Enquête sur la manière dont Cambrian College a administré son programme de gestion de l’information sur la santé et sur la surveillance exercée par le ministère de la Formation et des Collèges et Universités
« Il ne faut pas jouer au malin avec l'école... encore! »
André Marin
Ombudsman de l'Ontario
août 2009
Contributeur(trice)s
Directeur, Équipe d'intervention spéciale de l'Ombudsman (EISO)
Enquêteuse principale
Enquêteuses
Agente de règlement préventif
Avocate principale
Table des matières
1 Des élèves du secondaire qui se préparaient à obtenir leur diplôme et planifiaient leur avenir, de même que des étudiants adultes qui cherchaient à parfaire leurs aptitudes et à élargir leurs perspectives de carrière, ont été attirés par le programme de gestion de l’information sur la santé au Cambrian College, qui a commencé en septembre 2005. Durant les premières années d’existence du programme, les élèves qui songeaient à s’inscrire ont été informés par les documents promotionnels et les activités de liaison de ce Collège qu’ils pourraient se lancer dans le secteur « très en demande » de la gestion professionnelle de l’information sur la santé, où il y avait une pénurie nationale de personnel et où il existait des possibilités de travailler dans des milieux très divers, notamment dans les hôpitaux de soins actifs et de soins chroniques.
2 Mais le Cambrian College a omis de mentionner à ces personnes confiantes qu’il était fort improbable que son programme les mène un jour à un emploi de professionnel de la gestion de l’information sur la santé. Le Cambrian College indiquait dans ses documents promotionnels que son programme était fondé sur les exigences de l’Association canadienne interprofessionnelle des dossiers de santé (ACIDS) qui contrôle l’accès à la profession par le biais d’un examen national de certification. Mais contrairement aux diplômés des autres collèges de l’Ontario qui offrent des programmes dans ce même domaine, les diplômés du programme du Cambrian College ne peuvent pas se présenter à cet examen national de certification professionnelle. En effet, le programme de Cambrian n’a jamais été officiellement reconnu par l’ACIDS. La certification permet aux diplômés de reclasser leur diplôme de deux ans en vue d’un diplôme universitaire dans cette même discipline à condition d’avoir l’expérience de travail requise, ou encore de décrocher un poste sûr et bien payé dans le secteur hospitalier.
3 Le Cambrian College n’ignorait pas l’importance d’obtenir la reconnaissance de son programme de gestion de l’information sur la santé par l’ACIDS. Il avait d’ailleurs élaboré ce programme avec l’intention de chercher à obtenir une telle reconnaissance. La création du programme s’appuyait sur une étude de marché montrant le manque de professionnels certifiés en gestion de l’information sur la santé. Le Comité consultatif et le Bureau des gouverneurs du Collège avaient approuvé le programme étant entendu que le Collège chercherait à obtenir sa reconnaissance par l’ACIDS. C’est également ce que le Collège avait dit au ministère de la Formation et des Collèges et Universités dans sa demande de subvention pour le programme.
4 Toutefois, bien que l’ACIDS encourage les établissements à présenter leur demande de reconnaissance d’un programme six mois avant de commencer à y admettre des étudiants, le Cambrian College ne lui a soumis sa requête qu’après avoir offert le programme pendant 18 mois, alors que son premier contingent d’étudiants s’apprêtait à obtenir leur diplôme. En outre, le programme du Cambrian College n’avait pas été conçu par une personne d’expérience dans le domaine de la gestion de l’information sur la santé. Par conséquent, la première demande de reconnaissance du programme était bien inférieure aux normes de l’ACIDS. Un an après l’échec de cette première tentative, soit en 2008, le Collège a fait une nouvelle requête qui s’est elle aussi soldée par un refus. Cette fois, le refus de reconnaissance reposait sur une liste impressionnante de lacunes, dont la principale était que sa coordonnatrice ne détenait pas de certification dans ce secteur – exigence que le Collège connaissait depuis le début, mais qu’il n’avait jamais satisfaite.
5 Au départ, les étudiants du programme de gestion de l’information sur la santé n’ont aucunement été informés de l’importance de la non-reconnaissance du programme. Mais au fur et à mesure qu’ils se sont familiarisés avec le sujet, ils ont commencé à questionner le Collège sur ses intentions quant à la reconnaissance du programme par l’ACIDS et quant à ses répercussions sur leur avenir. En réponse, les responsables du Collège ont assuré maintes fois aux étudiants qu’il travaillait au dossier de reconnaissance du programme par l’ACIDS et qu’ils devaient rester optimistes. Mais tout espoir s’est envolé à l’été 2008 quand il est apparu clairement que le programme du Cambrian College n’avait aucune chance d’être reconnu, à moins d’une refonte complète. Il était alors malheureusement trop tard pour les étudiants déjà diplômés.
6 Frustrés de se voir refuser la possibilité de se présenter à l’examen de certification professionnelle et de postuler pour des emplois de professionnels dans le secteur hospitalier, les diplômés ont commencé à se plaindre et à exiger réparation. Le Collège a fini par leur offrir une solution. Il paierait une partie des coûts d’inscription à un cours en ligne permettant aux étudiants de parfaire leurs compétences. Mais il y mettait une restriction importante : les étudiants devraient achever avec succès le programme avant de pouvoir se faire rembourser.
7 Certains étudiants ont accepté l’offre ou ont entrepris personnellement de parfaire leur formation. Mais bon nombre ont déjà contracté une lourde dette pour suivre le programme du Cambrian College et ne disposent plus ni de temps, ni d'argent, à investir dans d'autres cours. Malheureusement, d’autres encore, après avoir reçu une formation qu’ils considèrent inadéquate au Cambrian College, ont trouvé le cours en ligne trop difficile et ont été contraints d'abandonner.
8 Le rêve d’une carrière en gestion de l’information sur la santé s’est envolé à jamais pour beaucoup d’étudiants qui ont suivi ce programme au Cambrian College. Pour quelques-uns, la possibilité subsiste d’accéder un jour à la profession, mais au prix d’efforts financiers et personnels supplémentaires. Si ces étudiants avaient reçu des renseignements exacts et suffisants au départ, ils auraient peut-être fait d’autres choix. Ils auraient peut-être pu économiser du temps et de l’argent, et des déceptions amères, en suivant un programme de deux ans dans un collège reconnu par l’ACIDS – et non pas un programme qui les a laissés découragés, désabusés, endettés, avec un diplôme qu’ils jugent presque sans valeur.
9 Le Cambrian College a constamment refusé d’assumer la moindre responsabilité pour la situation difficile dans laquelle se trouvent ses diplômés. Il a dit n’avoir fait aucune promesse. Il a déclaré que les étudiants avaient des attentes irréalistes par rapport au programme et que la reconnaissance de ce programme par l’ACIDS ne faisait pas partie du plan d’origine, mais constituait un ajout offert gracieusement pour valoriser le programme. Il a même suggéré que le changement de normes de l’ACIDS était partiellement responsable des échecs de reconnaissance de son programme, et il a ajouté que les étudiants grossissaient le problème et que bon nombre avaient trouvé un emploi dans le secteur de leur choix.
10 Toutefois, mon enquête a révélé qu’au lieu de veiller à ce que les étudiants reçoivent suffisamment d’information pour faire des choix éclairés le Collège, par ses propositions, ses assurances et son indifférence, a amené beaucoup d’entre eux à perdre leur temps, leur argent et leurs efforts dans un programme de bien piètre valeur. La documentation du programme indique clairement que la demande de reconnaissance par l’ACIDS ne constituait pas une réflexion après coup, mais était intégrée au programme depuis le début. En outre, ce n'est pas le fait que l’ACIDS ait changé ses normes qui a entraîné le rejet de la demande du Collège, mais bien son propre échec à concevoir correctement un programme qui respecte les exigences fondamentales de l’ACIDS. Quant au sort des diplômés du Cambrian College, ceux qui travaillent en gestion de l’information sur la santé occupent des postes de secrétariat mal payés, qu’ils auraient pu décrocher à la fin du secondaire, ou sont employés à condition qu’ils consacrent plus de temps, d'argent et d'effort pour devenir certifiés par l’ACIDS. Pour de nombreux étudiants, le programme du Cambrian College constituait l’unique chance. Certains ont contracté de très grosses dettes, sont sans emploi ou occupent un emploi marginal, sans grand espoir de faire un jour une carrière enrichissante en gestion de l’information sur la santé.
11 En fin de compte, mon enquête a révélé que le Cambrian College ne s’est pas acquitté de son mandat statutaire et a mal servi les étudiants et les diplômés de son programme de gestion de l’information sur la santé, qui a reçu des centaines de milliers de dollars des contribuables depuis sa création. Les Ontariens sont en droit d’attendre mieux de leurs établissements publics.
12 Pour ce qui est de la surveillance du Collège par le Ministère, ce dernier n’est pas à l’abri du blâme. Le peu de cas dont à fait preuve le Cambrian College de son engagement à obtenir la reconnaissance de son programme par l’ACIDS a été favorisé par le système de conception et d’approbation des programmes collégiaux qui fait primer l’autonomie des établissements d’enseignement sur les intérêts des étudiants. Le Ministère a pour principe de faire confiance aux Collèges pour la conception des programmes. Bien que le Ministère établisse des directives cadres de politiques, il ne dispose d’aucun mécanisme pour s’assurer que les Collèges s’y conforment. Même quand il est clairement apparu que le programme du Cambrian College était fondé sur l’obtention d’une reconnaissance par l’ACIDS, le Ministère n’a pas jugé ce point important. Il a ouvert les cordons de la bourse publique et a dispensé l’argent sans prendre la moindre mesure pour s’assurer que le Collège tienne ses promesses. En fin de compte, ce sont les élèves et les diplômés du programme qui en ont souffert.
13 Afin de redresser cette situation qui résulte d’une mauvaise gestion de la part du Collège et du Ministère, j’ai fait un certain nombre de recommandations. En ce qui concerne ce cas particulier, j’estime que le Cambrian College est responsable de s'assurer que les diplômés de son programme de gestion de l'information sur la santé sont indemnisés raisonnablement des pertes subies à cause des lacunes du programme, et je recommande qu’il agisse en ce sens. Pour ce qui est du problème systémique plus vaste, à savoir le manque de surveillance efficace de la part du Ministère, je recommande que le Ministère instaure des mesures de protection adéquates pour s’assurer que les collèges se montrent à la hauteur des assertions faites par eux dans les demandes d’approbation de financement de leurs programmes. Je recommande également que le Collège et le Ministère me soumettent chacun un rapport trimestriel sur les efforts accomplis pour appliquer ces recommandations.
14 Dans sa réponse à mes recommandations, le Ministère s’est distancié de toute responsabilité quant au développement et à l’administration des programmes collégiaux. Il n’a pas été d’accord avec mes conclusions indiquant que le processus actuel de conception et d’approbation des programmes présente des problèmes systémiques. Mais le Ministère a accepté de faire une concession. Il a entrepris de faire circuler une directive de politique obligatoire pour mieux veiller à l’exactitude des documents qui font la publicité et la promotion des programmes collégiaux. Bien que cette mesure puisse contribuer à lutter contre la publicité trompeuse à l’avenir, elle n’apporte aucune réponse aux difficultés systémiques plus vastes révélées par mon enquête.
15 Quant au Cambrian College, il a montré du dédain et de l’arrogance pour mon processus de surveillance, tout au long du processus d’enquête, qui ont culminé par un rejet global de mes conclusions, de mon analyse, de mon opinion et de mes recommandations. Le Collège continue de rejeter les questions soulevées par plus de la moitié des diplômés du contingent de 2007 et de celui de 2008, et conserve une attitude qui consiste à « jouer au malin » avec les élèves – alors que ceux-ci ont naïvement fait confiance à ce Collège qui s’est montré hautain, indifférent et méprisant, tout du moins dans l’administration de son programme de gestion de l’information sur la santé.
16 En mai 2008, nous avons commencé à recevoir des plaintes de diplômés du programme de gestion de l’information sur la santé offert par le Cambrian College. Ceux-ci affirmaient que le programme n’avait jamais été reconnu par l’Association canadienne interprofessionnelle des dossiers de santé (ACIDS) en dépit des assurances répétées du Collège, qu’ils n'étaient pas autorisés à se présenter à l’examen national de certification pour devenir professionnels en gestion de l’information sur la santé et qu’ils n’étaient pas qualifiés pour travailler en gestion de l'information sur la santé dans le secteur hospitalier. Après avoir tenté de résoudre la question, j’ai ouvert une enquête officielle sur la conduite du Collège quant à son programme de gestion de l’information sur la santé le 12 septembre 2008. Le 24 octobre 2008, nous avons avisé le ministère de la Formation et des Collèges et Universités que nous enquêterions aussi sur son rôle dans l’approbation et la surveillance du programme du Collège.
17 En janvier 2009, notre bureau avait reçu 13 plaintes, 11 provenant de diplômés et deux d’anciens étudiants du programme de gestion de l’information sur la santé offert par le Cambrian College. Ironiquement, nous avons aussi reçu par la suite une plainte d’une diplômée avec qui le Collège nous avait mis en rapport pour défendre ses affirmations quant à la qualité de son programme.
18 L’enquête a été assignée à l’Équipe d’intervention spéciale de l’Ombudsman (EISO). Le directeur de l’équipe d’intervention spéciale de l’Ombudsman, trois enquêteuses et une agente de règlement préventif l’ont menée, avec l’aide de l’avocate principale.
19 Dans le cadre de l’enquête, nous avons interviewé 14 anciens étudiants du programme de gestion de l'information sur la santé du Collège, des membres de l’Association canadienne interprofessionnelle des dossiers de santé, la présidente du Collège, la vice-présidente des études, le doyen des sciences de la santé et des services d’urgences, la coordonnatrice du programme et un ancien instructeur du programme. Nous avons aussi interviewé un responsable du Service de validation des titres de compétence, des dirigeants d’un service de dossiers de santé d’un hôpital, des coordinateurs de deux programmes collégiaux de gestion de l’information sur la santé reconnus par l’ACIDS, ainsi que des responsables ministériels de l’approbation du financement des nouveaux programmes collégiaux.
20 Toutes les entrevues officielles ont été enregistrées. Nous avons obtenu la documentation nécessaire auprès du Collège et du Ministère, et nous l’avons étudiée. En général, le Ministère a bien coopéré, mais dès le début de l’enquête le Collège a montré une incompréhension de notre processus d'enquête et a manqué à son obligation de le respecter.
21 Au départ, le Collège a insisté pour que son avocate-conseil externe assiste à nos entrevues avec les témoins du Collège. Nous avons expliqué à cette avocate que nous menons des enquêtes administratives sur les allégations de mauvaise administration gouvernementale et que nous faisons des recommandations dans le but d’y remédier et d’apporter des changements systémiques. Conformément à la Loi sur l’Ombudsman, mes enquêtes sont effectuées en privé. Les responsables et les employés des organismes gouvernementaux sont tenus de coopérer avec nos requêtes d’information et de documentation. Pour encourager les témoins à faire preuve de franchise et pour maintenir l’intégrité du processus d’enquête, nous ne permettons ni aux responsables d’un organisme gouvernemental, ni à l’avocat de cet organisme, d'assister aux entrevues personnelles des témoins. Nous avons aussi expliqué qu'avant la publication de tout rapport final, le Collège pourrait prendre connaissance de notre rapport préliminaire expliquant nos constatations, nos conclusions et nos recommandations initiales, puis y donner réponse. Mais conformément à notre procédure, les lettres de plaintes et les dossiers d’entrevues des témoins ne seraient pas communiqués au Collège.
22 Malheureusement, agissant par l’entremise de son avocate, le Collège a continué à faire preuve de résistance, nous avisant que n’aurions sa coopération que si l'avocate-conseil du Collège était présente aux entrevues avec les témoins du Collège et nous affirmant qu’il n’avait aucune confiance dans l’équité de notre processus d’enquête.
23 Une fois de plus, nous avons essayé d’expliquer à l’avocate du Collège la nature de la procédure suivie par l’Ombudsman et la raison d’être de son processus d’enquête. Nous avons précisé que l’Ombudsman n’a pas d’autorité décisionnelle, mais qu’il fait des recommandations non exécutoires et compte sur le pouvoir de persuasion morale ainsi que sur le bon vouloir des organismes gouvernementaux pour les voir adoptées. Étant donné que son autorité est limitée, mon Bureau n'est pas assujetti aux mêmes règles de procédure que les décideurs administratifs ou judiciaires. Nous avons également souligné que nous avions l’obligation légale de garder confidentielles les plaintes et les enquêtes. Ces dispositions ont pour but de garantir que l’Ombudsman puisse découvrir ce qui se passe dans les organismes gouvernementaux sans que les fonctionnaires se sentent intimidés par le risque de représailles ou de pressions de la part de leurs employeurs. La seule façon de préserver cette confidentialité est de tenir les employeurs et les gestionnaires à l'écart des entrevues et d’en préserver le secret.
24 Sans se laisser démonter, l'avocate du Collège a continué de contester la légitimité de notre processus d’enquête. Elle a erronément caractérisé les tentatives faites par l’équipe d’enquête pour obtenir des entrevues avec les témoins comme « des contacts directs avec ses clients ». Elle a aussi erronément laissé entendre que nous n’avions pas accordé de prolongation au Collège pour la remise des documents demandés. En fait, un responsable du Collège nous avait suggéré une prolongation d’une semaine pour présenter les documents requis par nous, disant que le Collège voulait mieux les organiser et les cataloguer. Mon personnel avait alors assuré le Collège que cette démarche était inutile et avait demandé que la documentation existante lui soit envoyée pour la date indiquée. Mais le Collège avait attendu plusieurs mois avant de nous envoyer certains des documents.
25 À contrecœur, l’avocate du Collège a fini par indiquer que son client n'interférerait pas avec nos entrevues mais elle a continué d’insister que le Collège était en désaccord avec notre procédure d’enquête. Finalement, elle a déclaré que le Collège n’accepterait pas les résultats de mon enquête, disant que :
… étant donné le manque de transparence et le manque de processus, aucune conclusion déduite ne devrait être et ne pourrait être considérée comme ayant le moindre fondement factuel.
26 Un fois le calme revenu, les entrevues avec les témoins du Collège se sont poursuivies sans encombre. Mais le Collège a clairement fait savoir qu’il ne respecterait pas mes conclusions. Il a semblé mal comprendre le rôle de mon Bureau. Une enquête de l'Ombudsman n’est pas un processus accusatoire. Le rôle de l’Ombudsman n’est pas de représenter les intérêts d’un plaignant particulier ou d’un organisme gouvernemental particulier. J’ai été nommé en tant qu’officier indépendant de l’Assemblée législative provinciale avec le mandat de mener des enquêtes impartiales. Mon seul intérêt est de m’assurer que les organismes gouvernementaux servent les objectifs publics de leur mandat, dans l’intérêt des citoyens ontariens. Malheureusement, la conduite du Collège durant toute mon enquête a montré une incompréhension et un irrespect pour la surveillance exercée par l’Ombudsman.
27 Soit par incompétence, soit par inadvertance ou par simple mépris, le Collège a omis de divulguer un certain nombre de documents pertinents à mon Bureau. Le 12 septembre 2008, nous avons écrit au Collège lui demandant de nous remettre une liste de documents identifiés, ainsi que « tout autre document qui pourrait être pertinent dans le cadre de cette enquête ». Conformément à l’art. 19 (1) de la Loi sur l’ombudsman, les dirigeants du Collège étaient tenus d’acquiescer à cette requête. Mais ce n’est que le 26 janvier 2009, à la suite d’une autre requête bien précise, que le Collège nous a remis le procès-verbal d’une réunion du Comité consultatif du programme qui s’était déroulée le 14 octobre 2009, document qui donnait le détail de l’approbation du programme de gestion de l’information sur la santé. Mais même alors, le Collège a continué de refuser de nous communiquer certains renseignements essentiels. En dépit de nos multiples requêtes tout au long de l’enquête pour obtenir des données sur le placement et sur l’emploi des diplômés de ce programme, ce n’est que le 19 mai 2009 – alors que mon Bureau avait demandé des documents à l’appui de la réponse apportée par le Collège à mon rapport préliminaire d’enquête – que le Collège a communiqué ces renseignements. De même, plusieurs autres documents, dont le procès-verbal d’une table ronde datant du 14 octobre 2004 et portant sur la considération du programme de gestion de l’information sur la santé, ne nous sont arrivés que le 19 mai 2009. Nous avons aussi reçu de nombreux courriels échangés entre l’ACIDS et les dirigeants du Collège, qui nous ont été fournis non pas par le Collège mais par l’ACIDS. Je ne peux pas conclure que le Collège ait délibérément gardé ces renseignements, mais le moins qu’on puisse dire c’est que sa tenue des dossiers laisse vraiment à désirer.
28 Malgré les tentatives répétées faites par mon Bureau pour informer le Collège de la nature de mes enquêtes, l’avocate représentant le Collège a continué de protester contre mon processus d’enquête et a discrédité son intégrité dans sa réponse du 21 avril 2009 à mon rapport préliminaire. Le Collège n’a pas voulu renoncer à croire qu’une enquête de l’Ombudsman devrait être un processus accusatoire adjudicatif lui donnant droit à l’application régulière de la loi, et notamment au droit de questionner les témoins et d’obtenir une pleine divulgation. Le Collège a déclaré qu’il avait eu des difficultés à répondre aux preuves présentées dans mon rapport en raison « du manque de transparence et d’équité procédurale » de mon enquête. En fait, au lieu de nous remettre des preuves cohérentes, claires et objectives en temps opportun pour appuyer sa position, le Collège semble avoir adopté une stratégie d’attaque délibérée de notre processus d’enquête et il a fait des allégations généralisées, sans fondement factuel apparent. Nous avons répondu à plusieurs critiques formulées par le Collège, après avoir reçu sa réponse à notre rapport préliminaire, entre autres à des assertions dramatiques et excessives. Ainsi, l’avocate représentant le Collège a accusé nos enquêteurs d’être « intransigeants et de mauvaise foi » parce qu’ils n’avaient pas envoyé l’enregistrement d’un témoignage de son client. L’avocate avait été informée qu’une copie de l’enregistrement pourrait lui être fournie, sous réserve que les détails de l’entrevue et de l’enregistrement ne soient pas divulgués avant la fin de l’enquête, mais elle n’a jamais fait de suivi pour obtenir ladite copie de l’enregistrement. Une fois que la question a été portée à notre attention, nous lui avons dûment envoyé l’enregistrement.
29 En examinant de plus près les déclarations du Collège, il est clairement apparu que la plupart étaient grandiloquents et superficiels, et non ancrés dans des faits réels.
30 Le mépris montré par le Collège pour mon enquête est regrettable et je crois qu’il reflète le fait que le Collège ne travaille pas dans un esprit de service au public. Cette position concorde avec l’attitude moralisatrice et le dédain que le Collège semble avoir montrés quand il a été confronté aux questions des étudiants sur l’administration de son programme de gestion de l’information sur la santé.
31 Pour comprendre le contexte dans lequel les étudiants ont porté plainte, il est utile de revoir brièvement l’historique du Collège et le développement de son programme de gestion de l’information sur la santé.
32 Établi en 1967 à Sudbury, le Cambrian College est l’un de 24 collèges d’arts appliqués et de technologie en Ontario. C’est une personne morale sans capital-actions, administrée par un Bureau des gouverneurs. En vertu de la Loi de 2002 sur les collèges d’arts appliqués et de technologie de l’Ontario, les objectifs du Collège sont les suivants :
offrir un programme complet d’enseignement et de formation postsecondaires axé sur la carrière afin d’aider les particuliers à trouver et à conserver un emploi, de répondre aux besoins des employeurs et d’un milieu de travail en évolution et de soutenir le développement économique et social de leurs collectivités locales variées. (art. 2 (2))
33 Avec sa devise « Responsabilité et Excellence », le Cambrian College accueille chaque année plus de 4 400 étudiants à plein temps, ainsi que quelque 8 000 étudiants dans ses cours et séminaires à temps partiel de développement personnel, perfectionnement professionnel et ressources humaines. Il offre environ 90 programmes à plein temps.
34 Les collèges d’arts appliqués et de technologie sont les bénéficiaires d’une bonne partie des dollars des contribuables. Dans le cas du Cambrian College, le Ministère nous a fait savoir que cet établissement avait obtenu un peu plus de 45 millions $ pour ses frais de fonctionnement pour l’année financière 2005-2006, un peu plus de 48 millions $ pour l’année financière 2006-2007 et un peu moins de 55 millions $ pour l’année financière 2007-2008.
35 Comme les autres collèges d’arts appliqués et de technologie en Ontario, le Cambrian College est en très grande partie responsable du contenu de son programme d’études. Dans le système actuel, les collèges ont une marge de manœuvre relativement importante quant aux cours qu’ils choisissent d’offrir.
36 Selon le ministère de la Formation et des Collèges et Universités, le système collégial a été créé en Ontario en 1965 dans le but de dispenser des programmes de formation professionnelle répondant aux besoins des communautés locales. Le réseau collégial compte actuellement 24 établissements qui offrent toute une gamme de programmes et de services au sein des communautés un peu partout en Ontario. En mars 1999, le Rapport du Conseil de l’emploi et de l’investissement de l’Ontario a souligné que la qualité de l’éducation et de la formation était une priorité première pour parvenir à une prospérité économique durable. L’une des recommandations de ce rapport préconisait l’adoption d’une nouvelle « charte » pour les collèges, leur accordant plus de souplesse pour mieux répondre aux demandes du marché. De plus, en décembre 1999, le Rapport du Comité consultatif sur l’orientation future de l’éducation postsecondaire a recommandé que les collèges oeuvrent dans un environnement moins réglementé, afin d’encourager la différenciation et la spécialisation entre les établissements.
37 En juin 2000, l’Association des collèges d’arts appliqués et de technologie de l’Ontario (maintenant connue sous le nom de Collèges Ontario) a remis un rapport au ministre, intitulé Ontario’s Colleges for the 21st Century; Capacity and Charter Framework, qui recommandait une nouvelle charte pour les collèges, incluant des éléments communs à l’échelle du système et donnant aux établissements la souplesse voulue pour se spécialiser, avec une autorité accrue dans un cadre de responsabilisation de la gouvernance et avec la permission permanente de décerner des diplômes.
38 À la suite de ces rapports, et après avoir fait ses propres recherches, le gouvernement a déposé la Loi de 2001 sur les collèges d’arts appliqués et de technologie de l’Ontario le 4 décembre 2001. En présentant cette loi, le ministre alors en poste au ministère de la Formation et des Collèges et Universités, a déclaré ceci :
La loi actuelle traite pareillement tous les collèges. Or les caractéristiques des 25 collèges de l’Ontario varient considérablement du point de vue de la grandeur et de la nature des collectivités locales desservies. Elles varient aussi en termes de programmes offerts, elles varient en termes de partenariats avec les entreprises locales, l’industrie et les autres établissements d’enseignement, et elles varient dans la manière de dispenser les programmes et les cours – que ce soit en classe, dans le cadre d’un apprentissage, sur Internet, dans les collectivités éloignées, en journée ou le soir. Nous voulons permettre aux collèges de mieux s’adapter aux différentes circonstances de leurs collectivités, de leurs étudiants, de leurs économies locales ou de leurs sphères uniques de spécialisation.
Parlant de la responsabilisation, le ministre a déclaré :
Les relations de responsabilisation dans le monde contemporain reposent sur des comptes rendus publics faits en fonction des résultats projetés… le rôle du gouvernement dans le fonctionnement des établissements, au jour le jour, devrait être limité[1].
39 Le Ministère nous a fait savoir que la Loi repose sur un modèle qui concilie la surveillance exercée par des bureaux de gouvernance composés de membres de la communauté locale, les mesures de qualité décidées d’un commun accord par le secteur et par le gouvernement, ainsi que les contrats de performance passés entre le gouvernement et chacun des collèges. Le Ministère a déclaré ceci :
Cette approche reconnaît que le locus de l’expertise en matière de sélection, qualité, prestation et examen des programmes réside principalement dans les collèges, travaillant en relation étroite avec leurs collectivités.
40 La Loi de 2002 sur les collèges d’arts appliqués et de technologie de l’Ontario, qui est entrée en vigueur en avril 2003, a marqué l’arrivée d’une nouvelle ère d’auto réglementation et d’autonomie accrues pour les collèges de l’Ontario, en reconnaissance de leur « maturité » institutionnelle. Avant son entrée en vigueur, le ministère de la Formation et des Collèges et Universités était responsable d’approuver non seulement les subventions pour les programmes des collèges, mais également d'examiner les titres des programmes et les diplômes auxquels ils menaient. Actuellement, le rôle du Ministère est nettement plus restreint.
41 En vertu de la Loi, le ministre peut donner des directives de politiques sur la manière dont les collèges doivent réaliser leurs objectifs ou mener leurs affaires (art. 4 (1)). Toutefois, les collèges conservent une importante liberté quant à leur mode de fonctionnement, notamment pour la conception des programmes.
42 Le Ministère a émis des directives exécutoires en matière de politique relativement à la création et au financement des programmes collégiaux. Mais il ne s’agit que de consignes générales. Ceci cadre avec l'approche du Ministère qui confère aux collèges la responsabilité première de créer et d’évaluer eux-mêmes les programmes. L’un des principes directeurs du Cadre d’élaboration des programmes d’études publié par le Ministère est le suivant :
Un collège est mieux placé pour déterminer les programmes d’enseignement qu’il devrait offrir en fonction de sa propre orientation stratégique et des besoins de sa communauté. Un collège est aussi mieux placé pour garantir la pertinence permanente et la qualité de ses programmes d’enseignement.
43 En vertu de ce Cadre d’élaboration des programmes d’études, chaque Bureau des gouverneurs d’un collège est responsable d’approuver des programmes d’enseignement qui correspondent au mandat du collège ainsi qu’à son orientation stratégique générale, aux besoins économiques et sociaux des diverses collectivités locales, et aux directives et priorités gouvernementales. Les bureaux des gouverneurs regroupent de 12 à 20 membres de la communauté locale, nommés par le Conseil de la rémunération et des nominations dans les collèges, et représentants élus du corps professoral et des étudiants. Les collèges doivent aussi former un comité consultatif de programme, composé de spécialistes du domaine, de membres du corps professoral, de chefs de l'industrie dans la communauté, d'étudiants et d'employeurs. Tous les programmes d’enseignement ayant des résultats d’apprentissage et des titres de compétence similaires doivent porter le même titre. Si le Ministère a établi une norme de programme pour un programme d’études donné, il faut également la respecter.
44 Le Ministère a également émis une directive de politique exécutoire afférente à l'Approbation du financement des programmes d’études précisant que :
L’approbation des programmes dans des objectifs de financement vise à promouvoir l’accès à une gamme de programmes qui répondent aux besoins économiques et sociétaux de la province, avec des fonds publics limités.
Les décisions de financement relatives aux programmes d’études offerts par les collèges d’arts appliqués et de technologie sont prises en fonction de l’ensemble du système collégial et du mandat des collèges, collectivement et individuellement.
45 Conformément à la directive de financement, un collège doit s’assurer que son programme d’études satisfait à un certain nombre de critères avant de soumettre une demande de financement au Ministère. Voici ces critères :
-
Le programme doit avoir été approuvé par le Bureau des gouverneurs du collège.
-
Le programme doit respecter la directive de politique exécutoire du Ministère.
-
Le programme doit se conformer, le cas échéant, à tous les règlements et à tous les textes de loi relatifs à un secteur professionnel réglementé.
-
Le programme doit répondre à un besoin économique ou sociétal identifié.
46 En examinant une demande de subvention en vertu de la directive, le Ministère doit tenir compte des éléments suivants :
-
La nécessité d’offrir un soutien public à un nouveau secteur de programmes, ou à de plus amples programmes dans un secteur donné, et d’accorder le financement voulu pour appuyer les activités collégiales par le biais de la subvention générale de fonctionnement, en tenant compte des orientations et des priorités du gouvernement ainsi que de l’existence d’occasions réelles de formation et d’instruction dans le secteur en question.
-
Les enjeux d’intérêt public plus vastes soulevés par le programme en question.
-
Les exigences d’entrée dans la profession pour le secteur donné, le cas échéant.
47 Lorsque le Bureau des gouverneurs d’un collège approuve un programme d’études, une demande est soumise directement au Service de validation des titres de compétence. Ce Service est administré par Collèges Ontario, un organisme porte-parole des collèges de la province. Il se réfère au Cadre de classification des titres de compétence de l’Ontario, fondé sur des descripteurs mondialement reconnus, qui donne la structure d’ensemble des qualifications postsecondaires en Ontario, indique les normes ou les attentes auxquelles chacune doit correspondre et montre comment les qualifications sont comparables entre elles. Le Service détermine si le niveau des titres de compétence proposé par un collège pour un cours correspond aux résultats d'apprentissage – par exemple, diplôme, certificat ou grade – et si le titre du cours concorde avec celui d’autres cours semblables. Le Service ne valide pas le contenu des cours; il ne contacte pas les organismes professionnels ou les organismes d’accréditation pour vérifier le contenu du programme ou du cours. Cette responsabilité incombe à chaque collège qui cherche à obtenir une approbation.
48 Une fois que le Service a approuvé une demande de programme, le collège peut choisir de soumettre une demande de subvention au Ministère. Les Procédures d’approbation du financement des programmes d’études émises par le Ministère exigent que, lorsque le président d’un collège soumet une demande d’approbation pour un programme, il atteste que six critères ont été évalués et satisfaits pour le programme proposé :
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Le Service de validation des titres de compétence a confirmé que le programme d’études est conforme au Cadre de classification des titres de compétence de l’Ontario et que son titre concorde avec la nomenclature acceptée.
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Il existe pour ce programme un réel besoin sur le marché du travail ou un réel besoin sociétal, de même qu'une demande de la part des étudiants.
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Un comité consultatif pertinent a recommandé le programme.
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Le contenu du programme et la manière dont il sera dispensé respecteront toutes les exigences des organismes de réglementation du secteur d’études ou à celles d’autres organismes de réglementation rattachés à ce secteur.
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Le programme satisfait aux normes de programme pertinentes, si elles existent, ainsi qu'aux exigences relatives aux aptitudes fondamentales d'employabilité et de formation générale.
-
Le Bureau des gouverneurs a approuvé le programme d’études.
49 Lorsqu’il reçoit une demande de financement, le Ministère étudie le programme à cette fin. Il veille à ce qu’il n’y ait aucune raison de « politiques publiques » de refuser cette requête. Si la demande vise un domaine réglementé, le Ministère s’assure que le programme proposé répond aux exigences de l’organisme de réglementation. Bien que le Ministère vérifie si un programme proposé satisfait aux normes de réglementation, il ne s’occupe pas de questions comme l’accréditation facultative auprès d’organisations professionnelles. Les fonctionnaires du Ministère ont dit qu’ils recevaient environ 200 demandes de financement de programmes annuellement et qu’il était très rare que le Ministère refuse une approbation.
50 Lorsque le Ministère donne le feu vert pour le financement d’un programme collégial, il peut lui allouer des fonds dans le cadre du budget annuel de fonctionnement du collège. En outre, pour être admissibles au Régime d'aide financière aux étudiantes et étudiants de l'Ontario, les étudiants doivent suivre des programmes dont le financement est approuvé par la province.
51 Le Ministère a adopté une approche passive envers la qualité de la programmation des collèges. La responsabilité du contrôle de la qualité des programmes repose sur le Bureau des gouverneurs de chaque collège de même que sur Collèges Ontario. Le Ministère ne surveille pas activement la prestation des programmes approuvés par les collèges. Mais les collèges doivent fournir au Ministère des renseignements sur les « indicateurs clés de rendement ». Le Ministère recueille, par l’entremise d’un conseiller externe, des statistiques sur les taux généraux d’emploi des diplômés, les taux d'obtention de diplôme par programme et les taux de non-remboursement des prêts étudiants en Ontario. Les données sont ensuite analysées et regroupées en profils d’emploi pour les conseillers d’orientation du secondaire. Ces statistiques sont également affichées sous format regroupé sur le site Web du Ministère.
52 Chacun des collèges doit aussi avoir des mécanismes intégrés de contrôle de la qualité pour surveiller ses programmes. Le Service de l’assurance de la qualité des Collèges de l’Ontario, qui travaille dans le cadre de Collèges Ontario mais qui est placé sous la direction d’un conseil d’administration autonome, offre aussi des vérifications des processus d’assurance de la qualité des programmes à tous les collèges de l’Ontario, contre paiement, par rotation tous les cinq ans.
53 Le Cambrian College a entrepris la création de son programme de gestion de l’information sur la santé en 2004, quand le système d’examen des programmes était encore en transition. Selon sa coordonnatrice, le programme a été créé dans le sillage de l’annulation d’un autre programme de gestion des dossiers pour lequel les inscriptions avaient chuté.
54 Le 25 mars 2004, le Cambrian College a mis fin à son programme de technologie de gestion des dossiers et de l’information, à cause d’une baisse d’intérêt des étudiants. La coordonnatrice du programme a dû alors chercher à combler un vide dans le calendrier du Collège. Elle nous a informés qu’on lui avait dit de trouver un programme de remplacement et qu’elle avait eu l’impression de voir son emploi menacé si elle n’y parvenait pas. Elle s’est tournée vers le domaine de la gestion de l’information sur la santé. L’Association des archivistes médicaux du Canada (appelée maintenant Association canadienne interprofessionnelle des dossiers de santé – ACIDS) faisait alors la promotion du développement de programmes collégiaux en gestion professionnelle de l’information sur la santé. Il existait trois programmes de ce type en Ontario, tous reconnus officiellement par l’ACIDS.
55 L’ACIDS est un organisme régi par ses membres, qui compte environ 5 000 professionnels de la gestion de l’information sur la santé. Ce n’est pas un organisme de réglementation, mais une association professionnelle. Les membres de l’ACIDS travaillent partout au Canada. Ils sont responsables de veiller à la sécurité, à la confidentialité et à l’exactitude des dossiers de santé dans les hôpitaux, les cliniques de santé communautaire et les établissements de soins de longue durée, les organismes gouvernementaux, les établissements de santé et d’enseignement, de même que dans le secteur privé, y compris les sociétés d'assurance et les compagnies pharmaceutiques, les fournisseurs de technologie et les sociétés d'experts-conseils. L’information sur la santé recueillie dans les hôpitaux est enregistrée selon un système complexe de codage pour l’identification des maladies et les spécialistes certifiés par l’ACIDS reçoivent un enseignement standardisé dans ce domaine lors de leur formation. L’information codée est soumise à l’Institut canadien d’information sur la santé, entité indépendante sans but lucratif dont les données sont utilisées par les organismes gouvernementaux, les hôpitaux, les régies de la santé et les associations professionnelles pour évaluer l’efficacité de différents secteurs du système de santé et pour planifier l’avenir. Les diplômés des programmes reconnus par l’ACIDS sont autorisés à se présenter à un examen national de certification et, s’ils le réussissent, ils peuvent se dire professionnels certifiés en GIS. La certification par l’ACIDS est surtout importante pour obtenir un poste dans un hôpital. Selon l’ACIDS, bien que certains hôpitaux engagent des personnes non certifiées en période de grave pénurie de personnel, ils ne les emploient généralement que pour faire un travail administratif, et non pas pour gérer les dossiers.
56 Au printemps 2004, la coordonnatrice a commencé à préparer une proposition pour un nouveau programme au Cambrian College, à partir du modèle du programme de gestion de l'information sur la santé offert par George Brown College et reconnu par l'ACIDS. Elle a demandé conseil au George Brown College et, avec d’autres responsables du Cambrian College, elle a aussi discuté la possibilité d’offrir un nouveau programme de gestion de l’information sur la santé avec le personnel de l’Hôpital de Timmins et du district.
57 Quand elle a préparé les spécifications du programme, la coordonnatrice prévoyait que le programme serait reconnu par l’ACIDS, qui exige que les programmes de gestion de l’information sur la santé répondent à tout un ensemble de critères. Étant donné que le processus d’obtention de la reconnaissance d’un programme nécessite souvent plus d’une tentative, l'ACIDS encourage les collèges à soumettre leur demande au moins six mois avant l’admission des premiers étudiants. L’Association facture des frais de dossier plus élevés – supplément de 50 % – pour les programmes qui sont dispensés avant d’avoir été officiellement reconnus.
58 Dès le début, les documents de la proposition de programme préparés par la coordonnatrice du Cambrian College reflétaient l’intention d’obtenir la reconnaissance du programme par l’ACIDS. Par exemple, une version du sommaire du programme datant du printemps 2004 disait :
Il s’agit d’un nouveau programme dont le Collège prévoit demander la reconnaissance par l’Association des archivistes médicaux du Canada (AAMC) [maintenant ACIDS] et, si le programme est reconnu, les diplômés seront autorisés à se présenter à l'examen national de certification de l'AAMC. Après avoir réussi l’examen national, les étudiants pourront devenir archivistes des dossiers médicaux (ADM).
59 Une présentation faite le 3 septembre 2004 sur le programme proposé mentionne une conférence téléphonique du 4 juin 2004 entre le Cambrian College et l’Hôpital de Timmins et du district, durant laquelle il a été dit que la reconnaissance par l’ACIDS est obligatoire pour le programme.
60 L’une des exigences du Ministère quant au développement d’un programme est qu’un comité consultatif de programme dûment constitué en fasse la recommandation. Le 14 octobre 2004, le Comité consultatif sur la gestion des dossiers et de la technologie de l’information[2] du Cambrian College s’est rencontré pour évaluer le programme proposé de « Gestion de la technologie de l'information sur la santé ».
61 Le Comité consultatif sur la gestion des dossiers et de la technologie de l’information du Cambrian College comprenait des représentants communautaires du Bureau des services communs de l’Ontario et de la Cambrian Foundation, de même que de l’ARMA, une association sans but lucratif qui s’occupe des questions de gestion de dossiers d’information. La coordonnatrice a expliqué au Comité que le programme proposé avait été élaboré selon le modèle du programme de George Brown. Le procès-verbal de la réunion soulignait ceci :
Le programme d’études répondra aux normes d’accréditation[3] pour permettre aux étudiants d’obtenir leur certification d’archivistes des dossiers médicaux. Le programme pourrait être raccordé à Ryerson University – baccalauréat en administration de la santé – ou à d'autres universités offrant des programmes de commerce/MBA, bibliothéconomie, sciences informatiques et technologie de l'information. Le George Brown College, l’ACIDS, l’ARMA et le St. Lawrence College appuient le programme proposé.
62 Le procès-verbal confirme également que le Comité consultatif a décidé d’approuver la proposition de programme, tel que présentée.
63 La proposition de programme a ensuite été envoyée au Comité exécutif du Collège, pour examen.
64 Le Comité exécutif du Collège a examiné cette proposition de nouveau programme lors d’une réunion le 3 novembre 2004. La coordonnatrice a expliqué alors au Comité que les diplômés du programme auraient des possibilités d’emploi dans divers secteurs, y compris dans les établissements de soins actifs et de soins chroniques. Elle a aussi dit que le programme d’études répondrait aux normes de reconnaissance de l'ACIDS, ce qui permettrait aux étudiants de devenir certifiés, et que le cours pourrait être compatible avec les programmes de Ryerson University ou d’autres universités permettant aux étudiants de travailler sur le terrain en vue d’un diplôme dans ce domaine. Dans une présentation préparée pour la réunion, la coordonnatrice a noté sous le titre Recommandations des parties prenantes que le programme proposé devrait « être reconnu par l’Association canadienne interprofessionnelle de gestion des dossiers de santé, l’ACIDS (anciennement Association des archivistes médicaux du Canada) ».
65 Pour appuyer le programme, la coordonnatrice a fait référence aux commentaires d’autres collèges qui offraient des cours reconnus par l'ACIDS. Elle a cité le George Brown College disant que les « archivistes des dossiers médicaux sont actuellement très en demande » ainsi que le St. Lawrence College, selon lequel les « progrès dans les technologies de l’information et les modifications apportées aux règlements de santé ont entraîné une augmentation de la demande pour les technologues des dossiers médicaux (TDM), et donc une pénurie nationale dans ce domaine ». Elle a aussi fait référence à l’ACIDS, précisant que cette association avait effectué un sondage national sur les ressources humaines en 2002 montrant des postes à combler dans tous les secteurs de la gestion de l’information sur la santé. Elle a cité le directeur exécutif de l’ACIDS qui, parlant du besoin de professionnels en gestion de l'information sur la santé, avait fait cette observation :
Nous croyons que vous traversez actuellement une période d’importante pénurie de personnel en gestion de l'information sur la santé. Non seulement il y a pénurie maintenant, mais les prévisions indiquent que ce secteur va rester en expansion et que la demande pour les diplômés sera constante dans un avenir prévisible.
66 Le procès-verbal de la réunion du Comité exécutif du 3 novembre 2004 indique qu’il a avalisé le nouveau programme. Il a été recommandé alors que le programme débute en septembre 2006 et que sa coordonnatrice ait une charge de travail réduite durant l’année scolaire 2005-2006 afin de parfaire ses aptitudes, selon les besoins.
67 Suite à l’approbation du Comité exécutif, la proposition a été présentée au Bureau des gouverneurs pour son approbation, conformément aux exigences du Ministère sur l'élaboration des programmes.
68 Le 25 novembre 2004, une présentation concernant le programme, appelé alors « Gestion de l'information sur la santé », a été faire au Bureau des gouverneurs du Collège.
69 Bien que le Comité exécutif ait envisagé au départ que le nouveau programme débute en septembre 2006, le programme examiné par le Bureau des gouverneurs donnait septembre 2005 comme date de début. La proposition faisait une fois de plus référence aux recommandations des parties prenantes pour la reconnaissance du programme par l’ACIDS et citait à son appui des commentaires des programmes accrédités par l’ACIDS. Elle indiquait que le Collège chercherait à obtenir la reconnaissance du programme par l’ACIDS, que les diplômés du programme pourraient passer l’examen national de certification et qu’ils auraient l'option de faire un baccalauréat en gestion de l'information sur la santé à Ryerson University. Le procès-verbal de la réunion du Bureau des gouverneurs indique que le programme a été approuvé tel que présenté.
70 Après l’approbation du programme par le Bureau des gouverneurs, le Collège a préparé et soumis une demande d’approbation au Ministère. À son tour, le Ministère a transmis cette demande au nouveau Service de validation des titres de compétence qui était sur pied depuis le 1er février 2005.
71 Le « Formulaire transitionnel – Requête pour l’approbation d’un nouveau programme » a été signé par la présidente du Collège le 31 janvier 2005. Il indiquait que le programme de gestion de l’information sur la santé était un programme de diplôme d’une durée de deux ans. Sur ce formulaire, la présidente a attesté ceci :
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Il existe pour ce programme un réel besoin sur le marché du travail ou un réel besoin sociétal, de même qu’une demande de la part des étudiants.
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Un comité consultatif pertinent a recommandé le programme tel que proposé.
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Les critères d’admission du programme sont conformes aux exigences décrites par le Cadre d’évaluation des titres de compétence.
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Le Bureau des gouverneurs a approuvé le programme, tel que proposé.
72 La remarque suivante apparaît au-dessus de la signature de la présidente :
Remarque : Une demande de reconnaissance sera présentée à l’Association canadienne interprofessionnelle des dossiers de santé.
73 Dans la partie « Description du programme » du formulaire, il y a aussi une référence à l’ACIDS :
Ce nouveau programme sera évalué afin de répondre aux critères de l’ACIDS pour l’entrée des praticiens sur le marché. Une fois diplômés, les étudiants pourront se présenter à l’examen de certification de l’ACIDS. Étant donné que l’ACIDS souhaite rehausser le profil professionnel dans ce secteur, les diplômés seront en mesure de faire aisément une transition vers la préparation à un baccalauréat, s’ils le souhaitent.
Il existe des possibilités d’emploi dans les hôpitaux de soins aigus, les établissements de soins ambulatoires, les centres d’accès aux soins communautaires, les ministères provinciaux et fédéraux, les compagnies d’assurance, les cabinets de vétérinaires, les centres de recherche, les compagnies informatiques et les compagnies de consultation sur les dossiers de santé.
74 Dans la partie « Exposé des résultats d’apprentissage et du programme de formation professionnelle », à « Résultats normatifs provinciaux d’apprentissage professionnel », on trouve cette remarque :
Il n’existe pas de norme provinciale de programme. Les critères d’entrée publiés par l’Association canadienne interprofessionnelle des dossiers de santé (ACIDS) seront utilisés à titre comparatif.
75 Après quelques révisions initiales portant sur les critères généraux d’enseignement et sur les résultats d’apprentissage proposés, le Service de validation des titres de compétence a approuvé le nouveau programme le 28 février 2005. Mais le Service a uniquement confirmé qu’un diplôme serait un titre de compétence approprié, étant donné la portée du programme, et vérifié que le titre du programme concordait avec celui de programmes similaires dans la province. Il ne s’est aucunement penché sur la qualité du programme d’études ou sur la question de la reconnaissance du programme par l’ACIDS. Conformément à son mandat, le Service a considéré que cette question relevait de la responsabilité du Collège.
76 Une fois le programme validé, le Service a renvoyé le formulaire au Ministère, a l’Unité de la qualité des programmes, Direction des collèges, en vue d’une approbation de financement.
77 Le personnel ministériel a examiné la requête de programme du Cambrian College et a préparé un « Formulaire récapitulatif et recommandations – Nouveau programme ». Le formulaire ministériel indiquait qu’il existait quatre programmes similaires offerts alors, avec un taux de placement à plein temps de 78,6 % pour les diplômés au cours de l’année financière 2001-2002. Le formulaire comprenait les commentaires suivants, pour appuyer le programme :
Le niveau et la portée du programme d’études reposent sur les normes nationales de pratique définies par l’Association canadienne interprofessionnelle des dossiers de santé (ACIDS). Cambrian a indiqué que le programme serait évalué afin de répondre aux critères de l’ACIDS relativement à l’entrée des praticiens dans la profession… On sait que l’ACIDS sollicite et appuie activement le développement de nouveaux programmes de niveau collégial qui reflètent les normes de pratique et les résultats d’apprentissage définis par cette association.
Un diplôme de deux ans dans un programme reconnu par l’ACIDS est exigé des diplômés pour qu’ils soient admissibles à une certification du Canadian College of Health Record Administrators (CCHRA), par le biais d’un examen national annuel de certification. Les diplômés de ce programme pourront se présenter à l’examen de certification de l’ACIDS. L’offre en diplômés de programmes de gestion de l’information sur la santé reconnus par l’ACIDS a récemment été jugée insuffisante pour répondre à la demande de l’industrie de la santé.
78 Le personnel ministériel a recommandé l’approbation du programme de Cambrian et, le 8 juin 2005, le Collège a été avisé qu’une approbation de financement lui avait été accordée. Selon le Ministère, le Collège a reçu 39 000 $ de fonds provinciaux pour son programme de gestion de l’information sur la santé pour la partie de l’année financière 2005-2006 durant laquelle il a été offert, puis 131 000 $ pour l’année financière 2006-2007 et 153 000 $ pour l’année financière 2007-2008.
79 Au départ, selon les documents du Ministère, les responsables ministériels avaient accordé une certaine importance au fait que le programme proposé cherche à obtenir la reconnaissance de l’ACIDS. Mais nous avons été informés durant notre enquête que ce point ne revêtait pas d’intérêt particulier aux yeux du Ministère. Nous avons été avisés que l’approbation de financement du nouveau programme du Cambrian College n’était pas conditionnelle à l’obtention de sa reconnaissance par l’ACIDS, étant donné qu’il ne s’agissait pas là d’une exigence obligatoire. De plus, les responsables ministériels ne se sont pas inquiétés de savoir si le Collège avait réellement demandé à être reconnu par cette association. Le personnel du Ministère nous a dit qu’il est tout à fait courant que des programmes soient offerts pendant quelques années avant d’être reconnus par un organisme professionnel. Il ne semblait pas avoir connaissance de la position de l’ACIDS, voulant qu’un programme soit reconnu six mois avant d’admettre des étudiants. Étant donné que le Ministère n’a pas de normes de programme pour la gestion de l’information sur la santé et qu’il ne s’agit pas là d’un secteur professionnel réglementé, le personnel ministériel n’a pas cherché à veiller au respect de normes particulières en ce qui concerne le programme d’études.
80 Bien que le Cambrian College ait annoncé son intention de chercher à obtenir la reconnaissance de son programme par l’ACIDS, et bien que le Comité consultatif et le Bureau des gouverneurs aient approuvé ledit programme en fonction de documents qui faisaient état de cette demande, le Collège n’a fait aucune démarche concrète pendant plus d’un an après l’admission des premiers étudiants à ce nouveau programme pour présenter une requête à l’ACIDS.
81 Pour qu’un programme soit reconnu par l’ACIDS, les collèges doivent payer des frais de demande et présenter une documentation conforme à 13 normes ainsi qu’à une matrice de résultats d’apprentissage conçue par l’ACIDS pour veiller à l’uniformité et à la qualité des programmes en gestion de l’information sur la santé. Un Comité de reconnaissance des programmes, habituellement composé de huit bénévoles représentant la profession, examine les demandes. Le processus de reconnaissance de l’ACIDS est rigoureux, et souvent un collège est contraint de faire deux ou trois tentatives avant de répondre aux critères de cette association. Les responsables de l’ACIDS nous ont fait savoir qu’il est tout à fait inhabituel pour des programmes de gestion de l’information sur la santé d’être dispensés avant d’être reconnus par l’ACIDS, ou même alors que le processus de reconnaissance a été bien entamé.
82 L’un des critères clés de reconnaissance exige que le programme soit coordonné par un professionnel certifié en gestion de l’information sur la santé, de préférence titulaire d’un diplôme universitaire dans ce domaine. Parfois, l’ACIDS accorde une reconnaissance temporaire si le programme proposé est conforme à ses normes et si l’ACIDS peut aider le collège à trouver et à engager un coordonnateur de programme qualifié.
83 En juin 2005, la coordonnatrice de programme de Cambrian a communiqué avec l’ACIDS pour demander qu’on lui envoie la documentation en vue d’une demande de reconnaissance. Le 29 juin 2005, l’ACIDS a fait parvenir au Collège une ébauche de manuel de reconnaissance de l’ACIDS, comprenant les exigences relatives aux titres de compétence des coordonnateurs de programme. L’ACIDS a souligné qu’un supplément de 50 % serait appliqué aux frais de demande si le dossier de demande ne lui parvenait pas six mois avant l’admission des premiers étudiants. Le 15 juillet 2005, l’ACIDS a fait un suivi par courriel pour voir si Cambrian avait des questions quant à la documentation. Le 12 août 2005, l’ACIDS a envoyé un exemplaire de son Manuel de demande au Collège et a précisé que le Collège devait lui faire parvenir un dépôt non remboursable de 500 $, ainsi qu’une lettre d’intention de demande de reconnaissance, plus un droit de 2 500 $ avec la demande dûment remplie.
84 Le Collège n’a pris aucune autre mesure pour présenter de demande à l’ACIDS avant de commencer à promouvoir son programme de gestion de l’information sur la santé, qui devait commencer en septembre 2005. Bien qu’ayant manqué le cycle annuel de recrutement, le Collège est parvenu à attirer 15 étudiants à son programme. Quant à savoir pourquoi le Collège n’a pas cherché à obtenir la reconnaissance de l’ACIDS dès le départ, il ne semble pas que le Bureau des gouverneurs, ni même la présidente, ait pris de décision officielle sur l’échéancier de demande à l’ACIDS. La présidente du Collège nous a expliqué qu’il n’y avait pas de date fixe pour demander une reconnaissance et a déclaré :
… nous lancions un programme tout à fait nouveau, et chaque fois qu’on lance un nouveau programme, on ne procède pas à l’accréditation tant que le programme n’a pas été lancé et tant qu’il n’est pas en en place, et c’est ce que nous avons décidé de faire.
85 Apparemment, elle ignorait que l’ACIDS recommande l’obtention de la reconnaissance avant l’admission des premiers étudiants.
86 Selon la coordonnatrice, la vraie raison pour laquelle le Collège a retardé la demande de reconnaissance par l’ACIDS durant l’année scolaire 2005-2006 était d’ordre financier. Elle nous a expliqué qu’ayant reçu des appels d’autres collèges et d’étudiants potentiels à propos de la reconnaissance du programme par l’ACIDS, elle avait consulté le doyen de l’École de sciences informatiques et de technologie de l’ingénierie, dont relevait ce nouveau programme. D’après la coordonnatrice, le doyen avait décidé de ne pas demander la reconnaissance du programme car il n’était pas préparé à payer 2 500 $ à l’ACIDS dans « l’espoir » d’obtenir une telle reconnaissance. Le Collège a contesté ce point, affirmant que l’ancien doyen maintenait ne jamais avoir dit qu’il ne voulait pas payer les frais de demande – mais simplement que cette somme serait payée une fois le processus entamé, suivant le processus typique en place pour demander une certification dans le domaine des sciences et de la technologie. Malheureusement, cette personne a refusé de coopérer à notre enquête et nous n’avons pas pu vérifier personnellement sa version des faits.
87 Au cours de notre enquête, la présidente du Collège nous a fait savoir que la coordonnatrice du programme était partie en congé sabbatique pour perfectionner ses connaissances en gestion de l’information sur la santé et pour concevoir le programme d’études. Mais il n’en était rien. Non seulement la coordonnatrice n’était pas une professionnelle certifiée en gestion de l’information sur la santé par l’ACIDS, mais elle n’avait obtenu aucun congé, ni aucune aide, pour se perfectionner – contrairement à ce qu’avait prévu le Comité exécutif avant le commencement du programme.
88 L’ACIDS a continué de faire un suivi auprès du Cambrian College à l’automne de 2005 et durant l’hiver de 2006, pour vérifier comment progressait sa demande. Les dirigeants de l’ACIDS nous ont informés qu’ils ignoraient alors que le programme du Cambrian College avait commencé[4].
89 Après avoir fait des pressions, la coordonnatrice a réussi à obtenir le transfert du programme à l’École des sciences de la santé et des services d’urgence, en juin 2006.
90 En juillet 2006, la coordonnatrice s’est de nouveau mise en rapport avec l’ACIDS pour l’informer que le Collège allait poursuivre son processus de demande de reconnaissance. Ce même mois, elle a aussi demandé à l’ACIDS de lui envoyer une lettre confirmant que le Collège avait entamé le processus de demande, pour faciliter le transfert de logiciel de l’ACIDS qui ne fournit généralement ses produits qu’aux écoles reconnues par elle. Le Collège a obtenu le logiciel voulu, mais n’a guère fait de progrès quant à sa demande de reconnaissance par l’ACIDS.
91 Le doyen de l’École des sciences de la santé et des services d’urgence a fini par envoyer une lettre d’intention relative à la reconnaissance du programme par l’ACIDS, avec les 500 $ demandés. Le 18 septembre 2006, l’ACIDS a fourni au Collège un Manuel de demande, qui avait été révisé en mai 2006 pour intégrer certains changements quant à la matrice des résultats d’apprentissage.
92 Le 7 novembre 2006, l’ACIDS a de nouveau communiqué avec le Collège lui demandant s’il s’était donné un échéancier pour sa demande. Mais la demande est restée en suspens. Un peu plus tard ce même mois, un enseignant du programme de gestion de l’information sur la santé du Cambrian College a communiqué avec l’ACIDS, car il s’inquiétait du peu de temps consacré au codage de l’information médicale uniquement enseigné au troisième semestre. Étant donné que c’est un secteur clé pour les professionnels de la gestion de l’information sur la santé, l’ACIDS s’est à son tour inquiétée de cet aspect du programme du Cambrian College. Mais elle n’avait toujours pas reçu de demande officielle d’approbation du programme.
93 Selon la coordonnatrice, le processus de demande à l’ACIDS est resté bloqué pendant environ six mois, période durant laquelle l’École des sciences de la santé et des services d’urgence a attendu la nomination d’un nouveau doyen, entrant en poste en janvier 2007.
94 En février 2007, l’ACIDS et le Collège ont de nouveau communiqué à propos de la demande en suspens. La coordonnatrice a expliqué alors que le programme était donné depuis 2005 et que huit étudiants s’apprêtaient à passer leur diplôme en juin 2007, tandis que 22 autres étudiants en étaient à leur second semestre du programme. Le Collège prévoyait alors remettre sa demande le 18 mars 2007.
95 Au début de mars 2007, le Collège a demandé quelles seraient les répercussions de la reconnaissance du programme sur le contingent d’étudiants qui se préparaient alors à obtenir leur diplôme. L’ACIDS a fait savoir que l’admissibilité du programme dépendrait du nombre de problèmes que l’Association découvrirait dans le programme de Cambrian et a précisé que les diplômés ne pourraient peut-être pas se présenter à l’examen de certification, étant donné qu’ils n’auraient pas suivi un programme complet et approuvé. Bien qu’ayant reçu ces renseignements, selon le procès-verbal d’une réunion, le doyen a fait savoir au Comité consultatif sur le programme de gestion de l’information sur la santé, le 1er novembre 2007, que d’après son expérience « la certification se ferait avec une clause de droits acquis remontant à la date de soumission initiale de la documentation, incluant les étudiants diplômés ». Toutefois, il a aussi apparemment indiqué que si des cours supplémentaires s’avéraient nécessaires pour que les étudiants puissent se présenter à l’examen de certification, le Collège offrirait ces cours à distance, gratuitement, aux diplômés.
96 Environ 18 mois après le commencement du programme de gestion de l’information sur la santé, et quelques mois avant que le premier contingent de diplômés ne sorte du Collège, cet établissement a finalement envoyé sa demande à l’ACIDS en vue d’une reconnaissance, le 15 mars 2007. Malheureusement, cette demande était loin de répondre aux critères de l’ACIDS.
97 Avant même d’avoir terminé son examen du programme de Cambrian College, l’ACIDS a été informée des problèmes de qualité du programme par une tierce partie. Un dirigeant de centre hospitalier a communiqué avec l’ACIDS en mai 2007 à propos d’un étudiant du Cambrian College qui travaillait dans cet établissement, dans le cadre d’un stage professionnel. Ce dirigeant a demandé si le programme de gestion de l’information sur la santé de Cambrian était reconnu par l’ACIDS et a fait remarquer que la description de cours de l’étudiant comportait des lacunes. L’ACIDS a confirmé que le programme n’était pas reconnu par elle et que l’étudiant ne serait pas admis à passer son examen de certification.
98 L’ACIDS n’a pas examiné de près la demande de Cambrian, car il était évident que le programme comportait bien trop de lacunes pour être reconnu par elle. L’une des omissions flagrantes était l’absence d’un coordonnateur certifié. Le 5 juillet 2007, l’ACIDS a écrit au Collège à propos de sa demande. Elle a indiqué :
… étant donné le nombre de points non conformes, dans le document sur les résultats d’apprentissage, nous vous demandons de représenter votre dossier et de nous montrer que vous enseignez/que vous enseignerez tous les contenus des résultats d’apprentissage et que l’enseignement se fera au niveau approprié.
99 L’ACIDS a donné l’exemple d’un résultat d’apprentissage pour lequel la réponse était restée vierge. Elle a précisé que les cours obligatoires devaient être enseignés par un professionnel certifié en gestion de l’information sur la santé et que la coordonnatrice du programme devait également être certifiée. Malgré cette évaluation, l’ACIDS a encouragé le Collège à collaborer avec elle en vue d’une reconnaissance. En septembre 2007, lors d’une téléconférence avec le Collège, l’ACIDS a été informée que la coordonnatrice du programme avait commencé à suivre des cours de perfectionnement en gestion de l’information sur la santé. Malheureusement, bien que la coordonnatrice se soit inscrite à des cours en ligne de l’Association canadienne des soins de santé, et qu’elle ait tenté de les suivre, elle n’a pas pu les terminer car elle n’a obtenu ni congé de travail, ni soutien supplémentaire.
100 Alors que le Collège était aux prises avec le rejet de sa demande de reconnaissance, les diplômés du contingent de 2007 étaient déjà sur le marché du travail, à la recherche d’un emploi, et confrontés à la réalité que leurs options s’avéraient limitées en raison de la non-reconnaissance du programme.
101 À l’automne 2007, l’ACIDS a commencé à recevoir des appels d’employeurs éventuels et de diplômés voulant savoir quelle était la possibilité que les étudiants du programme de Cambrian se présentent à l’examen de certification pour entrer dans la profession de la gestion de l’information sur la santé. Le 20 septembre 2007, un représentant de l’ACIDS a envoyé un courriel à la coordonnatrice, disant :
Je m’inquiète à propos du contingent de diplômés de 2007 car nous avons reçu/nous recevons des appels de diplômés/d’employeurs qui souhaitent que les étudiants puissent se présenter à l’examen. Tous les étudiants auraient dû être clairement informés que le programme n’était pas reconnu par l’ACIDS et qu’ils ne pourraient donc pas se présenter à cet examen. J’ignore quels renseignements ont été communiqués à vos étudiants et j’aimerais savoir comment vous traitez toute la question de la reconnaissance du programme par l’ACIDS et de la possibilité pour les étudiants de se présenter à l’examen.
102 En novembre 2007, un hôpital a communiqué avec l’ACIDS lui expliquant qu’il employait une diplômée de Cambrian dans un travail de bureau et qu’il souhaitait aider cette étudiante à obtenir un poste exigeant la certification de l’ACIDS. L’ACIDS a fait savoir à l’hôpital que, à la suite de son examen initial, elle avait conclu qu’il y avait des domaines où les diplômés auraient besoin de perfectionner leurs connaissances et leurs compétences. Une autre diplômée de Cambrian qui travaillait dans un autre hôpital a communiqué elle aussi avec l’ACIDS, en janvier 2008, disant qu’elle était employée mais à condition d’obtenir une certification de l’ACIDS. Elle a demandé comment procéder. Elle a été référée à d’autres programmes pour des renseignements et elle a été avisée en ces termes :
Quant au programme du Cambrian College, tant qu’il ne sera pas officiellement reconnu par l’ACIDS, nous ne pouvons pas commencer le processus de collaboration avec lui pour décider quelle voie suivre en ce qui concerne les diplômés existants. Un apprentissage supplémentaire sera requis, mais je ne peux pas vous dire actuellement en quoi il consistera.
103 En fin de compte, le Collège a décidé de faire appel à un ancien doyen qui avait des connaissances générales du processus d’accréditation dans le secteur de la santé, lui demandant de l’aider à remanier sa demande de reconnaissance. Le Collège a également fait des démarches pour engager à temps partiel un coordonnateur de programme certifié par l’ACIDS, qui avait enseigné ce programme. Mais cette dernière mesure n’a jamais abouti. Finalement, en février 2008, le Collège a soumis une nouvelle demande de reconnaissance à l’ACIDS.
104 Le Collège a engagé une personne chevronnée pour préparer sa deuxième demande. Malheureusement, cette personne n’avait pas d’expérience en gestion de l’information sur la santé. Finalement, elle n’a pas pu compléter la matrice décrivant comment le programme répondait aux attentes de résultats d’apprentissage de l’ACIDS. Dans un courriel daté du 5 novembre 2007 qu’elle a envoyé au doyen, elle précisait :
… Il y a beaucoup de lacunes (nous devons leur montrer que tous les résultats sont atteints et nous ne pouvons pas laisser de lacunes).
Dans bien des cas, il semble que les étudiants apprennent quelque chose une année, puis ne reviennent plus jamais au sujet. Il est important que, pour les secteurs indiqués dans les matrices, le contenu soit couvert tout au long du programme et qu’un élément donné soit présenté aux étudiants au début mais qu’ils apprennent ensuite à assimiler et à développer des connaissances et des compétences plus complexes/plus avancées au fur et à mesure qu’ils progressent dans le programme.
La plupart des résultats d’apprentissage montrent qu’un seul cours correspond à chacun des résultats : on devrait montrer tous les cours qui correspondent (je sais que, dans bien des cas, de nombreux cours correspondent à chacun des résultats).
Je n’ai aucun mal à m’occuper des réponses pour les Compétences générales et les Sciences biomédicales mais je suis pas mal perdue pour les cours technologiques et les cours spécifiques de GIS. Pourriez-vous demander au personnel enseignant approprié de regarder les matrices et d’indiquer quels cours correspondent à l’ensemble ou à une partie des résultats. Merci.
105 En fin de compte, c’est la coordonnatrice du programme qui a complété la demande.
106 Il a fallu un peu plus de deux mois à l’ACIDS pour examiner la seconde demande du Collège. Le 9 mai 2008, l’ACIDS a écrit au doyen, disant :
L’équipe de reconnaissance du programme a effectué un examen approfondi de votre demande et a déterminé qu’il existait un nombre considérable de domaines où le programme d’études actuel n’était pas conforme aux LOHIM [résultats d’apprentissage en gestion de l’information sur la santé] de l’ACIDS et/ou au niveau auquel l’enseignement devrait se faire en vue des résultats d’apprentissage.
107 L’ACIDS a souligné une fois de plus que la coordonnatrice du programme n’était pas une professionnelle certifiée en gestion de l’information sur la santé et que les cours obligatoires devaient être enseignés par un professionnel certifié. Plusieurs éléments supplémentaires problématiques étaient également identifiés. L’ACIDS a envoyé au Collège une évaluation détaillée longue de 23 pages, indiquant les lacunes du programme.
108 Selon cette évaluation, le programme du Cambrian College n’était pas conforme à plus de la moitié des résultats d’apprentissage de l’ACIDS, souvent parce que le niveau visé était trop bas. L’évaluation soulignait aussi que l’absence d’un professionnel certifié au poste de coordonnateur du programme était source de problème depuis que le Cambrian College avait communiqué pour la première fois avec l’ACIDS et disait : « Après examen du contenu du programme, il est impératif d’engager un professionnel chevronné et certifié en GIS ayant toute une gamme d’expériences ».
109 L’ACIDS a conclu que le programme du Cambrian College n’était conforme à aucune de ses trois normes sur le personnel enseignant. Le programme n’était pas conforme non plus quant aux connaissances théoriques, à l’expérience pratique ainsi qu’aux normes du Comité consultatif. L’ACIDS a fait de nombreuses recommandations pour remédier à ces problèmes. Dans la partie « Sommaire de reconnaissance du programme », l’ACIDS a précisé qu’hormis la remise de tous les documents requis, la demande de Cambrian n’était conforme à aucun des quatre critères fondamentaux de reconnaissance.
110 L’ACIDS a continué d’offrir son appui à Cambrian dans sa tentative d’obtention d’une reconnaissance. Une téléconférence a eu lieu pour passer en revue l’évaluation de l’ACIDS. L’ACIDS a répété alors que le Collège devait engager un professionnel certifié en gestion de l’information sur la santé pour coordonner ce programme afin qu’il soit admissible à une reconnaissance. L’ACIDS s’est inquiétée des attentes qu’avaient les étudiants et a souligné que Cambrian devrait clairement leur faire savoir qu’ils ne pouvaient pas se présenter à l’examen de l’ACIDS et que rien ne garantirait qu’ils puissent le faire une fois diplômés. L’ACIDS a également averti le Collège que même, si elle finissait par reconnaître ce programme, les diplômés qui avaient suivi le programme existant ne pourraient pas se présenter à son examen car il leur manquerait certains résultats d’apprentissage clés.
111 Le 30 mai 2008, l’ACIDS a donné au Collège le nom d’un consultant qui pourrait l’aider avec le processus de reconnaissance.
112 Le Collège a engagé un consultant pour effectuer une « analyse des écarts » comparant son programme de gestion de l’information sur la santé au programme donné par Sir Sandford Fleming College et reconnu par l’ACIDS. L’analyse, reçue en septembre 2008, notait ceci :
Les différences majeures entre les deux programmes existent dans les cours obligatoires qui portent très précisément sur le rôle et les fonctions des professionnels en gestion de l’information sur la santé. Les écarts entre les deux programmes sont considérables et il a été difficile de faire une concordance de cours à cours. Par exemple, au Cambrian College, le codage… était enseigné dans plusieurs cours, mais apparemment sans grande profondeur… Étant donné que le codage est une fonction intégrale de la GIS, nous avons considéré que c’était un manque important du programme de Cambrian. La même chose est vraie pour les résumés analytiques et rien ne montrait que les étudiants fassent concrètement l’expérience d’un système donné de résumés analytiques. Les cours rattachés à l’information sur la santé semblaient faits pour des étudiants inscrits à un programme en vue d’un travail dans un cabinet médical, et non pour étudiants aspirant à devenir des professionnels de l’information sur la santé. Il y avait certaines similarités de contenu, mais la profondeur des cours de Cambrian ne se comparait en rien dans ce domaine aux résultats d’apprentissage et au contenu du programme de Fleming.
Des modifications majeures devraient être apportées au contenu de base et aux expériences fondamentales d’apprentissage en gestion de l’information sur la santé du programme de Cambrian pour que ces étudiants soient admissibles à se présenter à l’examen national de certification. Sans être impossible, ceci exigerait des modifications considérables.
113 L’analyse suggérait aussi qu’il serait difficile aux étudiants de demander une équivalence de cours au Sir Sandford Fleming College pour la raison suivante :
Il leur faudrait… compléter avec succès tous les cours qui préparent les étudiants aux compétences professionnelles fondamentales de la gestion de l’information sur la santé. Ceci leur serait difficile car les cours sont donnés sur une période de quatre semestres et reposent sur les connaissances acquises dans des cours précédents ainsi que sur l’achèvement de stages pratiques intensifs.
Les diplômés actuels du Cambrian College pourraient occuper des postes dans des organismes comme ceux du secteur de la santé publique, où leurs compétences en recherche et en informatique seraient utiles. Ils ne pourraient pas travailler dans des contextes où les connaissances et les compétences d’un professionnel en gestion de l’information sur la santé sont requises.
114 L’analyse des écarts montrait aussi que certaines composantes du programme de Cambrian n’avaient pas de place dans un programme en gestion de l’information sur la santé. Par exemple, elle notait ceci à propos du cours de gestion des dossiers de santé offert par le Collège :
Une grande partie de ce cours porte sur les communications, la sécurité et l’ordonnancement des rendez-vous, et il n’est pas clair que le codage soit inclus. Étant donné que l’ordonnancement des rendez-vous des patients ne relève pas du rôle d’un professionnel en gestion de l’information sur la santé, les raisons pour lesquelles ce sujet est inclus ne sont pas claires, vu que ce contenu serait plus approprié pour un cours de secrétariat médical. Le manuel utilisé convient lui aussi à un cours de secrétariat médical et non pas à un programme de GIS. Ceci pourrait induire en erreur les étudiants quant au rôle réel d’un professionnel en gestion de l’information sur la santé. Ce point était d’autant plus préoccupant que l’identification et la modélisation du rôle occupent une place importante dans un programme de formation professionnelle… Il n’y avait presque aucune similarité entre le contenu des cours de GIS des deux programmes au premier semestre.
115 Le 6 novembre 2008, l’ACIDS a de nouveau communiqué avec le doyen, lui répétant son offre de l’aider à recruter un professionnel de la GIS en plaçant une annonce sur son site, ainsi qu’en avisant ses membres. Apparemment, le Sir Sandford Fleming College avait réussi à trouver un coordonnateur de programme après avoir accepté une offre similaire de l’ACIDS. Mais le Cambrian College n’a pas saisi cette possibilité.
116 Actuellement, Cambrian est le seul collège qui n’a pas réussi à se conformer aux normes de l’ACIDS. Actuellement, le Collège continue d’envisager l’avenir de son programme de gestion de l’information sur la santé. Il n’a fait aucune nouvelle démarche pour chercher à obtenir la reconnaissance de son programme par l’ACIDS.
117 Du point de vue de nombreux diplômés des contingents de 2007 et de 2008, le fait que le Collège n’ait pas obtenu la reconnaissance du programme par l’ACIDS a gravement nui à leur capacité de postuler pour des emplois désirables en gestion de l’information sur la santé en milieu hospitalier – alors qu’on leur avait fait croire, disent-ils, que les diplômés de Cambrian seraient en mesure de le faire. À ce point, il serait utile d’étudier ce que le Collège a vraiment dit aux étudiants sur la reconnaissance du programme par l’ACIDS et sur leurs perspectives d’emploi en tant que diplômés de son programme de gestion de l’information sur la santé.
118 Le nombre des inscriptions est un élément clé de succès pour tout programme collégial et il est donc compréhensible que Cambrian ait voulu faire ressortir le côté positif de son nouveau programme de gestion de l’information sur la santé. L’un des facteurs clairement importants pour les étudiants est leur futur potentiel d’emploi. Le calendrier collégial 2006-2007 décrivait ainsi officiellement les « possibilités d’emploi » offertes par le programme de gestion de l’information sur la santé de Cambrian :
Les diplômés seront préparés à des carrières partout au Canada dans les établissements de santé et de soins communautaires comme les hôpitaux de soins aigus et de soins chroniques, les centres privés de soins de santé, les bureaux et les cliniques, les établissements de soins ambulatoires, les compagnies d’assurance, les centres de recherche, les cabinets de vétérinaires, les organismes gouvernementaux, les compagnies pharmaceutiques et les laboratoires de diagnostics médicaux.
119 Le calendrier comprenait aussi une citation inspirante de la coordonnatrice :
Les professionnels de la gestion de l’information sur la santé ont déterminé qu’il y a une pénurie nationale pour les compétences en information sur la santé et que le besoin existe de former des professionnels dans ce domaine. Si vous êtes intéressé par une carrière en technologie de l’information sur la santé, pourquoi ne pas considérer le nouveau programme de diplôme en gestion de l’information sur la santé, d’une durée de deux ans, offert par Cambrian.
120 Ce que le calendrier ne disait pas, c’était que les postes de professionnels en gestion de l’information sur la santé dans le secteur hospitalier sont généralement réservés aux personnes diplômées d’un programme reconnu par l’ACIDS – et que le programme de Cambrian n’était pas reconnu par l’ACIDS. Le calendrier ne mentionnait pas non plus que le commentaire de l’ACIDS à propos de la pénurie de professionnels en gestion de l’information sur la santé faisait référence aux personnes dotées des titres de compétence appropriés de l’ACIDS.
121 Le Collège a aussi fait paraître une brochure sur son programme de gestion de l’information sur la santé, qu’il a affichée sur son site Web. Une fois de plus, cette brochure répertoriait les possibilités d’emploi, y compris dans le secteur hospitalier :
Les diplômés seront préparés à faire des carrières partout au Canada dans un certain nombre de milieux de la santé et des soins communautaires, y compris dans les hôpitaux, les établissements de soins aigus et de soins de longue durée, les bureaux et les cliniques privées, les établissements de soins ambulatoires, les établissements de soins communautaires, les organismes gouvernementaux, les compagnies pharmaceutiques et les laboratoires de diagnostics médicaux.
122 Le Collège n’a pas prétendu que son programme était reconnu par l’ACIDS, mais il a fait référence à cette association et a indiqué erronément que c’était un organisme de réglementation, en disant ceci à la rubrique « Suit les directives nationales » :
C’est un programme fondé sur les exigences établies par l’Association canadienne interprofessionnelle des dossiers de santé (ACIDS), organisme national de réglementation éducationnelle…
123 Dans sa lettre du 5 juillet 2007 à la coordonnatrice à propos de la demande de reconnaissance présentée par le Collège, l’ACIDS a attiré l’attention du Collège sur cette référence, notant qu’elle avait été incluse sans la permission de l’ACIDS et qu’elle était inexacte. L’ACIDS a demandé que cette référence soit omise. Mais cet énoncé offensant semble être resté inclus pendant plus d’une année avant d’être finalement supprimé en août 2008.
124 Durant notre enquête, nous avons interviewé 14 anciens étudiants qui avaient suivi le programme de gestion de l’information sur la santé du Cambrian College, de 2005 à 2008, et nous leur avons demandé comment ils entrevoyaient leurs perspectives d’emploi d’après les renseignements communiqués par le Collège. Bien évidemment, la plupart avaient été convaincus de s’inscrire à ce programme en raison de la demande pour les professionnels en gestion de l’information sur la santé en milieu hospitalier, où les professionnels certifiés peuvent gagner plus de 25 $ de l’heure. Les étudiants ont affirmé que la coordonnatrice du programme avait personnellement parlé des salaires potentiels et des possibilités d’emploi qui attendaient les diplômés de ce programme, lors de diverses séances d’information.
125 La réponse de Sara Wright était typique de celle des étudiants qui ont pris connaissance de la publicité faite par le Collège. Ancienne serveuse, alors aide familiale, âgée d’une trentaine d’années et mère de trois jeunes enfants, elle a décidé de s’inscrire au programme en 2006 après avoir fait des cours de rattrapage à Cambrian. Quand elle a consulté le site Web du Collège, elle a été attirée par « un secteur qui paraissait très en demande » et dans lequel elle pourrait travailler n’importe où au Canada une fois ses études terminées. Elle a fait des recherches et elle a été séduite par la possibilité de travailler dans un hôpital, avec un bon salaire de départ.
126 D’autres étudiants ont été persuadés par les commentaires enthousiastes de la coordonnatrice à propos du programme. Ainsi, Jennifer Renaud et Kristine Landry, toutes deux âgées de 21 ans, se sont inscrites au programme en 2006 après avoir entendu la coordonnatrice parler de la « forte demande » pour les professionnels en gestion de l’information sur la santé. Mme Renaud nous a déclaré ceci :
Je me suis dit, c’est un cours qui va me donner un bon job, un job très en demande et dans le secteur de la santé, c’est parfait. Alors je me suis inscrite au cours.
127 Elle espérait sortir diplômée en codage et travailler en milieu hospitalier. Mme Landry lui a fait écho, disant que la coordonnatrice leur avait « vraiment vendu son programme et les possibilités d’emploi ». Elle envisageait elle aussi un avenir dans le secteur du codage et des résumés analytiques en milieu hospitalier, où elle pourrait « bien gagner sa vie » et avoir une sécurité d’emploi.
128 Tous les étudiants à qui nous avons parlé ignoraient une chose quand ils se sont inscrits au programme, une chose que le Collège avait négligé de leur dire, à savoir qu’il était fort peu probable que ce programme non reconnu les mène aux emplois lucratifs qu’ils espéraient obtenir dans le secteur hospitalier.
129 Les diplômés du programme nous ont expliqué que le Collège les avait renseignés sur l’ACIDS et leur avait dit que, pour être certifiés en tant que professionnels en gestion de l’information sur la santé, ils devraient passer un examen national. Mais le Collège ne leur avait pas dit que son programme ne les qualifierait pas pour se présenter à l’examen national de certification. Comme les autres étudiants à qui nous avons parlé, Jennifer Renaud présumait qu’une fois diplômée elle pourrait se présenter à cet examen national. Pendant des mois, alors qu’elle se consacrait à ses études, l’importance de la reconnaissance par l’ACIDS lui a échappé. Voici ce qu’elle a observé :
Nous ne savions pas que nous devions être accrédités. Nous n’avions jamais entendu ce mot avant dans notre cours, alors nous ne savions vraiment pas ce que ça voulait dire d’être accrédités. On pensait qu’il suffisait de suivre le cours, de passer l’examen et on aurait un emploi. On ne savait pas qu’il fallait être accrédité pour se présenter à un examen.
130 C’est uniquement quand les étudiants ont appris d’eux-mêmes les répercussions d’une affiliation à l’ACIDS que le Collège a confirmé que son programme n’était pas reconnu. Durant notre enquête, la coordonnatrice a admis que les étudiants s’attendaient à pouvoir se présenter à l’examen de certification, d’après les renseignements qu’ils avaient reçus. Elle a reconnu que les inquiétudes des étudiants quand ils ont découvert qu’il n’en était rien étaient légitimes, mais elle et les autres responsables de Cambrian ont expliqué qu’ils n’avaient jamais fait aucune promesse.
131 Julie Carrière, 22 ans, s’est inscrite au programme en 2005. Comme elle avait acquis une expérience précédente dans un programme de laboratoire médical, elle comptait parmi les rares élèves qui connaissaient le concept d’une « accréditation ». Durant sa première année d’études, elle a demandé aux instructeurs si le programme était reconnu par l’ACIDS. Elle nous a déclaré que la coordonnatrice les avait rassurés – elle et d’autres étudiants – en leur disant que le programme n’en était encore qu’à sa première année et que sa reconnaissance « se ferait », ajoutant que les étudiants devaient simplement « être patients ». La deuxième année, comme la reconnaissance du programme ne semblait pas venir, Mme Carrière a envisagé d’abandonner le programme. Mais elle nous a déclaré que la coordonnatrice l’avait rassurée à plusieurs reprises que le programme allait être reconnu. Elle nous a dit que le refrain constant de la coordonnatrice en réponse aux inquiétudes des étudiants était celui-ci : « Ne vous en faites pas ». Mais après deux ans de patience et d’attitude positive, il n’y avait toujours pas la moindre nouvelle sur la reconnaissance du programme par l’ACIDS quand Mme Carrière a obtenu son diplôme en juin 2007.
132 Melissa Monahan, 22 ans, est entrée dans ce programme en 2006. La première année, elle a obtenu un stage travail-études dans un hôpital. Là, le personnel chargé des dossiers médicaux lui a appris que le programme de Cambrian n’était pas reconnu par l’ACIDS et qu’elle ne pourrait donc pas postuler pour les emplois de codage en milieu hospitalier auxquels elle s’était préparée. Elle nous a déclaré que les responsables de l’hôpital lui avaient conseillé d’abandonner le programme. Elle a expliqué :
D’après eux, c’était un mauvais programme et ils m’ont dit que si j’y restais, je n’obtiendrais d’emploi nulle part, et que le seul job que je pourrais peut-être faire, c’était un job de secrétariat chez un médecin, mais ils m’ont dit que n’importe qui pouvait faire ça. On peut obtenir un job comme ça sans faire d’études et c’est un job qui paie de 12 $ à 15 $ de l’heure. Mais si j’abandonnais et si je suivais le programme disons à George Brown… ou à Sir Sandford Fleming… je commencerais à 30 $ de l’heure… »
133 Au retour de son stage travail-études, Mme Monahan a confronté la coordonnatrice et lui a dit ce qu’elle avait découvert à propos du statut du programme. Elle nous a déclaré que la coordonnatrice l’avait assurée que le Collège « travaillait » à la reconnaissance du programme. Mme Monahan a aussi affirmé que la coordonnatrice et le doyen lui avaient demandé de ne pas faire savoir au reste de la classe ce qu’elle avait découvert. Mais elle a refusé de cacher ces renseignements à ses camarades et un jour, en classe, elle leur a parlé des répercussions de la non-reconnaissance du programme. Elle a reconnu que ceci avait « causé un tollé » et que cet incident avait apparemment mené à une convocation au bureau du doyen. En fin de compte, Mme Monahan a décidé de quitter Cambrian et de suivre le programme reconnu par l’ACIDS au Sir Sandford Fleming College.
134 Les diplômés du programme de gestion de l’information sur la santé de Cambrian à qui nous avons parlé se sont tous souvenus que la coordonnatrice les avait assurés à maintes reprises que le Collège « travaillait » à la reconnaissance du programme, leur avait dit de « rester positifs » et de « ne pas s’en faire ». Certains étudiants nous ont dit que le Collège était allé plus loin dans ses déclarations et leur avait donné l’assurance que le programme serait « accrédité ». La coordonnatrice a reconnu qu’elle avait essayé de rassurer les étudiants, en leur disant : « Nous travaillons à faire accréditer ce programme, alors restons positifs. Quelles que soient leurs recommandations, nous pouvons les changer ». Une fois encore, elle a nié avoir fait la moindre promesse quant à la reconnaissance du programme par l’ACIDS. De son côté, le doyen a indiqué que, même s’il avait occasionnellement visité les classes pour renseigner les étudiants à propos des tentatives du Collège pour obtenir la reconnaissance de l’ACIDS, il n’avait jamais offert la moindre garantie quant au succès du Collège à cet égard.
135 Malheureusement, quand les premiers diplômés de ce programme sont arrivés sur le marché du travail, ils se sont trouvés confrontés à la réalité de perspectives d’emploi moindres, en raison de la non-reconnaissance du programme. Alors que le Collège avait été informé de l’échec de sa première tentative dès juillet 2007, ce n’est que quand les diplômés ont fait pression sur lui qu’il a reconnu le rejet du programme par l’ACIDS. À titre d’excuse, le Collège a expliqué que cette omission résultait du fait qu’il n’y avait pas école alors, et qu’il n’y avait personne à informer sur le campus.
136 Matthew Barney est marié, père de deux enfants. Il est sorti diplômé du programme de Cambrian en 2007. Quand il a appris pour la première fois que le programme n’était pas reconnu par l’ACIDS, il a envisagé un transfert dans un autre collège, mais il a été convaincu de rester à Cambrian par la coordonnatrice qui l’a rassuré. Lors d’un stage de travail-études dans un hôpital, il a été informé que la seule raison pour laquelle on ne lui avait pas offert de poste était le statut du programme de Cambrian. Le 22 août 2007, cédant à la frustration, M. Barney a envoyé un courriel à la coordonnatrice du programme:
J’aimerais savoir où en est l’accréditation. J’ai récemment fait une demande d’emploi à l’Hôpital Queensway Carleton à Ottawa et ils m’ont refusé le poste lors de mon entrevue, parce qu’ils avaient vérifié l’admissibilité du programme de gestion de l’information sur la santé de Cambrian à une accréditation par l’ACIDS. Ils m’ont fait savoir que Cambrian n’avait pas reçu ce privilège. C’était vraiment dur car ma famille était si heureuse à l’idée de déménager à Ottawa.
…
J’aimerais savoir ce qui est fait actuellement. La date limite pour s’inscrire afin de se présenter à l’examen de l’ACIDS est septembre. Si nous ne sommes pas accrédités d’ici septembre, je serai forcé de vous demander le remboursement de mes frais d’études (livres/stage) en raison des promesses inabouties du programme. C’est inacceptable et il est extrêmement embarrassant de dire à ma famille et à mes collègues de travail que j’ai perdu deux années en études…
137 Le lendemain, la camarade de classe de M. Barney, Julie Carrière, a envoyé une missive similaire à la coordonnatrice:
J’ai entendu dire que l’accréditation n’avait mené à rien. Je me demande maintenant ce que le Cambrian College compte faire pour les étudiants qui ont passé deux années de leur vie à étudier à Cambrian. J’espère être remboursée pour : mes droits d’inscription pour quatre semestres, mes dépenses de livres, mes frais de subsistance pour les deux mois où j’ai dû déménager de la ville durant mon stage en milieu de travail. Mais c’est la moindre de mes préoccupations, car malheureusement vous ne pouvez pas me rembourser pour le temps que j’ai perdu dans ce programme. J’allais abandonner le programme pour cette raison et vous m’avez rassurée que le processus progressait et que nous serions accrédités. Je me retrouve maintenant à attendre de me présenter à un examen pour pouvoir travailler en Ontario comme professionnelle en gestion de l’information sur la santé et je ne peux pas m’y présenter parce que le programme que j’ai suivi ne répond pas aux critères. C’est tout à fait inacceptable à mon avis et j’aimerais savoir comment un établissement peut offrir une formation et induire en erreur les étudiants de cette manière!
138 Le Collège a continué d’essayer de calmer les diplômés et les étudiants en leur assurant qu’il continuait de travailler pour obtenir la reconnaissance de son programme par l’ACIDS. Par exemple, le 19 octobre 2007, dans une communication aux étudiants et aux diplômés, le doyen déclare ceci après leur avoir présenté ses excuses pour ne pas avoir les avoir avisés officiellement du rejet par l’ACIDS :
D’après moi, les problèmes de la première demande provenaient de la présentation des normes de cours dans le document, et non pas de la nature du programme. C’est pourquoi je suis optimiste et crois au succès. S’il y a des lacunes précises, nous y remédierons au fur et à mesure que nous en prendrons connaissance. … L’important, c’est que nous sommes déterminés à obtenir l’accréditation du programme de GIS pour que les diplômés puissent se présenter aux examens de certification de l’ACIDS. Je comprends vos frustrations. Bien sûr, je ne peux pas garantir que cette demande réussira, mais je peux vous assurer que nous travaillons activement en ce sens…
Si des lacunes sont identifiées dans notre prochaine demande, le collège est préparé à offrir gratuitement des cours de rattrapage, à distance (ou en ligne), aux diplômés du contingent de 2007. Si nous réussissons dans notre prochaine tentative (et nous l’espérons), le collège est préparé à couvrir le coût de la première tentative à l’examen de certification pour chacun des neuf diplômés de 2007. Enfin, le collège engagera un nouveau coordonnateur de programme certifié par l’ACIDS pour garantir la conformité de son programme…
139 Le Collège a continué de tenter d’apaiser les diplômés du programme alors que l’ACIDS étudiait sa deuxième demande de reconnaissance. Le 8 mars 2008, la vice-présidente des études a envoyé un courriel à Jennifer Renaud, après l’avoir rencontrée en compagnie de sa mère. La vice-présidente s’est dit optimiste et a parlé de l’engagement que le Collège s’apprêtait à prendre :
Si des cours préparatoires étaient requis, en particulier pour le contingent des diplômés de l’an dernier, le Collège s’est engagé à couvrir tous les frais connexes au cours. Nous ne prévoyons pas que le contingent de diplômés actuels aura besoin d’une préparation plus poussée, mais si n’importe quel étudiant de ce contingent de diplômés souhaite prendre le cours, le Collège est prêt à assumer les frais…
Je vous présente mes excuses pour tout désagrément qui vous a été causé, Jennifer, et j’espère qu’avec l’accréditation du programme, vous pourrez chercher avec succès un emploi dans le secteur de carrière que vous avez choisi.
140 Alors que les plaintes des diplômés et de leurs familles se multipliaient, et alors que l’ACIDS rejetait une nouvelle fois la demande de reconnaissance du programme, le Collège a envoyé une lettre aux étudiants et aux diplômés le 12 mai 2008. Le doyen a écrit :
… C’est avec grand regret que je viens vous informer que nous avons échoué une fois de plus dans la reconnaissance du programme…
Je ne suis pas en mesure d’évaluer actuellement ce que cette tentative manquée signifie pour les perspectives de nos diplômés actuels, ou pour le travail à faire à l’avenir afin d’aboutir dans nos tentatives de reconnaissance des LOHIM…
Je reste déterminé à obtenir la reconnaissance des LOHIM mais, comme vous le savez, le processus est lent. Je tiendrai aussi mes engagements quant aux offres qui vous ont été faites dans ma première correspondance avec vous…
Le processus a été long et exigeant pour tout le monde. Sans vouloir paraître découragé, je vais suggérer que si vous envisagez de suivre de vous-même un apprentissage pour accélérer vos tentatives en vue de vous présenter à l’examen national de certification, je vous recommanderais de considérer cette opportunité. Je ne peux pas, du moins actuellement, prévoir quand nous réussirons.
141 Au printemps de 2008, il est clairement apparu que le programme de Cambrian avait des défis considérables à relever avant de pouvoir obtenir sa reconnaissance par l’ACIDS. Ses communications avec les étudiants et les diplômés ont alors pris un ton bien moins enthousiaste. Au lieu de souligner les efforts faits par le Collège pour obtenir la reconnaissance du programme, le Collège a minimisé l’importance de la reconnaissance par l’ACIDS, affirmant qu’elle ne faisait pas partie du plan original du Collège. Le 14 juillet 2008, le doyen a envoyé une autre lettre aux diplômés et aux étudiants de deuxième année du programme, disant :
Le Collège a entrepris des démarches pour obtenir la reconnaissance des LOHIM afin d’élargir les possibilités d’emploi de ses diplômés. Bien que cette reconnaissance n’ait pas fait partie de notre offre de programme à l’origine, nous avons considéré qu’accroître les possibilités d’emploi pour nos étudiants constituait une priorité valide et nous conservons notre engagement en ce sens. La question clé, c’est que nous ne pouvons pas garantir dans un délai raisonnable que nous réussirons à obtenir la reconnaissance des LOHIM. Un certain nombre de points restent à résoudre et la décision finale de reconnaissance relève de l’Association canadienne interprofessionnelle des dossiers de santé (ACIDS).
Cambrian a fait activement le réexamen de son programme, a parlé à l’ACIDS, à des consultants en programmes et à d’autres collèges. Nous avons communiqué notre programme d’études à deux autres fournisseurs de programmes (et nous en avons un troisième en tête) pour déterminer quelles similarités et quelles différences existent. Nous en sommes aux étapes finales d’un processus d’approbation visant le recrutement d’un professionnel certifié en GIS, pour lui confier le poste de coordonnateur du programme conformément aux exigences de l’ACIDS. Bien que toutes ces activités aient eu lieu au cours du dernier mois, le travail réel de modification du programme existant prendra un temps considérable. Une fois que la révision sera achevée, il nous faudra encore obtenir la reconnaissance de l’ACIDS avant de pouvoir vous offrir tout programme de rattrapage…
142 Le doyen a aussi fait savoir que le Collège avait communiqué son programme d’études à l’Association canadienne des soins de santé, qui accepterait les étudiants en seconde année de son programme en ligne de gestion de l’information sur la santé. Le coût du cours, livres exclus, était estimé à 1 625 $, que le Collège était prêt à payer au complet sur preuve du succès au programme. Le Collège a fait une offre similaire aux étudiants qui voulaient s’inscrire dans un programme de gestion de l’information sur la santé offert par un autre collège. Cambrian s’est aussi engagé à prendre en charge les frais de présentation à l’examen de l’ACIDS pour les étudiants qui obtiendraient leur reclassement. L’offre était ouverte jusqu’au 31 juillet 2009.
143 Après avoir reçu ces renseignements du doyen, plusieurs étudiants ont exprimé leurs inquiétudes quant au délai serré et quant au fait qu’ils devaient avancer l’argent pour suivre le cours de l’ACSS. Et comble de pression, par suite d’une négligence, la lettre du doyen n’a été envoyée aux diplômés du contingent de 2007 que le 30 juillet, soit un jour avant la date limite d’inscription au programme de l’ACSS pour 2008.
144 Bien que le Collège ait assuré les étudiants qu’ils avaient jusqu’à 2009 pour profiter de son offre, beaucoup ont hésité à retarder davantage leurs études, comme l’a dit un étudiant dans une lettre envoyée en juillet 2008 au Collège :
Je comprends bien que nous pouvons nous inscrire au programme pour septembre prochain, mais beaucoup de nous aimeraient terminer au plus vite car nous ne pouvons pas trouver d’emploi dans notre secteur et car nous aimerions commencer notre vie active. C’est pour cette raison qu’on a un délai si serré; si nous attendons une année, l’information ne sera plus fraîche dans nos têtes, et il nous est difficile d’interrompre les études, de trouver un travail, puis de reprendre l’école.
145 Plusieurs diplômés se sont plaints au Collège, à leur député provincial et à mon Bureau de la manière dont ils étaient traités. La présidente est allée jusqu’à qualifier de « harcèlement » les efforts déployés par une étudiante pour faire entendre ses inquiétudes. Mais le Collège n’a aucunement accepté de modifier son offre, à une exception près : en août 2008, il a mis deux manuels du cours de l’ACSS à la disposition des étudiants dans sa bibliothèque.
146 Pour montrer que son offre était raisonnable, le Collège a fait savoir que 12 diplômés de son programme avaient saisi son offre de perfectionnement grâce au cours de l’ACSS. Mais de nombreux diplômés à qui nous avons parlé, et qui s’étaient inscrits à cours de l’ACSS, ont trouvé le contenu si difficile et si peu familier que certains ont fini par abandonner. Même la coordonnatrice a admis que le cours de l’ACSS s’adresse aux personnes travaillant en milieu hospitalier, dont beaucoup de diplômés n’avaient aucune expérience. L’un des problèmes fondamentaux de cette option de rattrapage grâce au cours de l’ACSS semble être que le programme de Cambrian n’a pas adéquatement préparé les étudiants au contenu de ce cours.
147 Les diplômés nous ont dit que les cours du programme de gestion de l’information sur la santé offerts par Cambrian étaient problématiques et désorganisés et que la coordonnatrice, qui en enseignait plusieurs, n’avait de toute évidence ni formation ni expérience dans le domaine. La piètre qualité du programme de Cambrian est clairement apparue à Melissa Monahan une fois qu’elle a abandonné le programme, après sa première année. Mme Monahan a travaillé une année pour gagner de l’argent afin de rembourser les 6 000 $ de dette qu’elle avait faite afin d’étudier à Cambrian, puis s’est inscrite au programme de gestion de l’information sur la santé au Sir Sandford Fleming College. Malheureusement, elle a appris alors que les crédits d’études de sa première année à Cambrian ne seraient pas reconnus parce qu’ils n’étaient pas équivalents. Le coordonnateur du programme de ce collège a expliqué à notre Bureau que le programme de Cambrian était organisé d’une manière trop différente pour accorder un crédit d’un semestre ou un reclassement supérieur à Mme Monahan. Fondamentalement, les cours étaient différents, et ils étaient enseignés à des périodes différentes, ce qui rendait presque impossible toute concordance entre les deux programmes. Mme Monahan a souligné que son nouveau programme est beaucoup plus complet et approfondi que celui de Cambrian. Ce point est confirmé par l’évaluation du programme d’études de Cambrian faite par l’ACIDS, par l’analyse d’écarts indépendante obtenue par le Collège, ainsi que par les observations des responsables des hôpitaux que nous avons interviewés et qui ont eu l’occasion de communiquer avec des diplômés de Cambrian.
148 Les communications internes du Collège indiquent que la décision d’aider les étudiants à perfectionner leurs compétences constituait un geste de « bonne foi » de la part du Collège, ainsi qu’une tentative de minimiser les risques de litige et d’atteinte à sa réputation. Il est clair d’après les dossiers du Collège – et à vrai dire d’après les entrevues avec les hauts responsables de l’administration faites au cours de cette enquête – que le Collège n’accepte aucune responsabilité en ce qui concerne les attentes des étudiants relativement à une reconnaissance par l’ACIDS. Les responsables de Cambrian ont non seulement nié avoir fait des affirmations aux étudiants à propos de cette reconnaissance, mais ils ont aussi avancé ces trois justifications pour appuyer leur position :
-
la décision de chercher à obtenir la reconnaissance du programme par l’ACIDS était essentiellement un « ajout » et n’avait pas été envisagée au début du programme;
-
les problèmes de reconnaissance découlaient du fait que l’ACIDS avait changé ses exigences;
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contrairement aux allégations des diplômés, le Collège avait tenu ses promesses et en avait donné pour leur argent aux étudiants.
149 Mais quand on examine ces arguments de plus près, on constate qu’ils ne tiennent pas.
150 Les administrateurs du Collège ont informé les parents, les étudiants et notre Bureau que la reconnaissance du programme par l’ACIDS était réellement une pensée après-coup, un geste fait à titre gratuit par le Collège dans l’intérêt des étudiants. Ainsi, dans une réponse à la mère d’un diplômé le 24 avril 2008, le doyen a fait ce commentaire :
Comme vous le savez, le programme a été lancé sans que sa certification ne soit requise. Il est devenu clair que la certification par l’ACIDS est une valeur ajoutée au programme, surtout pour les étudiants qui cherchent à entrer en milieu hospitalier.
151 Dans un courriel du 17 juillet 2008 à un autre étudiant, le doyen a souligné ceci :
… Nous avons fait de notre mieux et nous sommes arrivés à ce que nous considérons comme une offre équitable pour vous aider, vous et vos camarades d’études et diplômés. Vous ne devez pas perdre de vue le fait que nous avons entrepris le processus d’accréditation pour donner plus de possibilités à nos étudiants. C’était notre seule motivation.
152 Le 13 août 2008, le doyen a écrit à notre Bureau et a fait ces déclarations à propos de la reconnaissance du programme par l’ACIDS :
… Nous espérions leur avoir offert cette valeur ajoutée, en plus du diplôme convenu…
Nous considérons que les diplômés actuels sont des employés intéressants, qui ont de bonnes possibilités de travail. À cette époque de diplômanie, ils se joignent à des légions de gens qui, après avoir obtenu un diplôme d’un programme universitaire, doivent suivre un perfectionnement professionnel pour avancer dans la profession de leur choix.
… J’espère vraiment que le Bureau de l’Ombudsman reconnaîtra que le Collège n’a pas abusé des étudiants, ne les a ni trompés ni désavantagés de quelque manière que ce soit. Au contraire, en subventionnant les cours de l’ACSS pour eux, Cambrian va au-delà de ses obligations de soutien aux diplômés pour les aider à atteindre leur prochain but de carrière, si tel est leur choix.
153 Une proposition interne du Collège, préparée par le doyen après l’échec de la seconde tentative de reconnaissance, montre qu’il avait l’impression que « l’accréditation n’avait pas été considérée au moment du lancement » du programme de gestion de l’information sur la santé du Collège, et que c’est uniquement par la suite que « la valeur d’une certification de GIS était apparue ». Mais le doyen n’était pas au Collège quand le programme a été planifié et approuvé. Bien que le Collège dise maintenant qu’il n’avait pas réellement envisagé de faire reconnaître le programme par l’ACIDS au tout début, et que cette reconnaissance ne faisait pas intégralement partie de la planification d’origine, les dossiers du Collège montrent clairement le contraire.
154 Les responsables du Collège et ceux du Ministère ont souligné qu’une étude de marché est exigée dans le cadre de la planification d’un programme afin de vérifier qu’il existe des possibilités d’emploi pour les étudiants du programme proposé. Mais dans le cas du programme de gestion de l’information sur la santé de Cambrian, l’étude de marché a principalement porté sur les possibilités d’emploi pour les professionnels en gestion de l’information sur la santé certifiés par l’ACIDS. En fait, les dossiers du Collège confirment que le Comité consultatif et le Bureau des gouverneurs ont approuvé la proposition de programme croyant que le Collège chercherait à obtenir l’approbation de l’ACIDS. Mais le Collège n’a effectué presque aucune étude de marché sur les possibilités d’emploi pour les étudiants inscrits à des cours de gestion de l’information sur la santé non reconnus par l’ACIDS.
155 Dans le document de proposition, le doyen suggère aussi que la décision de demander la reconnaissance du programme par l’ACIDS en 2007 « coïncidait avec d’importantes révisions aux normes de l’ACIDS qui accroissaient la rigueur/les exigences de certification ». La présidente du Collège a fait une suggestion similaire dans sa réponse à un député le 24 juillet 2008, quand elle a fait référence aux « changements à l’ACIDS » qui influaient sur les tentatives « d’accréditation » du Collège.
156 Aucune preuve ne vient confirmer la suggestion du Collège selon laquelle la rigueur accrue des exigences de l’ACIDS aurait influé sur sa tentative d’obtenir la reconnaissance de son programme. Les responsables de l’ACIDS ont indiqué que le rejet des demandes de reconnaissance présentées par Cambrian ne découlait pas de changements dans ses exigences et le Collège n’a pas été en mesure de défendre son affirmation. Certes, il y a eu des changements à la matrice des résultats d’apprentissage de l’ACIDS en mai 2006, mais le Collège en avait connaissance depuis des mois quand il a fait sa première demande à l’ACIDS.
157 L’échec du Collège dans ses tentatives d’obtenir la reconnaissance de son programme par l’ACIDS ne peut pas être attribué aux modifications des exigences de l’ACIDS, ni à leur rigueur accrue, mais à la qualité de son programme qui était bien inférieure aux normes définies par l’ACIDS.
158 Les responsables du Collège insistent que le programme de gestion de l’information sur la santé a permis aux diplômés d’obtenir un emploi dans le secteur pour lequel ils avaient été formés. Ils soulignent que c’est uniquement dans le secteur hospitalier que certains emplois leur sont fermés et ils en minimisent l’importance. En fait, la présidente est allée plus loin. Durant notre enquête, elle a expliqué qu’il n’était par inhabituel pour un étudiant fraîchement diplômé de ne pas pouvoir obtenir le meilleur emploi dans le secteur et qu’un perfectionnement pouvait s’avérer nécessaire. La présidente s’est citée en exemple et a suggéré que bien peu de programmes collégiaux de deux ans offrent la possibilité de gagner de 30 $ à 40 $ de l’heure à leurs étudiants. Elle nous a fait savoir que ce sont uniquement les emplois de « plus haut niveau » dans le secteur hospitalier qui n’étaient pas à la portée des étudiants de Cambrian.
À notre connaissance, le seul emploi qu’il n’est pas possible d’obtenir sans la désignation dans la gestion de l’information sur la santé est celui du haut responsable qui supervise la gestion de l’information sur la santé dans l’hôpital.
159 Elle a aussi noté ceci :
Alors, ce qu’ils ne peuvent pas obtenir, c’est l’emploi bien rémunéré du gestionnaire de tout le service, qui gagne de 30 $ à 40 $ de l’heure…
160 Quant à l’obtention de la reconnaissance du programme par l’ACIDS, comme indiqué plus tôt, la présidente n’avait apparemment pas connaissance de la position de l’ACIDS sur la question. Elle a maintenu qu’un programme devait être en cours pour être « accrédité » et que « l’accréditation » serait tentée mais ne pouvait pas être garantie, car elle ne relevait pas du contrôle du Collège. Elle a expliqué à plusieurs reprises que certains programmes exigent une « accréditation », par exemple le génie civil et les sciences infirmières, mais d’autres pas – dont le programme de gestion de l’information sur la santé. Elle nous a aussi dit ceci :
Nous n’avons jamais eu l’intention, jamais rien communiqué disant que nous allions absolument demander l’accréditation immédiatement.
… nous n’avons pas donné de calendrier indiquant ce que nous allions faire, ou comment… Cela n’a pas empêché les étudiants d’obtenir des emplois.
161 D’après la présidente, le Collège a fait sa part dans ce marché. La présidente a vivement critiqué les efforts faits par la famille d’un étudiant pour obtenir réparation. Parlant de certains étudiants qui considéraient que l’offre « de bonne foi » du Collège ne suffisait pas et que l’établissement devrait leur rembourser leurs frais d’études, elle a observé ceci :
Ils ont suivi un programme légitime. Nous nous sommes acquittés de toutes nos obligations en ce qui concerne ce programme. Ils ont obtenu un diplôme et ils ont fait un stage en milieu de travail… Ils ont tous eu des possibilités d’emploi.
162 Les responsables hospitaliers que nous avons interviewés à propos des possibilités d’emploi pour les professionnels en gestion de l’information sur la santé ont confirmé que le secteur reste en croissance et qu’il y a une forte demande dans les hôpitaux. Mais ils ont aussi noté qu’ils engageaient uniquement des personnes certifiées par l’ACIDS pour les postes professionnels. Ils ont mentionné que, de par le passé, certains hôpitaux du Grand Nord avaient engagé des personnes non certifiées, mais que le secteur se « resserrait ». Ils ont expliqué que le salaire de départ pour un professionnel certifié en gestion de l’information sur la santé allait de 24,57 $ à 27,46 $ de l’heure dans leur hôpital. Ils ont précisé que, même si des personnes pouvaient travailler comme « commis » aux dossiers sans certification, les postes de secrétariat exigent uniquement un diplôme secondaire. Quant au programme de Cambrian, une responsable a déclaré qu’elle avait été « sidérée » d’apprendre qu’il n’était pas reconnu. Les dirigeants hospitaliers ont aussi fait part de leurs inquiétudes quant à la qualité de l’éducation dispensée par ce Collège, notant que les étudiants de Cambrian placés de par le passé dans leur établissement « n’étaient pas à la hauteur » et que certains diplômés de ce programme avaient même échoué au test pour des postes de secrétariat. Certes, il se peut que des étudiants soient acceptés dans d’autres services de l’hôpital à des travaux de secrétariat, mais les dirigeants hospitaliers à qui nous avons parlé nous ont dit que leur établissement n’acceptait plus d’étudiants de Cambrian en stage travail-études dans le domaine de la gestion de l’information sur la santé.
163 Les administrateurs du Collège ont suggéré que les diplômés de leur programme de gestion de l’information sur la santé avaient réussi dans bien des domaines rattachés à ce secteur d’études, mais ils ne nous ont donné au départ que des renseignements anecdotiques et n’ont pas été en mesure de nous fournir des détails sur les postes réellement obtenus par leurs diplômés. Ainsi, dans un courriel du 23 décembre 2008, la coordonnatrice nous a dit :
En ce qui concerne les renseignements sur les emplois en GIS des diplômés, je n’ai pas de confirmation à ce sujet. Mais certains des diplômés m’ont appelée et m’ont fait savoir qu’un de leurs camarades travaille à l’hôpital ou dans une clinique locale, ou à la SCS (Société canadienne du sang). Je n’ai ni document écrit, ni confirmation des étudiants ou des services collégiaux d’emploi des étudiants…
164 Au cours de notre enquête, nous avons parlé à plusieurs diplômés de leur historique d’emploi depuis leur départ du Cambrian College. Bien que leurs expériences professionnelles diffèrent, ils sont tous d’accord pour dire que Cambrian ne leur a pas donné l’éducation de qualité qu’ils espéraient recevoir d’après la documentation de promotion et les assurances des administrateurs du programme.
165 D’après nos entrevues avec les diplômés du programme, bien que certains aient trouvé un emploi – le plus souvent après un stage travail-études – les résultats semblent plutôt aléatoires. La majorité des diplômés ne travaillent pas dans le secteur pour lequel ils ont suivi une formation, et ceux qui y travaillent sont employés dans des postes de secrétariat qui n’exigent pas d’éducation formelle, ou ont été engagés à condition de se perfectionner. Certains diplômés moins chanceux continuent d’avoir bien du mal à joindre les deux bouts, sans perspectives d’emploi sûr dans l’immédiat.
166 La présidente du Collège a donné Jennifer Renaud, 21 ans, comme exemple de diplômée de Cambrian qui avait réussi. Elle a souligné que Mme Renaud avait « un emploi très bien payé dans son secteur ». Mais Mme Renaud nous a fourni une tout autre version des faits. Après son diplôme, elle a obtenu un poste de statisticienne administrative à Vale Inco. Elle reconnaît sa chance d’avoir trouvé un emploi, mais elle explique que le travail qu’elle fait n’a rien à voir avec la gestion de l’information sur la santé. De plus, ce n’est pas au Collège qu’elle doit sa chance. Quand le moment était venu de trouver des stages pour les étudiants de son contingent, la coordonnatrice était en congé prolongé, tandis que le doyen trop occupé par d’autres sujets ne s’était pas penché sur la question. Mme Renaud a donc pris l’initiative de trouver elle-même un stage. Elle aimerait poursuivre son but original de travailler comme professionnelle en gestion de l’information sur la santé, mais sa première tentative avec le cours de l'ACSS s’est soldée par un échec. Elle nous a dit qu’elle avait trouvé difficile d’équilibrer les demandes considérables de ce cours et son emploi à plein temps, bien que le Collège lui ait dit que c’était une option facile à poursuivre tout en travaillant. En fin de compte, elle avait abandonné, et donc perdu son dépôt.
167 Julie Carrière, 22 ans, a accepté un stage hors de sa ville, à London en Ontario, après avoir fini son programme à Cambrian. Elle compte parmi les rares diplômés à travailler dans un secteur relié à la gestion de l’information sur la santé. Elle a commencé à travailler dans un hôpital à faire du codage, jusqu’à ce que l’hôpital la retire de ce poste quand il a découvert qu’elle avait suivi un programme non reconnu par l’ACIDS. Elle est restée employée à l’hôpital, mais dans d’autres services. Actuellement, elle travaille en gestion de l’information sur la santé, mais à condition de terminer le cours de l’ACSS auquel elle s’est inscrite avant même l’offre du Collège et de devenir certifiée par l’ACIDS. Bien qu’elle ait accumulé une dette de 17 000 $ pour faire ses deux années d’études à Cambrian, Mme Carrière se trouve maintenant dans une situation fort difficile : elle doit dépenser encore plus d’argent pour refaire sa seconde année en gestion de l’information sur la santé, tout en continuant de travailler à plein temps.
168 Selon la coordonnatrice, Diana Peltier est un autre exemple de réussite car elle a trouvé du travail dans le secteur des dossiers de santé. Mme Peltier travaille au Centre de santé de l’île Manitoulin, mais sous réserve de devenir certifiée par l’ACIDS. De plus, elle a elle-même fait le nécessaire pour suivre le programme en ligne de l’ACSS, avant même l’offre du Cambrian College. Bien qu’elle soit plus près de son but qui est de devenir une professionnelle de la gestion de l’information sur la santé, elle est frustrée du temps et de l’argent supplémentaires qu’elle doit y consacrer. Elle se souvient qu’au départ elle avait envisagé de suivre le programme de gestion de l’information sur la santé au Sir Sandford Fleming College. Mais comme bien d’autres étudiants qui vivent dans le Nord, elle a choisi Cambrian parce que ce Collège était plus près de son domicile. La première année, elle a dû se séparer de sa petite fille pour suivre ce programme. À présent, elle espérait pouvoir récolter les fruits de ses sacrifices et de son travail ardu. Mais une fois de plus, elle vit dans un climat de tension ayant à équilibrer son rôle de mère, son travail et ses cours de perfectionnement professionnel.
169 Sara Wright reconnaît avoir trouvé un emploi à la suite de son stage dans un hôpital. Elle est préposée à l’entrée des données et gagne 19 $ de l’heure. Mais ce poste exige uniquement un diplôme secondaire, pour lequel elle aurait pu poser sa candidature sans avoir à faire un emprunt de 17 000 $ afin de suivre le programme de gestion de l’information sur la santé de Cambrian. En ce qui concerne l’offre de remboursement pour le cours en ligne de l’ACSS, Mme Wright dit qu’elle n’a tout simplement pas l’argent pour les frais d’études. Elle s’est aussi inquiétée de devoir trouver elle-même des stages en milieu de travail, ce qui est une exigence du programme de l’ACSS.
170 Bien que Mathew Barney travaille maintenant dans un hôpital, sa candidature à des postes de gestion de l’information sur la santé a été rejetée à plusieurs reprises. Alors qu’il étudiait à Cambrian, il a accumulé une dette de 5 000 $ en prêts d’étudiant et a eu des frais de 2 500 $ pour son stage. Actuellement, il suit le cours en ligne de l’ACSS et espère pouvoir travailler un jour comme professionnel en gestion de l’information sur la santé. Toutefois, il regrette d’avoir à y consacrer davantage de temps et d’argent.
171 Danielle Smith, 22 ans, est superviseure adjointe dans un bureau des dossiers à Santé Canada. Bien que son stage en milieu de travail après le programme de gestion de l’information sur la santé de Cambrian l’ait menée indirectement à un emploi, dans le cadre d’un programme fédéral d’embauche des étudiants, elle travaille actuellement dans le secteur des dossiers ministériels et non pas dans un poste directement rattaché à sa formation en gestion de l’information sur la santé. Comme d’autres étudiants à qui nous avons parlé, elle avait envisagé d’abandonner le programme de Cambrian au milieu de ses études, mais elle avait reçu l’assurance que la seconde demande du Collège à l’ACIDS aboutirait. Ayant tenu bon pendant deux années à Cambrian, Mme Smith se retrouve maintenant avec une dette bancaire de 30 000 $ en prêts d’étudiante et elle n’a donc aucun fonds à investir dans la poursuite de ses études.
172 Kristine Landry a obtenu un stage à l’Hôpital régional de Sudbury dans le cadre du programme de Cambrian. Mais ce stage ne comprenait aucun travail de codage ou de dossiers médicaux. Elle a travaillé sous les ordres d’une secrétaire médicale. Actuellement, elle est commise temporaire dans une caisse populaire où, une fois de plus, elle ne travaille aucunement dans le domaine de l’information sur la santé. Elle a répondu à l’offre du Collège et s’est inscrite au cours en ligne de l’ACSS, après avoir emprunté les droits d’inscription à sa grand-mère. Mais elle a trouvé trop difficile d’équilibrer son travail et ses études et elle a dû abandonner en fin de compte, n’obtenant qu’un remboursement partiel. Ayant emprunté 1 200 $ en prêts d’étudiante et ayant pris 24 000 $ à sa ligne de crédit, Mme Landry croit que le temps qu’elle a passé à Cambrian a été une perte complète.
173 Nicole Solomon, 20 ans, espérait travailler dans un service de dossiers médicaux en milieu hospitalier. Ayant obtenu son diplôme, elle n’a pas pu obtenir de poste dans un hôpital en raison de son manque de certification. Après deux ans d’études à Cambrian, elle se retrouve avec une dette de 20 000 $ en prêts d’étudiante. Actuellement, elle gagne 10 $ en travaillant à temps partiel dans un magasin général et elle pense qu’il lui faudra le reste de sa vie pour rembourser cette dette. Elle nous a dit qu’elle avait envisagé d’abandonner le programme quand elle avait entendu parler du problème de sa reconnaissance par l’ACIDS, mais que la coordonnatrice l’avait incitée à rester et lui avait dit de ne pas se décourager. Maintenant, au lieu d’avoir devant elle une carrière intéressante dans un secteur « très en demande », ses rêves de devenir professionnelle en gestion de l’information sur la santé sont anéantis.
174 Après avoir dépensé près de 9 000 $ en prêts d’étudiante pour suivre le programme de gestion de l’information sur la santé à Cambrian, Sheena Xavier, 22 ans, a obtenu son diplôme en 2008. Mais au lieu de travailler dans le secteur des dossiers de santé, elle est maintenant employée à temps partiel dans un magasin de vêtements. Elle a essayé de suivre le cours en ligne de l’ACSS mais l’a trouvé trop difficile et a dû abandonner. Pour elle, son diplôme de Cambrian n’a quasiment aucune valeur[5].
175 Christie Charette est une mère célibataire de 29 ans, avec deux jeunes enfants. En raison de ses études à Cambrian, elle est endettée de 25 000 $. Après avoir obtenu son diplôme, elle est restée sans emploi et a dû emprunter de l’argent à sa famille pour suivre le cours de l’ACSS, qui représentait son unique espoir de trouver un emploi décent. Malheureusement, elle aussi trouve ce cours trop difficile après son expérience à Cambrian.
176 Les étudiants à qui nous avons parlé nous ont dit qu’ils auraient fait d’autres choix s’ils avaient su l’importance de la non-reconnaissance du programme de Cambrian par l’ACIDS quand ils se sont inscrits. Bien que les responsables du Collège aient affirmé n’avoir aucunement été obligés de dire aux étudiants que le programme de gestion de l’information sur la santé n’était pas reconnu par l’ACIDS, pour se protéger de toute demande d’indemnisation future, ils font maintenant le nécessaire pour expliquer d’avance le statut du programme aux nouveaux étudiants.
177 En juillet 2008, le doyen a envoyé une lettre aux étudiants qui s’apprêtaient à commencer le programme en septembre 2008, pour leur souhaiter la bienvenue au programme, et a précisé ceci :
… Nos diplômés trouvent de bons débouchés et sont employés dans de nombreuses industries, dont les suivantes : dossiers de santé, cabinets de médecins, industrie (santé au travail), cliniques médicales et Santé Canada. Toutefois, dans le secteur hospitalier, vous devez obtenir une certification professionnelle en GIS avant de pouvoir travailler comme professionnel en gestion de l’information sur la santé (GIS). Cette désignation est accordée par l’ACIDS, à la suite du succès à son examen exhaustif.
Le diplôme de notre programme ne suffira pas à lui seul à vous qualifier pour vous présenter à l’examen de l’ACIDS. Pour pouvoir s’y présenter, certains de nos diplômés suivent des cours en ligne supplémentaires offerts par l’Association canadienne des soins de santé (ACSS). En tant que diplômés du Cambrian College, les étudiants ont obtenu une équivalence pour les cours suivis chez nous. De plus, ils doivent compléter avec succès certains cours en ligne de l’ACSS avant de se présenter à l’examen de l’ACIDS. …
178 L’aperçu du programme donné sur le site Web de Cambrian ne dit plus que ce programme mènera à des possibilités d’emploi dans le secteur hospitalier. Le site met aussi les étudiants en garde en les informant que le programme de Cambrian ne suffira pas « à lui seul » à qualifier les diplômés pour se présenter à l’examen de certification de l’ACIDS[6]. Toutefois, la brochure du programme datant d’août 2008, qui est affichée sur le site Web du Collège, continue de dire que les diplômés seront préparés à des carrières partout au Canada dans divers milieux de la santé et des soins communautaires, incluant les hôpitaux. La brochure comprend également une déclaration ambiguë disant que le programme « suit les directives nationales »[7].
179 Au moins, les nouveaux étudiants qui entrent en gestion de l’information sur la santé à Cambrian sont maintenant avertis avant d’entreprendre leurs études. Mais même là, le Collège semble incapable de résister au besoin de colorer les faits de manière excessivement positive. Dans sa lettre aux étudiants, le doyen fait une liste de tous les secteurs où les diplômés du programme ont réussi à trouver un emploi. Nous ne savons pas vraiment d’où le doyen a tiré ses renseignements, car ce n’est que tout récemment que le Collège a pu donner à notre Bureau des détails confirmant si les diplômés de son programme de gestion de l’information sur la santé étaient employés, et si oui où.
180 Malheureusement, les diplômés du programme qui se sont plaints à nous ne disposaient pas des renseignements essentiels pour décider de leurs options d’inscription lorsqu’ils ont envisagé de suivre ce programme et même après, une fois inscrits. Pour illustrer ce point, comparons le programme de gestion de l’information sur la santé de Cambrian à des programmes offerts dans le même domaine ailleurs en Ontario.
181 Bien que le programme de gestion de l’information sur la santé de Cambrian College ne soit pas à la hauteur des normes de reconnaissance de l’ACIDS, auxquelles se conforment des programmes ayant un titre similaire dans les autres collèges en Ontario, il est le plus long et l’un des plus coûteux de sa catégorie.
182 Cambrian College offre un programme de quatre semestres, plus un stage de deux mois, tandis que St. Lawrence a un cours de trois semestres, incluant un stage pratique, et que George Brown et Sir Sanford Fleming ont tous deux un programme de quatre semestres incluant un stage.
183 Le barème actuel indique que le total des droits d’études pour compléter le programme est d’environ 3 000 $ au St. Lawrence College, 5 500 $ à George Brown et 6 000 $ à Sir Sandford Fleming. À Cambrian, le coût du programme est d’approximativement 5 600 $ au total.
184 La grande différence tient aux résultats obtenus par les étudiants pour leur argent. Dans les trois autres collèges qui offrent des programmes de gestion de l’information sur la santé, les étudiants obtiennent non seulement un diplôme mais sont de plus qualifiés pour se présenter à l’examen national de certification de l’ACIDS. De plus, ils peuvent avoir l’option de faire une demande à Ryerson University pour suivre un programme menant à un diplôme en gestion de l’information sur la santé. Selon le directeur du programme de gestion de l’information sur la santé à Ryerson, pour présenter une demande à ce programme, les étudiants doivent avoir un diplôme en gestion de l’information sur la santé après deux années d’études, être certifiés par l’ACIDS et avoir une expérience d’au moins deux ans en milieu de travail. Dans le cas de Sir Sandford Fleming, les étudiants peuvent aussi faire une demande au University of Ontario Institute of Technology pour obtenir un diplôme. Par contre, même s’ils ont la chance de faire une expérience de deux années en milieu de travail, les étudiants de Cambrian College ne peuvent pas se présenter au programme menant à un grade à Ryerson University, à moins de se perfectionner d’eux-mêmes et de réussir à l’examen de l’ACIDS. Bien que la brochure du programme de gestion de l’information sur la santé de Cambrian fasse généralement référence à des ententes avec les universités qui facilitent la mobilité des étudiants, ainsi que la reconnaissance et le transfert des crédits, il n’existe aucun accord de ce genre avec Cambrian pour ce programme. Les étudiants de Cambrian ont l’impression que le programme les aidera éventuellement à accéder à un programme menant à un grade en gestion de l’information sur la santé, mais il n’en est rien.
185 En termes de rentabilité de l’argent investi, le programme de Cambrian College vient clairement en tout dernier. Le Ministère, qui est responsable de la surveillance générale des collèges en Ontario, ne se préoccupe pas de la qualité des programmes offerts par chacun d’eux. À vrai dire, il ne fait aucune distinction entre les différents programmes de gestion de l’information sur la santé dispensés dans la province, bien que le programme de Cambrian ne réponde pas aux mêmes normes que les trois programmes reconnus par l’ACIDS.
186 Le Profil d’emploi de 2007, affiché sur le site Web du Ministère, indique l’expérience acquise sur le marché du travail par les diplômés du contingent de 2005-2006 de Cambrian six mois après l’obtention de leur diplôme. À la rubrique « Administration des dossiers de santé », le Ministère a noté que sur un total de 90 diplômés, 71 des 75 diplômés interrogés faisaient partie de la population active, dont 53,3 % étaient employés à plein temps dans un secteur relié à la gestion de l’information sur la santé. Le salaire moyen de leurs postes était de 36 540 $, le salaire médian étant de 37 413 $. Pour ces statistiques, le Ministère a identifié tous les collèges offrant alors des programmes de gestion de l’information sur la santé, y compris au Cambrian College. Un représentant du Ministère a expliqué que l’objectif de ce profil est d’aider les étudiants à sélectionner un programme. Mais les renseignements donnés dans ce profil sont clairement trompeurs. Non seulement le programme de Cambrian différait grandement, de par son contenu et ses résultats potentiels, des autres programmes reconnus par l’ACIDS, mais aucune donnée n’avait été recueillie sur les diplômés de Cambrian car aucun étudiant n’était encore sorti diplômé de ce programme à la fin de l’année d’études 2005-2006. Nous avons appris que, pour la préparation du plus récent Profil d’emploi 2006-2007, maintenant sur le site Web du Ministère, seuls les établissements pour lesquels le Ministère avait des données ont été inclus. Cambrian ne fait pas partie de ce profil, étant donné qu’il n’avait pas encore fourni de statistiques sur ses diplômés en gestion de l’information sur la santé. Malheureusement, le profil précédent comportait des renseignements erronés à propos de Cambrian, qui pourraient avoir influencé les étudiants dans leur choix de programme.
187 Au cours de notre enquête, les responsables ministériels ont souligné que le Ministère a accordé une plus grande autonomie aux collèges à partir de 2002 et que le rôle du Ministère est désormais uniquement rattaché aux questions de financement. Nous avons été informés que l’approche du Ministère est « pas mal… la non-intervention » en ce qui concerne la qualité des programmes.
188 Bien que le Ministère ait une politique générale, présentée dans le Cadre d’élaboration des programmes d’études et dans l’Approbation de financement des programmes d’études, le Ministère procède tout au mieux à un examen superficiel des efforts faits par un collège au stade de la création d’un programme. Si le Service de validation des titres de compétence approuve une proposition de programme et que le président du collège certifie que les critères requis sont respectés, l’approbation du Ministère est quasiment garantie. À moins qu’un secteur ne soit vraiment réglementé, le Ministère ne s’intéresse pas aux exigences des organismes professionnels. Nous avons été avisés que le Ministère ne montrait pas « grand intérêt s’il ne s’agissait pas d’un secteur de réglementation obligatoire » et que les collèges étaient des organismes assez « mûrs » pour que le Ministère n’interfère pas. Les failles de cette approche sont fort évidentes quand on voit ce qui s’est passé au programme de gestion de l’information sur la santé de Cambrian, qui n’appartient pas à un secteur réglementé. La reconnaissance par l’ACIDS est facultative alors que, comme l’a prouvé mon enquête, elle a des répercussions considérables sur les perspectives d’emploi des étudiants.
189 Conformément aux directives ministérielles, le programme de Cambrian a été élaboré au départ en fonction d’un besoin économique et sociétal clairement démontré, pour les professionnels formés en gestion de l’information sur la santé. La coordonnatrice avait fait des recherches sur l’employabilité pour élaborer la proposition de programme et cette proposition indiquait qu’il existait une demande croissante dans le secteur hospitalier pour les professionnels en gestion de l’information sur la santé certifiés par l’ACIDS. Les approbations données par le Comité consultatif et par le Bureau des gouverneurs de Cambrian reposaient sur ces renseignements. Toutefois, la capacité de répondre au besoin économique et sociétal identifié par le Collège reposait grandement sur sa capacité à offrir un programme conforme aux normes de l’ACIDS. Il n’existait pas de besoin économique ou sociétal clairement démontré pour des diplômés d’un programme ne menant pas à la certification. En outre, la requête de financement du Collège indiquait son intention de demander la reconnaissance du programme par l’ACIDS.
190 Malheureusement, tout le fondement sur lequel reposait le programme de Cambrian – qui était de répondre à un besoin économique et sociétal clairement démontré en gestion de l’information sur la santé – a été sapé quand le Collège a commencé à offrir ce programme, qu’il a continué de dispenser pendant trois ans, sans obtenir la reconnaissance de l’ACIDS. Ce que le Collège a fini par promouvoir et créer, c’était fondamentalement une réplique bas de gamme, bien mal conçue, des programmes reconnus par l’ACIDS qui portaient le même titre et qui étaient offerts par d’autres collèges en Ontario. Le programme de Cambrian n’a donc pas répondu au besoin pour lequel il avait été créé et le Ministère a fini par subventionner, avec les fonds publics, un programme qui a non seulement failli en ce sens mais qui a aussi mené des étudiants vulnérables à s’endetter lourdement – beaucoup n’ayant pas grand-chose de concret à montrer pour leur temps et leurs efforts.
191 Les étudiants devraient pouvoir compter sur le Ministère pour protéger leurs intérêts de consommateurs dans le secteur de l’éducation. Or, si ce qui s’est passé à Cambrian est typique, il est clair que la surveillance du Ministère offre bien peu de réconfort.
192 L’un des responsables a décrit en ces termes l’approche du Ministère relativement au développement des programmes collégiaux :
L’une des choses qu’on leur demande, c’est d’avoir fait une étude du marché du travail dans le secteur pour lequel il existe un besoin. Nous présumons qu’un comité consultatif de programme composé de professionnels et d’employeurs de ce secteur ont considéré le programme. Nous présumons par cette directive qu’ils ont des processus de contrôle de la qualité. … Nous présumons que les collèges font un contrôle de la qualité et des vérifications…
193 En fait, en ce qui concerne le programme de gestion de l’information sur la santé de Cambrian, le Ministère a loué la proposition du Collège. Voici ce qu’on nous a dit : « … du point de vue du Ministère, c’était un programme bien conçu; ils avaient fait leur travail de préparation ».
194 Mais il est clair que le Ministère a fait un certain nombre d’hypothèses quant à la reconnaissance du programme par l’ACIDS. Les responsables ont minimisé l’importance de se conformer aux normes de l’ACIDS et ont suggéré, sans vraies preuves à l’appui, que les diplômés de Cambrian s’en étaient bien tirés sur le marché du travail en dépit du statut professionnel douteux du programme. Un responsable ministériel nous a déclaré :
… J’ai fait moi-même des recherches sur les possibilités d’emploi et il me semble que ce sont les hôpitaux des grandes régions urbaines qui exigent cette désignation. Alors j’imagine que la plupart des étudiants ont trouvé un emploi – même dans les hôpitaux, car il y a une telle pénurie de professionnels formés que même les hôpitaux se les arrachent. À ma connaissance, Cambrian a maintenant pris des mesures pour qu’ils suivent deux cours en ligne afin de pouvoir se présenter à l’examen. Mais je présume que la plupart des étudiants ont très vite décroché un emploi…
195 Durant notre enquête, les responsables ministériels ont répété les affirmations faites par les dirigeants du Collège, disant que les diplômés en gestion de l’information sur la santé de Cambrian avaient trouvé du travail dans leur secteur. L’un des responsables ministériels nous a affirmé avec confiance que, selon le Collège, la plupart des diplômés du programme avaient trouvé un emploi.
196 Il est clair que dans le cadre du système actuel de développement et d’examen des programmes, le Ministère a abdiqué toute responsabilité de s’assurer qu’un collège dispense le programme proposé dans sa demande de financement et qu’il fait trop confiance aux collèges pour qu’ils exercent une auto-surveillance. Le processus actuel d’approbation est fondamentalement un exercice d’approbation automatique, sans analyse indépendante et sans suivi. Le Ministère présume que les collèges ont les intérêts des étudiants à cœur et il présume qu’ils respectent leur promesse de répondre à un besoin économique et sociétal déterminé. Mais le Ministère n’a pas mis en place suffisamment d’automatismes régulateurs pour s’assurer que tel est le cas. Les vérifications faites par les collèges et les renseignements sur les indicateurs clés de performance sont des mesures de protection inadéquates contre le type de conduite dont a fait preuve le Cambrian College dans ce cas.
197 De toute évidence, Cambrian n’a pas atteint les objectifs pour lesquels il était mandaté, qui étaient d’offrir une formation et un enseignement afin d’aider les étudiants à trouver et à garder un emploi, de répondre aux besoins des employeurs et au milieu de travail, et de contribuer au développement économique et social des communautés locales. Cambrian a consacré son énergie à remplacer un programme de moins en moins en demande – et par la suite à rejeter le blâme pour un programme mal conçu et mal exécuté – au détriment des intérêts de ses étudiants en gestion de l’information sur la santé. Bien que les responsables de Cambrian nient vociférément cette suggestion, je crois que les preuves parlent clairement en ce sens.
198 Pour le Collège, ce sont les étudiants en gestion de l’information sur la santé qui sont responsables de leur infortune. Selon lui, ils ont fait de fausses hypothèses sur leur avenir et ils ont eu des attentes irréalistes à propos du programme du Collège. Le Collège considère qu’il a fait une faveur aux étudiants et aux diplômés en cherchant à obtenir la reconnaissance de son programme par l’ACIDS, puis en leur offrant par la suite une aide pour qu’ils suivent le cours de l’ACSS, sous réserve de compléter avec succès le programme.
199 Cependant, les preuves qui ressortent de l’étape de développement du programme montrent que la reconnaissance de l’ACIDS était un élément essentiel de ce programme de gestion de l’information sur la santé. Les documents de promotion du Collège évoquaient un programme conforme aux normes de l’ACIDS. Par la suite, quand le programme a commencé et s’est poursuivi sans la reconnaissance de l’ACIDS, les étudiants n’en ont pas été informés. Les étudiants, qui ne soupçonnaient rien, ont dû découvrir seuls les restrictions de carrière qu’ils auraient en gestion de l’information sur la santé à cause de ce programme. Et quand les étudiants ont pris conscience du problème, des assurances vides de sens leur ont été données continuellement.
200 Parlant des efforts de reconnaissance du Collège, la présidente de l’établissement a suggéré qu’il avait « diligemment cherché à obtenir l’accréditation ». Mais les faits montrent le contraire. Le Collège n’a fait aucune tentative pour obtenir la reconnaissance du programme par l’ACIDS avant le début du programme en septembre 2005 et sa première tentative remonte à 18 mois plus tard. De plus, les deux tentatives d’obtention d’une reconnaissance par l’ACIDS étaient fondamentalement vouées à l’échec car les demandes n’avaient pas été préparées par des personnes qui connaissaient suffisamment bien le domaine et car le programme comportait des lacunes sur des points clés, par exemple sur l’exigence de certification de la coordonnatrice par l’ACIDS.
201 Si Cambrian s’était montré franc et ouvert avec les étudiants dès le départ, ceux-ci auraient peut-être pris d’autres décisions et suivi d’autres voies. Mais cette option a été niée aux étudiants car Cambrian n’a pas divulgué alors des renseignements importants.
202 Les responsables du Collège ont nié avoir toute responsabilité d’expliquer aux étudiants qu’ils s’inscrivaient à un programme de gestion de l’information sur la santé non reconnu par l’ACIDS ou quelles répercussions aurait pour eux ce statut ambigu. Ils ont suggéré qu’il appartenait essentiellement aux étudiants de mener des recherches sur les différents programmes et de faire un choix éclairé.
203 Mais le Cambrian College ne peut pas tout avoir. Il ne peut pas, d’un côté, produire une brochure promotionnelle où il s’identifie à l’ACIDS et, d’un autre côté, dire qu’il n’a fait aucune assertion potentiellement trompeuse aux étudiants à propos de son affiliation à l’ACIDS. Cambrian ne peut pas promouvoir un programme avec une liste d’emplois potentiels où le secteur hospitalier vient en premier, puis suggérer que la non-admissibilité des étudiants à des postes de gestion de l’information sur la santé dans les hôpitaux ne présente guère d’importance. C’est le secteur hospitalier qui crée une demande pour les professionnels en gestion de l’information sur la santé, et c’est lui le principal employeur de ces professionnels.
204 Récemment, les tribunaux ont indiqué que les établissements d’enseignement devraient se montrer prudents non seulement en ce qui concerne les renseignements inclus à leurs documents promotionnels, mais aussi quant aux renseignements qu’ils omettent d’inclure. Dans l’affaire Olar v. Laurentian University[8], la Cour supérieure de justice de l’Ontario a considéré le cas d’un étudiant qui s’était inscrit à l’Université Laurentienne à Sudbury, en partie à cause des renseignements donnés dans les documents promotionnels au sujet de la possibilité de transfert pour compléter la troisième et la quatrième année d’un programme d’ingénierie. L’Université avait négligé de divulguer des renseignements critiques à propos des risques et des difficultés de transfert. La Cour a jugé que l’Université avait présenté de manière inexacte les renseignements, par négligence. Elle estimé que les documents promotionnels étaient équivoques, inexacts, trompeurs et a déterminé que l’étudiant s’était fié avec raison à ces assertions, qui lui avaient causé du tort. La Cour a conclu qu’en omettant de fournir à l’étudiant des renseignements valables, en temps opportun, sur les questions de transfert, l’Université avait privé l’étudiant de la possibilité de faire un choix éclairé quant au programme à suivre, ce qui lui avait finalement coûté une année supplémentaire d’études pour obtenir son diplôme.
205 Dans ce cas, le Cambrian College a fait miroiter les possibilités d’emploi dans le secteur hospitalier et a suggéré que son programme s’appuyait sur les normes de l’ACIDS, auxquelles il était bien loin de répondre. Les administrateurs du cours savaient que les étudiants n’auraient accès à la désignation professionnelle de l’ACIDS que s’ils suivaient un programme reconnu les qualifiant pour se présenter à l’examen national. Le Collège était conscient que son programme n’était pas reconnu et savait quelles en étaient les répercussions et pourtant, année après année, il a diffusé un matériel promotionnel qui pouvait laisser croire que les étudiants auraient accès à la profession de la gestion de l’information sur la santé et pourraient obtenir des postes attrayants de codage en milieu hospitalier. Même quand la vérité a commencé à poindre, les étudiants ont constamment été incités à se montrer patients et à continuer de suivre le programme, malgré l’incertitude évidente de sa reconnaissance par l’ACIDS à moins de changements structurels et opérationnels majeurs.
206 Que le Cambrian College ait fait ou non des assertions inexactes par négligence, il est clair que sa conduite n’est pas acceptable de la part d’un organisme provincial mandaté pour servir le public de l’Ontario. L’attitude d’indifférence montrée par le Collège envers les étudiants inscrits à son programme de gestion de l’information sur la santé et les tentatives qu’il a faites pour échapper à toute responsabilité concernant ses actions vont directement à l’encontre de sa devise de « Responsabilité et Excellence » qu’il proclame suivre.
207 Le manquement du Collège à faire passer les intérêts des étudiants en premier, et la confiance mal placée du Ministère dans le Collège, ont laissé de nombreux diplômés de ce programme frustrés, désillusionnés et endettés, sans perspective raisonnable d’emploi dans le secteur pour lequel ils croyaient avoir été formés. Bien que tous les étudiants n’aient pas souffert de la même manière, tous partagent un sentiment d’outrage. L’offre qu’a faite Cambrian aux étudiants pour les aider à couvrir une partie des frais d’inscription au programme en ligne de l’ACSS, s’ils complétaient avec succès ce programme, ne compense pas adéquatement les diplômés de la mauvaise administration de son programme de gestion de l’information sur la santé. Même si quelques étudiants parviennent ainsi à entrer dans la profession de la gestion de l’information sur la santé, ceci représente une année supplémentaire d’études qu’ils ne comptaient aucunement faire quand ils se sont inscrits au programme de Cambrian. Vu l’ampleur des problèmes de qualité du programme de Cambrian, il ne faut pas s’étonner que tant d’étudiants aient découvert qu’ils n’étaient pas à la hauteur du cours de l’ACSS. D’autres ont déjà dépensé des sommes considérables pour suivre le programme de Cambrian et se trouvent bien évidemment dans l’incapacité de financer plus avant leurs études. Vu ces circonstances, Cambrian devrait s’efforcer d’offrir aux étudiants une aide plus importante qui reflète les investissements considérables de temps et d’argent faits par les étudiants pour suivre son programme inadéquat de gestion de l’information sur la santé.
208 Les diplômés du programme de gestion de l’information sur la santé de Cambrian devraient aussi être adéquatement indemnisés pour le temps et pour les efforts supplémentaires qu’ils doivent maintenant consacrer à des cours d’appoint à cause des insuffisances de ce programme. De plus, ceux qui ne sont pas en mesure de perfectionner leurs connaissances en raison des dettes contractées pour suivre le programme de Cambrian, ou à cause de la qualité inférieure de l’enseignement précédemment reçu à Cambrian, devraient eux aussi être indemnisés pour ce qu’ils estiment être une perte de temps et d’argent dans un programme quasiment sans valeur.
209 Bien évidemment, c’est le Cambrian College qui était directement en rapport avec les étudiants du programme de gestion de l’information sur la santé et c’est donc ce Collège qui a la responsabilité première de la qualité de l’enseignement qui leur a été dispensé. Mais le Ministère doit accepter une partie du blâme pour le rôle qu’il a joué dans cette situation. D’un point de vue systémique, le Ministère a omis de prendre des mesures adéquates pour s’assurer que les collèges comme Cambrian dispensent le programme qu’ils ont promis dans leurs demandes d’approbation de financement. Dans ce cas particulier, le Ministère ne s’est pas assuré que Cambrian procédait dûment à sa demande de reconnaissance par l’ACIDS. L’inertie du Ministère a fondamentalement ôté tout sens au processus d’approbation du financement. Le Ministère n’a pas uniquement failli à ses responsabilités fiduciaires en tant que gardien de fonds publics « limités », mais il a aussi négligé de protéger adéquatement les intérêts des étudiants vulnérables. Sa passivité quant au développement et à l’approbation des programmes collégiaux a permis à Cambrian d’œuvrer sans supervision, et sans censure, au détriment des diplômés de son programme de gestion de l’information sur la santé.
210 À mon avis, le manquement du Cambrian College à administrer correctement son programme de gestion de l’information sur la santé et notamment à chercher à obtenir la reconnaissance de ce programme par l’ACIDS, comme l’envisageaient ses documents d’approbation, et à fournir des renseignements exacts et suffisants, en temps opportun, aux étudiants sur les répercussions de la non-reconnaissance du programme par l’ACIDS, est déraisonnable, injuste et erroné en vertu des alinéas 21 (1) b) et d) de la Loi sur l’ombudsman.
211 Je suis également d’avis que le manquement du ministère de la Formation et des Collèges et Universités à exercer une surveillance efficace du programme de gestion de l’information sur la santé de Cambrian était déraisonnable et erroné en vertu des alinéas 21 (1) b) et d) de la Loi sur l’ombudsman.
Pour remédier aux problèmes que j’ai décelés durant mon enquête, je fais les recommandations suivantes :
Cambrian College
Recommandation 1
Cambrian College devrait indemniser raisonnablement les diplômés de son programme de gestion de l’information sur la santé pour les pertes qu’ils ont subies en raison des lacunes de ce programme.
Alinéa 21 (3) g), Loi sur l’ombudsman
Recommandation 2
Cambrian College devrait informer chaque trimestre mon Bureau des progrès faits par lui pour venir en aide aux diplômés de son programme de gestion de l’information sur la santé, jusqu’à ce que je sois satisfait qu’il y a eu réparation adéquate.
AAlinéa 21 (3) g), Loi sur l’ombudsman
Ministère de la Formation et des Collèges et Universités
Recommandation 3
Le ministère de la Formation et des Collèges et Universités devrait instaurer des mesures de protection adéquates et notamment exercer une surveillance active, selon les besoins, pour s’assurer que les collèges respectent les assertions faites dans leurs requêtes de financement et dispensent un programme qui répond à des besoins économiques et sociaux déterminés.
Alinéa 21 (3) g), Loi sur l’ombudsman
Recommandation 4
Le ministère de la Formation et des Collèges et Universités devrait informer chaque trimestre mon Bureau des progrès réalisés par lui dans la mise en œuvre de la Recommandation 3, jusqu’à ce que je sois satisfait que des mesures de protection appropriées ont été adoptées.
Alinéa 21 (3) g), Loi sur l’ombudsman
212 À la conclusion de mon enquête, un rapport préliminaire accompagné de recommandations a été remis au Collège et au Ministère, en vue d’une réponse.
213 Le 22 avril 2009, la sous-ministre a répondu à mon rapport préliminaire et à mes recommandations au nom du Ministère. Au lieu de se pencher sur les particularités de la création et de l’administration du programme de gestion de l’information sur la santé du Cambrian College, le Ministère a examiné la question plus générale de la responsabilisation dans l’éducation postsecondaire. Le Ministère a tout d’abord résumé l’historique qui a mené à l’adoption d’un modèle actualisé de responsabilisation par le gouvernement, dans le cadre de la Loi de 2002 sur les collèges d’arts appliqués et de technologie de l’Ontario. Il a expliqué que ce modèle avait été renforcé par le rapport et les recommandations de l’Examen de l’éducation postsecondaire, qui a été remis au ministre en février 2005 et qui comprend cet énoncé à propos de la gouvernance et de la responsabilisation :
… L’enthousiasme pour une « responsabilisation accrue » ne devrait pas devenir synonyme de renforcement du contrôle par le gouvernement. La liberté universitaire est également une valeur importante. Il en est de même pour l’autonomie et la souplesse institutionnelle… les gouvernements fédéral et provincial ont clairement la responsabilité de s’assurer que leur demande d’examen et de responsabilisation ne devienne pas trop exigeante…
214 Le Ministère a dit qu’il considérait essentiel d’équilibrer parfaitement les responsabilités entre le gouvernement et les établissements comme les collèges et il a déclaré ceci :
En Ontario, l’équilibre est atteint en permettant aux spécialistes – corps professoral du collège, administration et conseils, qui connaissent l’ensemble de leur communauté et qui travaillent avec les employeurs pour comprendre leurs besoins – de décider quant à la prestation de l’enseignement et à l’élaboration du programme d’études. En même temps, le rôle pertinent du gouvernement est d’appuyer la qualité des programmes en établissant des directives de gouvernance et en exigeant des mesures de la qualité du système, de l’institution et du programme.
215 Le Ministère a ensuite décrit les différentes mesures d’assurance de la qualité qui existent actuellement au sein du système, évoquées plus avant dans ce rapport. Il a dit :
Les mécanismes d’assurance de la qualité et les attentes de responsabilisation sont mondialement connus comme les moyens les plus efficaces pour le gouvernement de veiller à ce que les établissements d’enseignement supérieur s’acquittent de leurs obligations et dispensent des programmes excellents et pertinents.
216 Il a ensuite réitéré les renseignements qu’il avait fournis durant l’enquête sur son approche relativement à la certification et à l’agrément. Il a souligné que, quand la loi exige l’agrément ou la certification d’une personne pour exercer une profession ou un métier, il exige que les collèges veillent à ce que les normes de leurs programmes répondent aux normes de l’organisme de réglementation. Toutefois, en ce qui concerne les normes volontaires des associations privées, il a précisé ceci :
Dans la majorité des emplois, professions et métiers… il n’existe pas d’organisme statutaire de réglementation. Il se peut qu’il y ait une ou plusieurs associations privées, qui se font généralement les porte-parole de leurs membres et qui élaborent parfois des normes facultatives de pratique professionnelle.
Dans certains cas, il existe plus d’une association régie par ses membres qui affirme être le porte-parole officiel de l’emploi, de la profession ou du métier. Ces associations peuvent faire pression auprès du gouvernement ou promouvoir leur rôle en vue d’être perçues comme le porte-parole « officiel » de l’emploi, de la profession ou du métier et de renforcer leur crédibilité auprès de leurs membres.
Mais le gouvernement n’accorde généralement une autorité législative qu’aux organismes privés des métiers et professions pour lesquels il a déterminé qu’il est de l’intérêt public d’exercer une surveillance sur les normes professionnelles. En l’absence d’intérêt public, le Ministère doit s’assurer qu’il ne semble pas donner l’impression que le gouvernement appuie les normes imposées par des associations privées ou laisse entendre qu’il soutient l’adhésion aux associations en tant que condition à l’emploi. Ceci est d’autant plus vrai que le gouvernement de l’Ontario a récemment affirmé son engagement envers les principes de la mobilité de la main-d’œuvre reflétés dans l’Accord sur le commerce intérieur fédéral-provincial. Cet accord impose à l’Ontario de réduire les obstacles interprovinciaux à la certification/à l’agrément des travailleurs qui vont d’une juridiction à une autre dans les professions et les métiers réglementés. Dans ce contexte, il serait incompatible pour le Ministère d’exiger que les collèges obtiennent la certification d’associations privées pour leurs nouveaux programmes en tant que condition obligatoire à un financement gouvernemental.
217 Le Ministère n’a pas répondu aux questions que j’avais soulevées quant au fait que les études de marché faites par le Collège, de même que les approbations de son Bureau des gouverneurs et de son Comité consultatif de programme, semblaient reposer sur la condition que le programme obtienne la reconnaissance de l’ACIDS. Il n’a pas commenté non plus le fait que le Collège avait tardé à chercher à obtenir la reconnaissance de l’ACIDS et avait finalement échoué en raison des lacunes de son programme. Par contre, le Ministère a fait des remarques générales sur le développement du programme et sur les tentatives du Cambrian College pour obtenir la reconnaissance de l’ACIDS. Voici ce qu’il a déclaré :
Le Ministère est confiant que, lorsqu’ils planifient les programmes d’études, les collèges et les professeurs qui sont compétents dans leur domaine, en collaboration avec les comités consultatifs de programmes qui comprennent des praticiens chevronnés, font des choix éclairés en s’appuyant sur les renseignements des groupes d’intervention régis par leurs membres.
La reconnaissance par l’Association canadienne interprofessionnelle des dossiers de santé (ACIDS), comme dans le cas du programme de gestion de l’information sur la santé de Cambrian, est facultative. Il est clair que le Cambrian College a fait plusieurs tentatives pour obtenir volontairement la reconnaissance de l’ACIDS, comme il avait indiqué qu’il le ferait dans sa requête de financement. Le Ministère appuie l’initiative prise par le Cambrian College pour identifier et chercher à obtenir cette reconnaissance facultative. Mais pour les raisons énoncées précédemment, le Ministère ne considère pas que la non-obtention de cette reconnaissance facultative devrait motiver un refus de financement du programme. En fait, la certification par l’ACIDS n’a jamais été une condition d’approbation du financement pour le Ministère.
218 Dans la lignée de sa réponse, le Ministère n’a pas considéré que les plaintes faites à mon Bureau révélaient le moindre problème systémique exigeant le niveau d’intervention gouvernementale supplémentaire que j’avais recommandé. (Recommandation 3) Mais il a déclaré que, pour favoriser la cohérence des communications entre les collèges et leurs étudiants quant à la promotion des nouveaux programmes, il élaborerait des directives de promotion et de marketing afin de clarifier les responsabilités des collèges à ce sujet et qu’il me communiquerait les détails par la suite. (Recommandation 4)
219 Pour conclure, le Ministère a de nouveau fait généralement référence aux relations de responsabilisation adoptées en Ontario et a noté ceci :
Le rôle joué par le Ministère au niveau de la responsabilisation des collèges est délibéré et réfléchi, et repose sur des recherches et des pratiques actuelles. Le Ministère est confiant que les processus d’assurance de la qualité parviennent à équilibrer l’autonomie des collèges, les intérêts des étudiants et ceux du public dans le but de dispenser des programmes pertinents de haute qualité.
220 J’ai été déçu par la réponse du Ministère, qui était faite de généralités et qui a ignoré et rejeté mes conclusions disant que les circonstances qui entouraient l’administration du programme de gestion de l’information sur la santé par Cambrian College révélaient une faille importante dans le système actuel de surveillance du développement des programmes collégiaux. Bien que le Ministère ait fait valoir les diverses mesures de contrôle de la qualité généralement mises en place pour le développement des programmes, il est clair que ces mesures étaient inadéquates et n’ont pas protégé les étudiants du programme de gestion de l’information sur la santé du Cambrian College. Après avoir étudié la réponse du Ministère, j’ai invité ses représentants à prendre le temps de reconsidérer leurs opinions. Le 19 juin 2009, j’ai donc reçu une autre réponse de la sous-ministre.
221 Malheureusement, dans sa deuxième réponse, le Ministère a une fois de plus considérablement placé l’accent sur les « principes contemporains de responsabilisation dans le secteur postsecondaire », notant ceci :
Dans ce cadre actuel de responsabilisation, les experts en éducation sont responsables des décisions quant au développement et à la prestation des programmes. La question soulevée par cette plainte est directement rattachée à la prestation d’un programme d’études et c’est donc une question qui relève du Collège et de ses étudiants, relativement à la certification par une association volontaire, et non par une association de réglementation. Bien que regrettables, ces types de conflits à propos des programmes surviennent de temps à autre dans tout établissement d’enseignement.
222 Une fois de plus, le Ministère a rejeté la suggestion de tout problème systémique qui exigerait l’adoption d’un cadre de responsabilisation axé sur un contrôle plus direct de la programmation des collèges par le gouvernement. Il a expliqué qu’il avait défini toute une gamme d’attentes relatives à l’assurance de la qualité et à l’obligation redditionnelle des collèges. Le Ministère a souligné que les connaissances expertes en termes de sélection, de qualité, de prestation et d’examen des programmes relevaient principalement des collèges, travaillant en collaboration étroite avec l’ensemble de leur communauté.
223 Toutefois, le Ministère a réexaminé son projet d’élaboration de directives sur la publicité et le marketing des programmes collégiaux et il a renforcé son engagement à ce sujet en indiquant qu’il était désormais prêt à émettre une directive de politique obligatoire pour tous les collèges en vertu de la Loi. Le Ministère a fait savoir que cette nouvelle directive de politique créerait un autre niveau de responsabilisation pour les collèges, afin de mieux garantir l’exactitude de la publicité et de la promotion de leurs programmes.
224 Je suis encouragé par la reconnaissance implicite du Ministère que la promotion faite par le Cambrian College pour son programme de gestion de l’information sur la santé était problématique, et par son engagement à émettre une directive qui devrait contribuer à ce que des renseignements exacts et transparents soient désormais fournis aux étudiants sur les programmes collégiaux. Mais il est regrettable que le Ministère n’ait pas accepté de prendre d’autres mesures en réponse aux problèmes systémiques que j’ai soulevés à propos de l’assurance de la qualité relativement au développement et à l’administration des programmes. Certes, je reconnais les principes qui sous-tendent la décision gouvernementale d’accroître l’autonomie des collèges d’arts appliqués et de technologie, mais mon enquête sur l’administration du programme de gestion de l’information sur la santé du Cambrian College a montré que l’autonomie des collèges communautaires devrait être mieux équilibrée par des mesures de protection efficaces. Je reste convaincu que pour protéger les étudiants de l’Ontario, tout en tirant au mieux parti des fonds des contribuables ontariens, le Ministère devrait exercer une surveillance accrue dans ce domaine.
225 Le Cambrian College a donné longuement réponse à mon rapport préliminaire et à mes recommandations, par l’entremise de son avocate, le 21 avril 2009. Au départ, l’avocate a réitéré les inquiétudes du Collège quant au manque d’équité procédurale de mon enquête, déclarant que mon rapport préliminaire comportait « des inexactitudes et des omissions factuelles importantes » et indiquant que le Collège avait « de bonnes raisons de s’inquiéter » que j’avais « tiré des conclusions non fondées » et que mes recommandations « s’appuyaient sur une recherche incomplète et trompeuse des faits ».
226 Dans sa réponse, le Collège a discuté mon rapport préliminaire avec beaucoup de détails, dont une grande partie était des redites, sur un ton plutôt défensif. Certains des commentaires du Collège ont été insérés dans mon rapport. Mon Bureau a fait un suivi avec le Collège, lui demandant de clarifier et d’appuyer plusieurs de ses déclarations. Mon Bureau a aussi cherché à obtenir des preuves supplémentaires auprès d’autres sources afin de vérifier les renseignements donnés par le Collège.
227 La réponse du Collège résume les faits de son point de vue. Il y a de nombreux recoupements entre le récit des faits par le Collège et les renseignements donnés dans ce rapport. Mais la grande différence, c’est l’interprétation des événements. Bien évidemment, le Collège considère sa conduite de manière bien plus positive.
228 Le Collège se fait une idée beaucoup plus optimiste des perspectives d’emploi pour les diplômés de son programme de gestion de l’information sur la santé. Il a nié avoir manqué à ses obligations envers les étudiants et il a déclaré avoir offert un programme pour lequel il existait des possibilités d’emploi, précisant que « la majorité des diplômés avaient trouvé des emplois bien payés dans ce secteur de la GIS, y compris la vaste majorité des étudiants témoins cités dans ce Rapport ».
229 Le Collège a noté qu’à compter d’avril 2009, 19 étudiants étaient sortis diplômés de deux contingents de son programme de gestion de l’information sur la santé. Il a fait référence à un rapport sur les résultats d’enquête auprès des diplômés datant d’avril 2009, préparé par CCI Research Inc., qui couvrait les diplômés de 2007 et qui montrait que sur les huit diplômés de cette année-là, cinq avaient trouvé un emploi à temps plein relié à leur programme et que deux avaient trouvé un emploi à temps partiel non relié à leur programme.
230 Le Collège a aussi fait savoir qu’il avait de bonnes raisons de croire que huit des 11 diplômés de 2008 avaient obtenu de bons emplois dans le secteur de leur choix. Quand nous lui avons demandé de nous donner le détail de l’emploi des diplômés, le Collège nous a envoyé des graphiques statistiques, le 19 mai 2009. Pour 2007, un graphique indique que six diplômés travaillent dans des hôpitaux, dont trois en secrétariat. Parmi ceux-ci, il y a trois plaignants à mon Bureau : Matthew Barney, Julie Carrière et Diana Peltier. Le Collège a aussi fait référence à deux autres plaignantes, Danielle Smith qui travaille à Santé Canada et Nicole Solomon qui est employée de vente à temps partiel.
231 Treize noms sont donnés dans le graphique préparé pour les diplômés de 2008, dont 11 semblent être ceux de diplômés de 2008. Parmi eux, seuls deux sont employés en milieu hospitalier : Sara Wright, qui compte parmi nos plaignants, est préposée aux dossiers tandis qu’une autre personne fait un travail de secrétariat dans un service de radiographie. Le graphique fait référence à trois autres plaignantes à notre Bureau : Jennifer Renaud, qui travaille chez Vale Inco; Kristine Landry, commise temporaire dans une caisse populaire; Christie Charette qui, après une entrevue avec nous, est retournée comme employée à contrat à Revenu Canada où elle avait travaillé avant de suivre le programme de Cambrian. Les deux autres diplômés de 2008 mentionnés dans le graphique ont des postes de bureau – l’un est commis dans une imprimerie et l’autre travaille comme adjoint administratif dans une clinique de don du sang. Le graphique fait référence à deux autres anciens étudiants qui semblent avoir obtenu leur diplôme après le reste du contingent de 2008 et avoir trouvé un emploi là où ils avaient été placés en stage dans le cadre de leur programme. L’un travaillait apparemment dans une clinique et l’autre travaillait à contrat dans un hôpital local. L’un d’eux a récemment porté plainte à mon Bureau à propos des lacunes du programme de gestion de l’information sur la santé de Cambrian.
232 Plus de la moitié des diplômés de 2007 et de 2008 du programme de gestion de l’information sur la santé se sont plaints à mon Bureau. Il est vrai que certains travaillent dans des postes rattachés à leurs études à Cambrian. Mais parmi ces diplômés, certains ont dû se perfectionner et se reclasser pour obtenir un poste en gestion de l’information sur la santé, tandis que d’autres travaillent dans des postes de secrétariat qui n’exigent qu’un diplôme secondaire. Les diplômés nous ont dit aussi qu’ils avaient manqué des possibilités d’emploi de codage dans des hôpitaux en raison de leur incapacité à se qualifier en vue de la certification par l’ACIDS. Beaucoup de ceux qui ont réussi à trouver un emploi attribuent ce succès à leurs propres efforts, et non pas à la formation reçue à Cambrian. Enfin, certains déclarent avoir bien peu d’espoir de trouver un emploi rattaché à leurs études, tandis que d’autres restent au chômage.
233 L’avocate représentant le Collège a aussi souligné que les statistiques de satisfaction des employeurs recueillies par le Collège sont plus élevées que la moyenne provinciale. Ceci reflète peut-être la qualité des diplômés qui sortent du Collège en général, mais vu la période à laquelle elles ont été rassemblées, ces statistiques ne semblent pas inclure les diplômés du programme de gestion de l’information sur la santé de 2007 ou 2008.
234 De plus, le Collège a maintenu que les diplômés de son programme de gestion de l’information sur la santé avaient reçu un enseignement de qualité et a suggéré qu’il leur appartenait maintenant d’en tirer pleinement parti. L’avocate représentant le Collège a fait remarquer ceci :
Tout étudiant qui va au collège ou à l’université n’obtient pas automatiquement l’emploi ou le salaire de son choix. Dans un monde d’apprentissage à vie, on sait que chacun doit continuellement perfectionner ses compétences et ses connaissances. Les enseignants reconnaissent que pour devenir directeurs d’école, ils doivent obtenir d’autres diplômes et qualifications. Les apprentis suivent tout un cycle d’apprentissage, retournant au collège plusieurs fois pour obtenir les qualifications requises afin de se présenter à l’examen de certification. Les diplômés du programme de gestion de l’information sur la santé de Cambrian ont reçu un enseignement de qualité et, grâce à cet enseignement, beaucoup ont trouvé un emploi. Des options leur sont offertes s’ils décident de perfectionner leurs compétences et leurs connaissances pour se qualifier en vue d’une promotion à des postes de plus haut niveau.
235 Le Collège a affirmé que 75 % des plaignants à mon Bureau, ainsi que beaucoup d’autres diplômés, sont employés « dans le secteur et font exactement ce à quoi ils ont été formés », certains travaillant même en milieu hospitalier. Le Collège a rejeté les preuves des difficultés vécues par ces personnes. Et parlant de ceux qui n’ont pas réussi à trouver un emploi stable, il a déclaré :
Comme dans tout programme, certains étudiants ont moins de succès que d’autres à trouver un emploi dans leur secteur immédiatement après l’obtention de leur diplôme. Parfois, il est difficile aux étudiants de déménager, ou de renoncer à un emploi moins bien payé pour en rechercher un autre dans leur domaine. C’est peut-être le cas de diplômés comme Nicole Solomon, qui ne travaille pas actuellement dans ce domaine.
236 Quant aux preuves données par l’ACIDS et les professionnels du secteur hospitalier, indiquant que la qualité du programme de gestion de l’information sur la santé de Cambrian pouvait être problématique, le Collège les a tout simplement ignorées. Il a fait remarquer qu’il doutait de leur crédibilité étant donné que personne dans le secteur hospitalier n’avait directement fait part de la moindre inquiétude au Collège. Il a déclaré :
Le Collège trouve surprenant, et peu probable, que l’ACIDS soit informée que ses stages en milieu hospitalier posent vraiment des problèmes, mais que le Collège ne le soit pas.
237 Contrairement au Collège, je sais par expérience que les professionnels hésitent tout naturellement à critiquer ouvertement la qualité du travail des autres. L’une des raisons pour lesquelles mes enquêtes sont menées en privé est d’encourager l’ouverture et la franchise. Je n’ai aucune raison de douter de la crédibilité des professionnels à qui nous avons parlé, et qui étaient pas mal tous d’accord dans leurs critiques du programme de Cambrian.
238 Parlant du développement de son programme de gestion de l’information sur la santé, le Collège a expliqué ceci : « Le processus de renouvellement de Cambrian a montré que le programme de gestion des dossiers et de l’information est arrivé à sa fin. Le même processus a mené le Collège à explorer d’autres secteurs potentiels de croissance. » C’est évidemment une version des faits bien différente de celle que nous a donnée la coordonnatrice du programme quand nous l’avons interviewée. Celle-ci nous a déclaré alors qu’elle avait eu l’impression de devoir créer un nouveau programme pour s’assurer de garder son emploi. Le Collège a indiqué que le doyen alors en poste avait fort probablement participé au développement du programme, qui s’était fait en équipe avec d’autres. Le Collège a suggéré que le doyen avait envisagé un programme davantage axé sur la gestion de la technologie que sur la gestion de la santé, et a précisé que ni lui ni la coordonnatrice du programme n’avaient vraiment connaissance de l’ACIDS quand les discussions ont commencé à propos du programme. Mais comme nous l’avons noté précédemment, nous n’avons pas pu obtenir la version des faits de l’ancien doyen de l’École de sciences informatiques et de technologie de l’ingénierie car il a refusé de coopérer à notre enquête.
239 Le Collège a indiqué que, s’appuyant sur les commentaires d’employeurs, il avait conclu que le marché avait besoin de diplômés ayant des compétences en gestion de l’information sur la santé. Il a qualifié de « rigoureux » le processus de développement du programme et il a justifié la création d’un programme plus général de gestion de l’information sur la santé en se référant aux réalités économiques du Nord. Le Collège a déclaré qu’il conçoit des programmes faits pour donner aux diplômés une gamme plus vaste de compétences et de connaissances, afin qu’ils répondent aux besoins d’une gamme plus diversifiée d’employeurs. Il a expliqué qu’en concevant le programme de gestion de l’information sur la santé, il avait consulté les hôpitaux du Nord, ajoutant que ceux-ci avaient tendance à promouvoir leurs propres employés à des postes de codage de l’information quand ils avaient complété le programme en ligne de l’ACSS, au lieu d’engager des gens de l’extérieur ou d’embaucher de récents diplômés pour les postes supérieurs. Le Collège a ajouté qu’il avait entendu dire par d’autres professionnels des soins de santé qu’il existait un besoin pour le personnel formé en gestion de l’information sur la santé, mais pas forcément pour les diplômés certifiés par l’ACIDS. Le Collège a également consulté d’autres collèges qui offraient des programmes similaires.
240 Cette version de l’historique du développement du programme donnée par le Collège diffère des renseignements que nous avons obtenus en examinant les documents produits par lui, ainsi que durant nos entrevues. Par conséquent, nous avons demandé au Collège de nous fournir les preuves sur lesquelles il s’était appuyé pour faire de telles déclarations. Le Collège nous a répondu par l’entremise de son avocate le 19 mai 2009. Il a indiqué qu’un des membres de son Comité consultatif de programme, qui venait d’un hôpital local, avait mentionné que les hôpitaux avaient tendance à promouvoir leurs propres employés au lieu d’engager de récents diplômés. Nous avons cherché à communiquer, mais en vain, avec cette personne qui était en congé. Mais nous avions reçu précédemment des renseignements communiqués par des responsables de son hôpital nous disant qu’en fait ils avaient l’intention d’engager un diplômé récemment sorti d’un programme de gestion de l’information sur la santé reconnu par l’ACIDS. La preuve donnée par le Collège confirme que les hôpitaux, même dans le Nord, exigent une certification de l’ACIDS pour le personnel affecté à des postes de gestion de l’information sur la santé. Le Collège a aussi divulgué pour la première fois le procès-verbal d’une table ronde tenue le 14 octobre 2004, qui rassemblait plusieurs représentants d’hôpitaux du Nord. Le Collège a suggéré que ce procès-verbal appuyait sa position disant qu’il avait fait une étude de marché pour montrer qu’il existait un besoin de programme plus général, par forcément reconnu par l’ACIDS. Mais contrairement à ce qu’affirme le Collège quand il dit que la reconnaissance par l’ACIDS ne faisait pas intégralement partie du concept du programme, le procès-verbal indique que le programme d’études respectera « les normes d’accréditation pour permettre aux étudiants de devenir des praticiens certifiés de l’information sur la santé ». L’un des éléments de suivi à faire indiqué dans le procès-verbal était une demande à l’ACIDS. La partie du procès-verbal sur la création d’un programme plus général comprend peu de commentaires, mais indique entre autres ceci :
-
Créer un généraliste, par opposition à un spécialiste.
-
Besoin d’une certaine généralisation dans le Nord pour que les personnes puissent également travailler dans les cabinets de médecins, etc.
241 Le procès-verbal faisait en outre référence au fait que le programme pourrait « mettre la barre » pour d’autres secteurs hospitaliers, dans lesquels on exigeait alors uniquement un diplôme secondaire de 12e année pour les domaines d’emploi autres que la gestion de l’information sur la santé. Toutefois, un nombre impressionnant de commentaires portent sur les connaissances de codage et de résumés analytiques exigées pour les professionnels en gestion de l’information sur la santé, avec la remarque que le programme d’études exigerait un enseignement plus poussé en codage et en résumés analytiques pour répondre aux exigences de certification. Le procès-verbal comprenait aussi des renseignements fournis par l’ACIDS, soulignant les possibilités d’emploi pour les professionnels certifiés en gestion de l’information sur la santé.
242 Selon le Collège, le fait que des stages en milieu hospitalier continuent d’être offerts aux étudiants de Cambrian montre que les responsables du secteur hospitalier continuent de croire à la valeur de son programme. Mais même si les étudiants trouvent des stages dans des hôpitaux, les responsables d’un service de gestion des dossiers de santé dans un hôpital local nous ont affirmé très clairement qu’ils n’accepteraient plus d’étudiants du programme de gestion de l’information sur la santé de ce Collège en raison des lacunes que présentait ce programme. Il y a dans les hôpitaux d’autres postes de commis qui ont trait à la tenue des dossiers mais qui ne portent pas sur la gestion de l’information sur santé. Ce sont ces postes qui, comme l’ont confirmé les diplômés et les responsables des hôpitaux, n’exigent généralement qu’un diplôme secondaire de 12e année.
243 Le Collège nous a remis des renseignements préparés plusieurs années après le lancement de son programme. Il s’est référé au procès-verbal d’une réunion du Comité consultatif de programme datant du 1er novembre 2007, dans lequel la coordonnatrice du programme dit qu’il y a une forte demande au gouvernement fédéral dans le secteur de la gestion de l’information pour les étudiants qui ne veulent pas forcément devenir codeurs. Ce commentaire a été fait deux années après le commencement du programme. Il a apparemment été fait à propos du succès de Danielle Smith qui avait réussi à obtenir un stage au gouvernement fédéral, dans un poste non directement rattaché à la gestion de l’information sur la santé. Mme Smith, actuellement employée par Santé Canada, a fait savoir à notre Bureau que la formation acquise à Cambrian n’avait en rien joué sur son poste actuel, dans le domaine de la tenue des dossiers ministériels.
244 Le Collège nous a aussi montré quatre offres d’emploi pour des postes qui n’exigeaient apparemment pas la certification de l’ACIDS, même si l’un d’eux, pour le Sud de l’Ontario, indiquait qu’une certification était un atout. Deux autres des offres d’emploi étaient pour des postes en Saskatchewan et en Alberta. La dernière offre exigeait un diplôme en gestion des services de santé, en gestion de l’information sur la santé ou dans un domaine connexe. La coordonnatrice du programme a confirmé que ces offres d’emploi avaient été réunies à l’étape de la recherche et du développement du programme de gestion de l’information sur la santé de Cambrian. De plus, le Collège nous a soumis un document récemment préparé qui était censé montrer les possibilités d’emploi pour les diplômés non certifiés. Il est difficile de voir comment ces renseignements peuvent appuyer la position du Collège, étant donné que ce document comprend surtout des renseignements fournis par l’ACIDS à propos des possibilités d’emploi pour les professionnels certifiés en gestion de l’information sur la santé.
245 Pour justifier sa décision d’offrir un programme non reconnu par l’ACIDS, le Collège a cité d’autres « programmes de gestion de l’information sur la santé » offerts par George Brown, Conestoga, Centennial et Seneca, suggérant qu’aucun d’eux n’est reconnu par l’ACIDS. Nous avons obtenu de plus amples renseignements sur ces programmes, dont aucun ne porte le titre de Gestion de l’information sur la santé, et nous avons appris que ces programmes non reconnus par l’ACIDS sont en fait dans le secteur de l’informatique. Ce secteur est considéré comme un secteur d’études distinct par l’ACIDS et ne fait pas l’objet d’une reconnaissance ou d’une certification par l’ACIDS. En fait, l’un de ces programmes est un programme coopératif d’études supérieures pour les étudiants sortant d’un programme de technologie informatique.
246 Le Collège a souligné que l’ACIDS ne l’avait jamais informé qu’il devrait tenter d’obtenir la certification de son programme avant d’admettre des étudiants. Il a mentionné deux collèges qui avaient admis des étudiants à leur programme de gestion de l’information sur la santé avant d’être reconnus par l’ACIDS. Mais nos recherches montrent que chacun de ces deux collèges avait entamé le processus de demande de reconnaissance par l’ACIDS six mois avant d’admettre des étudiants et que le processus était bien avancé au commencement de leur programme. Les deux collèges avaient alors déjà reçu les réponses de l’ACIDS et il leur suffisait de fournir quelques éléments manquants pour se conformer aux exigences de l’ACIDS. De plus, chacun des programmes avait un coordonnateur à plein temps certifié par l’ACIDS.
247 En ce qui concerne la promotion du programme de gestion de l’information sur la santé, le Collège a nié avoir jamais indiqué que son programme était certifié par l’ACIDS. Il a maintenu que son marketing avait dit, de manière exacte, que son programme s’appuyait sur les exigences de l’ACIDS. Comme nous l’avons précédemment noté, même l’ACIDS a trouvé cette référence trompeuse et a demandé au Collège de l’éliminer en juillet 2007, car elle suggérait une affiliation qui n’existait pas avec cet organisme de certification. L’ACIDS a dit au Collège que cette référence avait été faite sans permission et était inexacte. En fait, le Collège n’a éliminé cette référence de son site Web que lorsque notre Bureau a commencé à demander pourquoi elle était toujours là. La référence a finalement été omise en août 2008.
248 Le Collège a continué de maintenir que son programme de gestion de l’information sur la santé n’avait jamais été conçu pour répondre uniquement aux exigences de reconnaissance de l’ACIDS, et qu’il avait simplement cherché à obtenir la reconnaissance de son programme pour offrir une « valeur ajoutée » à ses étudiants. Il a souligné que la reconnaissance par l’ACIDS était facultative et qu’il avait fait deux tentatives pour l’obtenir.
249 Dans la version révisionniste du processus de demande donnée par le Collège, celui-ci affirme qu’il a échoué dans sa première tentative, faite en mars 2007, car sa demande avait été jugée en fonction de nouveaux résultats d’apprentissage de l’ACIDS, alors que son programme avait été conçu en fonction du programme d’études de George Brown, approuvé conformément à des normes précédentes. Le Collège a déclaré que c’est uniquement à la fin de 2006 qu’il avait appris que les normes de certification avaient été modifiées. Mais d’après la documentation que nous avons obtenue auprès de l’ACIDS, le Collège était au courant des révisions apportées à la matrice des résultats d’apprentissage au moins dès septembre 2006, soit des mois avant sa première demande. Les responsables de l’ACIDS nous ont informés que les résultats d’apprentissage sont régulièrement modifiés et que ces révisions ne représentent pas de grands changements de ses exigences. Durant notre enquête, les coordonnateurs de programme de gestion de l’information sur la santé de deux collèges de l’Ontario ont confirmé qu’ils n’avaient aucune difficulté à ajuster les programmes en fonction des changements apportés aux résultats d’apprentissage de l’ACIDS en 2006.
250 Dans sa réponse, le Collège a déclaré qu’il avait réussi à engager à temps partiel une coordonnatrice de programme certifiée par l’ACIDS. Il a déclaré que c’était « un accomplissement considérable étant donné le petit nombre de personnes certifiées par l’ACIDS dans le Nord ». Il a ajouté que malheureusement, les demandes du programme, les limites imposées par le caractère à temps partiel de ce poste et les exigences de l’emploi à plein temps de cette coordonnatrice avaient nui à son efficacité. Le Collège a tourné en dérision l’offre que lui avait faite l’ACIDS pour l’aider à engager un coordonnateur de programme. Il a déclaré que cette offre de l’ACIDS se limitait à proposer d’afficher une offre d’emploi sur son site Web. Le Collège a ajouté que cette offre lui avait uniquement été faite après l’échec du plan qu’il se proposait de suivre pour former sa coordonnatrice à plein temps en vue d’une certification par des cours en ligne de l’ACSS. Durant notre enquête, les responsables du College ont admis qu’ils n’avaient jamais activement cherché un coordonnateur certifié, à plein temps, et qu’ils n’avaient jamais affiché d’offre d’emploi. Ils ont aussi admis que la coordonnatrice à temps partiel qu’ils avaient engagée n’avait jamais vraiment joué le rôle prévu quand elle avait appris l’envergure du travail à accomplir. Quant au plan fait par le Collège pour le perfectionnement des compétences de sa première coordonnatrice, précisons que ce plan a échoué principalement parce que la coordonnatrice n’avait jamais obtenu le temps libre nécessaire pour suivre les cours.
251 En ce qui concerne sa deuxième demande de reconnaissance par l’ACIDS, le Collège a suggéré qu’il avait échoué en grande partie parce que sa coordonnatrice n’était ni certifiée par l’ACIDS, ni engagée à plein temps, et « parce qu’il y avait des lacunes dans certaines parties de notre programme d’études, par rapport aux normes de l’ACIDS ». Le Collège a maintenu avoir reconnu qu’il pouvait y avoir des écarts dans le programme d’études, étant donné que le programme n’avait pas été conçu uniquement dans le but d’obtenir la certification de l’ACIDS. Une fois de plus, il a suggéré que son échec pouvait aussi être attribué au fait que le programme reposait sur un modèle datant d’avant les changements apportés aux normes de l’ACIDS en 2006. Le Collège a également blâmé l’ACIDS pour avoir omis de lui faire un rapport détaillé à la suite de sa première demande. Enfin, le Collège a affirmé qu’il n’avait pas poussé plus avant sa tentative de reconnaissance par l’ACIDS car il attendait le résultat des plaintes à mon Bureau. Comme mentionné précédemment dans ce rapport, l’ACIDS nous a informés qu’elle n’avait pas étudié de près la première demande car celle-ci était problématique à bien trop d’égards. Mais peu après avoir envoyé sa réponse au Collège en juillet 2007, l’ACIDS a fait savoir aux responsables de l’établissement qu’elle souhaitait les rencontrer pour discuter leur demande et qu’elle avait proposé des dates en juillet et en août 2007. La coordonnatrice du programme n’a répondu que le 22 août 2007, apparemment parce qu’elle était en congé pour la plus grande partie de l’été. Le 24 septembre 2007, les responsables de l’ACIDS et du Collège ont tenu une téléconférence pour discuter la première demande de l’établissement. Une autre téléconférence a eu lieu le 20 novembre 2007. Étant donné les rapports entretenus entre l’ACIDS et le Collège, ainsi que les renseignements fournis par cette association au Collège depuis l’été 2005 à propos de ses exigences de reconnaissance, le Collège n’aurait pas dû être surpris par les éléments requis pour obtenir la reconnaissance de son programme. En l’absence d’un professionnel en gestion de l’information sur la santé, doté des compétences nécessaires, pour l’aider à préparer son programme d’études, l’échec du Collège dans sa tentative de reconnaissance était presque inévitable. Comme indiqué plus tôt dans ce rapport, la deuxième demande du Collège comportait elle aussi bien des lacunes. Enfin, mon Bureau n’a jamais le moindrement indiqué au Collège qu’il devrait mettre en suspens sa tentative d’obtenir la reconnaissance de son programme par l’ACIDS. La tentative du Collège d’attribuer son inertie actuelle à mon enquête constitue, à mon avis, un abandon de ses responsabilités envers les étudiants actuels et futurs de son programme.
252 Le Collège a déclaré que les étudiants du programme de gestion de l’information sur la santé ne semblaient pas avoir eu connaissance de la question de la reconnaissance du programme par l’ACIDS avant que lui-même ne les en informe. Il a suggéré que les étudiants avaient sélectionné ce programme uniquement en fonction des possibilités d’emploi et du programme d’études indiqués dans la documentation du Collège. Il a affirmé avoir communiqué avec les étudiants durant toutes ses tentatives de reconnaissance du programme, en soulignant aux étudiants qu’il ne pouvait pas garantir cette reconnaissance et que, certification ou pas, ils continueraient d’être admissibles aux emplois dans leur secteur une fois diplômés. Les étudiants nous ont donné une version fort différente, affirmant avoir été attirés vers le programme par des perspectives d’emplois très en demande dans le secteur hospitalier, souvent à la suite de discussions avec la coordonnatrice du programme. Les étudiants que nous avons interviewés ont déclaré qu’ils avaient été assurés à maintes reprises que la reconnaissance par l’ACIDS était en cours. Ce point est confirmé par un courriel du 30 juillet 2007 envoyé par la coordonnatrice du programme à l’un des étudiants, dans lequel elle dit ceci : « Je suis certaine que d’ici octobre nous serons accrédités ». Les diplômés nous ont aussi continuellement redit que, même s’ils avaient appris l’importance de l’ACIDS durant leurs études, c’est par d’autres étudiants qu’ils avaient tout d’abord découvert que le programme n’était pas reconnu par l’ACIDS – et non par les représentants du Collège. Ils se sont également plaints du manque de communication des responsables du Collège à propos des demandes de reconnaissance du programme.
253 Le Collège a expliqué que plusieurs étudiants en étaient arrivés à dire fermement que la certification était leur objectif et avaient confronté des responsables de l’établissement, en affirmant que celui-ci les avait trompés. Il a souligné que les responsables du Collège avaient rencontré les étudiants, à leur demande, malgré « des comportements inacceptables de la part de certains étudiants ». Le Collège a dit que, quand il avait appris l’échec de sa deuxième tentative de reconnaissance, il avait « tracé une voie d’orientation pour les élèves qui souhaitaient poursuivre l’option de certification dans un avenir proche ». Les étudiants peuvent entrer en dernière année du programme en ligne de l’ACSS ou suivre le programme offert par le Sir Sandford Fleming College et reconnu par l’ACIDS. Le Collège a déclaré que 12 étudiants avaient saisi son offre et s’étaient inscrits au programme de l’ACSS, dont trois obtenaient des résultats supérieurs à la moyenne, dont trois autres avaient des résultats équivalant à la moyenne et dont trois avaient abandonné. Il a indiqué que l’une de ses personnes avait abandonné peu après s’être inscrite car elle avait déterminé que le codage n’était pas un domaine qui l’intéressait. Il a précisé qu’aucun des étudiants n’avait échoué à ce programme. Le Collège a suggéré que ces résultats n’avaient rien d’inhabituel.
254 Comme mentionné précédemment dans ce rapport, deux des diplômés de Cambrian s’étaient déjà inscrits, de leur propre initiative, au cours de l’ACSS avant même que le Collège n’offre le remboursement futur du cours, en cas de succès. D’autres diplômés n’avaient tout simplement pas les moyens d’avancer l’argent pour le faire. Deux personnes nous ont dit qu’elles avaient essayé de suivre ce cours mais l’avaient trouvé trop difficile. Tous les anciens étudiants que nous avons interviewés considéraient qu’ils ne devraient pas avoir à investir davantage de temps et d’argent pour se perfectionner en vue de se présenter à l’examen de certification de l’ACIDS, après avoir fait ce programme de deux ans en gestion de l’information sur la santé au Cambrian College. Quant à la possibilité de suivre un cours à Sir Sandford Fleming, ce n’est pas véritablement une option car cet établissement n’accorde pas de reclassement supérieur aux diplômés sortis du programme de gestion de l’information sur la santé de Cambrian. Fondamentalement, pour suivre le cours de Sir Sandford Fleming, les étudiants doivent recommencer à zéro.
255 Quant à ses étudiants actuels, le Collège a indiqué qu’il « continuait de veiller à ce qu’ils comprennent pleinement les possibilités offertes par le programme, de même que le fait que le programme n’était pas certifié par l’ACIDS ». En juillet 2008, le doyen a écrit aux étudiants qui s’apprêtaient à commencer le programme et leur a expliqué qu’il n’était pas reconnu par l’ACIDS. Le Collège a aussi éliminé les références aux possibilités d’emploi en milieu hospitalier de certains de ses documents de promotion. Tout ceci semble suggérer que, même si le Collège le nie fermement, il reconnaît que ses assertions précédentes étaient trompeuses.
256 Le Collège a cherché à inverser les rôles et a suggéré que c’est mon Bureau qui rend un bien mauvais service aux étudiants du programme de gestion de l’information sur la santé. Il a déclaré que les étudiants actuels avaient moins d’intérêt pour la reconnaissance du programme et a mentionné un article de presse notant que certains étudiants qui avaient récemment signé une pétition à propos du statut du programme ne souhaitaient plus que le Collège pousse pour obtenir sa reconnaissance par l’ACIDS. Le Collège a expliqué ceci :
Il ne faut pas écarter à la légère leurs inquiétudes quant à l’effet de la publicité négative, causée en fin de compte par quelques personnes désenchantées, sur leurs perspectives d’emploi. Le Collège s’est certainement beaucoup efforcé d’éviter pareilles conséquences. Le Rapport préliminaire de l’Ombudsman semble vraiment avoir manqué le but.
257 Bien sûr, je suis sensible au fait qu’il y a des étudiants actuellement inscrits au programme de gestion de l’information sur la santé, et que tous les diplômés ne se sont pas plaints à mon Bureau, mais je suis aussi très conscient que plus de la moitié des diplômés de 2007 et 2008 sortis du programme de gestion de l’information sur la santé de ce Collège ont porté plainte contre la conduite du Collège à mon Bureau. C’est là un nombre important, que je ne peux pas ignorer. Quoi qu’il en soit, mon enquête a confirmé que l’administration par le Collège de son programme de gestion de l’information sur la santé laissait à désirer sur des points critiques. Si je passais sous silence des préoccupations que je considère légitimes, graves et fondées, je manquerais au mandat de mon Bureau, et en fait à la protection de l’intérêt public. Il est regrettable que certains étudiants souffrent des répercussions d’une exposition des faits véritables, mais c’est le Collège qui est en fin de compte responsable par ses propres échecs dans l’administration de son programme de gestion de l’information sur la santé – et non pas mon Bureau, qui a fait la lumière.
258 Le Collège a tenté de défendre son cas en faisant référence à une récente Vérification des processus d’assurance de la qualité des programmes, qui a jugé exemplaires ses processus d’assurance de la qualité pour le développement des nouveaux programmes, l’élaboration des programmes d’études et la gestion courante de la qualité. Il a aussi fait référence aux conclusions d’une récente enquête montrant un haut niveau de satisfaction des employeurs avec les diplômés de Cambrian et indiquant que son taux de satisfaction des diplômés pour 2008 était le plus élevé de toute la province. Mais il n’est pas clair comment ces données peuvent aider le Collège, ou comment elles peuvent s’appliquer à mon enquête qui ne portait pas sur la programmation générale du Collège, mais uniquement sur son administration du programme de gestion de l’information sur la santé.
259 Le Collège nous a aussi fourni des témoignages écrits de deux récentes diplômées de son programme de gestion de l’information sur la santé. L’une d’elles a déclaré qu’elle avait aimé ce programme « bien que sachant qu’il n’était pas reconnu par l’organisme d’accréditation ». Elle a expliqué qu’elle avait trouvé un emploi après son stage de huit semaines et que ce programme de deux ans avait « renforcé » ses connaissances et ses compétences, la préparant à une carrière en gestion de l’information sur la santé. Elle a également dit ceci :
En l’absence d’accréditation, le programme prépare quand même efficacement à la méthodologie de l’information sur la santé et à la manière de l’utiliser. Les cours ont atteint leurs buts et objectifs, comme indiqué dans les descriptions de cours et le criculum (sic) donne suffisamment de connaissances de base pour acquérir des compétences en vue de réussir sur le marché du travail.
260 L’autre étudiante a dit qu’elle savait que ce programme n’était pas reconnu, mais qu’elle avait obtenu un emploi dans son domaine tout de suite après son stage et qu’elle aimait son travail.
261 Considérant les renseignements que nous avons obtenus auprès des étudiants de Cambrian tout au long de notre enquête, mes enquêteurs ont eu quelques doutes quant à ces témoignages, apparus en dernière minute pour appuyer la réponse du Collège à mon rapport préliminaire. Nous avons demandé au Collège de nous renseigner sur le contexte dans lequel ces témoignages avaient été obtenus. Nous avons appris qu’il avait fallu certaines pressions – ce qui n’a rien d’étonnant. Nous avons reçu un courriel du 14 avril 2009 de la coordonnatrice du programme à l’une des étudiantes, dans laquelle celle-ci lui disait :
J’ai une faveur à vous demander. Mon doyen m’a demandé de demander à d’anciens étudiants du programme de GIS d’envoyer une note à propos de leur expérience d’études dans ce programme. Nous espérons qu’elle sera positive. Vous pouvez dire quelque chose du genre :
J’ai bien aimé le programme de GIS, même si je savais qu’il n’était pas reconnu par l’organisme d’accréditation. J’ai trouvé un emploi après mes huit semaines de stage… etc.
262 La coordonnatrice du programme nous a fait savoir qu’en réponse à la requête du doyen, elle avait communiqué avec six diplômés pour obtenir des témoignages. Seuls trois d’entre eux lui avaient répondu. Deux lui avaient donné des témoignages, mais la troisième – une plaignante à mon Bureau – avait apparemment indiqué qu’elle ne souhaitait pas faire de commentaires. En plus du peu d’importance qui peut être attachée à ces témoignages, qui ont clairement été sollicités et quasiment dictés par la coordonnatrice du programme, mes enquêteurs ont découvert autre chose quand ils ont parlé à l’une de ces personnes. La diplômée en question nous a expliqué que la coordonnatrice du programme l’avait appelée pour lui demander d’envoyer un témoignage par courriel. La coordonnatrice lui avait demandé de dire qu’elle savait que le programme n’était « pas crédité », mais qu’elle avait aimé suivre le programme quand même. L’étudiante avait accepté de témoigner. Quand nous avons interviewé cette étudiante, elle nous a dit que ce programme avait été une bonne expérience, à l’exception du « désastre » causé par l’échec de la tentative de reconnaissance du programme par l’ACIDS. Comme les autres étudiants que nous avons interviewés, cette diplômée nous a expliqué que durant le programme les étudiants avaient été avisés qu’ils recevaient une formation de codeurs, et non pas de secrétaires médicaux. Elle a ajouté que l’établissement avait avisé les étudiants qu’il travaillait à la question de la reconnaissance et que cette question devrait être résolue avant qu’ils n’obtiennent leur diplôme. Lorsqu’elle avait appris l’échec de la deuxième tentative, elle avait été déconcertée, car elle aurait préféré avoir davantage d’options. Mais ses plans personnels étaient d’entrer dans le secteur du secrétariat médical – alors elle n’avait pas été aussi durement touchée que les autres qui avaient l’espoir de devenir codeurs. Toutefois, après l’obtention de son diplôme, elle avait été fort déçue quand elle n’avait pu trouver qu’un emploi payé 12 $ de l’heure dans une clinique sans rendez-vous. Cette personne est une étudiante adulte, mère de deux enfants, qui n’a pas les moyens de se perfectionner en acceptant l’offre faite par le Collège de rembourser le cours de l’ACSS. À la fin de l’entrevue, elle a porté plainte à notre Bureau quant à la manière dont le Collège avait traité la question de la reconnaissance de son programme par l’ACIDS.
263 Nous n’avons pas été en mesure de vérifier les circonstances de l’obtention du témoignage de l’autre étudiante, malgré les diverses tentatives que nous avons faites pour communiquer avec elle.
264 Le Collège a vivement critiqué mes références à d’autres programmes de gestion de l’information sur la santé en Ontario. Il a suggéré que cette « analyse comparative » ne relevait pas de mon autorité et ne comportait « aucun élément d’une véritable analyse comparative », car elle ne considérait pas les contenus des cours, les évaluations des étudiants, les taux de réussite des étudiants ou les indicateurs habituels. Le Collège s’est indigné et a demandé « que l’Ombudsman laisse à ceux qui ont le mandat et l’expertise nécessaires le soin de comparer les programmes d’études collégiaux et le contrôle de la qualité ».
265 À propos des commentaires méprisants faits par le Collège sur mes références à d’autres cours collégiaux offerts en Ontario, notons qu’il est pratique courante dans une enquête de faire une recherche comparative pour déterminer les similarités et les contrastes pouvant faciliter une analyse factuelle. Les plaintes que nous avons reçues à propos du programme de gestion de l’information sur la santé de Cambrian portaient sur la non-reconnaissance du programme de l’ACIDS, la conséquence étant que les étudiants s’étaient vu nier l’option de se présenter à l’examen de certification pour entrer dans cette profession. Il était donc important pour nous de faire des recherches sur les autres cours de gestion de l’information sur la santé offerts dans divers collèges de la province pour déterminer si leur programme était reconnu par l’ACIDS et si oui, quelles options existaient pour leurs diplômés – mais pas pour les étudiants du programme de Cambrian. De nombreux facteurs influent probablement sur le choix d’un programme par les étudiants. Mais dans le domaine de la gestion de l’information sur la santé, la possibilité de se présenter à l’examen de certification de l’ACIDS est clairement importante. Et comme nous l’avons découvert, le programme de gestion de l’information sur la santé de Cambrian est le seul programme offert dans ce secteur en Ontario qui n’est pas reconnu par l’ACIDS. Les diplômés de Cambrian qui souhaitent être certifiés par l’ACIDS doivent investir plus de temps et d’argent pour perfectionner leurs connaissances afin de se présenter à l’examen de l’ACIDS, alors que les étudiants inscrits dans d’autres programmes comparables en Ontario n’ont pas à le faire.
266 Le Collège nous a aussi suggéré d’examiner la Vérification des processus d’assurance de la qualité des programmes faite en janvier 2009 au Collège, par le Service de l’assurance de la qualité des collèges de l’Ontario, récemment affichée en ligne. Après l’avoir étudiée, je peux simplement conclure que le Collège souhaite que je considère la preuve générale de son « bon profil » pour contrer mes conclusions d’enquête sur la piètre qualité de son programme de gestion de l’information sur la santé. La Vérification des processus d’assurance de la qualité des programmes indique que, globalement, Cambrian s’est pleinement conformé à quatre des critères de vérification et a répondu partiellement à un cinquième. L’équipe de vérification a émis trois mentions élogieuses et a applaudi à l’honnêteté et à la franchise de l’équipe d’auto-analyse du Collège. L’équipe de vérification a été impressionnée « par l’enthousiasme, la fierté et le sens de la collégialité exprimés par les employés à propos de leur Collège ». Elle a noté ceci : « Les étudiants interviewés ont dit leur satisfaction quant aux programmes d’études et à la qualité perçue de l’enseignement, aux services et aux perspectives futures… ils ont déclaré qu’ils recommanderaient Cambrian College à leurs amis et membres de la parenté. » Globalement, l’équipe de vérification a conclu que les processus et les politiques d’assurance et d’amélioration de la qualité au Collège s’inscrivaient dans la catégorie « effort organisé » – ce qui voulait dire que les initiatives de qualité étaient planifiées et suivies, les méthodes de travail systématiquement ancrées dans des critères de qualité et que le Collège avait commencé à élaborer des mesures et des normes de performance. Malheureusement, aucune de ces conclusions de l’équipe de vérification ne s’applique directement à l’administration par le Collège de son programme de gestion de l’information sur la santé, et aucune n’est donc d’une pertinence particulière pour mon enquête.
267 Le Collège nous a aussi remis plusieurs évaluations d’étudiants à propos de certains enseignants de son programme de gestion de l’information sur la santé. Là encore, bien que certaines semblent positives, elles ne font pas le poids contre les preuves que nous avons obtenues quant à la qualité du programme que les étudiants ont suivi et quant à leurs perspectives d’emploi.
268 Dans sa réponse, le Collège s’est montré vivement critique de mon enquête à bien des égards. L’une des raisons pour lesquelles nous remettons un exemplaire d’un rapport préliminaire à un organisme est de lui donner la possibilité de rectifier toute erreur factuelle et de répondre aux preuves recueillies durant notre enquête. L’avocate représentant le Collège a souligné un certain nombre de présumées erreurs et a suggéré qu’elles minaient la crédibilité de mon rapport. Par exemple, elle a déclaré que mon rapport disait que le programme de gestion de l’information sur la santé exigeait une « certification » et que le Collège avait maintenu que son programme serait « certifié ». J’ai toujours reconnu que la reconnaissance de l’ACIDS était facultative et ne constituait pas une exigence légale. Nulle part dans ce rapport je n’ai dit le contraire. Quant aux promesses sur la reconnaissance de l’ACIDS, mon rapport présente les preuves données par les témoins à cet égard. Le Collège souligne aussi que, en dépit d’avoir exprimé des inquiétudes à propos du programme de gestion de l’information sur la santé, je n’ai recommandé ni sa suspension ni son élimination. On comprend difficilement comment j’aurais pu aider le Collège en le faisant – en tant qu’Ombudsman, mon rôle n’est pas d’usurper l’autorité du Collège relativement au développement et à l’administration des programmes. J’ai montré les problèmes de la conduite du Collège, mais il appartient au Collège d’exercer son pouvoir statutaire et son jugement indépendant pour rectifier la situation.
269 Au lieu de reconnaître que sa conduite était problématique de quelque manière, le Collège a choisi de porter des coups bas et d’attaquer l’intégrité de mon enquête. En résumé, il a eu ceci à dire :
Si cette enquête avait été menée de manière vraiment juste, impartiale et complète, le Collège affirme respectueusement qu’il en ressortirait des faits ne menant pas aux conclusions et aux recommandations de l’Ombudsman dans son Rapport préliminaire. Par contre, une évaluation impartiale des preuves, même de celles données dans le Rapport de l’Ombudsman, aurait dû mener aux conclusions suivantes :
a. Cambrian College a agi à bon escient, en tout temps, en ce qui concerne le programme de gestion de l’information sur la santé.
b. Cambrian College a agi de manière responsable lors du développement de ce programme.
c. Le programme reflète les besoins de la plupart des employeurs, pour la plupart des postes, surtout dans le contexte du Nord.
d. La plupart des diplômés du programme ont obtenu de bons emplois dans leur domaine d’études.
e. Le Collège n’a jamais induit en erreur ses étudiants potentiels, ses étudiants actuels, les employeurs de ses diplômés, le Ministère ou quiconque d’autre quant au statut de la certification et quant à ses intentions au sujet de la certification de son programme de gestion de l’information sur la santé.
f. Il n’y a aucune raison de faire la moindre recommandation quant à la plainte. La plainte contre le Collège et le Ministère devrait faire l’objet d’un non-lieu.
270 Le Collège a aussi dit qu’à son avis mon approche d’enquête causerait « de graves difficultés aux anciens étudiants, aux étudiants actuels et potentiels du programme de gestion de l’information sur la santé de Cambrian en ce qui concerne leurs possibilités d’avancement de carrière ». Il a suggéré que mon rapport nuirait considérablement aux perspectives d’emploi des diplômés de Cambrian en déclarant injustement que la haute qualité du programme était « sans valeur ». Il a lancé cet avertissement : la qualité du diplôme serait « en fait grandement érodée par la parution de ce rapport ». Le Collège a aussi accusé mon Bureau d’avoir omis d’approfondir les faits, ce qui avait mené à des conclusions inexactes.
271 La dérision manifeste montrée par le Collège pour mon processus d’enquête, et en fait pour la surveillance exercée par mon Bureau en général, s’est fait sentir tout au long de mon enquête et s’est manifestée de nouveau dans sa réponse viscérale à mon rapport préliminaire. Par le biais de son avocate, le Collège était très fermement déterminé à faire tomber mon enquête dans les pièges d’une enquête judiciaire accusatoire. Il a persisté à montrer du mépris pour mes pratiques légitimes d’enquête, ancrées dans les traditions historiques de l’Ombudsman.
272 Au lieu de faire une analyse et une introspection objectives, et de chercher à tirer des leçons de ses erreurs apparentes, le Collège est passé à l’offensive à chaque occasion – contestant l’intégrité de mon processus, tout en défendant à hauts cris sa conduite, à tout prix. Ce faisant, le Collège a montré la même arrogance et le même manque profond de réflexion que dans ses rapports avec les étudiants de son programme de gestion de l’information sur la santé.
273 Au lieu de reconnaître ses responsabilités pour les problèmes d’administration de son programme, le Collège a essayé de rejeter le blâme sur mon Bureau pour les difficultés potentielles d’emploi de ses diplômés. Il a ignoré carrément les preuves données par la majorité des étudiants de 2007 et 2008, qui avaient caractérisé de « sans valeur » l’enseignement reçu, et il a sommairement rejeté et dénigré les observations de professionnels désintéressés qui avaient critiqué la qualité de son programme.
274 Le résultat est qu’il existe un écart monumental entre mon évaluation des preuves et les conclusions tirées par le Collège dans cette affaire, ce qui l’a mené à rejeter complètement mes conclusions, analyses, opinions et recommandations.
275 La responsabilité a été confiée à Cambrian College de gérer des millions de dollars des contribuables, chaque année, dans l’intérêt de sa communauté. Si Cambrian méritait vraiment d’être considéré comme un établissement doté de « maturité », il reconnaîtrait aisément ses erreurs et chercherait à faire amende pour les fautes commises de par le passé avant d’investir davantage dans l’avenir. Face aux conclusions de mon enquête, le Collège devrait consacrer son énergie à rétablir son intégrité et à gagner la confiance du public, en remplissant ses obligations morales envers les diplômés de son programme de gestion de l’information sur la santé.
276 Malheureusement, l’attitude de supériorité montrée par le Collège qui a voulu jouer « au plus malin » discrédite ses objectifs statutaires. Je crois que, dans ce cas, les faits parlent d’eux-mêmes. En fin de compte, le Collège sera jugé par le tribunal de l’opinion publique, au sein de la communauté au service de laquelle il a été créé.
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André Marin
Ombudsman de l’Ontario
Réponses finales du Ministère et du Cambrian Collège (PDF - en anglais)
[1] Assemblée législative de l’Ontario, Compte rendu officiel des débats de la Chambre des Communes (Hansard), (4 décembre 2001) à 14 h 00 (Honorable Dianne Cunningham).
[2] D’après le procès-verbal, tel est le nom du comité qui a approuvé le programme. Une fois le programme créé, le comité a apparemment changé de nom pour devenir le Comité consultatif sur le programme de gestion de l’information sur la santé.
[3] Dans une réponse datée du 21 avril 2009 à mon Rapport préliminaire, l’avocate représentant le Collège a fait grand cas du terme « accréditation » utilisé dans ce Rapport préliminaire à propos de l’ACIDS. Elle a suggéré qu’il était « difficile de croire à un rapport qui cite erronément l’un des aspects les plus fondamentaux de l’enquête ». Or les responsables du Collège et les étudiants ont maintes fois fait référence à « l’accréditation » par l’ACIDS, tant oralement que par écrit, utilisant de manière interchangeable « reconnaissance » et parfois « certification ». Nous avons vérifié auprès des dirigeants de l’ACIDS que cet organisme ne fait pas « l’accréditation » des programmes de gestion de l’information sur la santé, mais qu’il « reconnaît » les programmes collégiaux et universitaires dans ce domaine. Les étudiants qui passent l’examen de l’ACIDS sont considérés « certifiés ». Par conséquent, dans ce rapport final, nous avons changé la terminologie pour refléter le lexique de l’ACIDS – sauf quand nous citons des documents ou des remarques des responsables du Collège ou d’autres témoins.
[4] Le Collège a cherché à contester ce point. L’avocate représentant le Collège a dit que l’ACIDS savait depuis quelque temps que le programme était en place. Elle a cité un courriel envoyé par la coordonnatrice du programme à l’ACIDS le 26 février 2007, dans lequel celle-ci disait : « Vous vous en souvenez sans doute, nous avons commencé le programme de GIS (Gestion de l’information sur la santé) en 2005 ». Mais il n’existe pas de preuve documentaire datant de cette époque, à cet effet, et les responsables de l’ACIDS maintiennent qu’ils n’ont appris qu’à l’été de 2006 que Cambrian College avait commencé à offrir ce programme.
[5] Le Collège nous a récemment informés que Mme Xavier travaille maintenant dans une clinique médicale, mais nous n’avons pas été en mesure de vérifier ce renseignement.
[6] En ligne : Cambrian College of Applied Arts and Technology (date de consultation : 4 août 2009).
[7] En ligne : Cambrian College of Applied Arts and Technology (date de consultation : 4 août 2009).
[8] [2007] O.J. No. 2211 (Ont. Sup. Ct.), [2008] ONCA 699.