tenir en public, sauf dans les cas prévus à l’article 239 de la Loi. Avant de se retirer à huis clos, le Conseil et les comités doivent déclarer par voie de résolution le fait qu’ils vont tenir une réunion à huis clos et la nature générale de la question à examiner.
 

Processus d’enquête

8 Le 15 juin 2017, après avoir effectué un examen préliminaire, nous avons informé la municipalité de notre intention d’enquêter sur cette plainte.

9 Les membres de mon Bureau ont examiné le Règlement de procédure de la Ville ainsi que les extraits pertinents de la Loi. Nous avons aussi étudié les comptes rendus de la réunion du 7 mars tenue par le Comité de planification et de protection, et de la réunion du 14 mars tenue par le Comité d’examen des politiques.

10 Nous avons interviewé le greffier et les membres du Conseil qui étaient présents à la réunion à huis clos du 14 mars 2017.

11 Mon Bureau a obtenu une pleine collaboration dans ce dossier.
 

Contexte

Déclaration du maire

12 Le 7 mars 2017, lors d’une séance publique du Comité de planification et de protection, le maire a fait une longue déclaration en public. Cette déclaration portait sur un certain nombre de questions locales, notamment sur les relations du Conseil avec les médias et les reportages faits par les médias à propos d’un rapport du commissaire à l’intégrité de la Ville, rejetant une plainte à propos du code de conduite contre le maire. Le maire a aussi fait des commentaires sur une personne identifiable qui avait porté plainte contre lui par la suite, en vertu du code de conduite. À l'époque de la réunion, le commissaire à l’intégrité poursuivait son enquête sur cette plainte.

13 Le maire a fait référence à des « attaques » contre lui et des membres du Conseil par un individu qu’il a qualifié de « promoteur mécontent ». En plus de faire référence à cette plainte déposée en vertu du code de conduite, le maire a déclaré que cet homme avait agressé un agent de la paix et avait enfreint les processus de demande de planification et de construction de la Ville, ainsi que divers textes de loi provinciaux comme la Loi sur la planification et l’aménagement du territoire et la Loi sur le code du bâtiment.

14 Une copie écrite de la déclaration du maire était jointe en annexe au Rapport d’action de la réunion (similaire à un procès-verbal de réunion). Ce Rapport d’action, qui comprenait la déclaration du maire, a été rendu public sur le site Web de la Ville.

15 Le 11 mars 2017, la personne qui pouvait être identifiée et qui était mentionnée dans la déclaration du maire a affiché un message public sur Facebook, avec un lien à un article de presse sur la déclaration du maire. Le billet sur Facebook disait que le maire s’était exposé, et avait exposé la Ville, à une poursuite pour discrimination.

16 À la suite de la publication du Rapport d’action sur le site Web de la Ville, et du billet sur Facebook, le conseiller Sean Redmond a demandé au greffier d’ajouter la déclaration du maire à l’ordre du jour de la séance à huis clos d’une prochaine réunion du Comité d’examen des politiques, car il estimait que cette déclaration pouvait mettre en cause la responsabilité de la Ville. L’ordre du jour de la réunion ayant déjà été publié alors, tout ajout allait devoir être fait par voie de motion durant la réunion.

 

Réunion à huis clos du 14 mars 2017 du Comité d’examen des politiques

17 Le 14 mars 2017, le Comité d’examen des politiques a tenu une réunion ordinaire dans la salle du Conseil.

18 Selon le greffier, le conseiller Redmond a présenté une motion pour ajouter la déclaration du maire à l’ordre du jour de la réunion à huis clos, avant que le Comité ne se retire à huis clos. Cette motion n’a pas été consignée dans le procès-verbal de la réunion publique, mais tous les membres du Conseil que nous avons interviewés se sont souvenus qu'elle avait été adoptée par le Comité. Mon Bureau a conclu que le procès-verbal d’une réunion devrait inclure une description détaillée des questions de fond et de procédure discutées, ainsi que toute motion, précisant entre autres qui a présenté et appuyé la motion[1].

19 Selon le procès-verbal de la réunion publique, le Comité a adopté une résolution pour se retirer à huis clos afin de discuter de plusieurs points. Le Comité a cité l’exception des « litiges actuels et éventuels » énoncée à l’alinéa 239(2)e) de la Loi pour discuter de la déclaration du maire. Le maire a avisé mon Bureau qu’il avait voté contre la résolution de se retirer à huis clos.

20 Alors qu’il était en séance à huis clos, le Comité a discuté de ses préoccupations à l’effet que la Ville pourrait être confrontée à un litige découlant des commentaires faits par le maire contre une personne qui pouvait être identifiée. Le Comité a discuté du message affiché sur Facebook par cette personne, ainsi que des répercussions qu’il y aurait à garder une copie de la déclaration du maire en annexe au Rapport d’action et sur le site Web de la Ville.

21 Le Comité a enjoint au personnel d’ajouter le point suivant à l’ordre du jour de la séance publique :

QUE la déclaration du maire faite à la réunion du Comité de planification et de protection le 7 mars 2017 ne soit pas incluse au Rapport d’action (128132)


22 Après avoir repris la séance publique, le Comité a adopté la motion visant à exclure la déclaration du maire du Rapport d’action, par un vote de 6 contre 1, le maire votant contre la motion.

 

Analyse

23  La plainte faite à notre Bureau alléguait que la discussion du Comité sur la déclaration du maire ne relevait pas de l’exception des « litiges actuels ou éventuels » et était donc contraire aux règles des réunions publiques.

 

Exception des « litiges actuels ou éventuels »

24 La Loi sur les municipalités ne définit pas précisément ce qui constitue un « litige actuel ou éventuel ». L’exception énoncée à l’alinéa 239(2)e) au sujet de tels litiges est réservée aux circonstances où la question examinée fait l’objet d’un litige en cours, ou aux cas où il existe une probabilité raisonnable de litige.

25 Dans RSJ Holdings c. London (City), la Cour d’appel de l’Ontario a examiné l’exception prévue à l’al. 239(2)e) au sujet des litiges actuels ou éventuels. La Cour a fait observer ceci : « Le fait qu’il pourrait y avoir, ou même qu’il y aura inévitablement, un litige découlant [de la question discutée] ne fait pas du « sujet à l’étude » un litige éventuel[2]. »

26 Mon Bureau a conclu que l’exception des « litiges actuels ou éventuels » s’applique dans le contexte d’un litige prévu, quand il y a plus qu’une possibilité lointaine de litige, bien que le litige ne doive pas relever de la certitude. La municipalité doit croire que le litige est raisonnablement probable et doit utiliser la réunion à huis clos pour explorer cette probabilité d’une certaine façon[3].

 

Circonstances entourant la réunion

27 Lorsqu’il s’agit de déterminer s’il y a une probabilité raisonnable de litige, les circonstances plus générales de la réunion à huis clos s’avèrent pertinentes[4].

28 Dans ce cas, tout le Conseil, sauf le maire, a dit croire qu’il y avait un risque de litige, après avoir entendu la déclaration du maire à la réunion du 7 mars et après avoir vu le billet publié sur Facebook. Les conseillers ont dit aux membres de mon Bureau que le maire et la personne qui pouvait être identifiée entretenaient publiquement des relations ouvertes et controversées, et ils ont ajouté qu'ils croyaient que ceci aurait pu prédisposer cette personne à intenter des poursuites à la Ville.

29 Les conseillers ont expliqué que l’affichage de la déclaration du maire sur le site Web de la Ville les avait incités à craindre encore plus que cette personne intente un litige à la Ville. L’un des conseillers s’est inquiété d’avoir à contrer des répercussions néfastes pour la municipalité si cette déclaration restait publiquement affichée sur le site Web de la municipalité.

 

Qu’est-ce qu’une probabilité raisonnable de litige?

30 Certains conseillers nous ont dit qu’ils s’étaient appuyés sur leur expérience personnelle et sur leur sens des affaires afin de s'expliquer pourquoi ils considéraient que la municipalité était confrontée à une probabilité raisonnable de litige.

31 Je ne suis pas convaincu que, lors de la réunion à huis clos du 14 mars, il y avait suffisamment de raisons pour que le Comité croie à une probabilité raisonnable de litige à propos de la déclaration du maire. En fait, je trouve que la probabilité de litige était trop distante pour invoquer l’exception d’une réunion à huis clos.

32  La déclaration du maire, bien que controversée, ne suffit pas à justifier que le Comité croie à une probabilité raisonnable de litige. Certes, le Comité a pu penser que la déclaration du maire mette en cause la responsabilité de la Ville, mais à lui seul le fait de croire à cette probabilité ne constitue pas une probabilité raisonnable de litige et je trouve la possibilité de litige trop éloignée pour justifier la tenue d’une réunion à huis clos.

33 Le fait qu’une personne identifiable ait déclaré que le maire et la ville s’étaient exposés à un litige éventuel n’avait pas créé un « litige éventuel » justifiant la tenue d’une réunion à huis clos. De plus, le fait que les conseillers croient que cette personne serait davantage portée à intenter des poursuites en raison de ses relations avec le maire ne la rend pas plus portée à intenter des poursuites contre la Ville. La personne identifiable avait porté plainte auprès du Commissaire à l’intégrité, en vue d’une enquête, et attendait les résultats de cette enquête. Les poursuites sont coûteuses, et la plupart des gens n’en intentent qu’en dernier recours. La référence à une poursuite dans le billet sur Facebook ne constitue pas un « litige éventuel », car ce billet était de nature rhétorique et ne contenait aucune menace de litige.

34 Enfin, le fait que le Comité pense que, si la déclaration du maire restait en ligne, ceci aggraverait les dommages-intérêts à verser à cette personne si elle intentait une poursuite à la municipalité tient de l'hypothèse, au mieux.

35 Le Comité a pu vouloir agir rapidement, dans les meilleurs intérêts de la Ville, en se réunissant pour discuter de la déclaration du maire et en demandant au personnel d’éliminer cette déclaration du site Web de la Ville. Toutefois, au moment de la réunion du 14 mars 2017, la Ville n’était pas confrontée à une probabilité raisonnable de litige en ce qui concerne la déclaration du maire.

36 Par conséquent, la discussion du Comité sur la déclaration du maire lors de la séance à huis clos du 14 mars 2017 ne relevait pas de l’exception des « litiges actuels ou éventuels » et la réunion aurait dû se tenir en public.

 

Opinion

37 Le Comité d’examen des politiques de la Ville de Carleton Place a enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités et le Règlement de procédure de la Ville lorsqu’il a discuté de la déclaration du maire durant sa séance à huis clos du 14 mars 2017, en vertu de l’exception des « litiges actuels ou éventuels » aux règles des réunions publiques.

 

Recommandations

38  Je fais les recommandations suivantes pour aider la Ville de Carleton Place à s’acquitter de ses obligations en vertu de la Loi et à améliorer la transparence de ses réunions.

 

Recommandation 1

Tous les membres du Conseil de la Ville de Carleton Place devraient s’acquitter avec vigilance de leurs obligations individuelles et collectives pour garantir que le Conseil et ses comités se conforment à leurs responsabilités en vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités et du Règlement de procédure.

 
Recommandation 2

La Ville de Carleton Place devrait veiller à ne discuter d’aucun sujet en séance à huis clos, à moins qu’il ne relève clairement de l’une des exceptions prévues par la Loi aux exigences des réunions publiques.

 
Recommandation 3

La Ville de Carleton Place devrait veiller à ce que ses comptes rendus de réunions soient complets et reflètent fidèlement toutes les questions de fond et de procédure qui ont été discutées.




 

Rapport

39 La municipalité a eu l’occasion d’examiner et de commenter une version préliminaire de ce rapport pour mon Bureau. Nous avons tenu compte des commentaires reçus pour la préparation de ce rapport final.

40 Mon rapport devrait être communiqué au Conseil et mis à la disposition du public dès que possible, au plus tard lors de la prochaine réunion du Conseil.


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Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario


 

[1] Ombudsman de l’Ontario, Enquête sur l’allégation que le Comité des travaux publics du Canton de Bonfield a enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités le 19 mai et le 2 juin 2015 (novembre 2015), en ligne.
[2] RSJ Holdings Inc. c. London (City), [2005] OJ No 5037.
[3] Ombudsman de l’Ontario, Enquête sur l’allégation d’infraction à la Loi de 2001 sur les municipalités par le Canton de West Lincoln les 15 juin et 22 juin 2015 (novembre 2015), en ligne.
[4] Ombudsman de l’Ontario, Enquête sur une plainte à propos de réunions tenues par le Conseil du Canton de Georgian Bay le 13 octobre 2015 et le 11 janvier 2016 (janvier 2017), en ligne.