Enquête sur une plainte à propos d’une réunion tenue par le Conseil de gestion de la Zone d’amélioration commerciale de Ridgeway dans la Ville de Fort Erie le 2 novembre 2016
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
avril 2017
Plainte
1 Le 17 novembre 2016, mon Bureau a reçu une plainte alléguant que le Conseil de gestion de la Zone d’amélioration commerciale (ZAC) de Ridgeway, dans la Ville de Fort Erie, avait discuté d’une question à huis clos le 2 novembre 2016, en violation des règles des réunions publiques énoncées dans la Loi de 2001 sur les municipalités (la « Loi »).
2 En vertu de la Loi, toutes les réunions des conseils municipaux, des conseils locaux et des comités de conseils doivent se tenir en public, à moins qu’elles ne relèvent des exceptions prescrites.
3 Le plaignant a allégué que le sujet de la question discutée ne relevait d’aucune des exceptions prescrites aux règles des réunions publiques et que le Conseil n’avait pas respecté les procédures de la Loi relativement aux réunions à huis clos.
La Ville de Fort Erie et la ZAC de Ridgeway
4 La Ville de Fort Erie est une municipalité de palier inférieur dans la municipalité régionale de Niagara.
5 Le Conseil de Fort Erie a désigné un secteur de la Ville pour en faire la Zone d’amélioration commerciale (ZAC) de Ridgeway, dont il a défini les limites par un règlement qu’il a adopté.
6 Conformément à la Loi sur les municipalités, le Conseil doit former un conseil d’administration chargé de jouer le rôle de Conseil de gestion de la ZAC. Le Conseil de gestion (le « Conseil ») de la ZAC de Ridgeway doit être composé de six membres de la communauté et d’un membre du Conseil municipal.
Compétence de l’Ombudsman
7 En vertu de la Loi sur les municipalités, toutes les réunions d'un conseil municipal, d'un conseil local ou des comités de l'un ou de l'autre doivent se tenir en public, sous réserve des exceptions prescrites.
8 Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde aux citoyens le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité ou un conseil local s'est dûment retiré à huis clos en vertu de la Loi. Les municipalités peuvent désigner leur propre enquêteur ou recourir aux services de l'Ombudsman de l'Ontario. La Loi fait de l'Ombudsman l'enquêteur par défaut dans les municipalités qui n'ont pas désigné leur propre enquêteur.
9 Le paragraphe 204 (2.1) de la Loi sur les municipalités précise que le Conseil de gestion d’une zone d’amélioration commerciale est un conseil local de la municipalité à toutes fins. Par conséquent, le Conseil de gestion de la ZAC de Ridgeway est un « conseil local » et ses réunions sont assujetties aux exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi.
10 L'Ombudsman est chargé d'enquêter sur les réunions à huis clos pour la Ville de Fort Erie et la ZAC de Ridgeway.
11 Lorsque nous enquêtons sur les plaintes à propos de réunions à huis clos, nous déterminons si les exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi et le Règlement de procédure applicable de la Municipalité ont été respectées.
Processus d’enquête
12 Le 10 janvier 2017, conformément au paragraphe 18 (1) de la Loi sur l’ombudsman, mon Bureau a communiqué un avis annonçant que nous enquêterions sur cette plainte.
13 Les membres du personnel de mon Bureau ont obtenu et examiné le Règlement de procédure de la Ville et d’autres règlements applicables à la ZAC de Ridgeway. Nous avons étudié la documentation pertinente de la réunion, dont l’ordre du jour, le procès-verbal de la réunion et le procès-verbal du huis clos du 2 novembre 2016. Nous avons parlé au greffier de la Ville, à l’ancien secrétaire du Conseil de gestion, à son ancien président, à un de ses membres actuels et au représentant du Conseil municipal qui y siège.
Procédures du Conseil de gestion
14 Le paragraphe 238 (2) de la Loi sur les municipalités stipule que tout conseil local doit adopter un règlement de procédure régissant la convocation, le lieu et le déroulement des réunions.
15 La Ville de Fort Erie a adopté le règlement 183-07 en 2007 pour instaurer des directives opérationnelles à l’intention des ZAC. Ce règlement reflète les exigences de la Loi stipulant que chaque ZAC doit adopter un règlement de procédure, et inclut un modèle de règlement de procédure pouvant être modifié et adopté par le Conseil de gestion.
16 Les directives opérationnelles stipulent que les ZAC devraient conserver des procès-verbaux et des comptes rendus de chaque réunion, et envoyer des copies signées des procès-verbaux à tous les membres du Conseil de gestion et au greffier après toute réunion.
17 Les directives opérationnelles stipulent que le greffier de la Ville doit aider le Conseil de gestion à tenir ses dossiers, à adopter des politiques et à décider des procédures.
18 Le greffier de la Ville et les membres du Conseil de gestion nous ont dit que la ZAC de Ridgeway n’avait pas adopté de règlement de procédure.
19 La ZAC de Ridgeway devrait adopter un règlement de procédure régissant la convocation, le lieu et le déroulement de ses réunions, conformément à ses obligations en vertu de la Loi sur les municipalités.
Réunion du 2 novembre 2016
20 Une réunion ordinaire du Conseil de gestion de la ZAC de Ridgeway a eu lieu à 17 h 30 le 2 novembre 2016, à la filiale 230 de la Légion royale canadienne à Ridgeway.
21 En dessous de tous les autres points à discuter, l’ordre du jour de la réunion indiquait qu’il y aurait une « séance à huis clos confidentielle pour une réunion privée avec le conseil d’administration uniquement ».
22 La réunion a été déclarée ouverte à 17 h 30. Selon le procès-verbal, le président, le secrétaire, le trésorier, le représentant du Conseil municipal et un autre membre du Conseil de gestion étaient présents. Des membres du public assistaient aussi à la réunion.
23 La réunion s’est terminée à 19 h.
24 Les membres du Conseil de gestion nous ont dit qu’après la fin de la réunion publique, le Conseil s’était retiré à huis clos.
25 Aucune résolution n’a été adoptée pour tenir une réunion à huis clos.
26 Aucun procès-verbal n’a été dressé durant la réunion. Cependant, un procès-verbal résumant les discussions à huis clos a été préparé environ deux semaines après cette réunion et joint au procès-verbal de la séance publique.
27 Le procès-verbal joint en annexe indique que le Conseil de gestion s’est retiré à huis clos à 19 h 05 environ dans la salle du Conseil, à la Légion, pour discuter d’une question de ressources humaines. Les cinq membres du Conseil de gestion cités ci-dessus étaient présents. Selon le procès-verbal, le Conseil de gestion a tenu des discussions et tous ses membres « se sont entendus sur des mesures d’action ».
28 Les membres du Conseil de gestion nous ont dit que, durant la réunion à huis clos, ils avaient été informés de la conduite d’un employé du Conseil. Des renseignements et des exemples précis de cette conduite leur avaient été donnés.
29 Les membres du Conseil de gestion ont été appelés à déterminer quelles mesures prendre au sujet du contrat de cet employé. Le Conseil n’a pas voté officiellement, mais personne ne s’est opposé aux mesures d’action suggérées.
30 Après la discussion, le Conseil de gestion a demandé à l’employé de se joindre à la réunion. Il lui a fait part de sa position concernant son contrat et a discuté de la meilleure manière de procéder.
31 Selon le procès-verbal joint en annexe, la réunion s’est terminée vers 19 h 50. Aucune résolution n’a été adoptée pour clore la réunion. Aucune séance publique n’a suivi la séance à huis clos.
Analyse
Applicabilité des exceptions aux règles des réunions publiques
32 Bien que le Conseil de gestion n’ait pas adopté de résolution pour se retirer à huis clos, et qu'il n’ait cité aucune des exceptions aux règles des réunions publiques énoncées dans la Loi, nous avons cherché à déterminer si la discussion aurait pu relever de l’une de ces exceptions.
33 L'alinéa 239 (2) b) de la Loi autorise un conseil local à discuter à huis clos de renseignements privés concernant une personne qui peut être identifiée, y compris un employé d’un conseil local.
34 Cette exception ne s’applique pas aux discussions tenues à propos d'employés à titre professionnel. Cependant, les discussions à propos d’une personne dans ses fonctions officielles peuvent revêtir un caractère plus personnel si sa conduite est scrutée de près[1].
35 Le commissaire à l'information et à la protection de la vie privée a conçu un test en deux parties pour distinguer les renseignements personnels des renseignements professionnels relativement aux règles des réunions publiques[2]. Voici ces deux parties :
-
Dans quel contexte apparaissent les noms des particuliers? Dans un contexte personnel ou professionnel?
-
Les renseignements particuliers comprennent-ils quelque chose qui, en cas de divulgation, pourrait révéler des éléments de nature personnelle à propos de ce particulier?
36 Dans ce cas, la discussion a porté sur un employé dans le cadre de ses rapports de travail avec la ZAC. Cependant, le Conseil de gestion a parlé d’aspects de sa conduite autres que professionnels, si bien que si ces renseignements avaient été divulgués, ils auraient révélé quelque chose de personnel à propos de cet employé. La discussion relevait de l’exception à l’alinéa 239 (2) b) de la Loi.
37 Nous avons aussi cherché à déterminer si la discussion aurait pu relever de l’exception à l’alinéa 239 (2) d) sur les relations de travail ou les négociations avec les employés. Cette exception s’applique généralement aux questions d’embauche, de licenciement et de mesures disciplinaires d’employés spécifiques.
38 Lors de la réunion du 2 novembre, le Conseil de gestion a discuté du rendement professionnel d’un employé et a pris une décision concernant son contrat. La discussion relevait de l’exception des relations de travail ou des négociations avec les employés.
Absence de résolution pour se retirer à huis clos
39 La Loi stipule qu’un conseil local doit adopter une résolution en public avant de tenir une réunion à huis clos. La résolution doit indiquer qu’il y aura une réunion à huis clos et préciser la nature générale de la question à discuter.
40 À titre de pratique exemplaire, un conseil local devrait aussi indiquer quelle exception des réunions publiques il invoque pour tenir une réunion à huis clos.
41 Le Conseil de gestion de la ZAC de Ridgeway n’a pas adopté de résolution pour se retirer à huis clos le 2 novembre. Il a simplement mis fin à sa réunion publique puis s’est retiré pour discuter de questions à huis clos.
42 Pour se conformer à la Loi, le Conseil de gestion aurait dû adopter en public une résolution en vue de se retirer à huis clos. Après la réunion à huis clos, il aurait dû adopter une résolution pour reprendre sa séance publique, et il aurait pu alors mettre fin à sa réunion publique.
Vote à huis clos
43 Les paragraphes 239 (5) et (6) de la Loi sur les municipalités interdisent aux conseils municipaux et aux conseils locaux de voter en séance à huis clos, sauf si les discussions relèvent de l’une des exceptions de la Loi et si le vote porte sur une question de procédure ou vise à donner des directives au personnel.
44 Les votes ne doivent pas forcément se dérouler officiellement pour que cette règle s’applique. Un vote à main levée, un vote de paille ou un consensus des membres peut être considéré comme un vote aux termes des règles des réunions publiques.
45 Le Conseil de gestion de la ZAC de Ridgeway s’est mis d’accord, par voie de consensus, pour prendre certaines mesures au sujet d’un employé. Puis il a demandé à cet employé à se joindre à lui à huis clos et il lui a annoncé sa décision.
46 La décision ne concernait ni une question de procédure, ni une directive au personnel. Elle a été prise en séance à huis clos, contrairement aux règles des réunions publiques.
Omission de dresser un procès-verbal du huis clos
47 Le paragraphe 239 (7) de la Loi stipule qu’un conseil local doit consigner, sans remarque, toutes les résolutions, décisions et autres délibérations d’une réunion, qu’elle soit publique ou non.
48 Le Conseil de gestion n’a dressé aucun procès-verbal de sa réunion à huis clos le 2 novembre.
49 En revanche, un procès-verbal de la séance à huis clos a été rédigé quelques semaines plus tard par un membre du Conseil de gestion. Ce procès-verbal indique quand la réunion a commencé et quand elle a pris fin, quels membres du Conseil étaient présents et la nature générale de la question examinée.
50 Pour conserver un relevé exact de ses délibérations, le Conseil aurait dû dresser un procès-verbal durant sa réunion à huis clos.
51 De plus, le procès-verbal ainsi reconstruit n’inclut pas la décision prise par les membres du Conseil de gestion durant le huis clos.
52 La Loi exige que les procès-verbaux de réunion incluent toutes les résolutions, les décisions et les autres délibérations. Le procès-verbal de la réunion à huis clos tenue par le Conseil de gestion le 2 novembre aurait dû inclure la décision prise par lui.
Éducation et formation pour les membres des conseils locaux
53 Les conseils locaux et les comités de conseils sont souvent composés de membres bénévoles du public. C’est le cas de la majorité du Conseil de gestion de la ZAC de Ridgeway. Le 2 novembre, tous les membres du Conseil de gestion présents étaient des bénévoles, exception faite d’un représentant du Conseil municipal.
54 Les membres du Conseil de gestion nous ont dit qu’ils n’avaient jamais reçu de formation sur les règles des réunions publiques ou sur leurs obligations en vertu de la Loi sur les municipalités. La représentante du Conseil municipal nous a dit que, bien qu’elle ait reçu une formation sur les règles applicables à ce Conseil, elle ne savait pas que ces règles s’appliquaient aussi au Conseil de gestion.
55 Depuis que cette plainte a été présentée, les membres du Conseil de gestion nous ont dit qu'ils suivent les règles des réunions publiques. Le greffier de la Ville nous a dit que la Municipalité avait l’intention de donner une formation sur les règles des réunions publiques au Conseil de gestion et qu'en fait, une partie de cette formation avait déjà commencé.
56 La Ville de Fort Erie devrait veiller à ce que tous les membres de ses conseils locaux et de ses comités reçoivent une formation sur les règles des réunions publiques.
Opinion
57 Le Conseil de gestion de la Zone d’amélioration commerciale de Ridgeway n’a pas enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités quand il a discuté à huis clos, le 2 novembre 2016, d’une question qui relevait d’exceptions énoncées dans la Loi relativement aux renseignements privés sur une personne qui peut être identifiée, et aux relations de travail ou aux négociations avec les employés.
58 En revanche, le Conseil de gestion a enfreint la Loi en omettant d’adopter une résolution pour se retirer à huis clos, en ne dressant pas de procès-verbal de la réunion, et en votant à huis clos.
59 Le Conseil de gestion a aussi enfreint la Loi en omettant d’adopter un règlement de procédure régissant la convocation, le lieu et le déroulement de ses réunions.
Recommandations
60 Je fais les recommandations suivantes pour aider le Conseil de gestion de la Zone d’amélioration commerciale de Ridgeway et la Ville de Fort Erie à s’acquitter de leurs obligations en vertu de la Loi et à renforcer la transparence des réunions.
Recommandation 1
Tous les membres du Conseil de gestion de la Zone d’amélioration commerciale de Ridgeway devraient s’acquitter avec vigilance de leurs obligations personnelles et collectives pour garantir que le Conseil de gestion respecte ses obligations en vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités.
Recommandation 2
Le Conseil de gestion de la Zone d’amélioration commerciale de Ridgeway devrait adopter un règlement de procédure régissant la convocation, le lieu et le déroulement des réunions, conformément à ses obligations en vertu de la Loi sur les municipalités.
Recommandation 3
Le Conseil de gestion de la Zone d’amélioration commerciale de Ridgeway devrait veiller à adopter une résolution en séance publique, indiquant qu’il y aura une réunion à huis clos et précisant la nature générale de la question à examiner, avant de se retirer à huis clos.
Recommandation 4
Le Conseil de gestion de la Zone d’amélioration commerciale de Ridgeway devrait veiller à dresser un procès-verbal de toutes ses réunions, qu’elles soient publiques ou à huis clos.
Recommandation 5
Le Conseil de gestion de la Zone d’amélioration commerciale de Ridgeway devrait veiller à ce que le procès-verbal de ses réunions inclue toutes ses délibérations, dont toutes ses résolutions et décisions.
Recommandation 6
Le Conseil de gestion de la Zone d’amélioration commerciale de Ridgeway devrait veiller à ce que ses votes à huis clos soient conformes aux paragraphes 239 (5) et (6). Pour voter à huis clos, le Conseil de gestion doit respecter les exigences du paragraphe 239 (6), et la réunion doit se tenir dûment à huis clos.
Recommandation 7
La Ville de Fort Erie devrait former les membres de chacun de ses conseils locaux aux obligations qu'ils ont en vertu de la Loi sur les municipalités d’adopter un règlement de procédure et de respecter les exigences des réunions publiques.
Rapport
61 Le Conseil de gestion de la ZAC de Ridgeway et le Conseil municipal de la Ville de Fort Erie ont eu la possibilité d’examiner une version préliminaire de ce rapport et de la commenter. Nous n’avons reçu aucun commentaire.
62 Mon rapport devrait être communiqué au Conseil de gestion de la ZAC de Ridgeway et au Conseil municipal. Il devrait être mis à la disposition du public dès que possible, au plus tard lors de la prochaine réunion de la ZAC.
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Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
[1] Voir p. ex. Ordonnance MO-2519 du CIPVP, Canton de Madawaska Valley (29 avril 2010).
[2] Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletPO-2225 (12 janvier 2004) en ligne : CIPVP; Ordonnance Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletMO-2368 (26 novembre 2008) en ligne : CIPVP.