Enquête sur une réunion à huis clos du Canton de Lanark Highlands
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
janvier 2018
Plainte
1 Mon Bureau a reçu une plainte sur une réunion à huis clos tenue par le Conseil du Canton de Lanark Highlands le 17 juillet 2017.
2 La plainte alléguait que le Conseil avait discuté indûment de plusieurs points durant cette séance à huis clos, et que ses discussions ne relevaient d’aucune des exceptions énoncées dans la Loi de 2001 sur les municipalités.
Compétence de l’Ombudsman
3 En vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités, toutes les réunions d’un conseil municipal, d’un conseil local et des comités de l’un ou de l’autre doivent se tenir en public, à moins de relever des exceptions prescrites.
4 Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde aux citoyens le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité s’est conformée à la Loi en tenant une réunion à huis clos. Les municipalités peuvent désigner leur propre enquêteur. La Loi fait de l’Ombudsman l’enquêteur par défaut dans les municipalités qui ne l'ont pas fait.
5 L’Ombudsman est chargé d’enquêter sur les réunions à huis clos pour le Canton de Lanark Highlands.
6 Quand nous enquêtons sur des plaintes à propos de réunions à huis clos, nous cherchons à déterminer si les exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi et dans le règlement de procédure de la municipalité ont été observées.
Processus d’enquête
7 Le 31 juillet 2017, nous avons informé la municipalité de notre intention d’enquêter sur cette plainte.
8 Les membres de mon Bureau ont examiné le règlement de procédure du Canton ainsi que les extraits pertinents de la Loi. Nous avons aussi étudié la documentation de la séance publique et du huis clos de la réunion du 17 juillet 2017, examiné une opinion juridique donnée par écrit par l’avocat de la ville, ainsi qu’un rapport de l’adjoint au maire.
9 Nous avons interviewé le greffier-administrateur, le greffier adjoint et les membres du Conseil.
10 Mon Bureau a obtenu une pleine collaboration du Canton dans cette affaire.
Procédures du Conseil
11 Le règlement de procédure du Canton (règlement no 2012-1205) stipule que toutes les réunions doivent se tenir en public, sauf comme le veut l’article 239 de la Loi sur les municipalités. Avant de se retirer à huis clos, le Conseil et tout comité doivent adopter une résolution indiquant qu’ils vont tenir une réunion à huis clos et donnant la nature générale du sujet à examiner.
12 Le règlement de procédure permet au maire de convoquer une réunion extraordinaire. L’article 5.5.5 du règlement de procédure stipule que les seuls points qui peuvent être examinés lors d’une réunion extraordinaire sont les points inscrits à l’ordre du jour de cette réunion.
Réunion du 17 juillet 2017
13 Le maire a convoqué une réunion extraordinaire du Conseil à la suite de l’annonce de la démission de la trésorière, envoyée dans un courriel à tout le Conseil le 10 juillet 2017. Après cette annonce, plusieurs courriels ont été échangés entre les membres du Conseil et la trésorière sur la gestion financière du Canton et d’autres questions connexes, dont le rôle d’un membre du Conseil dans la gestion financière du Canton. Le 12 juillet 2017, sur les conseils du consultant en ressources humaines du Canton (consultant RH), le maire a envoyé un courriel demandant au Conseil de cesser de correspondre par courriel. Puis le maire a convoqué une réunion extraordinaire pour le 17 juillet 2017. Les discussions tenues par les membres d'un conseil municipal pour faire avancer de façon importante les travaux du Conseil ont été considérées comme une réunion illégale à huis clos.[1]
14 Le 17 juillet 2017, le Conseil a tenu une réunion extraordinaire. D’après le procès-verbal, le Conseil s’est retiré à huis clos à 18 h 45, citant les exceptions des « renseignements privés » et des « conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat ». La résolution adoptée pour se retirer à huis clos incluait cette description générale des sujets à discuter : « Communication et structure du Conseil et du personnel. »
15 L’ordre du jour de la réunion à huis clos indique uniquement ce même point de discussion : « Communication et structure du Conseil et du personnel. »
16 La réunion à huis clos a duré environ quatre heures. Tout le Conseil était présent, à l’exception du conseiller Bill King. Le greffier-administrateur, le greffier adjoint et le consultant RH du Canton étaient aussi présents.
17 Le procès-verbal de la réunion à huis clos répertorie cinq sujets de discussion, sans donner de renseignements de fond sur la discussion :
« - démission de la trésorière
- correspondance de l’avocat du Canton
- rapport de l’adjoint au maire
- Code de conduite pour le maire et les conseillers
- règles régissant le déroulement des réunions et les délibérations du Conseil et des comités. »
Le Conseil a aussi reçu une opinion juridique donnée par écrit par l’avocat du Canton, et un rapport écrit de l’adjoint au maire.
18 Les discussions à huis clos se sont tout d’abord concentrées sur l’avis juridique de l’avocat du Canton. Le Conseil en a examiné le contenu, et l’a discuté. Les membres du Conseil ont dit à mon Bureau que le maire avait dirigé la discussion et que le consultant RH avait conseillé le Conseil et l'avait aidé à interpréter l’avis juridique relativement aux politiques de ressources humaines et aux questions d’emploi.
19 Le premier sujet de discussion a été la série de courriels envoyés par le Conseil après la démission de la trésorière. Le Conseil a examiné et discuté un avis juridique sur la pertinence de ces courriels en vertu des règles des réunions publiques. Il a aussi examiné les méthodes de communication électronique du Conseil en général. Durant cette discussion, le Conseil a voté de présenter la motion suivante sur les communications électroniques, durant sa séance publique :
« IL EST RÉSOLU QUE le Conseil ordonne que les membres du Conseil ne tiennent pas de discussions par courriel, au téléphone, en téléconférence ou par voie électronique en présence d’un quorum des membres qui fait avancer de façon importante la prise de décision du Conseil, car de telles discussions constitueraient une réunion à huis clos illégale du Conseil. »
20 Le Conseil a ensuite discuté la structure d'interaction et de communication entre le Conseil et le personnel du Canton. Des membres du Conseil et du personnel nous ont dit que le Conseil avait examiné l'avis donné par écrit par l’avocat du Conseil, mais que la discussion avait surtout porté sur les conseils du consultant RH quant à la manière pertinente dont les membres du Conseil devraient demander des renseignements au personnel. Des exemples précis ont été discutés, y compris des cas où des membres du Conseil étaient venus dans les bureaux municipaux et avaient cherché à se renseigner directement auprès du personnel quant aux activités du Canton. La discussion a inclus des rappels aux conseillers qu’ils ne devaient pas discuter des activités du Conseil directement avec le personnel du Canton, et qu'ils devaient adresser leurs questions et leurs demandes d’information au greffier-administrateur.
21 Le Conseil a voté de présenter la motion suivante en séance publique :
« IL EST RÉSOLU QUE le Conseil confirme que les préoccupations concernant le milieu de travail doivent être communiquées par l'entremise des superviseurs au greffier-administrateur, conformément aux politiques de gestion des ressources humaines du Canton et à l’entente collective, s’il y a lieu;
IL EST DE PLUS RÉSOLU QUE le Conseil ordonne à tous les membres du Conseil d’orienter en ce sens les employés qui ont de telles préoccupations. »
22 Le Conseil a ensuite discuté du ton et du contenu des courriels d’un membre identifié du Conseil. La discussion a porté en partie sur l’avis juridique écrit de l’avocat du Canton, qui offrait au Conseil des options pour traiter de la conduite de ce membre du Conseil. Le Conseil a aussi discuté du comportement général de ce membre du Conseil et il a examiné des exemples de sa conduite passée. Selon les membres du Conseil alors présent, une partie importante de la réunion à huis clos a été consacrée à sujet de discussion.
23 Le sujet de discussion suivant a porté sur la gestion des affaires financières du Canton, dans le contexte de la démission de la trésorière. Le Conseil a examiné l’avis juridique sur la démission de la trésorière ainsi que le rôle et les fonctions d'un trésorier municipal en général. À ce stade de la réunion, un membre du Conseil a présenté un rapport au Conseil sur les méthodes de gestion financière du Canton et sur le rôle de ce membre du Conseil dans cette gestion.
24 Le Conseil a ensuite voté de présenter la motion suivante en séance publique, en vue de créer un groupe de travail consultatif sur les finances :
« IL EST RÉSOLU QUE le Conseil ordonne au greffier-administrateur de former un groupe de travail consultatif sur les finances, composé du maire, du président du comité plénier, du greffier-administrateur et du trésorier. »
25 Le Conseil a ensuite discuté d’un logiciel financier particulier pour faire le suivi des dépenses et des comptes municipaux. Des membres du Conseil et du personnel nous ont dit que les discussions avaient visé à déterminer si le Canton devrait utiliser ce logiciel à l’échelle de toute la municipalité. Ils nous ont dit aussi que des préoccupations avaient été soulevées quant au fait que l’adjoint au maire et le maire auraient accès à l’information financière recueillie par ce logiciel, qui donne le détail des dépenses de chaque membre du personnel, alors que les autres membres du Conseil n’auraient pas accès à cette information.
26 Le Conseil a voté de présenter en séance publique une motion visant à enjoindre au personnel d’utiliser ce logiciel financier :
« IL EST RÉSOLU QUE le logiciel financier, développé par l’adjoint au maire conjointement avec d’autres logiciels financiers existants, soit utilisé par le personnel pour compléter le processus de budgétisation et de rapport. »
27 Après avoir repris sa séance publique, le Conseil a approuvé les quatre motions présentées en séance à huis clos.
Analyse
28 Le Conseil s’est retiré à huis clos en vertu des exceptions du « secret professionnel de l’avocat » et des « renseignements privés ».
Application de l’exception des « conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat »
29 L’exception des réunions publiques relative aux discussions de conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat se limite aux cas où des avis d’un conseiller juridique, ou des communications connexes, existent vraiment et font partie de la discussion à huis clos[2]. L’avocat qui communique l’avis juridique ne doit pas forcément être présent à la réunion, mais l’exception ne peut pas être invoquée si aucun avis juridique n’a été communiqué sur le sujet de la discussion à huis clos[3].
30 Durant la séance à huis clos du 17 juillet 2017, le Conseil a examiné l’avis juridique de l’avocat du Canton sur plusieurs sujets. L’avocat du Canton n’était pas présent durant la réunion, mais il a communiqué son opinion par écrit. Selon les membres du Conseil, les discussions à huis clos ont généralement porté sur l’avis juridique; toutefois, nous avons été informés par des membres du Conseil et du personnel que les discussions du Conseil étaient allées plusieurs fois au-delà des sujets de l'avis juridique, et avaient porté sur d’autres questions.
Discussion des courriels des membres du Conseil après la démission de la trésorière
31 Le Conseil a commencé sa séance à huis clos par une discussion sur les courriels échangés entre les membres du Conseil après l’annonce de la démission de la trésorière. Le Conseil a tenu compte d’un avis juridique donné par écrit sur la série de courriels, les règles des réunions publiques, et les communications électroniques en général. Rien n’indique que les discussions du Conseil soient allées au-delà de l’examen de l’avis juridique contenu dans l’opinion communiquée par écrit.
32 Par conséquent, cette partie de la réunion relevait de l’exception des « conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat ».
Discussion sur la structure d’interaction et de communication des membres du Conseil avec le personnel
33 La discussion du Conseil sur la structure d’interaction et de communication du Conseil et du personnel a porté en partie sur l’avis juridique contenu dans l'opinion donnée par écrit sur la bonne gouvernance de la municipalité et sur la démission de la trésorière. Cette partie de la discussion relevait de l’exception des « conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat ».
34 Mon Bureau a été informé qu’après avoir examiné l’avis juridique, le Conseil avait entamé une longue discussion sur les relations générales entre le Conseil et le personnel du Canton, notamment sur la manière dont l’information et les préoccupations devraient être communiquées par le personnel au Conseil, et sur celle dont les membres du Conseil devraient communiquer avec le personnel pour obtenir des renseignements. Des exemples précis ont été donnés de conseillers qui avaient cherché à se renseigner auprès du personnel dans les bureaux du Canton. De plus, le consultant RH a fourni des conseils au Conseil.
35 Mon Bureau a déjà examiné des situations semblables. Dans un rapport au Canton d’Adelaide Metcalfe, mon Bureau a examiné une séance à huis clos tenue en vue d’améliorer les communications entre le Conseil et le personnel[4]. Mon Bureau avait conclu alors que, même si la discussion pouvait contenir des renseignements de nature délicate, dont le Conseil ne voulait peut-être pas discuter publiquement, le sujet ne relevait d’aucune des exceptions aux exigences des réunions publiques.
36 Durant son entrevue, le maire de Lanark Highlands a expliqué aux membres de mon Bureau que la discussion du Conseil sur ses relations générales avec le personnel ne pouvait pas être différenciée de sa discussion ou de son examen de l’avis juridique donné à ce sujet.
37 Dans St. Catharines (City) v. IPCO, 2011, la Cour divisionnaire a conclu qu’il n’est pas réaliste de demander aux conseils municipaux de différencier leurs discussions pour ne discuter à huis clos d'aucun point qui pourrait être discuté en séance publique[5]. Cette décision s’applique à la discussion d’un sujet unique, où il faudrait interrompre la conversation pour différencier l’information.
38 Le cas de St. Catharines se distingue de l’affaire en cause. Bien que l’avis juridique ait pu déclencher la discussion sur l’interaction pertinente entre le Conseil et le personnel, les deux sujets étaient distincts. Le Conseil aurait pu discuter à huis clos de l’avis juridique sur la bonne gouvernance applicable au cas particulier de la démission de la trésorière, puis tenir une réunion publique pour recevoir des conseils de son consultant RH sur les rôles généraux des membres respectifs du Conseil et du personnel.
39 Par conséquent, la partie de la discussion du Conseil qui portait sur l’interaction entre le personnel et le Conseil ne relevait de l’exception des « conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat ».
Discussion du logiciel financier
40 L’avis juridique ne conseillait pas la municipalité quant à savoir si elle devait adopter ou non le logiciel financier dans l’ensemble de ses services administratifs. La discussion du Conseil au sujet de l’utilisation ou de l’installation de ce logiciel financier sur les ordinateurs municipaux ne relevait d’aucune des exceptions aux règles des réunions publiques.
41 Le maire et l’adjoint au maire ont dit aux membres du personnel de mon Bureau que la discussion du Conseil sur le logiciel financier n’était que secondaire par rapport à l’examen de l’avis juridique donné par l’avocat quant à la capacité du Conseil à faire des recommandations sur la gestion des finances de la municipalité.
42 Mon Bureau a conclu que, lors d'une séance à huis clos, il est permis de faire de brèves références à des questions d'une importance vraiment secondaire par rapport à un sujet de discussion plus vaste. Par exemple, dans une lettre au Canton de Leeds et les Mille-Îles, mon Bureau a déterminé que, durant une séance à huis clos, le Conseil avait brièvement fait référence au processus d’embauche d’un DG, tout en discutant de certains employés identifiables, qui étaient candidats au poste de DG intérimaire[6]. Bien que l’examen général du processus d’embauche du DG ne relevait pas des exceptions des réunions publiques, mon Bureau a conclu que dans ce cas ces discussions avaient été vraiment brèves et d'une importance secondaire par rapport à la discussion principale.
43 Dans le cas actuel, la discussion du Conseil sur le logiciel financier n’était ni brève ni secondaire par rapport à sa discussion sur l’avis juridique de son avocat. Des membres du Conseil et du personnel nous ont dit que le Conseil avait tenu une discussion complète sur le logiciel, qui avait compris un débat sur les avantages et les inconvénients d’adopter ce logiciel à des fins administratives dans la municipalité. La discussion s’était terminée par une directive au personnel, lui enjoignant d’utiliser ce logiciel.
44 Par conséquent, la partie de la réunion durant laquelle le Conseil a discuté du logiciel financier ne relevait pas des exceptions des réunions publiques.
Application de l’exception des « renseignements privés »
45 La Loi ne définit pas les « renseignements privés ». Quand nous examinons les paramètres des exceptions des réunions publiques, notre Bureau tient souvent compte de la jurisprudence du Bureau du Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée (CIPVP). Bien que ces cas ne soient pas contraignants pour notre Bureau, ils peuvent être instructifs.
46 Le CIPVP a déterminé que, pour être considérés comme des « renseignements privés », les renseignements doivent porter sur des personnes à titre personnel, plutôt que professionnel, officiel ou commercial[7]. Toutefois, les renseignements communiqués à titre professionnel peuvent être considérés comme des renseignements privés s’ils révèlent quelque chose de nature personnelle au sujet de la personne concernée[8].
Discussion sur la démission de la trésorière
47 Une partie de la discussion à huis clos a porté sur la démission de la trésorière. Mon Bureau a conclu précédemment qu’une discussion sur le prochain départ à la retraite d’un employé municipal constituait des renseignements personnels, qui relèvent de l’exception des « renseignements privés »[9]. Les démissions et les départs à la retraite signifient que les employés quittent leur emploi, ce qui est intrinsèquement personnel.
48 Par conséquent, la partie de la discussion du Conseil qui portait sur la démission de la trésorière relevait de l’exception des « renseignements privés ».
Discussion sur des questions soulevées dans la démission de la trésorière, envoyée par courriel
49 Le Conseil a discuté de questions soulevées dans les courriels de la trésorière au sujet du rôle joué par un certain membre du Conseil dans la gestion financière du Canton. Cette discussion s’est déroulée en vertu de l’exception des renseignements privés. Au cours de la discussion, le Conseil a examiné un rapport préparé par le membre du Conseil en question, qui contenait des renseignements sur son rôle dans la gestion financière du Canton.
50 En général, les discussions sur la conduite d'un membre du Conseil dans l’exercice de ses fonctions sont considérées comme étant de nature professionnelle, et ne relèvent pas de l’exception des « renseignements privés »[10]. Toutefois, les renseignements donnés à titre professionnel peuvent être considérés comme des renseignements privés s’ils révèlent quelque chose de nature personnelle au sujet de la personne concernée, ou s’ils ont trait à un examen minutieux de sa conduite[11].
51 Dans une lettre à la Municipalité de Temagami, mon Bureau a conclu que le Conseil avait le droit de discuter à huis clos d’une plainte contre un membre du Conseil, car le personnel n’était pas certain alors si ce membre du Conseil agissait à titre professionnel ou personnel durant l’incident qui avait donné lieu à la plainte[12]. De même, dans une lettre concernant une réunion à huis clos tenue par la Ville d’Elliott Lake, mon Bureau a conclu que la discussion à huis clos au sujet d’allégations non prouvées selon lesquelles un membre du conseil aurait violé la confidentialité, relevait de l’exception des « renseignements privés ». Dans cette affaire, les allégations n’avaient ni fait l’objet d’une enquête, ni été rendues publiques, et elles constituaient donc des renseignements privés sur ce membre du conseil[13].
52 Dans le cas actuel, la discussion du Conseil sur la participation d’un conseiller à la gestion financière du Canton se rapportait au rôle professionnel de ce conseiller. La discussion a porté sur des renseignements hypothétiques, et a comporté un examen minutieux de la conduite du conseiller, qui allait au-delà de son rôle officiel en tant que membre du Conseil. Par conséquent, l’information discutée par le Conseil constituait des renseignements privés à propos de ce membre du Conseil.
53 La discussion du Conseil relevait donc de l’exception des « renseignements privés ».
Discussion de la conduite d’un second membre du Conseil
54 Le Conseil a reçu et examiné un avis juridique concernant le ton et le contenu de courriels envoyés par un second membre du Conseil à la suite de la démission de la trésorière. Cette partie de la discussion du Conseil relevait de l’exception des « conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat ».
55 Une grande partie de la discussion du Conseil à ce sujet s’est écartée de l’avis juridique et a porté sur l’examen du comportement passé d’un membre du Conseil, sur sa personnalité et sur sa conduite générale.
56 Comme nous l’avons souligné précédemment, une discussion au sujet d’une personne à titre professionnel peut prendre un caractère plus personnel si elle fait un examen minutieux de sa conduite.
57 Dans un rapport à la Ville d’Elliot Lake, mon Bureau a conclu qu’une discussion à huis clos sur le comportement et la personnalité de certains membres d'un comité était autorisée[14]. Certes, la discussion avait d’abord porté sur le comportement de certains membres, à titre officiel, mais elle avait ensuite mené à un examen approfondi de leur conduite personnelle.
58 Dans le cas actuel, la discussion du Conseil s’est concentrée sur l’examen minutieux de la conduite et du comportement d’un certain membre du Conseil. Par conséquent, cette partie de la discussion a pris un caractère plus personnel, et relevait donc de l’exception des « renseignements privés ».
Questions de procédure
Voter à huis clos
59 La Loi sur les municipalités ne permet de voter durant une réunion dûment tenue à huis clos que dans des circonstances restreintes, pour traiter de questions de procédure ou pour donner des directives à des employés ou à des dirigeants municipaux.
60 J’ai conclu que le Conseil n’était pas en droit de discuter de sa structure d’interaction et de communication avec le personnel en séance à huis clos. Par conséquent, le Conseil n’était pas en droit de voter durant la séance à huis clos en vue de présenter la résolution suivante durant sa séance publique :
« IL EST RÉSOLU QUE le Conseil confirme que les préoccupations concernant le milieu de travail doivent être communiquées par l'entremise des superviseurs au greffier-administrateur, conformément aux politiques de gestion des ressources humaines du Canton et à l’entente collective, s’il y a lieu;
IL EST DE PLUS RÉSOLU QUE le Conseil ordonne à tous les membres du Conseil d’orienter en ce sens les employés qui ont de telles préoccupations. »
61 Le Conseil n’était pas non plus autorisé à discuter de l’adoption d’un logiciel financier particulier durant sa séance à huis clos, et il n’était donc pas en droit de voter à huis clos pour présenter la motion suivante en séance publique :
« IL EST RÉSOLU QUE le logiciel financier, développé par l’adjoint au maire conjointement avec d’autres logiciels financiers existants, soit utilisé par le personnel pour compléter le processus de budgétisation et de rapport. »
Résolution pour se retirer à huis clos
62 Le paragraphe 239 (4) de la Loi exige que la résolution présentée pour se retirer à huis clos comprenne la nature générale de la question à examiner. Le règlement de procédure de la ville comporte des exigences équivalentes.
63 La Cour d’appel a ainsi statué dans Farber c. Kingston (City)[15]:
« … la résolution adoptée pour se retirer à huis clos devrait donner une description générale de la question à examiner d’une manière qui maximise l’information accessible au public, sans pour autant nuire à la raison d’exclure le public. »
64 Mon Bureau a aussi recommandé que les conseils municipaux donnent plus de détails de fond dans les résolutions autorisant les séances à huis clos. Par exemple, dans l’examen fait par notre Bureau en 2015 sur des réunions à huis clos dans la Municipalité de South Huron, nous avons souligné que la résolution du Conseil « devrait donner une brève description du sujet à examiner à huis clos »[16].
65 Dans ce cas actuel, la résolution adoptée par le Conseil pour se retirer à huis clos le 17 juillet 2017 incluait la description générale suivante : « Communication et structure du Conseil et du personnel. »
66 Compte tenu de la durée de la réunion et de la variété des sujets discutés par le Conseil, la description n’a pas donné de renseignements utiles au public sur les questions qui allaient être discutées à huis clos.
Ordre du jour de la réunion
67 L’ordre du jour de la séance à huis clos comportait un seul point inscrit comme sujet de discussion : « Communication et structure du Conseil et du personnel. »
68 En fait, la discussion à huis clos a porté sur diverses questions qui n’étaient pas inscrites à l’ordre du jour.
69 Bien que la Loi sur les municipalités n’exige pas que le public soit informé d’avance des détails d’une réunion à huis clos, il est préférable à titre de pratique exemplaire, et dans l’intérêt de la transparence, d’énumérer tous les points de discussion à l’ordre du jour avant la réunion[17].
Règlement de procédure, article 5.5.5
70 L’article 5.5.5 du règlement de procédure du Canton stipule que les seules questions qui peuvent être examinées lors d’une réunion extraordinaire sont celles inscrites à l’ordre du jour de cette réunion. En discutant de points qui n’étaient pas inclus à l’ordre du jour de la réunion à huis clos, le Conseil a violé le règlement de procédure du Canton.
Compte rendu des réunions à huis clos
71 Le paragraphe 239 (7) de la Loi exige qu’une municipalité consigne, sans remarques, toutes les résolutions, décisions et autres procédures lors de ses réunions.
72 Le procès-verbal de la discussion à huis clos du Canton était très court, et seuls les sujets de discussion y étaient donnés. Aucun renseignement sur la teneur des discussions à huis clos n’était indiqué.
73 Bien que la Loi sur les municipalités interdise d’inclure « des remarques » dans un compte rendu officiel, l’obligation de conserver un compte rendu des réunions devrait être interprétée dans l'esprit des dispositions relatives aux réunions municipales, qui visent à accroître l'ouverture, la transparence et la responsabilisation du gouvernement municipal.
74 La réunion du 17 juillet 2017 a duré plus de quatre heures. Pourtant, le procès-verbal n’indique que cinq sujets de discussion, sans aucun détail ni aucune description des questions de fond et de procédure discutées, sans référence au moindre document examiné. Certes le procès-verbal indique les motions adoptées et les directives données au personnel, mais il ne précise pas quand les motions ont été présentées.
75 Comme indiqué dans un rapport de mon Bureau sur des réunions du Conseil du Canton de South Bruce Peninsula[18], le compte rendu d’une réunion à huis clos devrait faire référence aux points suivants :
-
lieu de la réunion;
-
moment où la réunion a commencé et a été levée;
-
personne qui a présidé la réunion;
-
personnes présentes à la réunion, avec référence spécifique au greffier ou autre responsable chargé du compte rendu de la réunion;
-
indication de tout participant parti ou arrivé durant la réunion, avec mention de l’heure de départ ou d’arrivée;
-
description détaillée des questions de fond et de procédure qui ont été discutées, avec référence à tout document examiné;
-
toute motion, avec référence à la personne qui l’a présentée et à celles qui l’ont appuyée;
-
tous les votes, et toutes les directives données.
Enregistrement sonore
76 Le Canton ne fait pas d’enregistrement audio ou vidéo de ses réunions publiques, ni de ses réunions à huis clos. En l’absence d’un compte rendu détaillé de la discussion à huis clos, et vu la durée du huis clos que nous avons examiné, j’encourage fermement le Canton à faire des enregistrements audio ou vidéo des délibérations du Conseil. C’est le moyen le plus clair et le plus accessible de permettre aux enquêteurs chargés des réunions à huis clos de procéder à un examen, et de contribuer à ce que les responsables ne s’écartent pas de leurs obligations juridiques durant les réunions à huis clos.
Opinion
77 Mon enquête a conclu que le Conseil du Canton de Lanark Highlands a enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités et le règlement de procédure du Canton quand il a discuté d’un logiciel financier et de la structure d’interaction et de communication du Conseil avec le personnel, lors d’une séance à huis clos le 17 juillet 2017.
78 De plus, comme ces parties de la discussion du Conseil n’étaient pas permises en séance à huis clos, le Conseil n’était pas en droit de voter à huis clos sur les résolutions visant à présenter en séance publique une motion liée au logiciel financier, ni une motion liée aux préoccupations du personnel quant aux communications sur les relations de travail.
79 Le Conseil a enfreint l’article 5.5.5 du règlement de procédure du Canton quand il a discuté de points qui n’étaient pas inclus à l’ordre du jour de la réunion à huis clos.
Recommandations
80 Je fais les recommandations suivantes pour aider le Canton de Lanark Highlands à s’acquitter de ses obligations en vertu de la Loi et à renforcer la transparence de ses réunions.
Recommandation 1
Tous les membres du Conseil du Canton de Lanark Highlands devraient s’acquitter avec vigilance de leurs obligations individuelles et collectives pour garantir que le Conseil et ses comités assument leurs responsabilités en vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités et du règlement de procédure.
Recommandation 2
Le Canton de Lanark Highlands devrait veiller à ne discuter d’aucun sujet en séance à huis clos, sauf si le sujet relève clairement de l’une des exceptions légales aux exigences des réunions publiques.
Recommandation 3
Le Canton de Lanark Highlands devrait veiller à ce que ses votes à huis clos sont conformes au paragraphe 239 (6) de la Loi de 2001 sur les municipalités.
Recommandation 4
Le Canton de Lanark Highlands devrait veiller à ce que ses résolutions pour se retirer à huis clos donnent une description générale de la question à discuter d’une manière qui maximise les renseignements accessibles au public, sans nuire à la raison d’exclure le public.
Recommandation 5
Le Canton de Lanark Highlands devrait veiller à ce que tous les points de discussion soient inscrits à l’ordre du jour, avant la réunion.
Recommandation 6
Le Canton de Lanark Highlands devrait veiller à ce que les comptes rendus de ses réunions soient complets et reflètent avec exactitude toutes les questions de fond et de procédure qui ont été discutées.
Recommandation 7
Le Canton de Lanark Highlands devrait prendre pour habitude de faire des enregistrements audio ou vidéo de ses séances à huis clos.
Rapport
81 Le Canton de Lanark Highlands a eu la possibilité d’examiner et de commenter une version préliminaire de ce rapport. Nous avons tenu compte de tous les commentaires que nous avons reçus pour préparer ce rapport final.
82 Mon rapport devrait être communiqué au Conseil du Canton de Lanark Highlands et mis à la disposition du public dès que possible, au plus tard lors de la prochaine réunion du Conseil.
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Paul Dubé
Ontario Ombudsman
[1] Ombudsman de l’Ontario, Enquête sur une plainte à propos d’une réunion du Conseil du Canton de Leeds et les Mille-Îles tenue par courriels en février 2016 (septembre 2016), en ligne.
[2] Ombudsman de l’Ontario, « Gouverner la municipalité dans la furtivité », Enquête sur la réunion à huis clos du Conseil du Canton d’Emo le 8 avril 2008 (janvier 2009), en ligne.
[3] Ombudsman de l’Ontario, Enquête sur une plainte à propos de réunions à huis clos tenues par la Ville de Timmins les 8 et 29 août 2016 (janvier 2017), en ligne, et Ombudsman de l’Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil de la Ville de Port Colborne a tenu des réunions à huis clos illégales le 8 mars 2010, le 27 janvier 2014 et le 8 décembre 2014 (novembre 2015), en ligne.
[4] Ombudsman de l’Ontario, Enquête sur des réunions à huis clos tenues par le Conseil du Canton d’Adelaide Metcalfe en juillet et août 2012 (mars 2013), en ligne.
[5] St. Catharines (City) v. IPCO, 2011 ONSC 2346 (CanLII) au paragraphe 42.
[6] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario au Canton de Leeds et les Mille-Îles (8 septembre 2016), en ligne.
[7] Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletOrdonnance MO-2204 (22 juin 2007), en ligne : CIPVP.
[8] Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletOrdonnance MO-2519 (29 avril 2010), en ligne : CIPVP.
[9] Ombudsman de l’Ontario, Enquête sur une plainte à propos d’une réunion à huis clos tenue par le Conseil de la Ville de Timmins le 27 juin 2016 (janvier 2017), en ligne.
[10] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario à la Municipalité de Temagami (9 février 2017) en ligne.
[11] Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletOrdonnance MO-2519 (29 avril 2010), en ligne : CIPVP.
[12] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario à la Municipalité de Temagami (9 février 2017) en ligne.
[13] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario à la Ville d’Elliot Lake (8 septembre 2014), en ligne.
[14] Ombudsman de l’Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil de la Ville d’Elliot Lake a tenu des réunions à huis clos illégales en avril 2015 (octobre 2015), en ligne.
[15] Farber v. Kingston (City), 2007 ONCA 173 au paragraphe 21.
[16] Ombudsman de l’Ontario, Enquête sur des réunions à huis clos tenues par le Conseil de la Municipalité de South Huron (février 2015), au paragraphe 58, en ligne.
[17] Ombudsman de l’Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil du Canton de Woolwich a tenu des réunions à huis clos illégales en août 2014, et janvier et février 2015 (juin 2015), en ligne.
[18] Ombudsman de l’Ontario, Conflit ouvert (7 juillet 2010), en ligne.