Commentaire : « FAITES BLOC!!! »
@Beebs_D, 20 août 2012
Il y a une blague qui circule de temps à autre parmi le personnel des établissements correctionnels. En gros, la voici :
Question : Combien d’agents faut-il pour faire culbuter un contrevenant dans les escaliers?
Réponse : Aucun. Il est tombé.
John Jones, When Loyalty Gets in the Way of Honesty[21]
246 Comme le montrent les récits faits dans ce rapport, la « loi du silence » est un facteur persistant et récurrent dans les cas de recours à une force excessive. Fondamentalement, c’est un encouragement social tacite pour le personnel à cacher des renseignements qui pourraient avoir des répercussions négatives sur un collègue. Comme dans le milieu policier, les pressions exercées pour garder le silence, et même pour mentir afin de protéger un collègue, peuvent être prévalentes et pernicieuses dans le secteur correctionnel, où la sûreté et la sécurité personnelles dépendent souvent du soutien des autres agents. Comme l’a déclaré récemment une juge au Québec, les gardiens de prison font parfois preuve d’une « attitude sclérosée de solidarité »[22] quand ils doivent témoigner contre des collègues.
247 Cette « loi » règne dans les établissements de toute la province, aussi bien dans les petites prisons locales que dans les grands centres de détention. En novembre 2010, une note d’information de l’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle a avisé le sous-ministre des Services correctionnels que la loi du silence avait un impact important sur l’achèvement en temps voulu de ses enquêtes.
248 Certains membres du personnel correctionnel nous ont dit que la loi du silence appartenait au passé et que son importance avait régressé. Selon eux, les agents ne sont plus prêts à mettre leur poste en danger pour protéger des collègues. Un haut responsable syndical a catégoriquement nié que les agents hésitent à parler ou qu’il existe un sens accru de la loyauté menant à des camouflages. De plus, certains responsables ministériels que nous avons interviewés ont contesté l’existence de la loi du silence dans le milieu correctionnel actuel.
249 Par contre, de nombreux agents correctionnels ont volontiers admis que l’instinct de garder le silence et de « faire bloc » avec les collègues continuait de faire intégralement partie de la culture dans le milieu correctionnel. Voici ce qu’a dit un agent, qui comptait 30 années de service :
C’est dur, parce que dans n’importe quel secteur où on dépend de quelqu’un pour sa propre protection, on va le protéger aussi. Et parfois, si quelqu’un ne fait pas les choses correctement à 100 %, on va continuer de le protéger parce qu’on a besoin de sa protection. Et puis… on ne veut pas moucharder…
250 Le chef d’un grand établissement nous a dit aussi que la loi du silence continuait d’être « un moyen déterminé et systémique pour les agents correctionnels de protéger d’autres agents correctionnels ». Il a déclaré connaître des cas où des menaces de mort et de violence physique avaient été proférées contre des personnes qui avaient dit la vérité, défiant ainsi la loi du silence :
Actuellement, il y a parmi nous des gens gravement sociopathes qui portent notre uniforme et qui n’ont aucun problème à faire payer ceux qui brisent la loi du silence.
251 Plusieurs membres du personnel correctionnel à qui nous avons parlé, dont des hauts responsables d’établissement, ont reconnu que la loi du silence n’influençait pas seulement les agents correctionnels mais aussi les chefs. Notre enquête l’a confirmé, car elle a révélé divers moyens par lesquels les chefs des services correctionnels renforcent la loi du silence. Certains contribuent au secret de la collusion en acceptant des rapports d’incident mal rédigés ou en omettant d’enquêter avec rigueur sur un incident. Dans le cas d’Albert, le détenu, des hauts responsables ont négligé d’examiner les photographies accablantes de ses blessures. Dans celui de George, autre détenu, des chefs ont accepté inconditionnellement des rapports d’incident, alors qu’ils ne répondaient même pas aux normes minimales. Dans certains cas, les responsables donnent au personnel l’occasion de s’entendre, comme dans le cas de Brian, le détenu, où la chef des opérations a laissé les agents impliqués préparer leurs rapports d’incident ensemble. Certains peuvent même aider les membres du personnel à accorder leurs témoignages, comme dans le cas de Frank, le détenu, où un sous-chef d’établissement adjoint a permis à un agent de regarder la vidéo de l’incident avant de témoigner.
252 Dans certains cas aussi, des chefs peuvent contribuer activement et délibérément à dissimuler un incident, comme dans le cas d’Edward, le détenu, où le chef intérimaire des opérations et d’autres membres du personnel avaient camouflé l’incident et tenté de persuader Edward de ne pas porter plainte. De même, dans le cas de Frank, un groupe de chefs des opérations avait essayé de cacher ce qui s’était passé et dans celui d’Helen, le chef des opérations concerné avait occulté les faits par crainte de représailles de la part d’un agent correctionnel influent.
253 Historiquement, la loi du silence est une réalité bien concrète du milieu correctionnel. Comme l’a noté un juge en 2004, lorsqu’il a déclaré coupables trois agents du Centre de détention de l’Est de Toronto, pour agression sur un détenu :
Tous les agents correctionnels ont parlé de leur peur d’être considérés comme des « mouchards », et de leur crainte de briser « la loi du silence » en raison de possibles représailles – pouvant aller jusqu’à les forcer de quitter leur établissement. C’est pourquoi les rapports d’incident ne sont pas faits bien souvent, et pourquoi les gardiens qui violent les règles ne sont pas dénoncés au personnel de gestion… Les règles sont enfreintes tous les jours, nécessairement, pour accomplir le travail. Cet aspect de la culture au CDET semble appuyer et même encourager certains individus à prendre des mesures disciplinaires, contrairement aux règlements, accroissant ainsi les risques d’incidents comme celui-ci[23].
254 Les décisions de la Commission de règlement des griefs, qui statue sur les conflits entre le syndicat représentant les agents correctionnels et le Ministère, ont souvent indiqué que la loi du silence était problématique. Elles ont mentionné que des membres du personnel menaçaient des collègues pour les inciter à « faire bloc » et elles ont fait allusion à la peur constante d’être considéré comme un « mouchard ». Voici ce qu’un membre de la Commission a noté dans une décision :
Les preuves démontraient irréfutablement que la loi du silence est puissante et omniprésente dans beaucoup d’établissements du ministère des Services correctionnels… quand un agent correctionnel fait preuve d’une grave inconduite au travail – comme une agression contre un détenu maîtrisé et obéissant – … [la loi du silence contraint] les agents correctionnels à fermer les yeux et à ignorer ce qui s’est passé, dans une tentative très regrettable de protéger des agents correctionnels qui ont abusé de leur pouvoir et de la confiance qui leur a été accordée. C’est tout simplement mal, vu les responsabilités qu’ont les agents correctionnels de protéger les détenus dont ils ont la garde et le contrôle. Mais la loi du silence ne fait pas que permettre à des agents correctionnels de mal se comporter, sans conséquences. Elle fait plus de tort encore : elle punit ceux qu’elle ne devrait pas. Elle punit ceux qui osent venir dire la vérité[24].
255 Les agents correctionnels sont tenus de coopérer avec l’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle en vertu de l’article 22 de la Loi sur le ministère des Services correctionnels. Le sous-ministre adjoint des Services en établissement nous a déclaré qu’il est du devoir des agents correctionnels de dire la vérité immédiatement, et non pas après coup quand une allégation a été portée, et qu’ils sont passibles de sanctions disciplinaires. La politique du Ministère sur la conduite et la discipline du personnel avertit les employés qu’ils ne doivent ni entraver une enquête, ni dissimuler, détruire, cacher ou refuser des renseignements exigés légalement par un inspecteur. La politique les met aussi en garde contre la falsification des dossiers, le harcèlement et les comportements menaçants, notamment envers des collègues, et l’omission de signaler des actes d’agression ou des agressions présumées, des traitements dégradants, des négligences et toute autre forme de violence.
256 Cependant, le pouvoir de la loi du silence et les conséquences pour ceux qui la brisent ne sauraient être sous-estimés. Dans le monde carcéral, les dénonciateurs sont appelés des « mouchards ». Ils sont traités comme des exclus, des parias. Tant que le personnel n’aura pas l’assurance d’un soutien du Ministère, et qu’il ne sera pas convaincu que ses intérêts seront protégés, sa loyauté restera divisée. Comme nous l’a dit un chef d’établissement, le Ministère ne fait pas suffisamment pour protéger ceux qui disent la vérité.
257 Dans plusieurs dossiers, la Commission de règlement des griefs a suggéré que le Ministère devrait s’attaquer plus directement et plus efficacement au problème de la loi du silence. Comme l’a écrit un vice-président de cette Commission dans une décision :
… L’employeur devra peut-être élaborer une stratégie plus exhaustive et plus rationnelle en ce qui concerne son approche de cette loi. Il ne peut pas prétendre faire preuve d’autorité morale… présentant cette loi… comme un obstacle à la justice et à l’intégrité dans les Services correctionnels, puis être perçu… comme assez indifférent à l’égard de son application[25].
258 Dans une autre décision similaire, un vice-président a écrit qu’il faudrait un effort concerté et soutenu de la part du personnel de gestion du Ministère et du syndicat pour régler le problème de la loi du silence :
Le personnel de gestion doit considérer ses responsabilités à cet égard… Il devra peut-être reconsidérer son approche envers la loi du silence et se demander si elle est efficace. Dans le cas présent, un certain nombre d’agents correctionnels ont été suspendus de leurs fonctions, en partie pour avoir rédigé des rapports trompeurs et pour avoir menti durant l’enquête, c.-à-d. pour avoir suivi la loi du silence. Cependant, une fois leur période de suspension terminée, ces agents ont repris leur travail normal et leur vie normale… Il n’en a pas été de même pour les trois personnes qui ont osé parler. Pour elles, les répercussions ne sont pas terminées[26].
259 Les retombées d’un bris de la loi du silence peuvent être dévastatrices pour ceux qui disent la vérité, comme la Commission de règlement des griefs l’a souligné dans un autre dossier :
Ils seront probablement qualifiés de mouchards et généralement ostracisés. Ils seront souvent harcelés de diverses façons, à l’intérieur et à l’extérieur de leur établissement. Il se peut qu’ils découvrent que le seul moyen de remédier au stress dû à cette appellation de mouchard soit de changer d’établissement ou de renoncer à leurs fonctions dans les services correctionnels[27].
260 Les cas de Frank et d’Helen montrent que les employés des services correctionnels qui brisent la loi du silence sont méprisés et menacés, et qu’ils courent des risques de sécurité personnelle pour « avoir mouchardé » leurs collègues. Un chef des opérations dans une prison du nord nous a expliqué qu’il avait écrit des rapports exacts d’incidents de recours à une force excessive, mais que la peinture de son véhicule avait ensuite été rayée et qu’il avait trouvé des mots haineux sur son casier.
261 Une agente correctionnelle nous a dit avoir reçu des menaces au téléphone, chez elle, après avoir fait un rapport disant qu’elle avait été témoin d’un recours à une force excessive contre un détenu. Elle a déclaré que même son chef l’avait réprimandée, l’accusant de « créer des problèmes », quand elle lui avait signalé la première fois l’incident.
La vie d’un « mouchard » – Ian, un agent correctionnel
262 Ce qui est arrivé à l’agent correctionnel Ian montre clairement le dilemme auquel se trouvent confrontés les agents qui brisent la loi du silence. Ian a travaillé en tant qu’agent correctionnel pendant près de 25 ans. Il a exercé son métier dans plusieurs établissements, le plus récemment au Centre de détention de l’Ouest de Toronto. Nous l’avons rencontré pour la première fois en novembre 2011, lors de nos entrevues avec des agents correctionnels sur les recours à une force excessive en milieu carcéral. Il nous a alors parlé de la stigmatisation des « mouchards » mais il a dit rester confiant, pensant qu’il pourrait faire un rapport exact de tout cas de recours à une force excessive dont il serait témoin. Sa résolution a été mise à l’épreuve peu après, le 6 décembre 2011, quand il a vu un agent correctionnel gifler un détenu sans motif légitime durant une fouille pour recherche d’armes. Tout d’abord, aucun des quatre agents présents, dont Ian, n’a mentionné cette gifle dans son rapport d’incident. Mais ayant écouté sa conscience, Ian est finalement allé voir son chef d’établissement. Huit jours après l’incident, il a soumis un addendum à son rapport, mentionnant cette gifle. Le dossier a été transmis à l’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle, en vue d’une enquête.
263 Dans son rapport sur cet incident, l’Unité a observé que les quatre agents impliqués avaient échangé leurs rapports initiaux respectifs, et qu’il était courant pour eux de soumettre leurs rapports au représentant syndical avant de les remettre au personnel de gestion. La situation a été aggravée par la conduite d’un chef des opérations qui n’a interrogé aucun des agents concernés à propos de l’allégation de recours à une force excessive faite par le détenu. De plus, ce chef a permis à Ian, délégué syndical en chef de sa section locale, d’agir à titre de représentant syndical pour les trois autres agents.
264 Ian a admis à l’Unité que le groupe s’était ligué pour s’assurer que tous étaient « sur la même longueur d’onde… et dignes de confiance ». Il a aussi indiqué qu’après avoir dit la vérité sur ce qui s’était passé, il avait été tourné en dérision par ses collègues et que l’un d’eux l’avait accusé en lui disant « tu as vendu ton âme au diable ». Les trois autres agents ont continué de nier que le détenu ait été giflé. Le Ministère les a suspendus de leurs fonctions puis les a renvoyés tous les trois, y compris le président de la section locale du syndicat. Ian, le seul agent correctionnel qui avait dit la vérité, a reçu une lettre de réprimande. Il a aussi souffert de plus graves répercussions – mais dans son cas, sa punition lui est venue de ses collègues.
265 Ian s’est adressé à notre Bureau après des mois de harcèlement et d’intimidation de la part de ses collègues. Dans sa lettre de plainte, il a dit sans ménagement :
J’ai brisé la « loi du silence » qui existe entre les agents correctionnels et maintenant j’en paie le prix, voilà. Je suis à présent considéré comme un « mouchard »…
266 Ian nous a expliqué qu’après avoir été témoin de la gifle fatidique, il avait vainement tenté de convaincre ses collègues de dire la vérité. Quand il a finalement osé raconter honnêtement ce qui s’était passé, il a aussitôt été exclu. Tout d’abord, des pressions ont été faites sur lui pour qu’il présente un grief alléguant qu’il avait été contraint de coopérer avec le personnel de gestion. Quand il a refusé, la situation s’est aggravée. Ses collègues l’ont chassé de leurs conversations, lui ont lancé de mauvais regards, se sont moqués de lui et lui ont tourné le dos quand il entrait dans une pièce. Durant les pauses, ils lui ont dit « va-t’en » et l’ont obligé à s’asseoir tout seul. Puis des notes sont apparues dans des endroits bien visibles de l’établissement : une feuille sur laquelle était écrite « LES GARDIENS EN 1er » a été épinglée sur le babillard, une affiche officielle a été gribouillée avec ces mots « LES GARDIENS EN PREMIER » et une autre avec cette inscription « LE DIABLE QU’ON NE CONNAÎT PAS ». Les auteurs sont restés anonymes et ils n’ont pas nommé Ian, mais le message lui était clairement destiné. Deux agents qui avaient tout d’abord soutenu Ian lui ont dit de ne plus venir dans leur bureau. Quelqu’un les avait avertis, leur disant « vous vous faites repérer parce que vous donnez refuge à un mouchard ».
267 Ian a informé le personnel de gestion de ces faits. Il a aussi déposé plainte en vertu de la politique de prévention de la discrimination et du harcèlement sexuel en milieu de travail. Des hauts dirigeants de l’établissement nous ont dit qu’ils croyaient à la version des faits donnée par Ian. Ils savaient bien qu’il était ostracisé et tourmenté pour avoir brisé la loi du silence, mais ils ne pouvaient pas y faire grand-chose. Il était difficile d’identifier les coupables et il n’y avait pas de preuves suffisantes pour justifier des mesures disciplinaires envers d’autres. Tout ça se résumait surtout à des « on-dit » et les harcèlements étaient souvent indirects, subtils et anonymes. En outre, il y avait l’enquête indépendante sur sa plainte en vertu de la politique de prévention de la discrimination et du harcèlement sexuel en milieu de travail – qui n’a pas toujours pas été instruite.
268 Jusqu’à présent, dire la vérité a effectivement coûté à Ian un emploi qu’il était fier d’exercer, mettant sa carrière entre parenthèses. Après des mois d’exclusion sociale et de mépris, il a finalement quitté son établissement en congé administratif payé. Notre Bureau ayant alerté les hauts dirigeants ministériels de sa situation critique, le Ministère a redoublé d’efforts pour lui trouver un autre emploi approprié. Des hauts dirigeants de l’établissement ont reconnu que la réputation d’Ian, maintenant connu comme briseur de la loi du silence, le suivrait probablement partout où il irait dans le système correctionnel. Pendant des mois, Ian est resté chez lui, payé à ne rien faire, le cœur brisé – victime d’un système social complètement dysfonctionnel où l’honnêteté peut coûter terriblement cher. Récemment, il a obtenu un poste administratif dans un autre ministère.
269 Le sous-ministre adjoint des Services en établissement nous a dit que le Ministère offrait un soutien aux agents qui expriment des craintes de représailles pour avoir donné des renseignements exacts sur des cas de recours à une force excessive. Le Ministère a transféré certains agents dans d’autres établissements, mais le sous-ministre adjoint a fait remarquer que c’était parfois « difficile, car ils vont travailler avec d’autres agents correctionnels » dans un milieu où les nouvelles sur les violations de la loi du silence se répandent vite et loin. En outre, certains agents peuvent être réticents à changer d’établissement. Le sous-ministre adjoint a ajouté que le Ministère avait aussi offert de transférer certains membres du personnel dans d’autres ministères, et de les soutenir dans le cadre du programme d’aide aux employés – leur donnant même une protection à domicile.
270 Depuis janvier 2010, le Ministère a reçu des plaintes de quatre agents correctionnels, dont Ian, disant qu’ils avaient été menacés pour avoir brisé la loi du silence dans des cas de violences contre des détenus. Trois avaient participé à l’incident dont Helen, la détenue, avait été victime. Ces trois agents sont restés en poste à la Prison de Sarnia, mais le Ministère leur a dit d’aviser directement le chef d’établissement de toute crainte de représailles et il leur a donné un numéro spécial d’appel pour la police locale. Le Ministère leur a aussi offert le soutien du Programme d’aide aux employés de la fonction publique de l’Ontario. Dans le cas d’un agent, la Police provinciale de l’Ontario a aussi fait une évaluation des menaces.
271 Certaines des personnes que nous avons interviewées nous ont dit que la loi du silence était un sujet tabou pour le Ministère. Certains responsables ont minimisé l’importance de cette loi ou ont refusé d’en reconnaître l’existence. Nous avons appris que des responsables ministériels avaient même suggéré à l’occasion que l’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle élimine ou reformule toute référence à la loi du silence dans ses rapports. Bien que certains puissent contester l’existence ou l’importance de cette loi dans les établissements correctionnels de l’Ontario, les preuves obtenues lors de mon enquête montrent qu’elle est bien en vigueur, et profondément enracinée dans le milieu correctionnel. De toute évidence, cette loi joue un rôle crucial dans les cas de recours à une force excessive. Elle favorise la violence contre les détenus, car elle permet aux membres du personnel correctionnel de se défouler de leurs frustrations contre ceux dont ils ont la garde, étant convaincus que leurs collègues les soutiendront et cacheront leurs actes répréhensibles. De plus, la loi du silence punit les employés honnêtes, qui risquent de compromettre leur propre bien-être personnel en ne s’y conformant pas.
272 Comme le montre le cas d’Helen, la détenue, l’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle a le pouvoir d’enquêter sur les allégations d’intimidation des témoins. Le Ministère a récemment montré sa volonté de prendre des mesures strictes quand de telles allégations sont corroborées. Mais la situation est plus trouble quand les représailles pour un non-respect de la loi du silence prennent la forme d’une accumulation journalière de gestes de mépris, de regards hostiles, de chuchotements et d’affronts. Il y a aussi les cas plus insidieux où le personnel correctionnel tarde à venir en aide à ceux qui ont brisé la loi du silence.
273 La Loi sur la santé et la sécurité au travail stipule que les employeurs doivent prendre des mesures pour prévenir le harcèlement au travail. De plus, la politique de prévention de la discrimination et du harcèlement sexuel en milieu de travail, du gouvernement de l’Ontario, prévoit des enquêtes en cas d’intimidation et d’autres actes de conduite inappropriée de la part des employés. Le ministère des Services gouvernementaux veille à l’application de cette politique, en vertu de laquelle le personnel correctionnel peut porter plainte pour intimidation par des pairs, comme dans le cas d’Ian, l’agent correctionnel. Malheureusement, cette option n’est pas d’un grand secours quand le harcèlement est anonyme ou subtil.
274 Le sous-ministre adjoint des Services en établissement nous a concédé que la loi du silence existait. Il a déclaré que la formation était importante pour faire comprendre aux agents leurs responsabilités et leur obligation de rendre des comptes, ainsi que les conséquences de cette loi et le soutien offert aux victimes de représailles. Il nous a dit que, depuis le début de notre enquête, il avait personnellement émis des notes de service à l’intention du personnel correctionnel, visité des établissements et fait des allocutions pour souligner la politique de tolérance zéro aussi bien pour les recours à une force excessive que pour les représailles envers ceux qui osent parler. Il a ajouté que le Ministère continuait de lutter contre cette loi en imposant des sanctions disciplinaires aux agents qui dissimulent des renseignements et en installant des caméras de surveillance pour réduire les occasions d’inconduite.
275 Le Ministère a aussi évoqué d’autres mesures qu’il met en œuvre actuellement pour remédier à l’intimidation par des pairs. Sa Déclaration de principes déontologiques prévoit des remontrances en cas de menace, harcèlement, discrimination, humiliation et traitement dégradant envers des détenus et des collègues. Elle souligne le devoir de protéger ceux qui pourraient s’exposer à des représailles pour avoir signalé un comportement répréhensible. Alors que nous rédigions ce rapport, le Ministère préparait un nouveau Code de conduite. L’ébauche que nous avons vue traitait notamment de divers comportements du personnel, comme ne pas venir régulièrement au travail, participer à des grèves illégales, faire mauvais usage des ressources de technologie de l’information, avoir des contacts avec des criminels connus et commettre des crimes, entre autres des agressions. Ce nouveau Code de conduite interdit notamment la discrimination, le harcèlement, les menaces ou les intimidations et il encourage le personnel à faire des rapports exacts et immédiats sur les actes répréhensibles. Cependant, ni la Déclaration de principes déontologiques, ni l’ébauche du Code de conduite ne font spécifiquement référence à la loi du silence.
276 Le Ministère a aussi émis une politique sur les menaces contre le personnel des services correctionnels et autre personnel, qui donne des directives sur les rapports à faire, les avis à communiquer à la police et les autres mesures à prendre en cas de menaces. Le 9 juillet 2012, le directeur de la Direction du soutien opérationnel et administratif a émis une note de service à l’intention des directeurs régionaux qui faisait référence à la politique, définissait clairement les attentes envers le personnel relativement à toute intimidation ou toute menace, et il a demandé qu’elle soit communiquée au personnel correctionnel. Le 19 septembre 2012, le sous-ministre adjoint des Services en établissement a fait circuler une note de service à l’intention de tout le personnel soulignant que chaque acte présumé de violence en milieu de travail commis par « un détenu, un membre du public, un travailleur ou une autre personne » doit être signalé au chef ou au superviseur, qu’une enquête sur l’incident doit être faite immédiatement et que la police doit être avisée. Cette note de service comportait un lien vers la politique sur les menaces. Cependant, bien que la politique s’applique clairement aux actes d’agression, de menace ou d’intimidation des détenus contre le personnel correctionnel, elle ne fait aucune mention des menaces provenant de pairs. De plus, les notes de service et directives associées font uniquement référence aux menaces faites par des détenus et d’anciens détenus contre le personnel. Il n’y a aucune mention de la loi du silence.
277 Le Ministère a son propre programme de prévention de la violence en milieu de travail, qui traite de cette question grâce à des évaluations officielles des risques. Malheureusement, là encore, l’outil d’évaluation ne fait aucune référence explicite aux harcèlements ou aux autres moyens que le personnel emploie pour faire respecter la loi du silence.
278 Actuellement, l’impulsion de camoufler les recours à une force excessive semble presque automatique chez beaucoup de membres du personnel correctionnel. Tant que le Ministère ne fera pas d’efforts concertés pour lutter directement contre la loi du silence, elle continuera probablement de régner et de compromettre la sécurité des détenus et des employés correctionnels en Ontario. Bien que le Ministère ait fait des efforts en ce sens récemment, il doit prendre des mesures plus cohérentes, plus directes et plus puissantes pour faire échec à la loi du silence. Il ne s’agit pas là d’un problème isolé, que devrait régler chaque établissement au niveau local. Cette loi est très répandue, complexe et insidieuse. L’objectif d’éradiquer la loi du silence de tous les établissements correctionnels en Ontario doit venir du plus haut niveau de la conscience ministérielle et doit être poursuivi sans relâche.
279 Tout d’abord, des directives écrites claires, sous la forme de notes de service, de politiques et d’autres communications, doivent être données au personnel, lui signifiant que la loi du silence – à laquelle certains membres du personnel font référence par l’expression « faire bloc » – ne sera pas tolérée. Le Ministère devrait expressément faire savoir que le personnel qui omet de divulguer des renseignements sur une agression contre un détenu, ou qui participe à une tentative de représailles contre ceux qui ne se plient pas à la loi du silence, s’expose à des sanctions disciplinaires allant jusqu’au congédiement. Cette directive doit venir de haut, pour signaler la gravité du problème et le sérieux de la volonté ministérielle à l’éradiquer.
Recommandation 1
Le sous-ministre des Services correctionnels devrait émettre une directive à l’intention de tout le personnel correctionnel l’avisant que la loi du silence ne sera pas tolérée et que tous ceux qui se taisent face à elle, ou qui prennent des mesures pour l’appliquer, feront l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’à inclure le congédiement.
Recommandation 2
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait modifier son ébauche de Code de Conduite, sa politique sur les menaces contre le personnel des services correctionnels et autre personnel, et son Programme de prévention de la violence en milieu de travail, afin de faire spécifiquement référence à la loi du silence et aux mesures en place pour le personnel victime de son application.
280 Le Ministère devrait aussi immédiatement instituer une pratique exigeant que les établissements correctionnels avisent la haute direction en cas d’allégations de représailles à la suite d’un bris de la loi du silence. Les établissements locaux ne devraient pas devoir régler seuls ces plaintes. Le Ministère devrait s’assurer que ces cas sont transférés à un niveau supérieur, examinés en profondeur, et font rapidement l’objet d’une enquête par une tierce partie en vertu de la politique de prévention de la discrimination et du harcèlement sexuel en milieu de travail, ou par d’autres moyens. Comme l’ont montré les enquêtes de l’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle, une enquête officielle indépendante peut souvent mieux faire ressortir la vérité qu’un examen local fait par le personnel de gestion de l’établissement.
Recommandation 3
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait s’assurer que sa haute direction est informée de toute allégation de représailles pour bris de la loi du silence, que ces cas sont traités rapidement et soumis à une enquête indépendante prompte et approfondie.
281 Le Ministère devrait aussi faire plus d’efforts afin d’aider les agents qui sont exposés à des représailles pour avoir brisé la loi du silence. Les hauts dirigeants au sein du Ministère doivent être les premiers responsables de la résolution de ce problème. Ils ne devraient pas laisser aux administrateurs locaux le soin de protéger les membres du personnel qui en souffrent et de trouver d’autres emplois pour eux. Dans toute la mesure du possible, le Ministère devrait s’efforcer d’expulser définitivement du système correctionnel ceux qui se livrent à des représailles contre des collègues, au lieu de muter leurs victimes. Bien sûr, je comprends que, pour des raisons de sécurité, il peut n’y avoir d’autre option que d’extraire les victimes d’un environnement professionnel empoisonné. Par conséquent, le Ministère devrait prendre des mesures proactives, au sein de son organisme et dans d’autres entités provinciales, pour donner aux agents correctionnels ainsi touchés des possibilités réalistes de trouver un autre emploi convenable. Les personnes qui sont victimes de harcèlement au travail pour avoir brisé la loi du silence ne devraient pas avoir à rester indéfiniment en congé forcé.
Recommandation 4
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait garantir que ses hauts dirigeants, au sein du Ministère, sont les premiers à assumer la responsabilité d’aider les agents victimes de représailles pour bris de la loi du silence, qu’ils s’efforcent d’expulser du système correctionnel les employés qui se livrent à de telles représailles, et qu’ils font activement des recherches pour trouver d’autres postes aux victimes, le cas échéant.
282 Il est fort utile de faire partager les leçons tirées d’événements réels. Le Ministère devrait prendre l’initiative de donner au personnel des exemples de cas de loi du silence et de souligner les conséquences d’une inconduite à cet égard. Certes, le personnel peut apprendre par le bouche à oreille quelles mesures disciplinaires ont été prises envers ceux qui se sont pliés à la loi du silence ou l’ont fait respecter. Mais il serait bon que le Ministère mette officiellement en garde son personnel. Sans forcément identifier les contrevenants par leur nom, le Ministère devrait nommer et discréditer les actes d’inconduite, pour souligner l’objectif de tolérance zéro.
Recommandation 5
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait régulièrement fournir à tout le personnel correctionnel des renseignements sur les mesures d’action qu’il a prises, dans des cas individuels, pour remédier à la loi du silence.
283 Je comprends bien qu’il ne sera pas facile au Ministère de s’attaquer à la loi du silence. Mais parfois, pour apporter des changements culturels, il faut prendre des mesures radicales. Le climat actuel du milieu correctionnel résulte d’une longue évolution et, depuis trop longtemps, on l’a laissé gangréner.
284 Les initiatives prises par le Ministère pour remédier aux recours à une force excessive – et à la loi du silence qui les occulte si souvent – ne peuvent réussir que dans la mesure où les employés correctionnels sont ouverts aux changements. La plupart de ces employés travaillent dans le système correctionnel depuis des décennies. Leurs coutumes et leurs pratiques sont probablement ancrées dans leur vie et il se peut que beaucoup résistent aux tentatives que fera le Ministère pour changer le cours des choses. Pour garantir le respect des politiques et procédures du Ministère sur l’application appropriée de la force, il serait peut-être plus facile de former de nouvelles recrues, non contaminées par la culture du secteur correctionnel, mais le Ministère n’a engagé aucun agent correctionnel parmi le grand public depuis 2010.
285 Des membres du personnel correctionnel nous ont dit qu’en raison du manque de rigueur des précédentes méthodes de recrutement du Ministère, celui-ci avait parfois engagé des personnes qui ne devraient pas travailler dans le milieu correctionnel. Il s’est trouvé que certains agents correctionnels avaient des affiliations criminelles, ou étaient coupables de contrebande dans les établissements correctionnels. Voici ce que nous a dit un chef d’établissement :
Certains membres du personnel sont des criminels. Ils ne sont pas uniquement criminels parce qu’ils font de la contrebande. Ils le sont aussi parce qu’ils font payer toute personne qui ose briser la loi [du silence].
286 Nous avons entendu parler d’un cas extrême datant de juillet 2009, dans lequel un agent correctionnel de la Prison de North Bay s’était arrangé pour que des collègues attaquent un détenu accusé d’avoir sexuellement agressé un membre de la parenté de cet agent. L’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle a corroboré cette conspiration, en s’appuyant en partie sur des messages textes probants concernant l’organisation de ce passage à tabac. Cinq membres du personnel ont été licenciés, dont le chef d’établissement adjoint.
287 Le Ministère a conçu un programme d’actualisation du recrutement, pour attirer des agents correctionnels de plus haut niveau, en se servant d’outils perfectionnés de recrutement, d’évaluation et de sélection, permettant par exemple de faire des vérifications plus complètes des antécédents et des capacités psychologiques et physiques. Cependant, ce programme n’est pas encore complètement en place.
288 En 2010, pour remédier à d’importants manques de personnel, 80 personnes ont été engagées à titre conditionnel – sans passer par le processus standard de recrutement et d’évaluation. Quand des tests de sécurité et d’antécédents ont été effectués, ils ont révélé que quatre de ces personnes ne convenaient pas au secteur correctionnel – dont l’une en raison de ses contacts avec un gang de motards.
289 En 2012, 80 agents correctionnels titulaires et 72 agents contractuels qui avaient travaillé dans les services à la jeunesse ont été transférés du ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse, sans passer par le processus perfectionné d’embauche, ne recevant qu’une formation de « conversion » d’un peu plus de deux semaines.
290 Le Ministère nous a dit qu’il commencerait à recruter de nouveaux candidats à des postes d’agents correctionnels en mars 2013 et qu’il espérait commencer leur formation à l’automne. Il a affiché des offres d’emploi pour 80 postes contractuels au Centre de détention du Sud de Toronto en mars 2013. Il compte engager et former 100 recrues d’octobre 2013 à mars 2014, 200 en 2015, et continuer ensuite à renforcer les effectifs. Le Ministère nous a dit que ces augmentations lui permettront de réduire les coûts d’heures supplémentaires et les isolements cellulaires, ainsi que d’offrir de meilleurs programmes aux détenus – tout ceci dans l’espoir de réduire les tensions et les situations qui exigent un recours à la force dans les établissements.
291 L’injection d’un sang nouveau dans le système correctionnel donnera au Ministère l’occasion de renforcer l’application des tactiques défensives pertinentes, ainsi que de ses révisions de politiques et procédures. Ceci dit, le Ministère devrait aussi s’assurer que tout programme d’orientation inclut des directives sur des cas précis de recours à une force excessive et de loi du silence. Les histoires d’incidents réels, incitant à la précaution, peuvent donner de puissants enseignements. Les recrues devraient recevoir des exemples des conséquences qui ont découlé de découvertes de cas de recours à une force excessive et de dissimulations – incluant des mesures disciplinaires, des congédiements et des poursuites criminelles. Elles devraient aussi être informées de ce qu’elles doivent faire en cas de harcèlement ou de pressions de la part de leurs collègues pour qu’elles se plient à la loi du silence.
Recommandation 6
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait s’assurer que toutes les nouvelles recrues reçoivent des instructions sur les incidents liés à un recours à une force excessive et à l’application de la loi du silence, incluant des renseignements sur les sanctions disciplinaires et les conséquences pénales d’une telle inconduite. Il devrait aussi leur faire savoir comment demander de l’aide en cas de pressions visant à faire respecter la loi du silence.
292 Dans les incidents de recours à la force, les rapports préparés par les membres du personnel impliqués et les témoins apportent des preuves requises pour évaluer si la force était raisonnable ou excessive. Cependant, la valeur probante de ces rapports est bien souvent compromise car les membres du personnel se consultent les uns les autres. Par exemple, quand Brian, le détenu, a été blessé, deux agents correctionnels ont rédigé leur rapport ensemble, pendant qu’un chef des opérations les observait. Dans le cas de Frank, autre détenu, trois chefs des opérations ont discuté comment rendre compte de l’incident. Et l’agent qui avait agressé Helen a montré son rapport à d’autres, tentant d’influencer les preuves que ceux-ci allaient donner. De toute évidence, les rapports préparés ainsi ne sont pas fiables. Même dans les cas moins controversés, le risque est grand que les rapports préparés en groupe reflètent un consensus, au lieu de retracer individuellement les faits tels qu’ils ont été perçus par chacun.
293 En réponse aux préoccupations signalées par mon Bureau et par l’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle à propos de la qualité des rapports faits dans les établissements, le Ministère a émis une nouvelle politique de rédaction des rapports en mars 2012, ainsi que des conseils et des directives. Au printemps 2012, il a aussi instauré un programme de perfectionnement dans la rédaction des rapports, pour tous les agents correctionnels. En janvier 2013, plus de 90 % des agents correctionnels avaient déjà été formés aux nouvelles normes.
294 La politique du Ministère n’interdit pas expressément au personnel de rédiger des rapports en groupe. En revanche, le nouveau matériel de formation souligne que les agents devraient écrire leur propre rapport et éviter de les préparer ensemble. À la rubrique « Écrivez votre propre rapport », un guide de référence indique ceci :
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Le rapport d’incident est une déclaration complète qui doit être faite par VOUS, décrivant clairement VOS observations et participation en réponse à un problème/un incident.
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Rédigez votre propre rapport d’incident en fonction de ce que VOUS avez vu, entendu, touché, senti, goûté; en fonction de la situation dont vous avez été témoin ou que vous avez observée; et en fonction de ce que vous avez fait et de ce que vous avez vu d’autres faire.
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Quand vous avez vécu une situation avec d’autres agents, ne collaborez pas délibérément avec eux pour produire des rapports identiques. Rédigez votre propre rapport.
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Si votre rapport d’incident est utilisé au tribunal, ou lors d’une enquête, votre crédibilité et celle de votre rapport seront rapidement réduites à néant si un enquêteur ou un avocat peut prouver que VOUS n’avez pas vraiment observé ou vu les faits que vous avez rapportés dans votre rapport d’incident[28].
295 Malgré les efforts récents du Ministère pour améliorer les méthodes de rédaction des rapports, les enquêteurs de mon Bureau ont été informés que la préparation de rapports en groupe et les échanges sur la teneur de ces documents continuent de se faire dans les établissements.
296 Un agent correctionnel nous a parlé très ouvertement de cette pratique. Il nous a dit que les agents discutaient régulièrement des incidents de recours à la force avant de rédiger leur rapport, pour « être tous sur la même longueur d’onde » et pour vérifier les faits. Un chef de la sécurité dans un établissement nous a dit qu’il avait découvert des membres du personnel en train de copier mutuellement leurs rapports, allant même jusqu’à copier-coller certaines parties en se servant d’un ordinateur. Quand des rapports lui semblaient identiques, il est allé jusqu’à vérifier leur nombre de mots respectif et à questionner le personnel sur cette uniformité suspecte. Un inspecteur de l’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle que nous avons interviewé nous a dit qu’il avait vu plusieurs cas où les rapports d’incident semblaient écrits à partir d’un même modèle – leurs seules différences étant les noms des agents.
297 Dans son rapport du 20 juin 2012, le chef de la surveillance et des enquêtes a recommandé que le Ministère élabore une politique stipulant que les parties impliquées dans des incidents de recours à la force soient séparées, quand ceci s’avère faisable sur le plan de la logistique, jusqu’à ce que leurs rapports d’incident soient terminés. Il a recommandé que, dans les établissements plus petits où il pourrait ne pas être pratique d’isoler les membres du personnel, ceux-ci devraient recevoir strictement l’ordre de ne pas communiquer à propos d’un incident jusqu’à l’achèvement des rapports d’incident, du processus d’examen local et de toute enquête ultérieure. Le Ministère s’est engagé à commencer de mettre en œuvre ces recommandations au printemps 2013.
298 Isoler le personnel impliqué dans un incident jusqu’à l’achèvement d’une enquête est un processus semblable à celui suivi dans les situations où des gens sont gravement blessés ou tués lors d’interactions avec la police. En Ontario, les règlements en vertu de la Loi sur les services policiers stipulent que les policiers impliqués dans de tels incidents doivent être isolés et leur interdisent de communiquer, directement ou indirectement, avec tout autre collègue concerné, tant que l’Unité des enquêtes spéciales n’a pas terminé ses entrevues. Ces règles permettent de réduire les possibilités que les récits des témoins soient influencés – consciemment ou non – par des échanges de renseignements. Elles sont tout aussi sensées dans le contexte correctionnel, et je suis ravi de voir que le Ministère prend cette voie. Je suivrai de près son engagement à apporter ce changement de procédures.
Recommandation 7
Le Ministère devrait instaurer une politique stipulant que les membres du personnel correctionnel impliqués dans un incident de recours à la force doivent rester isolés pendant qu’ils rédigent leurs rapports d’incident et s’abstenir de communiquer les uns avec les autres, directement ou indirectement, à propos de l’incident jusqu’à la fin de toute enquête interne ou externe à cet égard.
299 Pour leur défense, certains agents nous ont expliqué que, comme ils rédigent généralement leurs rapports dans la même salle du personnel, il leur est presque impossible d’éviter les contacts les uns avec les autres. Ils nous ont aussi dit qu’ils n’avaient pas suffisamment de temps ou pas suffisamment accès à des ordinateurs pour que chacun rédige le rapport personnel détaillé qu’exige maintenant le Ministère. Certes, la politique ministérielle a toujours enjoint au personnel de faire des rapports d’incident complets en cas de recours à la force, mais ce n’est que récemment que le Ministère a commencé à imposer des sanctions plus strictes pour faire respecter les règles quant aux rapports d’incident.
300 Pour être juste envers les membres du personnel responsables de rédiger ces rapports, le Ministère devrait reconsidérer les ressources mises à leur disposition afin de s’assurer qu’ils ont l’accès à la technologie et le temps requis pour remplir leurs rapports conformément aux normes imposées.
Recommandation 8
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait reconsidérer les ressources mises à la disposition des membres du personnel correctionnel et s’assurer qu’ils disposent de la technologie adéquate et du temps nécessaire pour faire des rapports complets sur les incidents de recours à la force.
301 Bien que l’isolement et l’interdiction de partager des renseignements probants soient des précautions importantes, leur efficacité peut se trouver compromise par l’ingérence de représentants syndicaux. Ian, l’agent correctionnel, a témoigné que le personnel du Centre de détention de l’Ouest de Toronto montrait régulièrement ses rapports à ses représentants syndicaux, avant de les remettre au personnel de gestion. En outre, Ian avait été autorisé à agir en tant que représentant syndical de trois collègues, alors que ceux-ci étaient interrogés par un chef à propos d’un incident auquel lui-même avait participé. Dans le cas d’Albert, le détenu, l’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle a constaté que le représentant syndical avait divulgué aux témoins des rapports d’incident faits par d’autres membres du syndicat, avant leurs entrevues, ce qui pouvait entacher leurs preuves et nuire à l’enquête.
302 Récemment, le Ministère a pris des mesures pour restreindre l’accès aux rapports faits en établissement. Le 12 janvier 2012, le sous-ministre adjoint des Services en établissement a fait circuler une note de service à tous les chefs d’établissement, soulignant que les rapports d’incident et d’infraction sont la propriété du Ministère et qu’il est interdit d’en faire des copies pour des raisons personnelles, de les reproduire pour les garder personnellement ou de les transmettre à quiconque, sans l’autorisation écrite du chef d’établissement. Les chefs d’établissement ont aussi reçu l’ordre de veiller à ce que tous les membres du personnel prennent connaissance de ces exigences, à inclure aux ordres permanents de l’établissement. Le 15 octobre 2012, le sous-ministre adjoint du Soutien opérationnel a communiqué d’autres instructions aux directeurs régionaux et aux chefs d’établissement sur la sécurisation et le stockage des rapports d’incident. Néanmoins, la possibilité subsiste que des représentants syndicaux influencent la préparation des rapports et le processus d’enquête, en divulguant des renseignements délibérément ou par inadvertance.
303 Quand des membres du personnel consultent leurs représentants syndicaux à propos de leurs rapports, avant de les achever ou de les remettre officiellement, le risque existe qu’un représentant syndical suggère des changements ou modifie le rapport d’une autre manière. Récemment, la Cour d’appel de l’Ontario s’est penchée sur les répercussions des consultations entre policiers et avocats dans des cas soumis à l’Unité des enquêtes spéciales[29]. La Cour a souligné qu’il était fondamentalement important pour la fiabilité et l’intégrité des preuves d’un policier que ses notes reflètent uniquement sa version personnelle des faits. Elle a conclu que la participation des avocats à la préparation des notes pouvait influencer la manière dont les policiers rédigeaient leurs rapports et a rendu un jugement déclaratoire disant que les policiers impliqués dans une enquête de l’UES n’aient pas le droit de faire approuver leurs notes par un avocat, ou de se faire aider par lui pour les préparer. La même logique s’applique au système correctionnel et aux recours à la force. Le Ministère devrait expressément interdire aux membres du personnel de discuter la teneur de leurs rapports avec quiconque, y compris avec un représentant syndical ou un avocat, durant le processus de rédaction.
Recommandation 9
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait modifier sa politique de rédaction des rapports pour interdire à tout le personnel correctionnel de conférer avec quiconque au sujet de la préparation des rapports en établissement, sauf pour répondre à des demandes de clarification durant un examen interne fait par le personnel de gestion ou une enquête externe sur les incidents de recours à la force.
304 Dans mes deux rapports d’enquête sur l’Unité des enquêtes spéciales – Une surveillance imperceptible (2008) et Le sabordage de la surveillance (2011)[30] – j’ai exprimé mes préoccupations au sujet des avocats qui représentent plusieurs policiers impliqués dans des causes examinées par l’Unité des enquêtes spéciales. Retenir conjointement les services d’un avocat dans ces circonstances contourne les règles de l’isolement ainsi que les interdictions de communication en vertu de la Loi sur les services policiers, étant donné que les avocats ne sont pas en droit de dissimuler des renseignements à leurs clients.
305 En novembre 2012, le Barreau du Haut-Canada a communiqué un avis au secteur juridique, déconseillant fortement la représentation conjointe des policiers dans ces situations et faisant cette observation : « Il est difficile de concevoir comment des policiers qui ne doivent pas avoir de contact les uns avec les autres peuvent être représentés correctement par un même avocat. »
306 Bien que les agents correctionnels soient en droit de demander l’aide de leur syndicat lors des enquêtes sur le recours à la force, il faut concilier ce droit avec la nécessité de protéger l’intégrité du processus d’enquête et de réduire les risques d’entacher les éléments de preuve.
307 Dans ces cas, le personnel des services correctionnels devrait uniquement être autorisé à communiquer ses rapports d’incident et autres rapports aux représentants syndicaux, et à en discuter avec eux, dans des circonstances bien définies – à savoir quand ces rapports ont déjà été remis au personnel de gestion et approuvés par lui, et avec l’autorisation expresse du chef d’établissement. Dans de telles circonstances, les représentants syndicaux devraient s’engager par écrit à ne divulguer à personne le moindre renseignement obtenu lors de discussions avec des agents correctionnels, ou à la lecture de leurs rapports.
Recommandation 10
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait interdire aux agents correctionnels de communiquer à leurs représentants syndicaux tout renseignement, rapport d’incident ou autre rapport fait en établissement sur les incidents de recours à la force, à moins que ces rapports n’aient été soumis au personnel de gestion et approuvés par lui, que le chef d’établissement n’ait approuvé cette divulgation, et que le représentant syndical ne se soit engagé par écrit à ne pas divulguer à d’autres les renseignements ou les rapports.
308 De plus, le Ministère devrait s’assurer qu’aucun représentant syndical qui a participé à un incident n’est consulté par un autre membre du personnel impliqué dans ce même incident, ou n’agit en son nom.
Recommandation 11
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait ordonner qu’aucun membre du personnel impliqué dans un incident de recours à la force ne soit autorisé à consulter ou à représenter un autre membre du personnel, relativement à cet incident.
309 Enfin, pour réduire les risques de partage indirect de l’information et de rapports par le biais d’un représentant syndical commun, la représentation conjointe de membres du personnel lors des enquêtes sur des incidents de recours à la force devrait être interdite.
Recommandation 12
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait interdire la représentation conjointe d’agents correctionnels lors des enquêtes locales et externes sur les incidents de recours à la force.
310 Dans bien des cas, les agents qui ont utilisé la force contre un détenu sont présents quand celui-ci est interrogé, subit un examen médical, est photographié ou doit faire une déclaration sur ce qui s’est passé. Comme dans le cas d’Edward, le détenu, le personnel peut alors saisir l’occasion de contraindre le détenu à passer un « pacte tacite » ou à renoncer à se plaindre de violence en échange de certaines faveurs. Cette façon de procéder peut aussi avoir des effets paralysants sur des détenus, leur faisant craindre des représailles s’ils s’élèvent contre des agents correctionnels.
311 Dans le cas de Brian, le détenu, l’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle a noté qu’un agent impliqué avait eu un contact « inutile et malavisé » avec Brian, après avoir utilisé la force contre lui. Cet agent était présent quand un infirmier avait examiné les blessures de Brian, puis il avait été seul avec lui à deux reprises et il l’avait surveillé alors que celui-ci changeait de vêtements. Ce même agent était aussi présent quand des photographies avaient été prises des blessures de Brian et quand un chef des opérations avait questionné ce dernier. Il était sur les lieux aussi quand Brian a écrit « Je suis tombé » sur le rapport d’accident. Par la suite, Brian a admis avoir été intimidé par la présence de l’agent et il a dit qu’il avait menti tout d’abord à propos de ce qui s’était passé, par peur de représailles. Voici ce qu’il a déclaré à nos enquêteurs :
J’avais peur et je n’ai pas voulu dire « J’ai été battu ». J’avais peur de ce qui pouvait se passer… Ils étaient là. J’étais devant cette personne et on m’a dit d’écrire une déclaration. La personne qui m’avait battu était là, en face de moi. Bien évidemment, j’avais peur d’être battu de nouveau.
312 Nous avons aussi découvert des cas où la partie réservée à la déclaration du détenu sur le formulaire d’accident était restée vierge. Dans le cas d’Albert, le détenu, ce formulaire avait été rempli par un agent impliqué et il indiquait simplement qu’Albert n’était pas mentalement capable alors de faire de déclaration. De tels rapports sont beaucoup plus persuasifs et crédibles s’ils sont préparés par quelqu’un qui n’a pas d’intérêt personnel quant à la manière de relater l’incident.
Recommandation 13
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait revoir ses politiques sur le recours à la force pour ordonner qu’aucun membre du personnel impliqué dans un incident de recours à la force ne soit présent quand les détenus sont photographiés, sont interrogés par des chefs, font leur déclaration pour le formulaire d’accident ou sont examinés par le personnel de santé.
313 En général, les agents impliqués dans les incidents de recours à la force sont présents aussi quand le personnel de santé remplit sa partie du formulaire d’accident. Cette présence peut causer des pressions subtiles, ou évidentes, sur le personnel de santé alors qu’il note ses observations. Les professionnels de la santé dépendent du personnel correctionnel pour leur sécurité personnelle. Plusieurs infirmiers nous ont dit que, si les membres du personnel correctionnel croient que des infirmiers « ne font pas bloc » ou « ne sont pas de leur côté », ils tardent parfois à leur ouvrir les portes ou à les escorter. Nous avons entendu dire que des agents correctionnels laissaient parfois des professionnels de la santé sans protection, s’éloignant d’eux alors que ceux-ci distribuaient des médicaments aux détenus.
314 Un dirigeant ministériel à qui nous avons parlé nous a fait remarquer que, comme les déclarations sur les formulaires d’accident portent sur des questions médicales, les agents correctionnels ne devraient pas avoir accès à ces formulaires une fois qu’ils sont remplis. Les professionnels de la santé devraient les remettre directement au chef responsable de réunir la documentation sur le recours à la force.
315 En revanche, certains agents correctionnels et certains membres du personnel de santé que nous avons interviewés ont nié que des agents puissent garder rancune à des infirmiers, sous prétexte que ceux-ci ont consigné par écrit des observations véridiques. Des hauts dirigeants d’établissement et du Ministère nous ont aussi dit qu’ils n’avaient jamais envisagé la possibilité que des membres du personnel correctionnel puissent prendre des mesures de rétorsion contre des infirmiers, après avoir vu les déclarations faites par ceux-ci dans des rapports d’accident.
316 Quoi qu’il en soit, une fois que les agents correctionnels impliqués ont rempli leur partie du formulaire d’accident, il n’y a plus aucune raison opérationnelle de leur donner accès à ce formulaire ou aux observations du personnel de santé. Par extrême prudence, le Ministère devrait veiller à ce que les agents impliqués ne soient pas présents quand le personnel de santé remplit les formulaires et qu’ils n’aient pas accès aux formulaires remplis, comprenant les évaluations faites par le personnel de santé.
Recommandation 14
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait veiller à ce que les agents correctionnels impliqués dans des incidents de recours à la force ne soient pas présents quand le personnel de santé remplit les rapports d’accident et qu’ils n’aient pas accès à ces rapports une fois que le personnel de santé a noté ses observations.
317 Les photographies des blessures des détenus constituent des preuves essentielles pour déterminer si une force injustifiée a été employée contre eux. Dans le cas d’Albert, le détenu, les photos de son visage tuméfié et ensanglanté contrastaient radicalement avec les récits de l’incident faits par le personnel correctionnel. Ces preuves irréfutables ont aidé les inspecteurs de l’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle à conclure qu’Albert avait été victime d’un recours à une force excessive.
318 Depuis bien des années, une politique ministérielle exige que des photographies des détenus soient prises après tout incident de recours à la force. Cette politique stipule aussi que d’autres photos doivent être prises dans les 24 à 48 heures, étant donné que certaines blessures comme les enflures, les marques de coups, les balafres et les ecchymoses deviennent plus apparentes après un certain temps.
319 Bien que cette politique soit judicieuse, en théorie, notre Bureau a constaté que ses exigences concernant les photographies sont rarement observées. L’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle a elle aussi identifié plusieurs cas où il n’y avait pas eu de photographies des blessures des détenus, contrairement aux règles. Dans le cas d’Albert, le détenu, l’Unité a découvert que le jeu complet de photos requis n’avait pas été pris après l’incident, et qu’aucune photographie de suivi n’avait été faite des graves blessures de ce détenu. De même, aucune photographie de suivi n’avait été prise des blessures de Brian, autre détenu. Et dans le cas de George, lui aussi détenu, il a fallu 21 jours aux responsables pour prendre les photographies de suivi de ses blessures, qui étaient alors presque guéries.
320 Au début de 2010, notre Bureau a fait part de ses inquiétudes au Ministère à propos du nombre croissant de cas où des employés correctionnels ne se conformaient pas complètement à la politique sur les photographies des blessures des détenus. En réponse, le Ministère a fait circuler une note de service à tous les chefs d’établissement, en mai 2010, leur rappelant les exigences de sa politique. Pourtant, nous avons constaté de nombreuses infractions.
321 Le 27 juillet 2011, le Ministère a envoyé une note de service à tous les établissements sur la qualité des photographies des blessures subies par les détenus. Cette note demandait que chaque établissement désigne un chef des opérations chargé de vérifier la qualité des images numériques. De plus, le Ministère a fait un sondage pour évaluer la qualité des photos prises dans les établissements, partout dans la province. Après avoir évalué les résultats de ce sondage, le Ministère a émis une autre note de service le 18 août 2011, indiquant les normes à suivre pour prendre des photos numériques des blessures des détenus. En novembre 2011, le Ministère a instauré une politique séparée sur les images numériques des blessures des détenus, renforçant les normes à respecter pour photographier ces blessures et stipulant que toutes les images des blessures des détenus doivent être enregistrées numériquement à l’aide d’un équipement standardisé.
322 Bien que le Ministère ait pris des mesures positives pour veiller au respect de cette politique, nous avons découvert que le problème persistait.
323 Le Ministère exige maintenant qu’un disque de photographies en couleur accompagne tout dossier sur les incidents de recours à la force. Cependant, nous avons encore trouvé des photos de blessures de détenus qui étaient de mauvaise qualité, ou qui étaient seulement en noir et blanc, ce qui donnait des images peu claires et presque inutilisables comme preuve.
324 Nous avons aussi trouvé des images non étiquetées de diverses parties du corps, dont il était impossible de vérifier à qui elles appartenaient. Dans sa révision de politique, le Ministère a tenté de remédier à ce problème en prescrivant des règles d’étiquetage pour toutes les images. Nous avons parlé à un établissement qui prépare actuellement des directives locales d’étiquetage. Toutefois, nous continuons de voir des cas où l’identification des photographies des détenus reste problématique.
325 En outre, nous avons été informés que certains membres du personnel correctionnel avaient des difficultés à utiliser le nouvel équipement photographique et connaissaient mal l’ensemble de ses fonctions.
326 Le Ministère devrait veiller à ce que tous les établissements disposent d’une technologie pleinement opérationnelle, capable de répondre aux exigences d’imagerie numérique des blessures des détenus, et qu’ils aient un personnel correctionnel formé à l’utilisation correcte de cette technologie et aux exigences de la politique.
Recommandation 15
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait s’assurer que tous les établissements correctionnels disposent de l’équipement d’imagerie numérique requis pour prendre des photos précises et claires des blessures des détenus, et qu’ils forment le personnel concerné à l’utilisation correcte de cet équipement ainsi qu’aux exigences de sa politique sur les images numériques des blessures des détenus.
327 La pratique qui consiste à faire disparaître toute trace de sang et à obliger les détenus à mettre des vêtements propres avant la prise des photos est aussi préoccupante. Bien sûr, dans certains cas, le nettoyage des parties blessées peut permettre de prendre des photos plus claires des blessures, mais certains dirigeants que nous avons interviewés nous ont dit que cette pratique vise probablement à minimiser l’impact visuel des blessures. Idéalement, s’il faut nettoyer une partie blessée pour avoir une photo plus claire, il faudrait prendre des photos avant et après. De plus, tout vêtement d’un détenu ou tout lieu d’un établissement qui a été endommagé ou souillé lors d’un recours à la force devrait être photographié pour obtenir un relevé plus exact de l’incident.
Recommandation 16
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait exiger que des photographies des blessures des détenus soient prises avant le nettoyage de toute partie blessée, ainsi qu’après, pour obtenir une documentation exacte.
Recommandation 17
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait exiger que le personnel correctionnel prenne, et conserve au dossier, des photographies des vêtements du détenu et des lieux de l’établissement qui ont été endommagés ou souillés lors de tout incident de recours à la force.
328 Pour éviter toute intimidation potentielle des détenus, le personnel impliqué dans un recours à la force contre un détenu ne devrait pas être présent quand on photographie les blessures de ce détenu. Une autre raison de faire cette interdiction est la suivante : un examen des blessures physiques effectué de près peut influencer les souvenirs du personnel correctionnel quant à l’incident, l’incitant à formuler ses déclarations de sorte à expliquer les blessures au lieu de faire un récit indépendant de l’incident.
329 Dans certains cas, les membres du personnel impliqués sont non seulement présents lors de la prise de photographies, mais ce sont eux qui tiennent l’appareil. Le chef des opérations qui avait participé à l’agression de Frank a photographié les blessures de celui-ci, négligeant, comme par hasard, de faire des clichés de ses jambes et de ses chevilles, alors que lui-même avait marché et sauté dessus. Pour justifier cette omission de prendre un jeu complet de photos, il a déclaré : « Il n’y avait pas de blessure visible sur lui, il ne boitait pas ». Alors que nous rédigions ce rapport, ce chef des opérations avait été suspendu de ses fonctions et faisait face à une accusation d’agression criminelle.
330 Le personnel impliqué dans un incident de recours à la force est par définition en conflit d’intérêts. Il a un motif tout naturel de minimiser les blessures d’un détenu et ne devrait aucunement participer à la prise de photos.
Recommandation 18
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait modifier sa politique sur les images numériques des blessures des détenus pour interdire expressément au personnel correctionnel impliqué dans tout incident de recours à la force de prendre des images numériques des blessures des détenus, ou d’être présent lors de la prise des photographies.
331 La politique ministérielle stipule aussi que des photographies doivent être prises de toute blessure subie par des membres du personnel lors d’une interaction avec des détenus. Dans le cas d’allégations de recours à une force excessive, il est courant que le personnel correctionnel dise qu’il a agi en légitime défense. Nous avons découvert des cas où les agents avaient déclaré avoir été attaqués et blessés par des détenus, mais où aucune photographie de leurs blessures n’avait été prise. Par exemple, un agent correctionnel a dit qu’Albert, le détenu, l’avait frappé au visage avec le poing et l’avait blessé à la lèvre – mais cet agent ne s’était jamais fait examiner par le personnel de santé et aucune photo n’avait été prise de ses présumées blessures.
332 L’archivage des images des blessures subies par le personnel lors d’incidents de recours à la force manque aussi de cohérence. Certaines photos sont conservées dans les dossiers relatant les incidents de recours à la force, d’autres pas. Étant donné la pertinence des blessures du personnel dans pareils cas, le Ministère devrait renforcer l’obligation de prendre des photos des blessures du personnel et s’assurer que des exemplaires de ces photos sont conservés dans le dossier de l’incident.
Recommandation 19
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait renforcer l’obligation de photographier les blessures du personnel et exiger que ces photos soient conservées dans le dossier de chacun des incidents de recours à la force.
333 Comme le prouvent clairement certains cas que nous avons examinés, les caméras de sécurité installées dans les établissements correctionnels peuvent fournir des preuves persuasives et irréfutables pour confirmer ou rejeter les allégations de recours à une force excessive. De plus, les caméras vidéo peuvent avoir un effet dissuasif considérable et contribuer à prévenir les actes de violence contre les détenus.
334 Les images vidéo constituent souvent les meilleures preuves dans les cas où le récit d’un détenu contredit de multiples rapports du personnel correctionnel. Par exemple, après avoir regardé la vidéo d’un incident le 6 avril 2010 au Centre de détention d’Ottawa-Carleton, l’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle a déterminé qu’un agent correctionnel avait donné des coups de poing à un détenu, sans être provoqué par lui, avant de le pousser dans sa cellule. Certes, le détenu avait eu un comportement perturbateur et avait refusé de coopérer plus tôt ce matin-là, mais apparemment rien ne justifiait la force captée par les caméras de l’établissement. Les preuves vidéo ont contredit les récits de l’agent qui avait agressé le détenu, et ceux des autres agents correctionnels disant que leur collègue avait agi en légitime défense pour éviter un coup de tête du détenu. Les images vidéo ont montré qu’un agent qui avait corroboré le récit de son collègue regardait ailleurs au moment crucial et n’avait donc pas pu voir ce qui se passait.
335 Dans un incident au Centre de détention de Niagara le 12 août 2010, l’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle a découvert que la vidéo ne concordait pas avec les rapports soumis par le personnel correctionnel. Les agents étaient alors aux prises avec un détenu réticent à changer de cellule, qui rassemblait ses effets avec une lenteur irritante. La vidéo montre qu’un agent correctionnel s’est approché tout près du détenu et lui a soudain donné un coup de tête, le faisant tomber sur son lit, puis l’a frappé à plusieurs reprises. D’autres agents ont été appelés et, dans la mêlée, 12 coups apparents ont été saisis par l’œil de la caméra. Trois agents ont déclaré que c’était le détenu qui avait déclenché le recours à la force en s’approchant agressivement de leur collègue. Cependant, confrontés aux preuves vidéo, deux d’entre eux sont revenus sur leur première version des faits. L’agent qui avait donné le coup de tête a fini par admettre que l’attitude négative du détenu l’avait irrité, qu’il avait pris une mauvaise décision et qu’il avait perdu son sang-froid.
336 Les preuves vidéo ont également joué un rôle déterminant dans la découverte d’un cas de recours à une force excessive au Centre correctionnel du Centre-Est le 19 juin 2011. D’après les rapports du personnel, un agent correctionnel faisait une fouille à nu d’un détenu belliqueux, quand ce dernier lui a soudain jeté son chandail au visage. En réponse, l’agent a ordonné au détenu de se mettre à terre. Quand le détenu n’a pas obéi à cet ordre, l’agent l’a guidé jusqu’au sol à l’aide de son bras droit. Le détenu a continué de résister, d’autres agents sont arrivés et ont aidé à le menotter.
337 L’établissement a analysé la vidéo de l’incident lors de son enquête interne. Les images ont montré que le détenu, qui tournait le dos à l’agent correctionnel, a lancé vers lui son dernier vêtement, soit un chandail – mais le chandail en question était bien loin d’avoir atteint l’agent au visage. Ce que les rapports d’incident ont négligé de dire, mais que la caméra a capté, c’est que l’agent a habilement attrapé ce chandail, s’est approché du détenu, l’a frappé à l’arrière de la tête, l’a saisi sur le devant du cou comme pour l’étrangler, puis l’a forcé à se coucher par terre. Face à ces preuves accablantes, montrant un recours à une force non autorisée, le Ministère a congédié cet agent. Le Service de police de Kawartha Lakes l’a également accusé d’agression criminelle. Un chef des opérations a aussi fait l’objet de sanctions disciplinaires pour sa négligence dans ce dossier. Ses 20 jours de suspension sans solde ont été réduits à 12 jours, à la suite du dépôt de son grief auprès de la Commission de règlement des griefs de la fonction publique.
338 Pour protéger l’intimité des détenus, aucune caméra vidéo n’est installée dans les cellules. Les caméras sont généralement posées sur le périmètre des locaux communs des établissements correctionnels, comme la cour où les détenus vont prendre l’air et faire de l’exercice, ainsi que dans les unités de séjour, les corridors et les parties communes comme les « salles de jour ».
339 Conformément à la nouvelle politique d’enquête du Ministère et au nouveau processus de rapports sur les enquêtes locales, des copies des enregistrements vidéo sur les incidents de recours à la force doivent être incluses dans chaque dossier et examinées durant l’enquête interne. Cette règle s’applique à tous les cas de recours à la force – pas uniquement aux allégations de force excessive.
340 Bien que la politique ministérielle reflète l’importance des preuves vidéo, son application reste freinée par des contraintes pratiques. Des améliorations restent donc à faire dans certains domaines.
Figure 8 : Centre de détention d’Elgin-Middlesex.
Photo fournie par Sun Media.
341 Le sous-ministre adjoint du Soutien opérationnel nous a dit que tous les établissements du Ministère avaient une certaine capacité de vidéosurveillance. Il nous a donné des renseignements sur le nombre de caméras installées dans chacun d’eux. La portée et la qualité de la couverture vidéo varient entre les différents établissements. Certains sont équipés de caméras de « surveillance » qui ne peuvent pas enregistrer d’images pour un visionnement ultérieur. Un chef d’établissement nous a dit qu’aucune caméra de sa prison n’avait de fonction « enregistrement ». En novembre 2011, le chef d’un grand centre correctionnel nous a fait savoir que seulement environ 40 % des caméras de sécurité de son centre pouvaient enregistrer des images.
342 Le nombre et le placement stratégique des caméras diffèrent aussi d’établissement à établissement. Le chef d’une prison nous a dit que les caméras vidéo de son établissement étaient uniquement installées dans les couloirs, les cages d’escalier et les points d’accès, mais pas dans les aires de séjour des détenus. Le chef d’un plus grand centre nous a déclaré que son établissement avait certains « angles morts » en termes de surveillance, où les détenus et le personnel correctionnel pouvaient interagir sans être vus par les caméras.
343 Notre Bureau a reçu des plaintes de détenus alléguant que des membres du personnel correctionnel les emmenaient délibérément hors du champ de surveillance des caméras vidéo avant de recourir à une force excessive. De plus, les rapports de l’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle ont montré que des incidents de recours à une force excessive avaient eu lieu dans des pièces, des ascenseurs et des couloirs sans caméra. C’est ce qui s’est passé lors de l’agression commise sur Colin, le détenu, au Centre de détention d’Ottawa-Carleton.
344 Le type de vidéosurveillance utilisée varie aussi selon les établissements de la province. Certains disposent de nouveaux systèmes de télévision en circuit fermé, mais d’autres n’ont qu’un équipement désuet, qui donne des images de mauvaise qualité, mal définies, parfois indéchiffrables. Plusieurs rapports de l’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle ont souligné les problèmes de qualité des images vidéo. Les enquêteurs de mon Bureau ont rencontré des difficultés similaires dans certains cas.
345 L’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle nous a également dit que les vidéos que lui transmettaient les établissements correctionnels étaient parfois incompatibles avec son équipement. Ce facteur peut retarder les enquêtes. Selon un directeur régional, les problèmes de compatibilité de la technologie vidéo d’un grand centre correctionnel dans son secteur avaient mené à des retards de plusieurs mois dans l’examen de cas de recours à la force.
346 Le Ministère sait qu’il doit renforcer la capacité de vidéosurveillance dans ses établissements. Il y a environ deux ans, il a nommé un responsable qu’il a chargé de faire un inventaire de la technologie vidéo utilisée dans les établissements, partout en Ontario, et de trouver des sources d’équipement approprié. Le Ministère nous a fait savoir qu’il investira jusqu’à 5 millions $ par an au cours des trois prochaines années pour moderniser les systèmes de sécurité et de télévision en circuit fermé dans ses établissements, en installant de nouveaux systèmes ou en perfectionnant l’équipement en place. Il commencera à faire cette modernisation dans les grands établissements où les incidents de recours à la force sont plus fréquents.
347 En 2011-2012, plus de 200 caméras de télévision en circuit fermé ont été posées au Centre de détention de l’Est de Toronto, et des efforts sont en cours pour installer des centaines de caméras dans trois autres centres de détention et dans un centre correctionnel. Le Ministère compte aussi mettre en place des caméras supplémentaires dans trois autres établissements en 2013-2014.
348 Il est encourageant de voir que le Ministère commence à doter ses établissements de meilleurs systèmes de télévision en circuit fermé. Toutefois, je reste préoccupé car certains établissements continuent de disposer d’un matériel insuffisant pour enregistrer clairement sur vidéo les incidents de recours à la force. Le Ministère devrait prendre plus de mesures pour minimiser les occasions qu’a le personnel correctionnel d’avoir des contacts avec les détenus sans être observé, et pour conserver des enregistrements vidéo exacts des échanges entre les détenus et les membres du personnel.
349 À terme, tous les établissements correctionnels devraient être équipés en priorité de systèmes de télévision en circuit fermé, stratégiquement placés pour garantir une observation maximale, capables d’enregistrer exactement les incidents de recours à la force et compatibles avec l’équipement utilisé dans les bureaux régionaux et par l’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle.
Recommandation 20
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait continuer de renforcer la capacité de télévision en circuit fermé des établissements correctionnels, à titre prioritaire, et veiller à ce que ces systèmes :
- soient placés de sorte à permettre une observation maximale des interactions entre les détenus et les membres du personnel correctionnel;
- permettent des enregistrements clairs et précis;
- soient compatibles avec l’équipement utilisé par les bureaux régionaux et par l’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle.
350 Un autre problème quant aux preuves vidéo est que les établissements suivent différentes méthodes d’archivage. Certains recyclent régulièrement leurs vidéos et enregistrent de nouveau sur les bandes. La période durant laquelle les images sont conservées avant un nouvel enregistrement varie selon les habitudes de l’établissement et la capacité de son équipement. Nous avons entendu dire que certains établissements recyclaient régulièrement leurs vidéos après 60 jours, d’autres après 90 jours.
351 Actuellement, la politique ministérielle stipule que des copies des vidéos doivent être conservées dans tout cas de recours à la force, mais les images vidéo ont parfois disparu quand des allégations de recours à une force excessive font enfin surface. En fait, certains membres du personnel correctionnel omettent délibérément, ou par inadvertance, de divulguer les cas de recours à la force. De leur côté, des détenus hésitent parfois à alerter quiconque des violences qu’ils ont subies, par crainte de représailles. Bien souvent, les détenus n’avancent de telles allégations qu’après avoir été libérés, ou transférés dans un autre établissement. Nous avons examiné plusieurs dossiers de ce type. Dans ces cas, où un incident peut remonter à une période très ancienne, les preuves vidéo peuvent revêtir une importance critique. Or, nous avons connaissance d’au moins un cas où les preuves vidéo avaient déjà été détruites quand une plainte a été déposée.
352 Le Ministère devrait adopter une politique officielle pour uniformiser la période durant laquelle les établissements doivent conserver les enregistrements vidéo et pour clarifier dans quelles circonstances les vidéos peuvent être effacées ou réutilisées. Étant donné que les allégations de recours à une force excessive peuvent survenir bien après un incident, les enregistrements vidéo devraient être conservés durant une période raisonnable. Dans la plupart des cas, une période d’archivage de six mois devrait suffire. Le Ministère devrait aussi s’assurer que la technologie installée dans ses établissements est capable de répondre à cette norme.
Recommandation 21
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait élaborer une politique exigeant que tous les établissements correctionnels conservent des copies des enregistrements de vidéosurveillance durant une période identique et raisonnable.
353 Un autre problème soulevé dans les plaintes déposées à notre Bureau a trait aux détenus qui sont agressés par le personnel correctionnel alors qu’ils sont transportés dans des fourgonnettes non équipées de caméra. Un agent correctionnel a reconnu que de telles agressions se produisaient, souvent appelées « passages à tabac, hors caméra » par le personnel.
354 Récemment, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur le cas d’un détenu au Québec. Il était accusé d’avoir proféré une menace après avoir été provoqué délibérément par un gardien de prison, durant son transfèrement entre le tribunal et le pénitencier. Réagissant à la menace, le gardien avait violemment agressé le détenu, qui était enchaîné et menotté, les fers aux pieds, dans une fourgonnette de prison. La Cour a confirmé la suspension des procédures relatives à l’accusation de menace, en raison de l’atteinte aux droits constitutionnels du détenu[31].
355 Pour protéger les détenus de toute violence potentielle durant leur transport, le Ministère devrait s’assurer que tous les véhicules utilisés à cette fin sont munis d’un équipement d’enregistrement vidéo. Plusieurs services de police suivent cette règle, ce qui leur permet de faire un enregistrement exact de toute interaction avec les prisonniers. L’installation de la technologie vidéo dans les fourgonnettes des services correctionnels réduirait les risques d’inconduite de la part du personnel envers les détenus.
Recommandation 22
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait installer des caméras vidéo dans les véhicules utilisés pour transporter les détenus.
356 Pour des raisons de protection de la vie privée, les cellules des détenus ne sont pas équipées de caméra de vidéosurveillance. Or, c’est bien souvent dans ces cellules que le personnel se comporte de manière contestable envers les détenus. Parfois, des caméras installées en dehors d’une cellule parviennent à capter une partie de l’incident mais, souvent, il n’y a pas du tout d’images vidéo. Dans son rapport du 20 juin 2012, s’appuyant sur les méthodes des pénitenciers fédéraux, le chef de la surveillance et des enquêtes a recommandé au Ministère d’exiger que le personnel utilise une caméra portative et un équipement d’enregistrement audio durant tout incident de recours à la force, entre autres quand le personnel entre dans une cellule, quand les détenus réintègrent leurs cellules et quand un traitement médical leur est offert. Cette recommandation semble raisonnable et c’est l’une de celles que le Ministère s’est engagé à appliquer à partir de l’été 2013. Je suivrai les progrès accomplis à cet égard.
Recommandation 23
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait instaurer une politique exigeant que le personnel correctionnel utilise une caméra portative et un équipement d’enregistrement audio durant tous les incidents de recours à la force.
357 Pour que l’initiative ministérielle de perfectionnement des systèmes de télévision en circuit fermé ne perde pas son élan, il serait bon que le Ministère vérifie l’adéquation de ces systèmes, après la mise en place de ses plans d’amélioration. Dans cet objectif, il pourrait vérifier périodiquement les systèmes pour s’assurer qu’ils fonctionnent correctement, enregistrent clairement les événements, sont bien placés et sont compatibles avec la technologie utilisée par les bureaux régionaux et par l’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle.
Recommandation 24
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait faire des vérifications périodiques des systèmes de télévision en circuit fermé dans ses établissements correctionnels, pour s’assurer qu’ils fonctionnent correctement, enregistrent clairement les événements, sont bien placés et sont compatibles avec l’équipement utilisé par le Ministère lors de ses examens et de ses enquêtes sur les cas de recours à la force.
358 Certaines enquêtes de l’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle ont révélé que des membres du personnel correctionnel impliqués dans des incidents de recours à la force avaient regardé la vidéo de l’incident, soit lors de la préparation de leurs rapports, soit avant d’être interviewés par les inspecteurs de l’Unité. Dans le cas de Frank, le détenu, les agents s’étaient réunis pour visionner la vidéo. Dans celui de George, autre détenu, un sous-chef d’établissement adjoint avait autorisé l’auteur de l’agression à regarder la vidéo de l’incident.
359 Il est important que les notes et les témoignages des membres du personnel correctionnel reflètent indépendamment leurs souvenirs personnels des événements. Les vidéos d’un incident ne devraient jamais être utilisées comme une aide dans de telles situations. Si les agents sont autorisés à voir les preuves vidéo pour compléter leurs souvenirs, le risque existe que leurs rapports s’en trouvent influencés indûment et qu’ils cherchent surtout à expliquer les images enregistrées.
360 Pour éviter les risques d’altération des souvenirs des témoins, le Ministère devrait modifier sa politique de rédaction des rapports et ses autres politiques sur le recours à la force pour interdire expressément au personnel correctionnel impliqué dans un incident de recours à la force de regarder la vidéo de cet incident. L’accès aux images vidéo, dans ces circonstances, devrait uniquement être réservé aux chefs d’établissement et aux autres dirigeants qui participent directement à l’enquête sur l’incident.
Recommandation 25
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait modifier sa politique de rédaction des rapports et ses autres politiques sur le recours à la force pour interdire au personnel correctionnel impliqué dans un incident de recours à la force de regarder la vidéo de cet incident et pour s’assurer que l’accès aux vidéos de sécurité est réservé à ceux qui participent directement à l’enquête sur l’incident.
361 Dans le milieu explosif et toujours évolutif du système correctionnel, des situations surviennent inévitablement où un recours à la force s’impose pour maîtriser des détenus. Parfois, il est évident que le recours à la force contre un détenu a été excessif, mais la distinction entre une utilisation appropriée et non appropriée de la force n’est pas toujours facile. L’éducation et la formation sont cruciales pour que les agents et les gestionnaires correctionnels puissent déterminer où se situent les limites.
362 Les agents correctionnels recrutés reçoivent une formation de base au Collège de formation correctionnelle de l’Ontario, qui est géré par le Ministère, avant de pouvoir exercer sur le terrain. Cette formation comprend 12 heures en salle de classe et 24 séances pratiques qui portent sur les tactiques défensives.
363 Le programme de « tactiques défensives » préconise le recours aux techniques de contrainte physique en tout dernier recours, quand la communication et les autres méthodes ont échoué.
364 Les recrues apprennent que la force est utilisée pour maîtriser la situation, et que seul le degré de force requis à cette fin doit être utilisé. Une fois la maîtrise obtenue, tout recours à la force doit cesser.
365 Les agents apprennent aussi que certaines techniques de gestion des détenus sont interdites et qu’ils ne doivent pas utiliser de moyens de contention sur la tête ou le cou d’un détenu, qu’ils ne doivent pas lui attacher les mains aux pieds, et qu’ils ne doivent pas faire de prises pouvant causer la suffocation. Le Collège leur enseigne aussi que certaines positions du corps peuvent être dangereuses, ce qui leur interdit par exemple de maîtriser un détenu en position couchée en exerçant des pressions sur ses épaules, son dos ou le bas de sa colonne vertébrale.
366 Malheureusement, la théorie de l’enseignement ne se traduit pas toujours dans la pratique, une fois que les agents entrent dans le système correctionnel.
367 Dans le cadre de la formation de base donnée par le Collège, tous les futurs agents correctionnels recrutés reçoivent une heure et demie d’instruction sur la manière de désamorcer ou de calmer l’hostilité dans une situation de tension. Voici ce que dit le matériel de formation :
Pour décider d’appliquer la force, il faut s’en remettre à son jugement, en tenant compte d’un certain nombre de circonstances. Cependant, dans tous les cas, l’application de la force doit se faire en tout dernier recours… Dans un très grand nombre de situations, la présence de l’agent, le ton de sa voix, son calme et son comportement professionnel réussiront mieux à contrôler la conduite rebelle du contrevenant que l’application d’une force physique.
368 Les recrues apprennent comment identifier les éléments déclencheurs de leurs propres réactions émotionnelles, pour se maîtriser dans des situations qui risquent de dégénérer. Ils apprennent comment traiter avec des détenus irrités et belliqueux, et ils sont mis en garde de ne pas « mordre à l’hameçon » quand des détenus cherchent à provoquer chez eux une réaction émotionnelle, comme la colère, l’intimidation ou la culpabilité. Le Collège leur donne aussi des conseils pratiques sur les moyens d’éviter l’escalade d’un conflit. Ils apprennent par exemple à ne pas paraître menaçants, verbalement ou physiquement, à ne pas envahir l’espace personnel d’un détenu et à éviter tout contact physique inutile.
369 Malheureusement, une fois que le personnel est sur le terrain, il peut oublier ces leçons essentielles apprises en classe. Dans bien des cas de recours à une force excessive, le dénominateur commun est une menace ou une provocation de la part du personnel correctionnel, qui amorce ou envenime une confrontation avec un détenu.
370 Notre Bureau a été informé de nombreux cas où des agents correctionnels étaient entrés seuls dans une cellule, contrairement aux directives de la politique du Ministère, pour traiter avec des détenus bruyants qui criaient des insultes ou qui se montraient violents verbalement. Généralement, lors du « counseling » fait alors, les agents se tiennent directement face au détenu et envahissent son espace dans une tactique d’intimidation. Cette méthode est complètement contraire à la formation donnée par le Collège et il ne faut pas s’étonner si elle mène souvent à une escalade du conflit.
Mettre des gants – Jason, un détenu
371 Le cas de Jason, un détenu, illustre clairement comment les agents correctionnels peuvent déclencher une réaction agressive par leur comportement provocateur.
372 Le 11 août 2011, Jason était au Centre correctionnel du Centre-Est. Il était en proie à une anxiété grandissante, ne sachant pas où il allait être incarcéré. Il craignait que sa sécurité personnelle ne soit menacée par des détenus de l’unité où il se trouvait. Le personnel l’avait mis dans une salle polyvalente, en attendant de décider où le placer. Dans l’attente de la décision, Jason faisait les cent pas, discutant de temps à autre de la situation avec le personnel correctionnel. Un chef intérimaire des opérations a finalement ordonné que Jason soit transféré dans une autre unité et celui-ci a paru accepter cette décision. Mais au lieu de respecter cette directive, les agents correctionnels l’ont ramené dans le secteur qu’il craignait. Bien évidemment, Jason a refusé de coopérer. Le personnel l’a alors ramené à la salle polyvalente. Les agents ont jeté ses effets par terre, en ont mis certains à la poubelle, ont donné un coup de pied à l’un d’eux pour le lancer vers un mur et – selon Jason – ont brandi certains de ses effets en faisant des commentaires moqueurs. L’agitation de Jason a empiré. Il s’est mis à faire les cent pas et il a enlevé sa combinaison de prisonnier. Il a expliqué ce geste en disant qu’un membre du personnel l’avait menacé, de l’autre côté de la partition de verre, à l’avant de la salle, et qu’il craignait que le personnel ne l’empoigne par sa combinaison pour le malmener.
373 Face à cette escalade du comportement de Jason, les employés correctionnels ont lancé l’alarme, alors que le détenu ne représentait de danger immédiat ni pour lui, ni pour d’autres. Tandis que Jason regardait la scène à travers la vitre, quatre agents correctionnels se sont dirigés vers lui, en enfilant des gants. Par la suite, l’un des agents a expliqué qu’il s’agissait là « d’une démonstration de force » faite pour tenter de calmer Jason. Mais leur action a eu l’effet opposé, comme on pouvait le prévoir. Complètement en état d’alerte, Jason attendait à la porte de la salle, en position de combat. Voici ce qu’il a expliqué à nos enquêteurs :
Je vois que ces types mettent des gants et qu’ils resserrent les rangs pour entrer dans la salle ensemble, alors ce n’est pas pour venir chanter « Kumbaya ». Ces gars-là allaient essayer de me rosser et je n’allais pas me laisser faire. J’allais essayer de me défendre, par tous les moyens possibles … Je les ai avertis… Et ils se sont moqués. C’est ça, ils ont ri et ricané de l’autre côté de la porte.
374 Quand le premier agent est entré dans la salle, Jason était prêt. Il lui a donné un coup de poing, le jetant au sol. Le deuxième agent a connu le même sort. Bientôt, plus de 30 membres du personnel se sont retrouvés sur les lieux. En fin de compte, sept agents ont été blessés en tentant de maîtriser Jason, dont l’un a eu une main cassée. Le personnel correctionnel ignorait que Jason était boxeur professionnel. Jason, lui, est ressorti de l’incident avec quelques égratignures au front et à la cheville gauche.
375 L’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle a enquêté sur cet incident. Elle a conclu que tout cet épisode aurait pu être évité si le personnel avait suivi les directives du superviseur à propos du placement de Jason et avait fait preuve de bon sens, au lieu d’aggraver la situation et de provoquer le détenu qui était déjà agité.
376 Tous les deux ans, les agents correctionnels doivent suivre un programme de perfectionnement professionnel sur plusieurs sujets, entre autres sur les tactiques défensives. Cependant, le programme de perfectionnement sur les tactiques standard ne dit pas comment désamorcer l’hostilité. Seuls les agents correctionnels engagés depuis juillet 2004, et qui sont tenus de suivre une formation d’accompagnateur pour les sorties dans la communauté, sont formés à désamorcer l’hostilité dans le cadre de leur programme de perfectionnement. Cette formation est facultative pour les agents engagés avant juillet 2004, ce qui veut dire que la majorité des agents correctionnels de l’Ontario ne sont pas obligés de la suivre. Environ 66 % de tous les agents correctionnels ont été embauchés avant que la formation d’agent accompagnateur et le perfectionnement connexe ne deviennent obligatoires. Une grande partie de ces agents plus anciens ont choisi de ne pas suivre cette formation. Par conséquent, bon nombre d’agents correctionnels ne reçoivent aucune formation de perfectionnement sur le désamorçage de l’hostilité.
377 Nul ne sait vraiment pourquoi cet élément critique du traitement des prisonniers n’est pas renforcé pour tous les agents des établissements correctionnels de l’Ontario. Le coordonnateur provincial des programmes de recours à la force nous a dit que tous les agents chevronnés devraient suivre une formation actualisée sur cette question. Un autre enseignant du Collège nous a déclaré ceci :
Nous dépensons des millions de dollars, nous passons des heures et des heures à former des gens pour qu’ils sachent comment se défendre. Nous passons bien trop peu de temps à leur apprendre comment transiger avec les gens.
378 Les agents correctionnels, les chefs des opérations et les hauts dirigeants des établissements gagneraient tous à suivre régulièrement une formation sur la désescalade des situations explosives. Accorder plus d’importance à ce type de formation contribuerait certainement à améliorer les pratiques et à renforcer la sécurité des interactions, à la fois pour le personnel et pour les détenus.
Recommandation 26
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait s’assurer que tout le personnel correctionnel, dont le personnel de gestion, reçoit périodiquement une formation sur les moyens de dissiper l’hostilité.
379 La triste réalité est que beaucoup de prisonniers incarcérés dans les établissements pénitentiaires en Ontario souffrent de maladie mentale, de troubles du développement ou d’autres handicaps qui influent sur leur comportement. Quelque 14 000 détenus qui sont entrés dans le système correctionnel de 2011 à 2012 souffraient de problèmes de santé mentale. En raison de leurs déficiences, certains détenus ont un comportement perturbateur, qui résiste ou s’aggrave face aux mesures standard de contrôle. Sans le vouloir, le personnel correctionnel peut provoquer des conflits avec ces détenus, menant inutilement à un recours à une force parfois excessive. Comme l’ont montré les cas d’Albert (dont la maladie mentale était liée à un long historique d’actes violents), de Colin (dont la lésion cérébrale et les troubles psychiatriques présentaient bien des défis pour le personnel correctionnel) et de George (dont l’anxiété à propos du retard de la distribution de ses médicaments avait certainement contribué à sa colère), ces détenus extrêmement vulnérables font souvent l’objet de traitements punitifs et même de violence délibérée – ce qui est vraiment honteux.
380 La plus récente politique du Ministère sur le recours à la force stipule expressément que, quand des détenus montrent des signes de troubles mentaux ou sont connus pour leurs problèmes de santé mentale, le personnel correctionnel devrait envisager de faire intervenir le personnel de santé, de placer le détenu dans un environnement plus calme et d’utiliser des techniques de désescalade. Cependant, en l’absence d’une formation spécialisée en maladies mentales et autres déficiences qui influent sur le comportement, le personnel correctionnel peut mal interpréter le comportement des détenus et mal gérer ou précipiter des conflits.
381 En novembre 2010, le Ministère a instauré un programme pilote de formation sur la manière de gérer les détenus ayant des besoins spéciaux et des problèmes de maladie mentale. Il a continué ensuite de donner cette formation à certains membres du personnel correctionnel. Mais jusqu’à présent, il n’a formé que 214 employés dont 134 seulement travaillent dans des établissements pour adultes (p. ex., agents correctionnels, chefs des opérations et professionnels de la santé). Ce chiffre représente un très faible pourcentage – environ 3 % – des quelque 4 000 employés correctionnels de première ligne qui travaillent dans les prisons, les centres correctionnels, les centres de détention et les centres de traitement en Ontario.
382 Alors que nous rédigions ce rapport, la province était plongée dans une enquête du coroner sur la mort tragique d’Ashley Smith, une jeune détenue de 19 ans placée dans une prison fédérale, qui s’est tuée dans sa cellule alors que des gardiens veillaient. Comme le montre le cas de cette jeune fille, la gestion des détenus ayant des troubles émotionnels ou mentaux complexes et des problèmes de comportement pose des défis tout à fait particuliers dans le système correctionnel. Je trouve encourageant que le Ministère commence à former son personnel à cet égard, mais je crois que des efforts plus soutenus s’imposent. Une formation spécialisée en gestion des détenus atteints de déficiences qui peuvent jouer sur leur comportement devrait être donnée à toutes les nouvelles recrues et faire partie des connaissances de base du personnel correctionnel. Récemment, les efforts du Ministère en matière de formation du personnel ont surtout porté sur la rédaction des rapports et sur les politiques liées au recours à la force. Mais le Ministère devrait veiller à ce que des efforts renouvelés soient faits pour donner, en priorité, cette formation spécialisée à tout le personnel correctionnel responsable de traiter directement avec les détenus.
Recommandation 27
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait veiller, en priorité, à ce qu’une formation en gestion des détenus atteints de maladie mentale ou ayant des besoins spéciaux soit donnée aux recrues, ainsi qu’à tout le personnel correctionnel responsable de traiter directement avec les détenus.
383 Bien que les agents correctionnels soient tenus de se faire réaccréditer en tactiques défensives tous les deux ans, leur formation est souvent considérablement retardée. Certains des agents correctionnels que nous avons interviewés nous ont dit qu’ils n’avaient pas suivi cette formation depuis quatre ou cinq ans. L’un des facteurs qui contribuent à de tels retards est le manque d’instructeurs.
384 Les agents correctionnels des établissements pénitentiaires suivent des cours de perfectionnement en tactiques défensives donnés par des équipes composées d’un instructeur et d’un instructeur en chef. Ces instructeurs sont des bénévoles, bien souvent des agents correctionnels, qui ont reçu une formation spécialisée au Collège provincial. Ils sont au nombre de 97 en tout, dont 35 sont des instructeurs en chef. Quelque 23 postes d’instructeur sont vacants. De plus, tous les établissements n’ont pas à la fois un instructeur et un instructeur en chef, ce qui cause des retards dans les calendriers de formation.
385 Certains établissements correctionnels nous ont dit qu’ils ne parvenaient pas à faire face aux besoins de formation du personnel, en raison du manque d’effectifs. Le chef de la formation d’un centre de détention nous a dit que son établissement avait des années de retard dans ce perfectionnement en raison du manque de personnel et des difficultés à trouver un lieu adéquat et des moyens de transport. Un chef d’établissement adjoint de ce même centre a confirmé que les jours de formation prévus au calendrier étaient souvent annulés en raison du manque de personnel.
386 S’il ne suit pas régulièrement des cours de perfectionnement, le personnel correctionnel pourrait oublier les techniques appropriées et utiliser d’autres méthodes pour maîtriser les détenus. Certains agents correctionnels nous ont dit qu’ils ne se souvenaient plus des techniques apprises au Collège, mais qu’ils estimaient avoir de la chance car ils pouvaient compter sur leurs compétences en divers arts martiaux qu’ils avaient acquises pendant leur temps libre.
387 Les rapports de l’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle soulignent que les pratiques non autorisées sont devenues courantes dans certains établissements. Dans deux cas du Centre correctionnel du Centre-Nord – dont celui de George, le détenu – le personnel a considéré qu’il était acceptable de contraindre un détenu menotté à marcher à reculons, le corps plié à la taille et la tête baissée. L’Unité a consulté les formateurs au Ministère, qui ont confirmé que cette technique n’était aucunement approuvée et pouvait causer des problèmes de respiration et d’hypertension artérielle. L’Unité a noté que cette pratique de contraindre les détenus à se mettre dans cette position était apparemment acceptée dans l’établissement. Dans un cas, un détenu avait été forcé de marcher ainsi sous la supervision directe d’un chef des opérations. La politique du Ministère restreint l’utilisation des moyens de contention qui sont reliés les uns aux autres, liant par exemple les mains aux pieds, car ceci peut causer une asphyxie positionnelle et provoquer un arrêt cardiaque. La position que ces détenus ont été contraints de prendre s’inspirait fondamentalement de cette technique interdite.
Figure 9 : Centre correctionnel du Centre-Nord – George, un détenu, sous escorte.
Photo obtenue dans les dossiers du ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels.
388 Il est essentiel que le personnel correctionnel reçoive régulièrement une formation pertinente en tactiques défensives. La formation ne devrait pas pâtir constamment du manque de personnel. Il revient au Ministère de s’assurer que le personnel correctionnel reçoit une formation actualisée. Il ne lui suffit pas d’affirmer qu’une formation est requise. Il doit aller plus loin et veiller à ce que les ressources nécessaires soient en place pour que les établissements puissent s’acquitter de cette obligation. Le temps est venu aussi pour le Ministère d’envisager de créer des postes permanents pour garantir la formation sur le terrain.
Recommandation 28
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait s’assurer que le personnel correctionnel est régulièrement formé en tactiques défensives autorisées, et prendre des mesures pour créer des postes permanents de formateurs sur le terrain.
389 Quand les recrues quittent le Collège de formation correctionnelle de l’Ontario, elles peuvent être exposées sur le terrain à toutes sortes de techniques de recours à la force – qui ne sont pas toutes approuvées. Bien que les instructeurs bénévolves doivent signer une lettre par laquelle ils s’engagent à suivre le programme d’enseignement prescrit, la formation donnée aux agents chevronnés n’est pas surveillée à l’échelle provinciale en termes de qualité ou d’uniformité.
390 L’un des formateurs du Collège à qui nous avons parlé nous a dit qu’il était inquiétant que certains instructeurs en tactiques défensives, qui enseignent depuis longtemps, continuent d’échouer systématiquement à l’examen d’instructeur en chef. Il a dit douter que ces formateurs soient aptes à continuer de faire partie du programme. Il a aussi recommandé à la haute direction du Ministère de créer des équipes de surveillance pour garantir que les instructeurs s’en tiennent au programme prescrit de tactiques défensives. Il a exprimé certaines préoccupations quant aux techniques enseignées sur le terrain :
Il y a beaucoup de techniques sur le terrain que nous n’autorisons pas durant la formation. Beaucoup de gens font un tas de choses [comme des arts martiaux] en dehors de leur métier d’agents correctionnels… on ignore s’ils n’enseignent pas des variantes par rapport à nos pratiques… sans personne pour les surveiller.
391 Une formation incorrecte en tactiques défensives dans les établissements correctionnels pourrait contribuer à l’apparition de méthodes inappropriées de recours à la force, propres à chacun des établissements.
392 La formation en tactiques défensives n’est fructueuse que dans la mesure où les formateurs sont compétents. Le Ministère devrait prendre des mesures pour s’assurer que son programme de formation est le même dans tout le système correctionnel et que les formateurs enseignent uniquement les techniques autorisées. S’il ne le fait pas, il peut mettre en danger les détenus, de même que les membres du personnel correctionnel qui risquent de se trouver menacés, et de voir leur emploi menacé, en utilisant des méthodes qu’ils considèrent à tort comme des tactiques défensives acceptables.
Recommandation 29
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait instaurer un système pour surveiller la qualité et la cohérence de la formation en tactiques défensives donnée par des instructeurs bénévoles au personnel correctionnel.
393 Plusieurs des agents correctionnels et des hauts dirigeants que nous avons interviewés ont dit douter de la pertinence de la formation actuelle en tactiques défensives. Certains la considéraient théorique, irréaliste et peu utile dans le contexte de la vraie vie carcérale. Comme l’a dit un agent correctionnel :
Certains mouvements complexes peuvent paraître fantastiques sur une vidéo de formation, mais dans un espace resserré en prison… il n’y a pas de règle.
394 Il est difficile de dire si ces observations montrent que le Collège ne comprend pas les situations réellement vécues par le personnel correctionnel, ou que ce dernier ne saisit pas et n’applique pas les techniques autorisées qui lui sont enseignées.
395 Il n’existe pas de liste exhaustive des tactiques défensives approuvées, et nous avons été informés qu’une certaine souplesse est essentielle dans les situations où le personnel correctionnel doit prendre des décisions en une fraction de seconde pour se défendre ou pour protéger d’autres personnes d’un danger imminent. Toutefois, il serait utile que le Ministère fasse un sondage auprès des employés correctionnels pour savoir quelles mesures défensives ils emploient généralement avec les détenus. Ce sondage pourrait se faire de manière anonyme, pour favoriser un dialogue ouvert et honnête. Après avoir déterminé ce qui se passe vraiment dans le système correctionnel, le Ministère pourra orienter la formation et les directives sur les secteurs où les stratégies défensives pertinentes et sécuritaires semblent diverger des pratiques correctionnelles concrètes.
Recommandation 30
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait faire un sondage auprès des membres du personnel correctionnel pour déterminer quelles techniques de contrainte physique et de maîtrise sont réellement utilisées dans les établissements, afin d’orienter ses efforts de formation sur les secteurs problématiques.
396 Les agents correctionnels ont régulièrement recours à ce qu’ils appellent des « diversions » pour inciter les détenus réticents à coopérer. D’après les documents de formation du Collège de formation correctionnelle de l’Ontario, les méthodes de diversion ont pour but de détourner l’attention du détenu, pour permettre aux agents de prendre le contrôle de la situation. Ces diversions peuvent aller de simples cris ou hurlements à des techniques très complexes de diversion par la douleur et de désorientation. Les rapports d’incident mentionnent souvent des « diversions » ou des « diversions à main ouverte ». Habituellement, ces observations indiquent que l’agent a frappé un détenu de sa main ouverte. Si ces tactiques sont utilisées dans des circonstances où elles s’avèrent requises pour maîtriser un détenu qui résiste, elles ne sont généralement pas considérées comme un recours déraisonnable à la force. Toutefois, notre enquête a révélé qu’une confusion considérable règne quant à l’acceptabilité d’autres formes de diversion physique – notamment les coups de poing.
397 Quand Helen, la détenue, a reçu plusieurs coups de poing, l’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle a non seulement conclu que le recours à la force ne résultait pas d’une provocation, mais a aussi été informée par le coordonnateur provincial des programmes de recours à la force que les coups de poing ne faisaient pas partie des techniques de diversion enseignées ou approuvées par le Ministère dans le cadre de la formation en tactiques défensives. Si le Ministère n’autorise pas les coups de poing, peut-on considérer qu’ils sont acceptables dans certaines circonstances? La réponse semble être « peut-être » et « ça dépend ».
398 En février 2012, un détenu a écrit à notre Bureau, alléguant que, le 18 janvier 2012, des agents correctionnels du Centre de détention d’Ottawa-Carleton étaient entrés dans sa cellule, lui avaient sauté dessus et lui avaient cassé la main. Il n’y avait aucune preuve pour appuyer cette allégation d’agression en cellule, mais un enregistrement vidéo a montré des membres du personnel correctionnel en train d’essayer de maîtriser le détenu au sol et un agent en train de lui donner sept coups de poing sur le côté du corps. Selon l’établissement, le détenu était ivre car il avait bu trop « d’alcool de fabrication artisanale ». Il s’était montré menaçant et avait résisté alors que des membres du personnel l’escortaient vers l’isolement. Mais le détenu n’avait pas eu la main cassée alors, contrairement à ce qu’il alléguait : un examen médical a révélé que sa blessure au poignet était ancienne.
399 Néanmoins, durant l’examen interne effectué par l’établissement, le chef d’établissement adjoint s’est inquiété de l’intensité de la force utilisée contre ce détenu. L’équipe de gestion des risques a déterminé que la force utilisée était justifiée, vu l’état du détenu. La directrice régionale a fait remarquer que celui-ci aurait dû être menotté avant d’être escorté vers l’unité d’isolement, étant donné que son ivresse augmentait le risque qu’il devienne grossier ou violent. Cependant, quand elle a parlé de ce cas à mon Bureau, la directrice a justifié les « techniques de diversion approuvées » utilisées par les agents pour maîtriser le détenu. Elle a dit que, bien que les « diversions à main ouverte » soient plus généralement utilisées, les coups de poing avaient aidé à le maîtriser rapidement, vu son état d’ivresse et sa résistance.
400 La directrice a dit tout d’abord que le Collège de formation correctionnelle de l’Ontario avait une liste de toutes les techniques de diversion approuvées et qu’elle obtiendrait cette liste pour nous. Par la suite, elle a déclaré que cette liste n’existait pas et que le type de diversions utilisées par le personnel relevait d’une question de jugement.
401 Lors d’une enquête récente faite par l’Ombudsman de la Nouvelle-Galles du Sud[32], il est ressorti que, dans certains pays comme le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande, le personnel correctionnel est tenu de ne faire que des prises autorisées et n’a pas le droit d’improviser. Ceci dit, l’Ombudsman de la Nouvelle-Galles du Sud a souligné que les avis diffèrent sur la faisabilité de cette approche « en raison du caractère évolutif et imprévisible des incidents ».
402 Le Collège de formation correctionnelle de l’Ontario enseigne certaines mesures de contrôle approuvées. Les agents y apprennent aussi à éviter certains moyens de contrainte, qui sont expressément interdits. Mais aucune liste n’indique ce qui est permis ou pas. Les dirigeants ministériels ont déclaré qu’il ne serait pas pratique de prescrire officiellement les techniques approuvées, étant donné qu’il faut laisser une certaine liberté d’intervention aux agents en situations réelles. Cet argument a ses mérites. Mais il serait utile pour le personnel correctionnel, et pour les responsables chargés de surveiller sa conduite, de mieux clarifier quelles techniques de diversion et de gestion sont généralement acceptables et dans quelles circonstances elles le sont.
403 Par exemple, le Ministère pourrait communiquer une liste des techniques standard autorisées qui sont enseignées par le Collège. Il pourrait aussi indiquer les mesures qui présentent des risques de sécurité pour les détenus et qui sont donc interdites – comme la méthode problématique utilisée au Centre correctionnel du Centre-Nord, qui consiste à contraindre un détenu à marcher à reculons, courbé en deux.
Recommandation 31
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait émettre une liste des techniques défensives standard qui sont autorisées, et qui sont enseignées au Collège de formation correctionnelle de l’Ontario, ainsi que des mesures de maîtrise qui sont interdites.
404 Le Ministère pourrait aussi préciser clairement au personnel que, vu les situations changeantes et parfois explosives de la vie carcérale, certaines circonstances exceptionnelles méritent un recours à des mesures non inscrites parmi les techniques autorisées. Cependant, le Ministère devrait garder trace de tout écart par rapport aux normes. Il devrait exiger que le personnel correctionnel signale les cas où des techniques non autorisées ont été employées et qu’il explique en détail pourquoi il a jugé nécessaire de recourir à des mesures extraordinaires de diversion ou de contrôle.
Recommandation 32
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait modifier sa politique sur le recours à la force et ses politiques connexes, pour ordonner expressément que le recours aux techniques de maîtrise physique des détenus qui ne sont pas spécifiquement approuvées soit réservé aux cas exceptionnels, où ce recours est justifié par les circonstances.
Recommandation 33
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait modifier sa politique de rédaction des rapports pour stipuler que tout recours à des techniques de maîtrise physique des détenus qui ne sont pas autorisées doit être expressément signalé, et que les raisons d’utilisation de ces techniques doivent être pleinement expliquées dans les rapports connexes de l’établissement.
405 Alors que les agents correctionnels sont tenus – du moins en théorie – de suivre régulièrement un cours de perfectionnement en tactiques défensives, les chefs des opérations ne reçoivent pas cette formation. Les dirigeants ministériels nous ont dit que, dans la plupart des cas, les chefs des opérations sont d’anciens agents correctionnels qui ont été promus et qui ont donc l’expérience des techniques défensives. Néanmoins, nous avons appris que certains chefs des services correctionnels n’avaient peut-être jamais travaillé comme agents correctionnels, ou jamais reçu ne serait-ce qu’une formation de base en tactiques défensives.
406 En outre, certains chefs des opérations qui étaient d’anciens agents correctionnels nous ont dit que la formation en tactiques défensives avait évolué et qu’ils n’étaient pas au courant des pratiques actuellement autorisées.
407 Des chefs des opérations nous ont dit que cette formation insuffisante et désuète leur causait des difficultés considérables au travail. En effet, ils sont responsables de superviser les agents correctionnels quand ceux-ci ont recours à la force. De plus, la politique ministérielle exige qu’ils soient consultés avant l’utilisation de moyens de contention sur les détenus. Ils doivent aussi recueillir tous les rapports sur les incidents de recours à la force et vérifier que ceux-ci sont complets et exacts. Ces chefs des opérations ont dit qu’ils trouvaient difficile de superviser et de conseiller le personnel quand eux-mêmes ne comprenaient pas la terminologie utilisée par les agents dans leurs rapports et quand les techniques employées leur semblaient parfois peu familières. Voici ce qu’a dit un chef des opérations :
C’est drôle, une fois que vous êtes devenu chef des opérations, il n’y a plus de formation sur le recours à la force. Je ne comprends vraiment pas… S’ils doivent gérer le personnel qui utilise la force, s’ils doivent gérer les incidents de recours à la force, ils doivent bien connaître ça. Ils doivent comprendre. Or, ils n’ont… aucune des formations régulières données aux agents correctionnels… Ça me sidère.
408 Les chefs des opérations sont encore plus désavantagés quand ils doivent superviser des agents correctionnels qui sont membres des équipes d’intervention en cas de crise et d’extraction des détenus dans les établissements. Ces agents reçoivent une formation spécialisée en recours à la force et en techniques défensives et ils sont autorisés à utiliser ces techniques bien au-delà de ce qui est généralement permis aux agents correctionnels.
409 Le coordonnateur provincial des programmes de recours à la force a dit ceci à nos enquêteurs :
Il y a un écart majeur entre le mythe et la réalité. Ça ne va pas. Il y a tout un groupe de gens qui pense « Bon, ce sont des chefs des opérations, alors ils sont tous formés, ils savent tout ça ». Eh bien, non… Pour certains, leur dernier cours théorique sur le recours à la force remonte à une quinzaine d’années.
410 Pour illustrer le problème, le coordonnateur a mentionné un chef des opérations qui avait participé à un concours pour un poste de formateur en tactiques défensives. Il a expliqué que ce chef n’avait pu citer que deux des cinq situations où un recours à la force était autorisé. Pourtant, ce chef était responsable de superviser chaque jour des incidents de recours à la force.
411 Les chefs d’établissement et leurs adjoints sont aussi responsables de veiller à ce que seules les tactiques défensives appropriées soient utilisées contre les détenus. Conformément à la version modifiée de la politique ministérielle sur le recours à la force, une plus grande attention est maintenant portée à leur rôle dans l’examen de tels incidents et dans la surveillance exercée pour que toute force employée s’inscrive dans les limitées autorisées. Cependant, les hauts dirigeants ne reçoivent aucune formation en tactiques défensives, si ce n’est celle qui leur a été donnée s’ils ont travaillé comme agents correctionnels, des années auparavant.
412 Il y a un décalage considérable entre les attentes envers les chefs des opérations et les hauts dirigeants, qui sont censés s’assurer que seule une force raisonnable est utilisée, et le niveau de formation que ceux-ci reçoivent en tactiques défensives. Il faudrait y remédier. Tous les membres du personnel de supervision devraient aussi bien connaître les plus récentes tactiques défensives autorisées et la plus récente terminologie employée que les agents placés sous leur supervision.
Recommandation 34
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait s’assurer que tous les chefs des opérations et tous les hauts dirigeants de ses établissements reçoivent régulièrement une formation en tactiques défensives.
413 Un autre domaine où la formation fait défaut – ce qui peut avoir des répercussions sur la sécurité des détenus, des agents et du public – a trait aux services d’escorte des détenus dans la communauté. Le personnel correctionnel doit accompagner les détenus lors de rendez-vous médicaux, de funérailles et de visites à l’hôpital. Deux membres du personnel correctionnel, appelés « accompagnateurs pour les sorties dans la communauté », doivent alors être auprès du détenu en tout temps. Les directives du Ministère sur le recours à la force et les rapports à faire s’appliquent aux services d’escorte.
414 Depuis 2004, la formation de base des agents correctionnels comprend un programme d’instruction sur les sorties sous escorte dans la communauté. Ce programme inclut des sujets comme l’utilisation des matraques extensibles et des vaporisateurs d’oléorésine de capsicum (similaire au gaz poivré). Seuls les membres du personnel accrédités sont autorisés à porter de tels vaporisateurs. Pourtant, nous avons appris qu’en raison de pénuries de personnel, les agents formés avant 2004 – de même que des chefs des opérations qui n’ont jamais reçu de formation sur les sorties sous escorte – accompagnent parfois des détenus à des rendez-vous médicaux ou autres dans la communauté, en portant des armes qu’ils n’ont pas appris à utiliser. À l’automne de 2011, seuls 21 chefs des opérations dans toute la province avaient obtenu la certification requise pour utiliser ces vaporisateurs. Comme nous l’a dit un formateur en entrevue : « Je vous le dis, ils envoient chaque jour des chefs des opérations sur le terrain avec des armes qu’ils ne sont pas autorisés à porter. » Le Collège de formation correctionnelle de l’Ontario garde des relevés indiquant quels membres du personnel correctionnel ont la certification requise pour utiliser ces armes, mais les chefs des opérations n’ont pas facilement accès à ces renseignements.
415 Notre Bureau a reçu des plaintes de détenus alléguant qu’ils avaient été agressés alors qu’ils étaient escortés hors d’un établissement correctionnel. Une agente correctionnelle employée dans une prison nous a dit qu’à sa connaissance, l’utilisation d’une force excessive était courante lors des sorties sous escorte dans la communauté. Elle nous a donné l’exemple d’un détenu aux besoins spéciaux qui s’était plaint à elle, disant que deux agents l’avaient agressé alors qu’ils l’accompagnaient hors de la prison. Quand elle avait signalé l’incident à son supérieur, celui-ci lui avait dit que le détenu était « un trou du cul » et « avait eu ce qu’il méritait ». L’agente correctionnelle a refusé de communiquer plus de détails à notre Bureau, ce qui nous aurait permis de faire un suivi. Elle a expliqué qu’elle avait déjà souffert de représailles, entre autres d’une agression physique, de la part de ses collègues pour avoir simplement fait un rapport sur l’allégation d’agression du détenu à un supérieur.
416 Demander à des agents correctionnels d’escorter des détenus lors des sorties dans la communauté, en les munissant d’armes qu’ils n’ont pas été formés à utiliser, mène tout droit au désastre. Les risques liés à une utilisation impropre des armes lors de ces sorties exigent que des mesures correctives soient prises rapidement.
Recommandation 35
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait veiller à ce que seul le personnel correctionnel dûment formé et dûment certifié accompagne des détenus dans la communauté et se serve de vaporisateurs d’oléorésine de capsicum et de matraques, et il devrait s’assurer que les établissements ont accès à une liste actualisée confirmant quels membres du personnel détiennent la certification requise pour l’utilisation de ces armes.
417 Bien que les inspecteurs de l’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle consultent les instructeurs du Collège de formation correctionnelle de l’Ontario pour confirmer la pertinence de certaines techniques défensives, ils ne reçoivent aucune formation officielle sur ces tactiques. Le chef de la surveillance et des enquêtes nous a fait remarquer que les inspecteurs devraient être au courant des politiques et des normes puisqu’ils sont censés déterminer si des agents les ont respectées. Dans son rapport du 20 juin 2012, le chef a recommandé que tous les inspecteurs suivent une formation pertinente sur les compétences fondamentales. Bien que le chef n’ait pas mentionné spécifiquement la formation sur le recours à la force, le Ministère devrait s’assurer, dans l’esprit de cette recommandation, que les inspecteurs sont formés aux diverses politiques et normes dont ils doivent surveiller l’application.
Recommandation 36
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait s’assurer que les inspecteurs responsables d’enquêter sur les allégations de recours à une force excessive reçoivent une formation en tactiques défensives et dans d’autres domaines pertinents liés au recours à la force en milieu correctionnel.
418 Le Ministère a passé un temps considérable à réécrire ses politiques et procédures sur le recours à la force. Mais ses efforts resteront vains si le personnel correctionnel ne les lit pas et ne les comprend pas.
419 Plusieurs chefs correctionnels nous ont dit combien la fréquence des changements récents était frustrante, entre autres les nombreuses révisions au rapport d’enquête locale, qui ont été source de confusion et de travail fait en double, lorsqu’ils n’avaient pas utilisé la dernière version de ce document. Certains se sont dits inquiets de la mise en place de l’équipe de gestion des risques avant l’achèvement de la formation sur ce nouveau processus.
420 Des agents correctionnels de première ligne jusqu’aux chefs d’établissement en passant par les directeurs régionaux, des membres du personnel ont reconnu devant nous qu’ils n’avaient pas lu ou examiné « complètement » les modifications des politiques concernant le recours à la force. Certains se sont plaints, disant qu’il y avait trop peu d’ordinateurs dans leurs unités pour consulter les nouvelles politiques; d’autres ont tout simplement déclaré être trop occupés. Une grande partie des critiques les plus acerbes des nouvelles politiques n’avaient même pas lu les documents pertinents.
421 Le Ministère a souligné à plusieurs reprises que ses exigences fondamentales relatives au recours à la force n’avaient pas changé dans ses nouvelles politiques, et que les révisions visaient principalement à renforcer les responsabilités du personnel correctionnel, à tous les niveaux. Néanmoins, il est important que tous les membres du personnel concerné aient connaissance de ces exigences.
422 Nous avons découvert au moins un établissement qui faisait preuve de diligence pour que son personnel soit au courant des nouvelles politiques. La chef de ce centre de détention nous a dit qu’elle envoyait les révisions de politiques par courriel à tout le personnel, qu’elle les affichait dans les unités de séjour de l’établissement, et qu’elle exigeait leur lecture lors du rassemblement matinal.
423 Le Ministère a envoyé des notes de service aux établissements pour renforcer ses nouvelles politiques, demandant entre autres qu’elles soient lues pendant un certain temps au rassemblement matinal. Cependant, les exigences contenues dans les politiques restent apparemment peu connues du personnel. La mise en place de nouvelles politiques ne se fait jamais sans heurts, mais vu l’apparente résistance du système correctionnel aux changements de politique, le Ministère devra sans doute prendre des mesures supplémentaires pour souligner combien il importe que tout le personnel correctionnel se familiarise aux politiques et procédures. Une formation complémentaire pourrait s’avérer nécessaire, ou le Ministère devra peut-être exiger au moins que le personnel correctionnel prenne connaissance de toutes les politiques pertinentes et atteste par écrit les avoir lues et comprises.
Recommandation 37
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait prendre des mesures supplémentaires pour s’assurer que le personnel correctionnel est au courant de toutes les politiques et procédures concernant le recours à la force, et notamment donner une formation complémentaire et exiger que tous les membres du personnel reconnaissent avoir lu ces politiques et procédures.
424 De par le passé, l’application des politiques ministérielles sur le recours à la force a connu beaucoup de variantes dans la province. Dans certains établissements, un incident d’utilisation de la force n’était pas signalé si le détenu n’avait pas de blessures visibles. La nouvelle politique d’enquêtes du Ministère a pour objectif d’éliminer ces différences locales. Nous avons été informés qu’elle avait contribué à améliorer la situation. Cependant, des incohérences subsistent dans certains domaines.
425 Parfois, c’est une question de terminologie. Le 18 septembre 2012, le sous-ministre adjoint des Services en établissement a émis une note de service expliquant que la force devait être définie comme « excessive » ou « raisonnable », et non « inappropriée », comme l’écrivaient certains membres du personnel dans leurs rapports.
426 Notre enquête a révélé plusieurs pratiques contradictoires dans les établissements correctionnels.
427 Tout détenu qui allègue avoir été agressé par le personnel correctionnel peut porter des accusations – ou peut opter pour une enquête interne sur l’incident. Dans ces circonstances, le Ministère exige qu’un formulaire d’« avis du droit d’intenter des poursuites judiciaires/déposer des accusations au criminel » soit remis aux détenus. Mais les hauts dirigeants ministériels et les chefs d’établissement nous ont donné des explications divergentes sur la manière d’utiliser ce formulaire et sur la responsabilité de le distribuer aux détenus. Nous avons appris qu’il était courant pour certains membres du personnel correctionnel de proposer ce formulaire aux détenus à chaque recours à la force, pas simplement lors d’une allégation de recours à une force excessive. Dans ces cas, généralement, l’agent correctionnel qui a utilisé la force doit donner au détenu la possibilité de porter des accusations au criminel. Ceci est une source d’irritation considérable pour le personnel correctionnel. Comme nous l’a dit un chef d’établissement adjoint :
J’y vais, j’utilise la force contre un détenu dans le cadre de mon travail et puis je dois retourner voir ce détenu et lui dire, John, tu veux m’accuser?
428 En revanche, certains agents nous ont fait savoir qu’ils n’avaient jamais proposé ce formulaire à un détenu, quelles que soient les circonstances.
429 Récemment, le Ministère a accepté la recommandation faite par le chef de la surveillance et des enquêtes préconisant de confier aux chefs d’établissement la responsabilité d’informer les détenus de leur droit de porter des accusations contre le personnel. Ce changement réglerait les difficultés qui surviennent quand cette responsabilité revient aux agents impliqués. Cependant, comme chaque établissement n’a qu’un seul chef, le Ministère devra examiner la logistique de cette approche. Pour être réaliste, il devrait envisager que cette responsabilité puisse être déléguée en partie, afin que la remise de l’avis au détenu ne soit pas retardée si le chef d’établissement est occupé par d’autres activités.
430 Tout du moins, le personnel correctionnel impliqué dans un incident de recours à la force ne devrait jamais être tenu d’aviser le détenu de son droit de porter des accusations contre lui. Ceci est non seulement difficile pour le personnel, mais potentiellement intimidant pour le détenu qui peut avoir été victime d’un recours à une force déraisonnable.
431 Pour éviter toute autre confusion et écarter tout conflit d’intérêts, le Ministère devrait clarifier le processus à suivre pour aviser les détenus de leur droit de porter des accusations au criminel, et notamment s’assurer que les membres du personnel impliqués dans un incident de recours à la force contre un détenu ne sont pas responsables de lui parler de cette option.
Recommandation 38
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait immédiatement clarifier le processus concernant le formulaire d’« avis du droit d’intenter des poursuites judiciaires/déposer des accusations au criminel », et s’assurer que le personnel correctionnel impliqué dans tout incident de recours à la force contre un détenu n’est pas responsable de lui parler de l’option de porter des accusations au criminel.
432 Le personnel correctionnel que nous avons interviewé a aussi dit qu’il ne savait pas toujours quand il devrait appeler la police en cas de recours à la force. La version la plus récente de la politique ministérielle à ce sujet mentionne en termes généraux, dans une partie, que le chef des opérations doit aviser la police, mais elle ne donne des directives spécifiques que pour les cas où les détenus allèguent avoir été agressés par le personnel. Les hauts dirigeants ministériels, eux, nous ont dit que la police devait être appelée chaque fois que la force est utilisée, et ceci est conforme à un document de questions-réponses distribué aux établissements correctionnels en novembre 2011.
433 Le 2 décembre 2011, le sous-ministre adjoint des Services en établissement a envoyé une note de service à tous les directeurs régionaux confirmant que tous les incidents de recours à la force et toutes les allégations d’agression doivent être signalés à la police locale. Récemment, le sous-ministre adjoint du Soutien opérationnel nous a aussi dit que le Ministère émettrait une politique sur les avis à communiquer à la police et qu’il avait déjà consulté l’Ontario Association of Chiefs of Police à ce sujet.
434 Comme l’expression « recours à la force » couvre une vaste gamme de contacts physiques, il est quelque peu ambitieux de suggérer que la police devrait être avisée chaque fois que la force est utilisée. Le risque existe aussi qu’un trop grand nombre d’appels de routine à la police mène au syndrome du « garçon qui criait : au loup! », ce qui inciterait la police à être indifférente à de tels appels. Dans bien des cas que nous avons examinés, la communication avec la police semble être un geste de pure forme – quelques minutes au téléphone dans le but principal d’obtenir un numéro de dossier auprès de la police. En revanche, comme tout recours à la force pourrait s’avérer excessif après un examen plus approfondi, il serait peut-être justifié d’exiger par prudence que le personnel correctionnel communique régulièrement avec la police.
435 Face à cette ambiguïté, le Ministère devrait au moins modifier sa politique pour indiquer expressément quelles situations justifient un appel à la police. De préférence en consultation avec les autorités policières, le Ministère devrait aussi faire savoir quels renseignements fondamentaux le personnel de l’établissement doit communiquer à la police. En outre, le Ministère devrait s’assurer que des distinctions claires sont faites entre les différents types de situations, en termes de contexte et de gravité, et que le personnel donne suffisamment de renseignements à la police locale pour qu’elle décide en toute connaissance de cause d’intervenir ou non.
Recommandation 39
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait modifier ses politiques sur le recours à la force et ses politiques connexes pour préciser quelles situations justifient un appel à la police et pour donner des directives au personnel quant aux détails à communiquer.
436 Il ne faut pas simplement déterminer quand aviser la police en cas d’incidents de recours à la force, mais aussi décider qui doit le faire. Il est essentiel que les appels à propos de tels incidents soient pris au sérieux. Le personnel devrait donner suffisamment de renseignements à la police pour qu’elle puisse prendre une décision éclairée. Actuellement, ce sont les chefs des opérations qui doivent communiquer avec la police en cas de recours à la force. L’appel à la police doit être noté dans le rapport d’incident du contrevenant, qui doit être envoyé au chef d’établissement, au directeur régional et à l’unité de gestion de l’information dans l’heure qui suit l’incident.
437 Rien n’empêche actuellement un chef des opérations directement impliqué dans un tel incident d’être celui qui avise la police. C’est ce qui s’est passé dans le cas d’Albert, le détenu, où le chef des opérations impliqué a passé un appel de 22 secondes à la police, n’a pas décrit exactement les blessures d’Albert et a uniquement souligné qu’un agent avait été blessé. Rien d’étonnant dans ce cas que la police n’ait pris aucune mesure d’action. Il y a toujours un danger que les gestionnaires impliqués dans un incident sélectionnent, consciemment ou inconsciemment, les renseignements qu’ils communiquent, dissuadant ainsi la police d’intervenir.
438 Le chef de la surveillance et des enquêtes a recommandé que les chefs d’établissement – et non pas les chefs des opérations – soient responsables de communiquer avec la police, le cas échéant, dans ces circonstances. Le Ministère a accepté cette recommandation et, à compter de l’été 2013, il laissera aux chefs d’établissement la discrétion d’aviser la police. Au besoin, durant leurs absences, les chefs d’établissement délégueront leurs responsabilités aux chefs d’établissement adjoints ou aux superviseurs de quart. Ce changement devrait remédier à certains des problèmes de qualité des avis communiqués à la police lors de tels incidents, mais le Ministère devra surveiller la situation de près.
439 Le temps est un facteur clé dans les enquêtes criminelles. En cas de retard, certaines preuves peuvent disparaître ou être altérées. En conférant le droit d’aviser la police aux seuls chefs d’établissement, le Ministère devra veiller à ne pas réduire les possibilités qu’a la police locale d’enquêter en temps opportun sur les incidents de recours potentiels à une force excessive.
440 En outre, comme les chefs d’établissement devront parfois déléguer ce droit, le Ministère devrait s’assurer que les gestionnaires impliqués dans un incident ne se voient jamais assigner la tâche de communiquer avec la police à cet égard.
Recommandation 40
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait interdire au personnel de gestion impliqué dans tout incident de recours à la force d’aviser la police d’un tel incident.
Recommandation 41
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait faire un suivi de tout changement de sa politique sur les avis communiqués à la police, pour que celle-ci soit avisée en temps opportun de tout incident de recours à la force.
441 Le concept de la nouvelle équipe de gestion des risques, au Ministère, vise à garantir que les établissements effectuent des examens approfondis et cohérents des incidents de recours à la force, et prévoit que les hauts dirigeants rendent des comptes selon leurs secteurs de responsabilités. Cependant, notre enquête a révélé qu’il faut affiner davantage ce concept pour garantir des examens pertinents et faits en temps opportun.
442 La détection et la dissuasion en matière de violence contre les détenus sont particulièrement efficaces quand les autorités interviennent rapidement pour repérer les inconduites et pour y remédier. Plusieurs établissements nous ont fait savoir que les nouvelles exigences relatives aux enquêtes locales et aux rapports avaient ralenti le processus d’examen interne. Les membres des équipes de gestion des risques ont bien du mal à trouver le temps nécessaire, en dehors de leurs autres obligations, pour examiner diligemment les incidents et pour préparer les nouveaux rapports d’enquêtes locales.
443 En janvier 2013, nous avons appris qu’environ 100 dossiers étaient en attente d’une enquête locale au Centre correctionnel du Centre-Est. À la Prison de Toronto, 70 cas étaient inscrits à la liste d’attente et, au Centre de détention d’Ottawa-Carleton, il nous a été dit qu’il y avait d’importants retards.
444 Un détenu de la Prison de Toronto s’est plaint à notre Bureau que le personnel l’avait agressé les 10 et 16 avril 2012. Cinq mois plus tard, il n’y avait toujours pas de rapport d’enquête à propos des incidents. Le 20 août 2012, le chef de la prison a envoyé une note de service indiquant quels facteurs retardaient l’achèvement des enquêtes internes, citant entre autres le manque de certains rapports et l’absence d’examen des premiers rapports pour en vérifier l’exactitude et les signatures. Dans un autre cas que nous avons étudié, il a fallu cinq mois au Centre de détention d’Ottawa-Carleton pour terminer une enquête locale.
445 Le temps est l’ennemi lors de toute enquête. Quand il y a des retards, les preuves physiques peuvent disparaître et les souvenirs des témoins peuvent s’estomper. Entre-temps, les inconduites et les violences peuvent continuer, sans contrôle et, en fin de compte, les retards peuvent compromettre les possibilités de corroborer et de punir des actes de violence. Le grand nombre de cas en attente d’une enquête dans les divers établissements signale une tendance troublante.
446 Dans son rapport du 20 juin 2012, le chef de la surveillance et des enquêtes a recommandé que les grands établissements nomment un responsable chargé de gérer le processus de rapports d’enquêtes locales. Il a aussi préconisé que le Ministère crée un système commun de collecte électronique des données et installe une base de données locale sur les rapports d’enquêtes dans chaque établissement, pour éliminer les pertes de temps résultant de l’envoi des documents par télécopieur et par courrier aux bureaux régionaux et à l’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle. Le Ministère a accepté ces recommandations. Il s’est engagé à garantir une meilleure gestion du processus de rapports d’enquêtes locales et à revoir les recommandations sur la base de données au printemps 2013. Je suivrai les progrès accomplis par le Ministère dans l’apport de ces changements, mais mon inquiétude principale dans ce domaine reste le nombre grandissant d’enquêtes encore en souffrance. Le Ministère devrait surveiller activement ce qui se passe sur le terrain et faire en sorte que les établissements correctionnels de l’Ontario disposent des ressources nécessaires pour effectuer les enquêtes locales en temps opportun.
Recommandation 42
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait surveiller régulièrement le nombre d’incidents de recours à la force qui sont en attente d’une enquête locale, ainsi que le temps qu’il faut aux établissements pour examiner ces cas, et il devrait s’assurer que les établissements correctionnels disposent des ressources nécessaires pour effectuer des enquêtes locales approfondies en temps opportun.
447 Tous les membres des équipes de gestion des risques n’ont pas les mêmes compétences, ni la même expérience, et il se peut qu’ils aient des différences d’opinions. Cependant, la politique ministérielle sur les enquêtes locales ne fait pas de référence aux problèmes de désaccords.
448 Nous avons examiné un cas de recours à la force, survenu le 8 janvier 2012 au Centre correctionnel du Centre-Est, où l’évaluation des blessures du détenu faite par le personnel de santé ne concordait pas avec les descriptions des causes de blessures données par les agents correctionnels impliqués. Le chef de la sécurité de l’établissement, qui faisait partie de l’équipe de gestion des risques, a noté que les ecchymoses au visage du détenu ne semblaient pas coller avec les récits des agents affirmant que le détenu s’était lui-même cogné la tête par terre. Dans son rapport d’enquête locale, le chef de la sécurité a écrit ceci :
J’ai reçu des renseignements du chef des services de santé et du chef de l’équipe disant qu’il serait presque impossible à cette personne, ou à toute autre personne, de se blesser à ces endroits sans se blesser aussi à d’autres parties de la tête.
449 L’équipe de gestion des risques a demandé un suivi complémentaire au chef de la sécurité, ainsi qu’un rapport à l’un des infirmiers qui avait participé à l’évaluation. Mais en fin de compte, le chef d’établissement a apposé sa signature au rapport d’enquête locale, jugeant que la force utilisée était appropriée. Notre Bureau a parlé de ce cas avec la vérificatrice de la conformité en matière de recours à la force, au Ministère, qui a procédé à un examen et a décelé plusieurs problèmes.
450 En Ohio, le Department of Rehabilitation and Correction exige qu’un comité sur le recours à la force, composé de divers responsables, examine tous les incidents d’utilisation de la force. Contrairement à l’Ontario, sa politique stipule expressément que tout membre du comité qui est en désaccord avec la majorité peut joindre ses constatations et ses conclusions au rapport du comité. Ainsi, tout problème éventuel est identifié et peut justifier un examen ultérieur.
451 L’efficacité de l’approche de l’équipe de gestion des risques en Ontario se trouve considérablement affaiblie si les désaccords ne sont pas officiellement signalés et ne donnent pas lieu aux mesures qui s’imposent. Le simple fait qu’un membre de l’équipe de gestion des risques ait des inquiétudes justifie un examen plus approfondi. Le Ministère devrait veiller à ce que toute interprétation contradictoire ou toute question soulevée à propos d’un incident de recours à la force – par des professionnels de la santé, des membres de l’équipe de gestion des risques ou d’autres responsables – soit dûment inscrite dans le rapport d’enquête locale. En cas de décision de ne pas prendre d’autres mesures d’action, les autres membres de l’équipe et le chef d’établissement devraient être tenus d’expliquer dans le rapport pourquoi ces préoccupations n’ont pas mené à un examen plus poussé.
Recommandation 43
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait modifier sa politique sur le recours à la force et ses politiques connexes pour exiger que toute inquiétude ou tout désaccord à propos d’un incident de recours à la force, provenant du personnel de santé, des membres de l’équipe de gestion des risques ou d’autres responsables, soit inscrit dans le rapport d’enquête locale. Il devrait aussi exiger que, si aucune autre mesure d’action n’est recommandée, l’équipe de gestion des risques et le chef d’établissement indiquent explicitement pourquoi la décision a été prise de ne pas donner suite à ces questions.
452 En novembre 2011, le Ministère a créé le poste de vérificateur de la conformité en matière de recours à la force. La personne à ce poste est chargée d’examiner tous les rapports d’incident de recours à la force, d’effectuer des examens aléatoires de la documentation, des photos et des enregistrements vidéo, ainsi que de faire des recommandations et de donner des conseils aux hauts dirigeants à propos d’incidents spécifiques, d’améliorations des politiques et procédures, et de suivi des enquêtes. Le Ministère a aussi engagé l’Équipe de vérification judiciaire du ministère du Procureur général pour l’aider à concevoir son processus de vérification et à effectuer des vérifications ponctuelles des établissements, sur demande.
453 La vérificatrice qui occupait actuellement ce poste a examiné officieusement trois dossiers avant d’assumer officiellement la responsabilité des vérifications. De novembre 2011 au 26 janvier 2012, 43 autres dossiers ont été examinés, un peu partout dans la province. Deux ont été transmis à l’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle, en vue d’une enquête, et dans 17 cas, les établissements ont reçu l’ordre de rouvrir ou de continuer leurs enquêtes locales.
454 Les problèmes signalés par la vérificatrice en vue d’une enquête ultérieure étaient notamment les suivants : rapports présentant des récits contradictoires – ou étrangement similaires – d’un même incident, rapports d’enquêtes locales incomplets ou manquants, omission de signaler des recours à la force captés par des enregistrements vidéo et absence de suivi sur des allégations de recours à la force. La vérificatrice a aussi signalé d’autres problèmes, dont ceux-ci :
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Des chefs des opérations impliqués dans un incident avaient indûment participé à l’équipe de gestion des risques chargée d’examiner ce même incident.
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Certains rapports ne respectaient pas les normes minimales, omettant entre autres d’identifier tous les participants, témoins, blessures et traitements, détails de la force utilisée et actions du détenu qui avaient justifié l’emploi de la force (soulignons que beaucoup de ces rapports précédaient la formation sur la rédaction des rapports, récemment mise en place par le Ministère).
-
Des photographies de blessures des détenus ne correspondaient pas aux normes imposées, certaines étant incomplètes, manquantes ou mal étiquetées.
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Des renseignements sur les communications avec la police étaient incomplets.
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Dans un cas, une « cagoule anticrachats » avait été utilisée sans autorisation.
455 La vérificatrice a remis une analyse détaillée des problèmes aux directeurs régionaux et aux chefs d’établissement concernés, pour leur permettre de régler des dossiers particuliers et d’améliorer la qualité de la gestion des dossiers à l’avenir.
456 Au 16 janvier 2013, la vérificatrice de la conformité en matière de recours à la force avait aussi mené 60 examens officiels et deux vérifications ponctuelles conjointement avec l’Équipe de vérification judiciaire, qui a effectué une autre vérification ponctuelle indépendamment. La vérificatrice a continué de signaler des problèmes, citant entre autres la piètre qualité des rapports d’incident, le non-respect des délais pour les rapports d’incident des contrevenants et les rapports d’enquêtes locales, le non-respect des normes pour les photographies (photographies manquantes et étiquetage incorrect, entre autres), les rapports incomplets et le manque de plans d’action ou de recommandations détaillés quand des problèmes étaient signalés lors d’enquêtes locales.
457 La vérificatrice a mentionné un cas datant d’avril 2012 dans lequel des photos montraient un membre du personnel correctionnel marchant sur les pieds nus d’un détenu, alors que celui-ci avait les fers aux chevilles. Les rapports de l’établissement ne mentionnaient pas ces actes, qui n’avaient pas été signalés par le responsable de l’enquête. Les rapports des témoins et les photographies de suivi manquaient aussi au dossier.
458 Dans l’examen d’un autre dossier qui s’est achevé le 15 novembre 2012, la vérificatrice a noté que les agents avaient été autorisés à regarder la vidéo d’un incident avant de remplir leurs rapports.
459 La vérificatrice a fait un suivi de ses examens auprès des établissements et le Ministère a annoncé qu’il y avait eu des améliorations à cet égard. Une présentation ministérielle interne sur le processus de vérification des recours à la force datée du 3 octobre 2012 déclare que, dans l’ensemble, l’étude des dossiers sur l’utilisation de la force progresse mieux, les rapports requis sont mieux rassemblés, la police est appelée plus régulièrement, des enregistrements vidéo sont de plus en plus inclus aux dossiers, des photographies sont prises plus régulièrement, l’étiquetage des images numériques s’est amélioré, et les examens médicaux des détenus se font dans des délais opportuns.
460 Dans sa présentation, le Ministère a aussi souligné certains points qui méritent d’être améliorés, mentionnant entre autres que les rapports d’incident du contrevenant doivent être faits en temps opportun, que les rapports d’incident doivent répondre aux exigences des politiques et que les bureaux régionaux doivent uniquement clore les dossiers après avoir confirmé que toutes les mesures d’action requises ont été prises.
461 De plus, le Ministère a mentionné certaines initiatives qui ne donnent pas les résultats attendus, dont les suivantes :
-
Les échéanciers de rapports d’enquêtes locales ne sont pas respectés.
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Le formulaire de rapport d’enquête locale présente des problèmes.
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L’obligation pour les chefs d’établissement de signer tous les rapports d’enquêtes locales s’avère difficile à satisfaire pour ceux qui gèrent de grands établissements.
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L’obligation de signaler une inconduite quand un détenu refuse de se laisser photographier est problématique dans certains cas.
462 Le Ministère a fait savoir que les récentes modifications apportées à sa politique sur le recours à la force et sur le rapport d’enquête locale règlent maintenant ces problèmes.
463 La personne qui occupe le poste de vérificateur de la conformité en matière de recours à la force peut être une alliée solide pour détecter les cas de recours à une force excessive et de non-respect des politiques connexes. Mais il n’existe aucun critère pour l’aider à choisir quels incidents méritent un examen plus approfondi; les cas sont généralement sélectionnés au hasard. La nature arbitraire de ce processus de sélection pourrait réduire la capacité qu’a la vérificatrice d’identifier les cas problématiques.
464 Un détenu s’est plaint à notre Bureau que le personnel du Centre correctionnel du Centre-Est l’avait agressé le 8 janvier 2012, lui fracturant un poignet et une pommette. Notre examen de ce dossier a soulevé plusieurs questions et, vu la gravité des blessures du détenu, nous avons suggéré que son cas soit transmis à la vérificatrice. Après avoir étudié ce dossier, celle-ci a confirmé plusieurs problèmes. Les rapports d’incident n’étaient pas suffisamment détaillés et ne répondaient pas aux normes de rédaction standard. Il y avait des incohérences dans les rapports, les photographies de suivi n’avaient pas été prises dans les délais requis, et toutes les blessures du détenu n’avaient pas été documentées. Depuis, le bureau régional a préparé un plan d’action pour s’assurer que cet établissement respecte les exigences ministérielles à l’avenir. Soulignons toutefois que ce cas n’aurait probablement pas retenu davantage l’attention si nous ne l’avions pas signalé à la vérificatrice.
465 Le Ministère a mis en place des mesures de contrôle pour protéger les détenus contre les recours à une force excessive. Ses exigences sont maintenant plus strictes en ce qui concerne les enquêtes internes des équipes de gestion des risques et les examens des agents régionaux. Le vérificateur contribue aussi à combattre les violences perpétrées contre les détenus et à promouvoir les bonnes pratiques opérationnelles. Toutefois, le Ministère devrait envisager d’établir des critères pour détecter les cas qui justifient un examen plus approfondi, en plus des examens sélectionnés au hasard.
466 Tout cas de blessure grave – toute fracture ou tout autre problème exigeant un traitement hospitalier – devrait être examiné de manière plus approfondie et le dossier devrait être transmis au vérificateur, pour examen. De plus, ce dernier devrait avoir un moyen de faire un suivi des dossiers de chaque établissement, en surveillant quels membres du personnel ont été impliqués, afin de déterminer les tendances. Une montée en flèche d’incidents dans des établissements particuliers, ou impliquant des personnes particulières, pourrait justifier un examen plus approfondi. En outre, chaque fois qu’une force exceptionnelle est utilisée, avec des techniques non spécifiquement approuvées par le Collège de formation correctionnelle de l’Ontario, le vérificateur devrait examiner le dossier à titre de mesure de sécurité complémentaire.
Recommandation 44
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait s’assurer que des critères sont établis pour guider le vérificateur de la conformité en matière de recours à la force dans la sélection des cas justifiant un examen plus approfondi, incluant la prise en compte de la nature des blessures, du type de force physique utilisée et des tendances relativement à des établissements ou des employés particuliers.
467 En vertu de l’article 21 de la Loi sur l’ombudsman, j’ai le pouvoir de formuler certaines opinions et de faire des recommandations sur les problèmes de mauvaise administration que révèlent mes enquêtes.
468 Dans ce cas, je considère que, pour réduire les risques de recours à une force excessive, le Ministère doit concentrer ses efforts sur les pressions pernicieuses qui s’exercent entre collègues et qui continuent d’influer sur les attitudes et les actes de certains agents correctionnels. La tâche sera herculéenne pour changer une culture interne profondément ancrée et orienter ses valeurs non plus sur la solidarité entre collègues mais sur un plus grand respect et une plus grande attention pour les besoins des détenus. Je trouve encourageants les efforts faits récemment par le Ministère pour revoir et renforcer ses politiques, garantir des enquêtes plus rigoureuses sur les allégations de recours à une force excessive, et prendre des mesures plus décisives afin de remédier aux problèmes de violence contre les détenus une fois que ces problèmes ont été détectés. J’espère aussi que les nouveaux efforts de recrutement donneront des résultats positifs. En revanche, je crois que le manquement du Ministère à agir plus vite et plus efficacement pour élaborer et instaurer des politiques, des pratiques et des stratégies de prévention afin de protéger les détenus des recours à une force excessive est déraisonnable et erroné, conformément aux alinéas 21 (1) b) et d) de la Loi sur l’ombudsman.
469 Le Ministère a pris des mesures initiales fermes dans la bonne direction, mais il devra y donner suite. Il a pour devoir de veiller au bien-être de tous ceux qui se trouvent dans ses établissements correctionnels, particulièrement ceux qui sont confiés à sa garde. Il doit prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger les détenus contre les violences commises par ceux qui sont censés les protéger. Il doit donc notamment adopter des mesures d’action vigoureuses pour éradiquer la loi du silence, qui menace la sécurité des détenus tout comme celle des membres du personnel correctionnel.
470 Par conséquent, je fais les recommandations suivantes en vertu du paragraphe 21 (3) de la Loi sur l’ombudsman.
Recommandation 1
Le sous-ministre des Services correctionnels devrait émettre une directive à l’intention de tout le personnel correctionnel l’avisant que la loi du silence ne sera pas tolérée et que tous ceux qui se taisent face à elle, ou qui prennent des mesures pour l’appliquer, feront l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’à inclure le congédiement.
Recommandation 2
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait modifier son ébauche de Code de Conduite, sa politique sur les menaces contre le personnel des services correctionnels et autre personnel, et son Programme de prévention de la violence en milieu de travail, afin de faire spécifiquement référence à la loi du silence et aux mesures en place pour le personnel victime de son application.
Recommandation 3
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait s’assurer que sa haute direction est informée de toute allégation de représailles pour bris de la loi du silence, que ces cas sont traités rapidement et soumis à une enquête indépendante prompte et approfondie.
Recommandation 4
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait garantir que ses hauts dirigeants, au sein du Ministère, sont les premiers à assumer la responsabilité d’aider les agents victimes de représailles pour bris de la loi du silence, qu’ils s’efforcent d’expulser du système correctionnel les employés qui se livrent à de telles représailles, et qu’ils font activement des recherches pour trouver d’autres postes aux victimes, le cas échéant.
Recommandation 5
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait régulièrement fournir à tout le personnel correctionnel des renseignements sur les mesures d’action qu’il a prises, dans des cas individuels, pour remédier à la loi du silence.
Recommandation 6
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait s’assurer que toutes les nouvelles recrues reçoivent des instructions sur les incidents liés à un recours à une force excessive et à l’application de la loi du silence, incluant des renseignements sur les sanctions disciplinaires et les conséquences pénales d’une telle inconduite. Il devrait aussi leur faire savoir comment demander de l’aide en cas de pressions visant à faire respecter la loi du silence.
Recommandation 7
Le Ministère devrait instaurer une politique stipulant que les membres du personnel correctionnel impliqués dans un incident de recours à la force doivent rester isolés pendant qu’ils rédigent leurs rapports d’incident et s’abstenir de communiquer les uns avec les autres, directement ou indirectement, à propos de l’incident jusqu’à la fin de toute enquête interne ou externe à cet égard.
Recommandation 8
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait reconsidérer les ressources mises à la disposition des membres du personnel correctionnel et s’assurer qu’ils disposent de la technologie adéquate et du temps nécessaire pour faire des rapports complets sur les incidents de recours à la force.
Recommandation 9
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait modifier sa politique de rédaction des rapports pour interdire à tout le personnel correctionnel de conférer avec quiconque au sujet de la préparation des rapports en établissement, sauf pour répondre à des demandes de clarification durant un examen interne fait par le personnel de gestion ou une enquête externe sur les incidents de recours à la force.
Recommandation 10
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait interdire aux agents correctionnels de communiquer à leurs représentants syndicaux tout renseignement, rapport d’incident ou autre rapport fait en établissement sur les incidents de recours à la force, à moins que ces rapports n’aient été soumis au personnel de gestion et approuvés par lui, que le chef d’établissement n’ait approuvé cette divulgation, et que le représentant syndical ne se soit engagé par écrit à ne pas divulguer à d’autres les renseignements ou les rapports.
Recommandation 11
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait ordonner qu’aucun membre du personnel impliqué dans un incident de recours à la force ne soit autorisé à consulter ou à représenter un autre membre du personnel, relativement à cet incident.
Recommandation 12
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait interdire la représentation conjointe d’agents correctionnels lors des enquêtes locales et externes sur les incidents de recours à la force.
Recommandation 13
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait revoir ses politiques sur le recours à la force pour ordonner qu’aucun membre du personnel impliqué dans un incident de recours à la force ne soit présent quand les détenus sont photographiés, sont interrogés par des chefs, font leur déclaration pour le formulaire d’accident ou sont examinés par le personnel de santé.
Recommandation 14
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait veiller à ce que les agents correctionnels impliqués dans des incidents de recours à la force ne soient pas présents quand le personnel de santé remplit les rapports d’accident et qu’ils n’aient pas accès à ces rapports une fois que le personnel de santé a noté ses observations.
Recommandation 15
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait s’assurer que tous les établissements correctionnels disposent de l’équipement d’imagerie numérique requis pour prendre des photos précises et claires des blessures des détenus, et qu’ils forment le personnel concerné à l’utilisation correcte de cet équipement ainsi qu’aux exigences de sa politique sur les images numériques des blessures des détenus.
Recommandation 16
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait exiger que des photographies des blessures des détenus soient prises avant le nettoyage de toute partie blessée, ainsi qu’après, pour obtenir une documentation exacte.
Recommandation 17
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait exiger que le personnel correctionnel prenne, et conserve au dossier, des photographies des vêtements du détenu et des lieux de l’établissement qui ont été endommagés ou souillés lors de tout incident de recours à la force.
Recommandation 18
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait modifier sa politique sur les images numériques des blessures des détenus pour interdire expressément au personnel correctionnel impliqué dans tout incident de recours à la force de prendre des images numériques des blessures des détenus, ou d’être présent lors de la prise des photographies.
Recommandation 19
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait renforcer l’obligation de photographier les blessures du personnel et exiger que ces photos soient conservées dans le dossier de chacun des incidents de recours à la force.
Recommandation 20
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait continuer de renforcer la capacité de télévision en circuit fermé des établissements correctionnels, à titre prioritaire, et veiller à ce que ces systèmes :
- soient placés de sorte à permettre une observation maximale des interactions entre les détenus et les membres du personnel correctionnel;
- permettent des enregistrements clairs et précis;
- soient compatibles avec l’équipement utilisé par les bureaux régionaux et par l’Unité des enquêtes et de la sécurité en matière correctionnelle.
Recommandation 21
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait élaborer une politique exigeant que tous les établissements correctionnels conservent des copies des enregistrements de vidéosurveillance durant une période identique et raisonnable.
Recommandation 22
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait installer des caméras vidéo dans les véhicules utilisés pour transporter les détenus.
Recommandation 23
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait instaurer une politique exigeant que le personnel correctionnel utilise une caméra portative et un équipement d’enregistrement audio durant tous les incidents de recours à la force.
Recommandation 24
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait faire des vérifications périodiques des systèmes de télévision en circuit fermé dans ses établissements correctionnels, pour s’assurer qu’ils fonctionnent correctement, enregistrent clairement les événements, sont bien placés et sont compatibles avec l’équipement utilisé par le Ministère lors de ses examens et de ses enquêtes sur les cas de recours à la force.
Recommandation 25
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait modifier sa politique de rédaction des rapports et ses autres politiques sur le recours à la force pour interdire au personnel correctionnel impliqué dans un incident de recours à la force de regarder la vidéo de cet incident et pour s’assurer que l’accès aux vidéos de sécurité est réservé à ceux qui participent directement à l’enquête sur l’incident.
Recommandation 26
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait s’assurer que tout le personnel correctionnel, dont le personnel de gestion, reçoit périodiquement une formation sur les moyens de dissiper l’hostilité.
Recommandation 27
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait veiller, en priorité, à ce qu’une formation en gestion des détenus atteints de maladie mentale ou ayant des besoins spéciaux soit donnée aux recrues, ainsi qu’à tout le personnel correctionnel responsable de traiter directement avec les détenus.
Recommandation 28
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait s’assurer que le personnel correctionnel est régulièrement formé en tactiques défensives autorisées, et prendre des mesures pour créer des postes permanents de formateurs sur le terrain.
Recommandation 29
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait instaurer un système pour surveiller la qualité et la cohérence de la formation en tactiques défensives donnée par des instructeurs bénévoles au personnel correctionnel.
Recommandation 30
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait faire un sondage auprès des membres du personnel correctionnel pour déterminer quelles techniques de contrainte physique et de maîtrise sont réellement utilisées dans les établissements, afin d’orienter ses efforts de formation sur les secteurs problématiques.
Recommandation 31
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait émettre une liste des techniques défensives standard qui sont autorisées, et qui sont enseignées au Collège de formation correctionnelle de l’Ontario, ainsi que des mesures de maîtrise qui sont interdites.
Recommandation 32
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait modifier sa politique sur le recours à la force et ses politiques connexes, pour ordonner expressément que le recours aux techniques de maîtrise physique des détenus qui ne sont pas spécifiquement approuvées soit réservé aux cas exceptionnels, où ce recours est justifié par les circonstances.
Recommandation 33
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait modifier sa politique de rédaction des rapports pour stipuler que tout recours à des techniques de maîtrise physique des détenus qui ne sont pas autorisées doit être expressément signalé, et que les raisons d’utilisation de ces techniques doivent être pleinement expliquées dans les rapports connexes de l’établissement.
Recommandation 34
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait s’assurer que tous les chefs des opérations et tous les hauts dirigeants de ses établissements reçoivent régulièrement une formation en tactiques défensives.
Recommandation 35
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait veiller à ce que seul le personnel correctionnel dûment formé et dûment certifié accompagne des détenus dans la communauté et se serve de vaporisateurs d’oléorésine de capsicum et de matraques, et il devrait s’assurer que les établissements ont accès à une liste actualisée confirmant quels membres du personnel détiennent la certification requise pour l’utilisation de ces armes.
Recommandation 36
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait s’assurer que les inspecteurs responsables d’enquêter sur les allégations de recours à une force excessive reçoivent une formation en tactiques défensives et dans d’autres domaines pertinents liés au recours à la force en milieu correctionnel.
Recommandation 37
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait prendre des mesures supplémentaires pour s’assurer que le personnel correctionnel est au courant de toutes les politiques et procédures concernant le recours à la force, et notamment donner une formation complémentaire et exiger que tous les membres du personnel reconnaissent avoir lu ces politiques et procédures.
Recommandation 38
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait immédiatement clarifier le processus concernant le formulaire d’« avis du droit d’intenter des poursuites judiciaires/déposer des accusations au criminel », et s’assurer que le personnel correctionnel impliqué dans tout incident de recours à la force contre un détenu n’est pas responsable de lui parler de l’option de porter des accusations au criminel.
Recommandation 39
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait modifier ses politiques sur le recours à la force et ses politiques connexes pour préciser quelles situations justifient un appel à la police et pour donner des directives au personnel quant aux détails à communiquer.
Recommandation 40
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait interdire au personnel de gestion impliqué dans tout incident de recours à la force d’aviser la police d’un tel incident.
Recommandation 41
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait faire un suivi de tout changement de sa politique sur les avis communiqués à la police, pour que celle-ci soit avisée en temps opportun de tout incident de recours à la force.
Recommandation 42
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait surveiller régulièrement le nombre d’incidents de recours à la force qui sont en attente d’une enquête locale, ainsi que le temps qu’il faut aux établissements pour examiner ces cas, et il devrait s’assurer que les établissements correctionnels disposent des ressources nécessaires pour effectuer des enquêtes locales approfondies en temps opportun.
Recommandation 43
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait modifier sa politique sur le recours à la force et ses politiques connexes pour exiger que toute inquiétude ou tout désaccord à propos d’un incident de recours à la force, provenant du personnel de santé, des membres de l’équipe de gestion des risques ou d’autres responsables, soit inscrit dans le rapport d’enquête locale. Il devrait aussi exiger que, si aucune autre mesure d’action n’est recommandée, l’équipe de gestion des risques et le chef d’établissement indiquent explicitement pourquoi la décision a été prise de ne pas donner suite à ces questions.
Recommandation 44
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait s’assurer que des critères sont établis pour guider le vérificateur de la conformité en matière de recours à la force dans la sélection des cas justifiant un examen plus approfondi, incluant la prise en compte de la nature des blessures, du type de force physique utilisée et des tendances relativement à des établissements ou des employés particuliers.
Recommandation 45
Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait faire rapport à mon Bureau, dans six mois, sur les progrès qu’il aura accomplis dans la mise en œuvre de mes recommandations, puis tous les six mois jusqu’à ce que je sois convaincu que des mesures adéquates ont été prises en ce sens.
471 Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels a eu l’occasion de faire des observations sur mes constatations, ma conclusion et mes recommandations préliminaires. Le 22 mai 2013, le sous-ministre des Services correctionnels a donné réponse, indiquant quelles mesures le Ministère prendrait pour appliquer mes recommandations.
472 Le sous-ministre a fait ces remarques :
Le recours à une force excessive ne sera pas toléré dans nos établissements correctionnels, et les enquêtes sur tous les incidents de recours à la force doivent satisfaire à l’examen le plus minutieux. Comme vous l’avez indiqué dans votre ébauche de rapport, le Ministère a pris des mesures initiales fermes pour renforcer le système et pour contribuer à prévenir les incidents de recours à une force excessive à l’avenir. […]
Toutefois, il reste encore du travail à faire. La majorité des membres du personnel correctionnel se conduisent de manière responsable et s’acquittent de leurs devoirs professionnellement. Cependant, il est clair que nous devons faire davantage pour briser « la loi du silence » qui entrave les enquêtes et qui intimide les détenus et les membres du personnel qui osent parler […]
Votre rapport servira d’excellente feuille de route pour construire à partir des mesures déjà prises par le Ministère afin de renforcer la conformité, la responsabilisation et la surveillance dans nos établissements.
473 Le sous-ministre a souligné que le Ministère s’engageait à garantir la sûreté et la sécurité de ses établissements, de son personnel et de ceux qui sont sous sa garde, et qu’il convenait de fournir des rapports d’étape à mon Bureau tous les six mois.
474 La réponse intégrale du sous-ministre est jointe à l’Annexe A de ce rapport.
475 Je suis satisfait de la réponse donnée par le Ministère à mon rapport et je continuerai de surveiller les progrès accomplis par lui dans la mise en œuvre de mes recommandations.
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André Marin
Ombudsman de l’Ontario
Annexe A : Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletRéponse du ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels (PDF - en anglais)
Annexe B : Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletNombre de détenus et capacité des établissements correctionnels, au 8 avril 2013 (PDF - en anglais)
[1] Tout au long de ce rapport, le terme « agression » est utilisé au sens général pour décrire un recours non consenti à une force déraisonnable et excessive contre un détenu. Sauf indication contraire, l’emploi de ce terme ne signifie aucunement que des accusations criminelles ont été portées, ou qu’il y a eu condamnation.
[2] Les noms des personnes dont l’histoire est présentée dans ce rapport ont été rendus anonymes, grâce à l’emploi d’une séquence « A-B-C » (Albert, Brian, Colin, etc.), par crainte de représailles potentielles au sein du système correctionnel.
[3] Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 25.
[4] Ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels, Institutional Services Policy and Procedures Manual, Report Writing (publication : 1er mars 2012) [Policy and Procedures Manual]. Voir aussi, Policy and Procedures Manual, Use of Force (publication : 18 novembre 2011).
[5] Ibid.
[6] Ibid.
[7] Supra note 4, Policy and Procedures Manual, Digital Images of Inmate Injuries (publication : 18 novembre 2011).
[8] Depuis 2007, le Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario offre un Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletcours de formation aux enquêteurs de l’administration, en mode de recouvrement complet des coûts. Il a formé des centaines d’employés d’organismes ontariens et des gens d’ailleurs dans le monde.
[9] Les photos incluses dans ce rapport ont été obscurcies pour protéger l’identité des personnes, comme il se doit.
[10] La ponctuation a été modifiée, par souci de clarté.
[11] Supra note 4, Policy and Procedures Manual, Use of Force (publication : 18 novembre 2011).
[12] [2011] O.J. No 3147 (Cour de justice de l’Ontario).
[13] Ibid. par. 59.
[14] Ibid. par. 70.
[15] Ibid par. 74.
[16] Ibid.
[17] R. v. Rosa, 2012 [2012] O.J. No 2035 (Cour supérieure de justice de l’Ontario).
[18] Bevan v. Ontario, [2010] O.J. No 2910] (Cour supérieure de justice de l’Ontario).
[19] Ibid. par. 43.
[20] Tous ces commentaires (tweets) faits sur Twitter ont été écrits en anglais. Nous les reproduisons ici, traduits en français. Nous avons conservé les noms d’utilisateur des auteurs de ces tweets mais nous avons éliminé les autres noms mentionnés dans les tweets. Dans le premier tweet, la photo montre l’édifice où se trouve le Bureau de l’Ombudsman.
[21] Cette citation est tirée d’un article non daté, apparemment publié dans la London Free Press, et qui a été trouvé dans l’Inspector Study and Training Program, Services de justice pour la jeunesse, du Ministère.
[22] R. c. Bellusci, [2012] CSC 44 par. 24 [Bellusci]
[23] R. v. Sammy, [2004] O.J. No 598 (Cour de justice de l’Ontario).
[24] OPSEU v. Ontario (Ministry of Community Safety and Correctional Services) (Gillis Grievance), [2008] O.G.S.B.A. No 84 par. 113-114 (ON GSB) [Gillis Grievance].
[25] OPSEU v. Ontario (Ministry of Community Safety and Correctional Services) (Zolnierczyk Grievance), [2011] O.G.S.B.A. No 18 par. 67 (ON GSB).
[26] Gillis Grievance, supra note 23 par. 191
[27] OPSEU v. Ontario (Ministry of Community Safety and Correctional Services) (Beltrano Grievance), [2008] O.G.S.B.A. No 143 par. 125 (ON GSB).
[28] Collège de formation correctionnelle de l’Ontario, ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels, Correctional Officer Report Writing – Risk Management Training (Reference Guide) (Imprimeur de la Reine, 2012).
[29] Schaeffer v. Ontario (Provincial Police), 2011 ONCA 716; requête pour permission d’appeler recueillie, Wood v. Schaeffer, [2012] S.C.C.A. No 6.
[30] Ce lien s’ouvre dans un nouvel ongletLes deux rapports peuvent être consultés en ligne.
[31] Bellusci, supra note 21.
[32] Ombudsman de la Nouvelle-Galles du Sud, Australie, Managing use of force in prisons: the need for better policy and practice (Special Report to Parliament under s. 31 of the Ombudsman Act 1974), par Bruce Barbour (ISBN 978-1-921884-71-9, NSW Ombudsman, juillet 2012, à 15.