Villes de Grimsby et de Lincoln et Canton de West Lincoln

Villes de Grimsby et de Lincoln et Canton de West Lincoln

septembre 18, 2024

18 septembre 2024

L’Ombudsman a été saisi de plaintes alléguant qu’une réunion mixte tenue par les conseils de la Ville de Grimsby, de la Ville de Lincoln et du Canton de West Lincoln n’était pas conforme aux règles des réunions publiques. Il a conclu que la première partie de la séance à huis clos entrait dans l’exception relative à l’éducation ou à la formation justifiant le huis clos. Toutefois, les discussions en sous-groupes tenues pendant la seconde partie de cette séance n’entraient dans aucune des exceptions.

Enquête sur des plaintes à propos d’une réunion tenue à huis clos par la Ville de Grimsby, la Ville de Lincoln et le Canton de West Lincoln

Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario

Septembre 2024

 

Plainte

1    Mon Bureau a été saisi de plaintes selon lesquelles des membres des conseils de la Ville de Grimsby, de la Ville de Lincoln et du Canton de West Lincoln ont tenu le 9 août 2023 une réunion mixte n’entrant pas dans les exceptions relatives aux réunions à huis clos prévues par la Loi de 2001 sur les municipalités[1] (la « Loi »). Pendant la réunion, les conseils ont tenu une séance à huis clos en invoquant l’exception relative à l’éducation ou à la formation pour discuter d’un examen provincial portant sur la gouvernance municipale à l’échelle régionale.

2    Mon enquête a révélé que la première partie de la séance à huis clos du 9 août 2023 entrait dans cette exception. Toutefois, des discussions par sous-groupes qui ont eu lieu lors de la deuxième partie de cette séance n’entraient pas dans les exceptions relatives aux réunions à huis clos.

 

Compétence de l’Ombudsman

3    La Loi de 2001 sur les municipalités dispose que toutes les réunions d’un conseil ou d’un conseil local et de leurs comités doivent être ouvertes au public, sauf si les conditions des exceptions prévues par la Loi sont remplies.

4    Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde à quiconque le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité a respecté ou non la Loi en se réunissant à huis clos. Les municipalités peuvent nommer leur propre enquêteur(euse). La Loi fait de l’Ombudsman l’enquêteur par défaut pour les municipalités qui n’ont pas désigné le(la) leur.

5    L’Ombudsman enquête sur les réunions à huis clos pour la Ville de Grimsby, la Ville de Lincoln et le Canton de West Lincoln.

6    Lorsque nous enquêtons sur des plaintes concernant des réunions à huis clos, nous cherchons à savoir si les exigences relatives aux réunions publiques énoncées dans la Loi et dans le règlement de procédure municipal ont été respectées.

7    Depuis 2008, mon Bureau a enquêté sur des centaines de réunions à huis clos. Pour aider les conseils municipaux, le personnel municipal et le public, nous avons créé un recueil en ligne des cas de réunions publiques. Ce recueil interrogeable vise à permettre aux intéressé(e)s d’accéder facilement aux décisions de l’Ombudsman et à ses interprétations des règles des réunions publiques. Les membres du Conseil et le personnel peuvent consulter ce recueil pour éclairer leurs discussions et leurs décisions afin de déterminer si certaines questions devraient ou pourraient être discutées à huis clos, ainsi que pour examiner les questions liées aux procédures des réunions publiques. Des résumés des décisions antérieures de l’Ombudsman sont consultables dans ce recueil : www.ombudsman.on.ca/digest-fr/accueil.

8    L’Ombudsman de l’Ontario est également habilité à réaliser des examens et enquêtes impartiaux concernant des centaines d’organismes publics. Cela comprend les municipalités, les conseils locaux et les sociétés contrôlées par des municipalités ainsi que les organismes gouvernementaux provinciaux, les universités financées par les fonds publics et les conseils scolaires. Il peut aussi examiner les plaintes sur les services fournis par les sociétés d’aide à l’enfance et les titulaires de permis d’établissement, et sur les services en français fournis aux termes de la Loi sur les services en français. Pour en savoir plus sur les organismes relevant de notre Bureau, consultez le www.ombudsman.on.ca/portez-plainte/champ-de-surveillance.

 

Processus d’enquête

9    Le 19 septembre 2023, mon Bureau a avisé chaque municipalité de son intention d’enquêter sur ces plaintes.

10    Nous avons obtenu et examiné les documents de la réunion du 9 août 2023, et examiné les sections pertinentes du règlement de procédure de chaque municipalité et la Loi. Des membres de mon Bureau ont rencontré le(la) maire(esse), le(la) greffier(ière) et le(la) directeur(trice) général(e) (le(la) « DG ») de chaque municipalité. Nous avons également rencontré le député provincial de la circonscription de Niagara-Ouest, où se situent les trois municipalités.

11    Mon Bureau a obtenu une pleine coopération dans cette affaire.

 

Renseignements généraux

Examen provincial de la gouvernance municipale régionale

12    En novembre 2022, le ministère des Affaires municipales et du Logement a annoncé que des facilitateur(trice)s nommé(e)s par la province procéderaient à un examen de plusieurs administrations municipales régionales de l’Ontario, dont celle de Niagara[2].

13    Après cette annonce, les DG de la Ville de Grimsby, de la Ville de Lincoln et du Canton de West Lincoln ont commencé à se rencontrer pour discuter des éventuelles répercussions de cet examen sur leurs municipalités respectives. Le(la) maire(esse) de chaque municipalité a aussi pris part à ces discussions. Ensemble, les trois municipalités étaient appelées « Niagara-Ouest » par les personnes rencontrées.

14    Le DG de la Ville de Lincoln a dit à mon Bureau que les DG et les maire(esse)s avaient rencontré le député provincial de Niagara-Ouest (le « député ») pour discuter de l’examen de la gouvernance régionale. Après la réunion, le député a remis au DG de Lincoln une déclaration à communiquer aux trois conseils municipaux, déclaration qui invitait les municipalités locales de Niagara-Ouest à se mettre d’accord sur un modèle de gouvernance et à communiquer cette position aux facilitateur(trice)s de l’examen. Le député a précisé par courriel que cette déclaration reflétait son opinion personnelle, et non celle du gouvernement. Le DG de Lincoln a confié à notre Bureau que le député avait demandé que la déclaration lui soit attribuée à titre confidentiel.

 

La réunion du 9 août 2023

15    Les greffier(ière)s des trois municipalités ont organisé ensemble la réunion mixte des conseils. Un seul ordre du jour et un seul avis public ont été produits. On nous a dit que la greffière de Grimsby avait dirigé l’organisation de la réunion parce qu’elle avait plus d’expérience que ses deux collègues.

16    L’ordre du jour de la réunion a été affiché par chaque municipalité le 2 août 2023. Il annonçait la tenue d’une réunion mixte extraordinaire et en indiquait la date, l’heure et le lieu. Il contenait par ailleurs un point à discuter à huis clos : [traduction] « Questions de gouvernance dans Niagara-Ouest ».

17    Les membres du Conseil de chaque municipalité, les trois DG et les trois greffier(ière)s se sont réuni(e)s le 9 août 2023 au West Niagara Agricultural Centre and Fairgrounds. La réunion a été ouverte à 17 h 30. Il nous a été précisé que c’est la greffière de Grimsby qui faisait office de greffière à la réunion et s’occupait de dresser le procès-verbal.

18    Les membres des conseils présent(e)s à la réunion ont tou(te)s voté ensemble sur les questions de procédure et sur la résolution de retrait à huis clos. Il était précisé dans cette résolution qu’une séance à huis clos se tiendrait au titre de l’exception relative à l’éducation ou à la formation pour discuter de [traduction] « questions de gouvernance dans Niagara-Ouest ».

19    Selon le procès-verbal de la séance à huis clos, un consultant municipal a dirigé un atelier à huis clos et les membres des conseils ont participé à des discussions par sous-groupes au sujet de questions de gouvernance dans Niagara-Ouest.

20    D’après les personnes rencontrées, la réunion a commencé par la lecture à voix haute de la déclaration du député. Le consultant municipal a ensuite donné une présentation sur l’histoire des fusions municipales en Ontario et sur l’actuel examen de la gouvernance régionale. Les membres des conseils ont pu poser des questions.

21    Après la présentation, on nous a dit que les participant(e)s s’étaient séparé(e)s en trois groupes pour une période de discussion. Chaque groupe se composait de conseiller(ère)s, d’un(e) greffier(ière) et d’un(e) DG de chaque municipalité. Les groupes devaient discuter et mettre en commun des idées concernant les changements touchant le modèle de gouvernance dans Niagara-Ouest, notamment la possible fusion des trois municipalités.

22    Il nous a été précisé que les sous-groupes avaient étudié diverses questions concernant les changements qui pourraient toucher la gouvernance locale à la suite de l’examen de la gouvernance régionale. Par exemple, les membres des conseils ont exprimé leurs idées et opinions sur le rôle futur de l’administration régionale, le transfert de services régionaux aux municipalités locales et la possible fusion des trois municipalités. Ensuite, chaque maire(esse) a présenté un résumé des discussions de son sous-groupe en plénière.

23    Selon le procès-verbal de la séance publique, après la séance à huis clos, une résolution a été adoptée pour que [traduction] « l’information fournie dans la séance de formation soit reçue ».

 

Analyse

Applicabilité de l’exception relative à l’éducation ou à la formation

24    Les trois conseils ont cité le paragraphe 239(3.1), soit l’exception relative à l’éducation ou à la formation, dans la résolution de retrait à huis clos le 9 août 2023.

25    En vertu du paragraphe 239(3.1) de la Loi, une réunion peut se tenir à huis clos si 1) elle a pour but l’éducation ou la formation des membres du conseil, et 2) les membres ne discutent pas d’une question d’une manière qui fait avancer de façon importante les travaux ou la prise de décision du conseil. Cette exception est interprétée de façon restrictive par mon Bureau, qui l’applique aux rassemblements ayant pour unique objet l’éducation ou la formation, ce qui exclut toute activité liée aux travaux ou aux décisions de la municipalité.

26    La première partie de l’exception concerne l’acquisition de compétences ou d’information pouvant aider les membres d’un conseil à mieux comprendre les affaires municipales, par exemple dans le cas où ils(elles) suivraient une formation sur la lecture et l’interprétation des documents financiers et budgétaires de la municipalité[3].

27    Sous le régime de la deuxième partie de l’exception, aucun(e) membre ne peut faire avancer de façon importante les affaires ou les décisions du conseil. Dans un rapport précédent adressé au Village de Casselman, j’ai précisé que pour interpréter l’expression « fait avancer de façon importante », il faut examiner dans quelle mesure les discussions ont fait avancer les travaux de la municipalité, en fonction d’indicateurs factuels[4]. Les discussions, les débats ou les décisions qui visent à obtenir des résultats précis, ou à persuader les décideur(euse)s d’une façon ou d’une autre, sont susceptibles de « faire avancer de façon importante » les travaux ou la prise de décision d’un conseil municipal, d’un comité ou d’un conseil local. De même, un conseil est susceptible de faire avancer de façon importante ses travaux ou sa prise de décision s’il vote, conclut un accord, donne des directives ou fait des commentaires au personnel, ou encore discute ou débat d’une proposition, d’une mesure d’action ou d’une stratégie[5].

28    En revanche, la simple réception ou le simple échange d’information est peu susceptible de faire avancer de manière importante les travaux ou la prise de décision, tant qu’aucune tentative n’est faite pour discuter ou débattre de cette information relativement à une question spécifique qui est, ou sera, soumise à un conseil[6]. J’ai précédemment conclu que cela comprend les séances où les membres d’un conseil acquièrent des compétences, mais ne discutent pas ou ne tentent pas d’appliquer l’information à une question municipale en particulier[7].

29    La séance à huis clos du 9 août 2023 s’est déroulée en deux parties : la présentation par le consultant municipal, puis les discussions en sous-groupes.
 


Présentation du consultant municipal

30    Dans cette présentation, le consultant municipal a communiqué aux membres des conseils des renseignements généraux sur les fusions municipales et l’examen de la gouvernance des administrations municipales régionales. La présentation visait à informer les membres des conseils afin qu’ils(elles) comprennent mieux cet examen et ses éventuelles répercussions sur les municipalités. Cet échange d’information n’a pas fait avancer de façon importante les travaux ou la prise de décision des conseils.

31    Par conséquent, l’exception relative à l’éducation ou à la formation s’appliquait à cette partie de la séance à huis clos.

 

Discussions en sous-groupes

32    À la différence de la première partie de la séance à huis clos, les discussions en sous-groupes consistaient en un échange libre d’idées et d’avis entre les membres des conseils au sujet de changements touchant la gouvernance locale dans Niagara-Ouest. Aucune information n’y a été communiquée à des fins d’éducation ou de formation des membres des conseils. Par conséquent, cela n’entre pas dans le premier critère de l’exception relative à l’éducation ou à la formation.

33    De plus, les discussions en sous-groupes ont fait avancer de façon importante les travaux ou la prise de décision des trois conseils. Le sujet et l’objet des discussions – établir une position commune sur la future gouvernance et l’éventuelle fusion – constituent une question importante pour la collectivité locale, question en lien étroit avec les travaux de chaque municipalité.

34    Les trois conseils ne sont pas parvenus à un consensus, tel qu’une résolution ou des directives au personnel, à leur réunion du 9 août 2023. Toutefois, ni une décision de fond ni un consensus n’est nécessaire pour faire avancer de façon importante les travaux ou la prise de décision d’un conseil; il peut s’agir de discussions ou de débats sur une proposition, une action ou une stratégie[8]. Dans Southam Inc. v. Ottawa, la Cour divisionnaire de l’Ontario a décrit les décisions du Conseil comme quelque chose qui progressait le long d’un [traduction] « spectre » et a déclaré que le public ne devrait pas être [traduction] « privé de la possibilité d’observer une partie importante du processus décisionnel[9] ». Autrement dit, les règles des réunions publiques ne se bornent pas aux cas débouchant sur la prise d’une décision officielle. L’objectif sous-jacent de ces règles est de protéger le droit du public d’observer les travaux importants le long du spectre décisionnel d’un conseil, ce qui peut comprendre l’échange d’information pour éclairer une question dont est ou sera saisi le conseil.

35    L’échange d’opinions et d’idées entre les membres des conseils sur la future gouvernance devait servir à établir les assises de décisions imminentes des municipalités en lien avec la soumission d’une position conjointe aux facilitateur(trice)s de l’examen de la gouvernance régionale. Ces discussions constituaient une étape importante dans le processus d’une décision précise des trois conseils et ont fait avancer de façon importante leurs travaux ou leur processus décisionnel.

 

Alternance de la discussion

36    Les questions qui n’entrent pas entièrement dans une exception relative aux réunions à huis clos peuvent quand même être étudiées à huis clos dans les cas où il n’est pas réaliste de s’attendre d’un conseil qu’il alterne entre séance publique et séance à huis clos[10]. La Cour divisionnaire de l’Ontario a conclu que c’était le cas si cela risquait de [traduction] « nuire à des discussions libres, ouvertes et ininterrompues[11] ». Mon Bureau a appliqué ce principe de façon stricte et conclu que celui-ci ne s’appliquait pas à des discussions pouvant être séparées en une séance publique et une séance à huis clos.

37    Comme je l’ai déjà dit, la séance à huis clos du 9 août 2023 s’est déroulée en deux parties distinctes : la présentation du consultant municipal et la discussion en sous-groupes. Ces deux parties n’étaient pas interreliées de sorte que leur séparation entre séance publique et séance à huis clos eût pu nuire à des discussions libres, ouvertes et ininterrompues entre les membres des conseils. En effet, on aurait pu alterner la discussion en commençant par la présentation à huis clos en vertu de l’exception relative à l’éducation et à la formation, pour ensuite reprendre la séance publique pour mener la discussion sur les changements dans la gouvernance locale dans Niagara-Ouest.

 

Applicabilité de l’exception en cas d’information communiquée confidentiellement par un autre palier de gouvernement

38    Bien que l’exception prévue à l’alinéa 239(2)h) n’ait pas été citée dans la résolution de retrait à huis clos, j’ai étudié la question de savoir si cet alinéa se serait appliqué à la déclaration du député provincial de Niagara-Ouest qui a été lue à haute voix pendant la séance à huis clos.

39    L’exception s’applique aux « renseignements explicitement communiqués à titre confidentiel à la municipalité ou au conseil local par le Canada, une province, un territoire ou un organisme de la Couronne de l’un d’eux ».

40    Le DG de Lincoln a dit à mon Bureau qu’il estimait cette déclaration confidentielle. Mon Bureau se l’est fait remettre, puis l’a examinée. Elle ne portait aucune mention la désignant explicitement comme document confidentiel lorsqu’elle a été transmise au DG de Lincoln. Dans la correspondance du député avec ce dernier, il est précisé que la déclaration constituait une opinion personnelle du député provincial concernant l’examen de la gouvernance municipale et qu’elle ne reflétait pas une position officielle du gouvernement provincial.

41    Par conséquent, l’exception relative aux renseignements communiqués à titre confidentiel par un autre palier de gouvernement ne s’appliquait pas à la réunion du 9 août 2023.

 

Applicabilité de l’exception concernant les relations de travail et les négociations avec les employé(e)s

42    Une personne que nous avons rencontrée a fait valoir que l’exception concernant les relations de travail et les négociations avec les employé(e)s s’appliquait à la séance à huis clos parce que la fusion des trois municipalités pourrait impliquer la cessation d’emploi de membres du personnel municipal. Par exemple, on nous a dit qu’en théorie, une municipalité fusionnée n’avait besoin que d’une seule personne au poste de directeur(trice) général(e), greffier(ière) ou trésorier(ière) plutôt que trois.

43    Cette exception vise à protéger les discussions ayant trait aux relations entre une municipalité et ses employé(e)s. Mon Bureau a constaté qu’elle s’appliquait aux discussions sur la suppression de postes au sein du personnel.

44    En l’espèce, une seule personne rencontrée nous a signalé qu’il y avait eu mention de la possibilité que des postes soient supprimés dans le cas d’une fusion, et que cette mention avait été faite lors d’une des discussions en sous-groupes. Si ce point a effectivement été abordé, ce n’était pas le sujet principal de la discussion. Une brève mention d’une information qui entrerait dans l’une des exceptions n’est pas suffisante pour y faire entrer toute la discussion[12].

45    Par conséquent, l’exception concernant les relations de travail ou les négociations avec les employé(e)s ne s’applique pas.

 

Questions de procédure

Réunion séparée ou commune?

46    Au paragraphe 236(2), la Loi autorise deux municipalités ou plus à tenir une réunion mixte pour l’étude de « questions d’intérêt commun ». Si deux conseils municipaux ou plus peuvent se réunir au même moment et au même endroit, j’ai constaté que, sur le plan procédural, la réunion peut être séparée et assujettie au règlement de procédure de chaque municipalité.

47    Par exemple, mon Bureau a enquêté sur une réunion tenue par les conseils du Village de Burks Falls et du Canton d’Armour. Même si tou(te)s les participant(e)s se trouvaient dans la même salle et ont délibéré comme un seul et même groupe, j’ai jugé que techniquement, chacun des conseils tenait une réunion à part et était tenu de se conformer à son propre règlement de procédure et à la Loi. Chaque greffier(ière) avait préparé son propre ordre du jour pour la réunion et dressé son propre procès-verbal. Les deux conseils avaient chacun adopté leur résolution de retrait à huis clos et invoqué différentes exceptions pour pouvoir mener la discussion à huis clos. Les greffier(ière)s ne s’étaient ni consulté(e)s ni mis(es) d’accord à l’avance sur un processus de tenue de la réunion.

48    En l’espèce, les procédures suivies par les trois municipalités avant et pendant la réunion du 9 août 2023 indiquent qu’une réunion mixte a eu lieu.

49    Avant la réunion, les trois greffier(ière)s municipaux(ales) ont établi ensemble les procédures d’avis public, de préparation de l’ordre du jour et de tenue du procès-verbal. Un seul ordre du jour a été produit pour la réunion. Les avis publiés par les trois municipalités contenaient tous le même libellé.

50    Lors de la réunion, tou(te)s les membres des conseils présent(e)s constituaient un seul et même organe au moment d’adopter les résolutions et les motions. Une seule résolution de retrait à huis clos a été proposée et appuyée par les membres des conseils des différentes municipalités, et votée par l’ensemble des membres présent(e)s. Seule la greffière de Grimsby a agi comme greffière de la réunion. Enfin, un seul procès-verbal a été dressé, puis adopté par chacun des conseils municipaux.

 

Délégation des fonctions du(de la) greffier(ière)

51    Le paragraphe 228(1) de la Loi exige qu’un(e) greffier(ière) consigne, sans remarques ni commentaires, toutes les résolutions, décisions et autres délibérations d’un conseil municipal. Le paragraphe 228(4) autorise le(la) greffier(ière) à déléguer par écrit à quiconque, à l’exception d’un(e) membre du Conseil, ses pouvoirs et fonctions, y compris la tenue du procès-verbal.

52    La greffière de Grimsby a exercé les fonctions de greffe à la réunion du 9 août 2023, mais elle l’a fait sans délégation par écrit des pouvoirs de ses homologues des autres municipalités. Les greffier(ière)s de Lincoln et de West Lincoln auraient dû déléguer par écrit leurs fonctions à la greffière de Grimsby afin de respecter les exigences du paragraphe 228(4).

53    En réponse à une version préliminaire du présent rapport, la Ville de Lincoln a fait observer que la greffière de Grimsby s’était chargée de diriger l’organisation de la réunion du 9 août 2023 et avait assumé les fonctions de greffe, et, par conséquent, que c’était à elle qu’il incombait de veiller à la délégation des pouvoirs en bonne et due forme. Aux termes de la Loi, le pouvoir de déléguer les fonctions légales de greffe appartient au(à la) greffier(ière). Sans égard à la personne parmi les trois greffier(ière)s municipaux(ales) qui s’est chargée du procès-verbal de la réunion, chacun(e) des greffier(ière)s avait individuellement la responsabilité de s’assurer que ses pouvoirs avaient été dûment délégués avant la réunion.

 

Avis

54    Les conseils de la Ville de Grimsby, de la Ville de Lincoln et du Canton de West Lincoln ont tenu une réunion mixte le 9 août 2023. La première partie de la séance à huis clos – la présentation d’un consultant municipal – entrait dans l’exception relative à l’éducation et à la formation. Toutefois, la deuxième partie – les discussions en sous-groupes entre les membres des conseils – ne constituait pas une activité d’éducation ou de formation pour les membres des conseils, et a fait avancer de façon importante les travaux ou la prise de décision. Par conséquent, cette partie de la séance à huis clos n’entrait pas dans l’exception relative à l’éducation et à la formation ni dans aucune autre exception prévue aux règles des réunions publiques.

55    La greffière de Grimsby s’est chargée des fonctions de greffe pour la Ville de Lincoln et le Canton de West Lincoln pendant la réunion du 9 août 2023, sans toutefois avoir reçu les délégations écrites des greffier(ière)s de l’une et l’autre municipalités.

 

Recommandations

56    Je formule les recommandations suivantes pour aider la Ville de Grimsby, la Ville de Lincoln et le Canton de West Lincoln à remplir leurs obligations aux termes de la Loi et à améliorer la transparence de leurs réunions :

 
Recommandation 1

Les membres du Conseil de la Ville de Grimsby devraient faire preuve de vigilance dans l’exercice de leur obligation individuelle et collective de s’assurer que la Ville remplit ses responsabilités prévues dans la Loi de 2001 sur les municipalités.

 
Recommandation 2

Les membres du Conseil de la Ville de Lincoln devraient faire preuve de vigilance dans l’exercice de leur obligation individuelle et collective de s’assurer que la Ville remplit ses responsabilités prévues dans la Loi de 2001 sur les municipalités.

 
Recommandation 3

Les membres du Conseil du Canton de West Lincoln devraient faire preuve de vigilance dans l’exercice de leur obligation individuelle et collective de s’assurer que le Canton remplit ses responsabilités prévues dans la Loi de 2001 sur les municipalités.

 
Recommandation 4

Le(la) greffier(ière) de la Ville de Grimsby devrait s’assurer d’obtenir la délégation par écrit des greffier(ière)s municipaux(ales) concerné(e)s lorsqu’il(elle) remplira les fonctions de greffe à toute réunion mixte ultérieure entre deux conseils municipaux ou plus.

 
Recommandation 5

Le(la) greffier(ière) de la Ville de Lincoln devrait s’assurer que ses pouvoirs sont délégués par écrit à la personne qui remplira les fonctions de greffe à toute réunion mixte ultérieure entre deux conseils municipaux ou plus.

 
Recommandation 6

Recommandation 6
Le(la) greffier(ière) du Canton de West Lincoln devrait s’assurer que ses pouvoirs sont délégués par écrit à la personne qui remplira les fonctions de greffe à toute réunion mixte ultérieure entre deux conseils municipaux ou plus.



 

Rapport

57    La Ville de Grimsby, la Ville de Lincoln et le Canton de West Lincoln ont eu l’occasion d’examiner une version préliminaire du présent rapport et de la commenter pour mon Bureau. Le présent rapport définitif a été rédigé à la lumière de tous les commentaires que nous avons reçus.

58    Le présent rapport sera publié sur le site Web de mon Bureau et devrait aussi être rendu public par la Ville de Grimsby, la Ville de Lincoln et le Canton de West Lincoln. Conformément au paragraphe 239.2(12) de la Loi de 2001 sur les municipalités, le conseil de chaque municipalité doit adopter une résolution indiquant comment il entend y donner suite.


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Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario



[1] L.O. 2001, chap. 25.
[2] Ce lien s'ouvre dans un nouvel onglethttps://news.ontario.ca/fr/backgrounder/1002482/loi-de-2022-visant-a-ameliorer-la-gouvernance-municipale.
[3] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une rencontre du conseil du Canton d’Emo le 28 mai 2022, (janvier 2023), en ligne.
[4] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos d’une rencontre tenue par les membres du conseil de la Municipalité de Casselman le 27 mai 2021, (août 2022), en ligne.
[5] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une rencontre du conseil du Canton de Pelee le 22 juin 2021, (janvier 2022), en ligne.
[6] Ibid.
[7] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur des réunions à huis clos du Conseil du Canton de Russell le 10 août 2015, (janvier 2016), en ligne.
[8] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos de séances d’information le 7 mars 2018 avec un quorum des conseillers du Village de Casselman, (août 2018), en ligne.
[9] Southam Inc. v. Ottawa (City) Council (Div. Ct.), 1991 CanLII 7044 (ON SC) (en anglais seulement).
[10] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos de réunions à huis clos tenues par la Ville d’Elliot Lake les 12 et 30 janvier 2023, (février 2024), en ligne.
[11] Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletSt. Catharines (City) v. IPCO, 2011 ONSC 2346, en ligne (en anglais seulement).
[12] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos d’une réunion tenue par le Canton de Lanark Highlands le 22 septembre 2020, (août 2021), en ligne.