Enquête sur une plainte à propos d’une réunion tenue par la Municipalité de Grey Highlands le 7 octobre 2020
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
mai 2021
Plainte
1 Mon Bureau a reçu une plainte à propos d’une réunion à huis clos tenue par le conseil de la Municipalité de Grey Highlands (la « Municipalité ») le 7 octobre 2020. Le(la) plaignant(e) a allégué que la discussion du conseil ne relevait pas de l’exception citée aux règles des réunions publiques.
Compétence de l’Ombudsman
2 En vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités (la « Loi »), toutes les réunions d'un conseil municipal, d'un conseil local et des comités de l'un ou de l'autre doivent se tenir en public, à moins qu'elles ne relèvent des exceptions prescrites[1].
3 Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde à quiconque le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité a respecté la Loi en se réunissant à huis clos. Les municipalités peuvent nommer leur propre enquêteur(rice). La Loi fait de l'Ombudsman l'enquêteur par défaut pour les municipalités qui n'ont pas désigné le(la) leur.
4 L'Ombudsman est l'enquêteur des réunions à huis clos pour la Municipalité de Grey Highlands.
5 Quand nous examinons des plaintes sur des réunions à huis clos, nous cherchons à déterminer si la municipalité a respecté les exigences de la Loi en matière de réunions publiques, ainsi que ses procédures municipales de gouvernance.
6 Depuis 2008, notre Bureau a enquêté sur des centaines de réunions à huis clos. Pour aider les conseils municipaux, le personnel municipal et le public, nous avons créé un recueil en ligne des cas de réunions publiques. Nous avons rédigé ce recueil interrogeable pour permettre aux intéressé(e)s d'accéder facilement aux décisions de l'Ombudsman et à ses interprétations des règles des réunions publiques. Les membres du conseil et le personnel peuvent consulter ce recueil pour éclairer leurs discussions et leurs décisions afin de déterminer si certaines questions devraient ou pourraient être discutées à huis clos, ainsi que pour examiner des questions de procédure de réunions publiques. Des sommaires des décisions antérieures de l'Ombudsman sont consultables dans ce recueil à : https://www.ombudsman.on.ca/digest-fr/accueil.
Processus d’enquête
7 Le 28 octobre 2020, nous avons avisé la Municipalité de notre intention d’enquêter sur cette plainte.
8 Mon personnel a examiné les parties pertinentes du règlement de procédure de la Municipalité et de la Loi. Nous avons aussi examiné l’ordre du jour de la réunion, le procès-verbal des séances publiques et à huis clos de la réunion, un rapport du personnel et un enregistrement vidéo de la partie pertinente de la réunion.
9 Nous avons interviewé tous(toutes) les membres du conseil, la directrice générale, la directrice du Conseil et des Services législatifs/la greffière, et la directrice du Développement économique et communautaire.
10 Mon Bureau a obtenu une complète coopération dans cette affaire.
Réunion du 7 octobre
11 Le conseil s’est réuni en séance ordinaire à 13 h le 7 octobre 2020. À 17 h 15, le conseil a résolu de se réunir à huis clos, en vertu de l’alinéa 239 (2) k, pour discuter de questions concernant une coentreprise, relativement à une position, un projet, une procédure, un critère, ou une instruction devant être observé dans le cadre de toute négociation actuelle ou éventuelle menée par la Municipalité ou en son nom.
12 Les membres de mon équipe des réunions publiques ont examiné le procès-verbal détaillé et un enregistrement vidéo de la séance à huis clos.
13 La DG et la directrice du Développement économique et communautaire ont fait une mise à jour sur les négociations entre une tierce partie et la Municipalité en vue d’établir un partenariat de coentreprise. Le personnel a remis au conseil un rapport contenant des recommandations sur les prochaines étapes des négociations pour la coentreprise. L’une des recommandations était que le conseil autorise le personnel à créer une société de développement économique pour mener plus avant les négociations.
14 Le conseil a posé des questions sur la nature de la société de développement économique et le rôle d’une telle société dans les négociations sur la coentreprise. Le conseil a aussi discuté de la stratégie qu’il suivrait pour faire avancer les négociations sur la coentreprise, de la nécessité de conclure un accord de coentreprise, des sources de financement du projet, ainsi que du moment et du contenu d’un communiqué de presse.
15 Durant les entrevues, le conseil et le personnel ont communiqué à mon Bureau des renseignements qui concordaient avec le procès-verbal et l’enregistrement vidéo de la séance à huis clos.
16 Le conseil a repris la séance publique à 18 h 23 et il a fait rapport sur cette question en séance publique. Le rapport fait en public indiquait que « le conseil a enjoint au personnel de procéder à la création d’une société de développement économique et de publier un communiqué de presse annonçant le projet de collaboration ».
Analyse
Applicabilité de l’exception des « négociations » à la réunion du 7 octobre
17 L’alinéa 239 (2) k) de la Loi permet de discuter à huis clos de projets et d’instructions dans le cadre de négociations. Le but de cette exception est de permettre à une Municipalité de protéger des renseignements qui pourraient contrevenir à sa position de négociation, ou donner à une autre partie un avantage injuste par rapport à la municipalité dans le cadre de négociations en cours. Pour que l’exception s’applique, la municipalité doit montrer que :
i. la discussion à huis clos portait sur des positions, des projets, des procédures, des critères ou des instructions;
ii. les positions, projets, procédures, critères ou instructions sont destinés à être appliqués aux négociations;
iii. les négociations sont en cours ou à venir;
iv. les négociations sont menées par la municipalité ou en son nom[2].
18 Dans un rapport récent à la Ville de Saugeen Shores, j’ai examiné l’applicabilité de l’exception relative aux « projets et instructions dans le cadre de négociations »[3]. Dans cette affaire, le conseil avait examiné et discuté un rapport qui décrivait où en étaient les négociations concernant un accord de location. Le personnel avait demandé des directives sur les prochaines étapes des négociations, et le conseil lui en avait fourni. J’ai conclu que cette discussion relevait de l’exception des « projets et instructions dans le cadre de négociations ».
19 Dans ce cas, le conseil a discuté de projets dans le cadre de négociations en vue de conclure une coentreprise avec une tierce partie. Le personnel a informé le conseil qu’afin de procéder aux négociations, la prochaine étape serait d’établir une société de développement économique.
20 Ces négociations se poursuivaient le 7 octobre, date de la réunion, et elles étaient menées au nom de la Municipalité. Le personnel souhaitait que le conseil l’oriente quant aux prochaines étapes de ces négociations. À la fin de la séance à huis clos, le conseil a donné des directives au personnel sur une série de questions liées aux négociations.
21 Par conséquent, cette discussion relève de l'exception des réunions à huis clos relativement aux projets et instructions dans le cadre de négociations.
Comptes rendus de la réunion
22 Dans ce cas, le procès-verbal et l’enregistrement vidéo ont fourni un compte rendu détaillé et fiable de la discussion à huis clos du conseil. Je tiens à féliciter la Municipalité d’avoir créé un compte rendu complet de la réunion à huis clos.
23 À ma connaissance, la Municipalité n’a pas pour habitude d’enregistrer sur vidéo ses réunions à huis clos, mais il s’est trouvé qu’elle avait fait un enregistrement de cette réunion particulière. Je tiens à souligner que l’enregistrement vidéo a beaucoup aidé mon Bureau au cours de l’enquête.
24 Les enregistrements audio ou vidéo peuvent faciliter toute enquête future et renforcer en fin de compte la confiance du public envers la Municipalité quant à son respect des règles des réunions publiques. Actuellement, nous savons que 25 municipalités ont mis en œuvre cette pratique importante[4].
25 En réponse à une version préliminaire de ce rapport, le personnel a informé mon Bureau que la Municipalité ferait dorénavant des enregistrements de toutes les réunions à huis clos du conseil. Je tiens à féliciter la Municipalité d’avoir adopté cette pratique exemplaire.
Opinion
26 Le conseil de la Municipalité de Grey Highlands n’a pas enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités quand il s’est retiré à huis clos le 7 octobre 2020 pour discuter d’une coentreprise. Cette discussion était permise en vertu de l’exception des réunions à huis clos énoncée à l’alinéa 239 (2) k) de la Loi, concernant les projets et les instructions dans le cadre de négociations,
Rapport
27 Le conseil de la Municipalité de Grey Highlands a eu l’occasion d’examiner une version préliminaire de ce rapport et de la commenter pour mon Bureau. Tous les commentaires que nous avons reçus ont été pris en compte dans la préparation de ce rapport final.
28 La greffière a indiqué que mon rapport serait mis à la disposition du public au plus tard lors de la prochaine réunion du conseil.
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Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
[1] LO 2001, chap. 25.
[2] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos d’une réunion à huis clos tenue par la Ville de St. Catharines le 25 juin 2018, (février 2019), paragraphes 30-31, en ligne.
[3] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur des plaintes à propos de réunions à huis clos tenues par la Ville de Saugeen Shores les 22 juillet, 11 novembre, 25 novembre 2019 et 24 février 2020, (août 2020), en ligne.
[4] Ombudsman de l’Ontario, Rapport annuel 2019-2020, p. 44, e ligne.